La propriété industrielle : définition, législation applicable…

  La propriété industrielle : définition  

Le droit de la propriété industrielle est indissociable du droit de la propriété littéraire et artistique (= les droits d’auteur) : ils forment un tout, que l’on appelle la propriété intellectuelle. 

 

  • 1 : La notion de propriété industrielle

D’une façon générale, les droits de propriété intellectuelle sont des droits exclusifs, temporaires, accordés par l’Etat en vue de favoriser l’exploitation de créations intellectuelles. Ces droits ont pour finalité la promotion du développement technologique, mais également culturel.  

 

En assurant à l’auteur de la création une protection, le législateur entend encourager cette création. Pour ce faire, il lui est accordé un monopole qui vise à empêcher les tiers de « piller » la création d’autrui, et de tirer un profit des investissements réalisés par le créateur. On remarque donc la volonté du législateur de dresser une sorte de zone de démarcation autour de l’auteur, afin de l’encourager à créer pour qu’il ait le monopole de sa création. 

 

Pour autant, la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique se distinguent par plusieurs caractéristiques. Une des distinctions essentielles tient au fait que le droit d’auteur est reconnu automatiquement au créateur, tandis que les droits de propriété industrielle sont reconnus par l’autorité publique à la suite d’une demande formée par l’intéressé auprès d’une autorité spécialement habilitée qui examinera la recevabilité de la demande. 

 

Que recouvre la propriété industrielle ? 

La propriété industrielle recouvre des éléments assez divers : 

  • Tout d’abord, elle couvre de véritables créations industrielles. Pour ce faire, on a recours au droit des brevets, qui protège ce qu’on appelle l’invention  
  • La propriété industrielle couvre également le droit des marques, qui est en fait inclus dans une catégorie plus large, qu’on appelle le droit sur les signes distinctifs[ 
  • Le droit de la propriété industrielle couvre également le droit des dessins et des modèles, qui a vocation à protéger les créations ornementales  
  • Enfin, plus spécifiquement, la propriété industrielle inclut le droit des obtentions végétales, qui s’applique aux variétés végétales 

 

  • 2 : La nature juridique des droits de propriété industrielle

Pour comprendre la nature juridique des droits de propriété industrielle, il faut replacer la matière dans son contexte. Le droit de la propriété industrielle, et plus largement le droit de la propriété intellectuelle, entretient des liens avec d’autres disciplines du droit. 

 

Le droit de la propriété industrielle est en lien direct avec :  

 

  • Le droit commercial : la propriété industrielle est un élément constitutif du fonds de commerce, classé dans la catégorie des éléments incorporels ;

 

  • Le droit des sociétés : les droits de propriété intellectuelle peuvent faire l’objet d’apports en société, apports en contrepartie desquels l’apporteur recevra des droits sociaux.

 

Cela permet de comprendre que, malgré leur appellation de « droits de propriété intellectuelle », ces droits ont une valeur pécuniaire. Ils sont susceptibles de faire l’objet d’une évaluation patrimoniale. Ce sont donc des droits patrimoniaux. 

 

Pour aller encore plus loin dans la détermination de la nature juridique des droits, il faut également se rapprocher du droit civil des biens. Le rapport entre les matières n’est pas le même, mais il est néanmoins fondamental, car c’est celui qui permet le mieux de saisir la nature juridique de ces droits. Quand on aborde le droit civil des biens, le rapport essentiel est le droit de propriété. Toutefois, le droit de propriété y est abordé dans son sens classique. Autrement dit, un droit de propriété qui porte sur un objet corporel. 

 

Exemple : les valeurs mobilières. 

 

Les droits de propriété intellectuelle conduisent en fait à aborder la propriété sous un angle assez différent, puisque la propriété dans ce cas-là porte sur un droit, donc sur un élément incorporel. Pour autant, l’on considère aujourd’hui que le contenu des droits de propriété industrielle est de nature à permettre de déterminer la nature juridique de ces droits. Il y a bien une différence dans l’objet, puisqu’on est face à un objet abstrait : la propriété intellectuelle (contrairement à un bien corporel).  

 

On s’aperçoit que l’objet intellectuel possède les trois attributs du droit de propriété au sens classique du terme : 

 

  • L’usus; 

 

  • Le fructus; 

 

  • L’abusus.

 

Tout d’abord, le propriétaire du droit dispose de l’usus, c’est-à-dire de la marque, du modèle, etc. Cet usus présente une caractéristique qui est d’être exclusif. C’est l’une des caractéristiques du droit de propriété intellectuelle de reconnaître un monopole d’exploitation, une exclusivité au titulaire de ce droit. 

 

Le système des brevets a été conçu pour favoriser sur un plan économique ceux qui, par leur invention, contribuent aux progrès techniques. De ce fait, le titulaire du brevet bénéficie d’un monopole d’exploitation. En contrepartie, la collectivité toute entière – la société civile – doit pouvoir bénéficier du progrès réalisé grâce à cette invention, et ce bénéfice résulte de la connaissance intellectuelle qu’elle peut avoir de l’invention par le biais de la divulgation du contenu de l’invention. Si l’inventeur ne veut pas divulguer le contenu de son invention, alors il ne peut pas demander de brevet.  

 

Le titulaire du droit de propriété intellectuelle a ensuite incontestablement le fructus, c’est-à-dire le droit de percevoir les fruits de l’exploitation de son droit. C’est même là une des caractéristiques de la propriété intellectuelle.  

 

Enfin, la cessibilité, la transmissibilité, mais également la possibilité d’abandonner son droit attestent que le droit reconnu au titulaire est large, puisqu’il peut en disposer librement, tant juridiquement que matériellement, ce qui renvoie à l’abusus. 

 

Ainsi sont réunis sur la tête du titulaire tous les attributs du droit de propriété. La nature exacte des droits de propriété intellectuelle – et par voie de conséquence, le droit de propriété industrielle – peut d’ailleurs être déduite sur la base d’une disposition propre au droit d’auteur : l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous ».Le monopole d’exploitation temporaire, qui est reconnu par le législateur sur des biens incorporels, constitue donc un droit de propriété incorporel, et cela vaut tant pour le droit d’auteur que pour les droits de propriété industrielle. 

 

  • 3 : La législation applicable à la propriété industrielle

Le droit de propriété industrielle est réglementé à trois échelons géographiques : 

 

  • ·         A l’échelon national ; 
  • ·         A l’échelon européen ; 
  • ·         A l’échelon international. 

 

A l’échelon international : l’existence d’une législation supranationale est vraiment déterminante dans ce domaine, parce qu’elle a vocation à simplifier des démarches qui doivent être entreprises par celui qui souhaite obtenir un droit de propriété intellectuelle. 

Exemple : une entreprise qui se développe bien peut prétendre viser une exploitation commerciale dans 60-70 pays. On voit assez mal comment un vendeur pourrait effectuer autant de démarches parallèles dans chacun de ces pays, et ce serait un frein considérable au développement économique. Il y a toute une stratégie à développer sur le volet de la propriété intellectuelle pour être sur le marché. 

 

L’idée est donc de faire en sorte d’avoir de plus en plus d’outils pour faciliter les démarches du demandeur. Le premier objectif de l’outil international (traités, conventions, etc.) est d’offrir au demandeur d’un droit de propriété industrielle un outil qui permet de centraliser ces demandes de protection. Mais le législateur essaye d’aller plus loin en proposant également des textes d’harmonisation des législations. On est donc sur un volet à la fois pratique, économique, et politique. 

 

A l’échelon national : l’essentiel des sources internes de droit de propriété industrielle se trouvent dans le Code de la propriété intellectuelle. La codification a été faite en 1992 (à la fois pour la partie législative et pour la partie réglementaire). 

A l’échelon européen : les textes sont assez nombreux, et aussi bien les règlements que les directives. L’action de l’Union Européenne dans le domaine de la propriété intellectuelle a principalement porté sur l’harmonisation du droit matériel national, et la création d’un droit unitaire au niveau de l’Union Européenne. Certains droits nationaux de propriété industrielle ont été harmonisés, comme c’est le cas des marques, des dessins et modèles, et des brevets.  

 

L’action de l’Union Européenne a également porté sur la création d’un droit unitaire au niveau communautaire, avec des droits qui sont valables immédiatement sur l’ensemble des territoires de l’Union Européenne. C’est le cas de la marque communautaire et des dessins et modèles communautaires. Depuis 3 ans existe également un brevet européen qui produit des effets unitaires. 

 

L’harmonisation progressive du droit matériel de la propriété industrielle a permis de faciliter la libre-circulation des marchandises entre les Etats-membres et de rendre plus transparentes les règles applicables. En outre, l’action européenne a également consisté à renforcer les moyens de lutte contre la contrefaçon, dont sont victimes les titulaires de droit de propriété industrielle. 

 

Les directives européennes : 

Les règlements européens : 

Les directives les plus importantes :  

·         Il y a tout d’abord la Directive du 16 décembre 1986relative à la protection juridique des topographies originales de produits semi-conducteurs[3][3]. Cette directive a été transposée en droit interne par la Loi du 4 novembre 1987 ; 

·         On peut également évoquer la Directive du 31 décembre 1988 sur le droit des marques, qui a été transposée par une Loi du 4 janvier 1991, et qui a été modifiée par une Directive du 22 octobre 2008 ; 

·         On peut aussi évoquer la Directive du 6 juillet 1998sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, qui a été transposée en droit français par lesLois du 6 août et 8 décembre 2004, Lois de bioéthique.  

·         Il faut également parler de la Directive du 13 octobre 1998 relative au droit des dessins et modèles, qui a été transposée en droit français par une Ordonnance du 25 juillet 2001 ; 

·         Enfin, on peut évoquer la Directive du 29 avril 2004relative à la lutte contre la contrefaçon, qui a été transposée en droit français par une Loi du 29 octobre 2007qui a été plusieurs fois modifiée. 

Avec une directive, un usager ne peut que se prévaloir de la loi nationale. Le juge national peut cependant saisir la CJUE par le biais d’une question préjudicielle. La directive a donc besoin d’une loi pour la transposer en droit interne, alors que le règlement est d’application directe. 

Les règlements les plus importants :  

·         Le Règlement du 20 décembre 1993 qui institue la marque communautaire, et qui a été modifié par un Règlement du 26 février 2009 ; 

·         On peut également évoquer le Règlement du 13 décembre 2001 qui institue un droit des dessins et modèles communautaires ; 

·         Enfin, après de nombreuses discussions, les instances de l’Union Européenne ont adopté deux Règlements le 17 décembre 2012 qui instituent le brevet européen à effet unitaire. 

Ce brevet est le résultat d’une coopération renforcée entre les Etats destinés à obtenir une protection unitaire par le brevet. Cette procédure est fondée sur l’article 118 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Cette procédure était la première application de la procédure de coopération renforcée, qui donne un peu de souplesse à la procédure.  

C’est un faux brevet communautaire, et donc il n’a d’« unitaire » que son nom. En effet, il ne s’agit pas d’un dispositif proposant un régime juridique unique et uniforme pour l’ensemble des Etats-membres, comme cela existe pour les marques et pour les dessins et modèles. Le brevet européen à effet unitaire est avant tout un brevet européen, c’est-à-dire qu’il consiste en une demande permettant de viser l’ensemble des Etats-membres de l’Union Européenne. 

C’est un brevet qui est délivré par une instance que l’on appelle l’Office européen des brevets, et l’effet unitaire ne s’applique que s’il est demandé. Si l’effet unitaire s’applique, le brevet sera régi par la législation de l’Etat dont le demandeur est ressortissant, ou dans lequel il a son établissement. 

 

  

 

A l’échelon international, il existe également des instruments intéressants : 

 

  • En premier lieu, on peut évoquer deux textes internationaux majeurs : 

 

o   La Convention d’union de Paris de 1883, qui a créé un bureau international chargé de procéder aux tâches administratives liées au dépôt international, que l’on désigne comme étant l’OMPI[4][4] ; 

 

o   D’autre part, l’Accord sur les aspects du droit de propriété intellectuelle (ADPIC), qui touche au commerce, que l’on appelle l’Accord ADPIC, qui est une annexe de l’accord instituant l’OMC[5][5], signé en 1994 et obligeant les Etats signataires à assurer une protection minimale des droits de propriété intellectuelle en contrepartie d’avantages douaniers. 

 

  • Il y a ensuite d’autres accords internationaux qui réglementent le droit de propriété intellectuelle de façon plus spécifique : 

 

o   Il y a déjà en droit des marques l’Arrangement de Madrid de 1891 qui institue un système d’enregistrement international des marques ; 

 

o   On peut également évoquer l’Arrangement de Nice de 1957, qui crée et gère une classification internationale des marques ; 

 

o   On peut également citer le Traité de Singapour de 2006 sur le droit des marques et qui vise à simplifier et à harmoniser les procédures d’enregistrement des marques ; 

 

o   En droit des brevets, on peut évoquer le Traité de coopération en matière des brevets, signé à Washington en 1970. Il y a un peu plus de 110 pays signataires de ce traité. Ce traité permet de centraliser les demandes de brevets auprès d’un seul organisme (l’OMPI), la demande allant ensuite automatiquement vers chacun des pays dans lesquels la protection a été demandée. Donc, le brevet n’est pas délivré par l’OMPI (le brevet mondial n’existe pas) mais est délivré par chaque office de brevet des pays désignés dans la demande.  

 

Enfin, s’agissant des instruments internationaux au niveau régional : 

 

  • Il y a la Convention de Munich du 5 octobre 1973 que l’on désigne comme la Convention sur le brevet européen. Cette convention instaure une procédure de dépôt et de délivrance des brevets, effectuée par l’Office européen des brevets (OEB) selon des conditions identiques à celles que l’on rencontre dans la législation française. Une fois le brevet européen délivré, le droit s’exerce conformément à la législation nationale des Etats-membres dans lesquels une protection a été demandée.

 

Cette convention est un outil européen, avec 38 Etats signataires, et l’on a un système qui sort de l’ordinaire. En 2012, on a voulu tout relier, pour pouvoir demander un effet unitaire sur le territoire de l’Union Européenne en passant par l’OEB. Mais l’outil a ses limites. Contrairement au règlement habituel, on se retrouve face à un règlement auquel tous les pays n’ont pas adhéré. 

 

è Lorsqu’on demande un brevet, il faut se tourner vers l’OEB. 

 

Deux options sont ensuite possibles : 

 

  • Soit l’on demande un brevet européen, pour que cela couvre les pays désignés dans la demande ;

 

  • Soit l’on demande un brevet européen d’effet unitaire.

 

Dans la première hypothèse, le brevet sera mis en œuvre dans chaque pays désigné dans la demande. Dans la seconde hypothèse, la demande sera examinée selon la Convention sur le brevet européen, et ensuite il va couvrir tous les pays signataires, ce qui exclut dont l’Italie, l’Espagne et la Croatie. S’appliquera à sa mise en œuvre non pas la législation qui est dans le règlement, mais la législation du pays dont le demandeur est ressortissant, ou bien du pays où le demandeur a son domicile. 

 

Exemple : un ressortissant français veut un brevet européen à effet unitaire. Une fois le brevet délivré, il s’appliquera en droit français. Si le ressortissant est allemand, ce sera la législation allemande qui s’appliquera au brevet. La législation couvre à la fois les conditions de délivrance et les conditions de mise en œuvre.  

 

On s’aperçoit que la division de la propriété intellectuelle en deux catégories distinctes ne donne pas lieu à deux catégories homogènes. Le droit de la propriété industrielle couvre des droits assez différents les uns des autres. C’est donc une approche catégorielle qui s’impose.  

 

Pour comprendre ce que recouvre la propriété industrielle, il conviendra de traiter dans un premier temps du droit des brevets  puis du droit des marques  pour terminer par le droit des dessins et modèles   

 

Les marques 

 

Une marque est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou les services d’une entreprise. Le signe peut être nominal, un assemblage de mot, un nom patronymique, ou géographique, il peut s’agir d’une lettre, d’un chiffre ou d’un sigle. Il peut s’agir d’un signe sonore (son ou phrase musical), signe figuratif (un dessin) une étiquette, un cachet, une image de synthèse, un logo, etc. 

La marque enregistrée confère à son titulaire le droit d’interdire toute reproduction ou imitation du signe pour des produits ou des services identiques ou similaires. Il existe ce qu’on appelle des appellations d’origine. C’est un droit de propriété industrielle qui s’acquiert par l’usage de la dénomination d’un pays d’une région, ou d’une localité.