La protection des majeurs (tutelle, curatelle…)

La protection des majeurs 

Elle a fait l’objet d’une profonde réforme par la loi du 5 mars 2007. Auparavant elle résultait de deux lois, dont une de 1968.  

Celle-ci a été victime de son succès : les mesures de protection qu’elle instituait se sont largement développées en quantité. D’après l’annuaire statistique de la justice civile, pour l’année 2007 1% de la population était placé sous un régime de protection. Plusieurs causes à l’accroissement considérable :  

– vieillissement de la population qui exige la multiplication des régimes de protection. 

– régimes de protection sortis de leur domaine : en principe, le régime de protection des majeurs vient protéger des personnes qui ne sont pas à même d’exprimer leur volonté (personne déficientes mentalement). Or les régimes de protection de ces majeurs ont été étendus pour répondre à des problèmes sociaux, par exemple la précarité, la prodigalité, l’isolement, l’alcoolisme… 

Les régimes ont donc été détournés de leur fonction et ont servi à accompagner certaines personnes exclues de la société. Ce détournement de fonction explique également l’accroissement quantitatif des régimes de protection.  

– très souvent, les régimes de protection qui avaient été ouverts ont été maintenus malgré une évolution de la personne  

  On a reproché à la loi de 68 d’être trop centrée sur la protection des biens de la personne et pas assez sur la protection de la personne elle-même.  

Eu égard au nombre de régimes de protection ouverts, le poids financier de la protection des majeurs était devenu trop lourd à supporter pour la collectivité. 

  La réforme a donc voulu recentrer les régimes de protection sur leur vraie mission : protéger les personnes mentalement déficientes à condition et dans la mesure où elles en ont besoin. 

 

  1. 1.   Les principes directeurs de la protection 

 La loi du 5 mars 2007 a posé trois grands principes de la protection des personnes vulnérables ou protégées : la nécessité et la subsidiarité pour les deux premiers (principes déjà présents dans l’ancienne législation), et la proportionnalité pour le dernier principe. 

   

  1. Le principe de nécessité

  Selon l’art. 1123 du c civ, « toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi ». La capacité de la personne constitue donc le principe, et ce n’est que par exception qu’une personne est privée de sa capacité. 

Selon l’art. 428 du c civ, la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité. C’est donc uniquement dans les hypothèses où la mesure s’impose naturellement qu’elle pourra être adoptée. Le principe de nécessité se rencontre aussi bien au moment de l’ouverture du régime de protection, qu’en cours d’exécution de cette mesure. 

  

* L’ouverture de la protection 

Toute saisine du juge des tutelles tendant à l’ouverture d’un régime de protection doit obligatoirement passer par le ministère public. Ce passage devant le ministère public permet de constituer un filtre : le dossier ne sera porté devant le juge des tutelles que si le procureur de la république l’estime utile. 

La présentation d’un certificat médical attestant que la personne ne peut pas librement exprimer sa volonté est nécessaire pour demander l’ouverture d’un régime. Cette mesure permet notamment d’éviter de recourir au régime de protection pour une autre cause que l’altération des facultés mentales (ou corporelles). Le certificat médical permet de replacer les régimes de protection dans le cadre qui est le leur. Il n’est plus possible aujourd’hui d’ouvrir un régime de protection pour répondre à un problème social. 

  

* L’exécution de la protection 

  Le principe de nécessité se manifeste aussi au moment de l’exécution du régime de protection. En effet, tous les régimes de protection sont limités dans le temps. La nécessité de la mesure sera  ainsi réétudiée de façon régulière par le juge ce qui permettra de savoir si ce régime de protection doit être interrompu ou reconduit. Le juge des tutelles tient de l’article 442 du Code Civil le pouvoir de mettre fin à une mesure, de la modifier, ou de lui en substituer une autre. Enfin, la nécessité résulte encore de ce que le décès de la personne protégée met automatiquement fin à la mesure. 

  

  1. Le principe de subsidiarité

  Traditionnellement, la protection de la personne relève de sa famille. C’est donc à la famille qu’il incombe de prendre en charge et de protéger ses membres les plus faibles. Mais dans ses fonctions de protection des personnes vulnérables, la famille a de plus en plus été aidée et parfois supplantée par l’Etat. Or, c’est à un rééquilibrage entre le rôle de la famille et celui de l’Etat qu’a procédé la loi de 2007. Elle l’a fait en affirmant le principe de subsidiarité à l’art. 428 du c civ. Ce texte prévoit que la mesure de protection de la personne ne peut être ordonnée par le juge que si il n’existe pas d’autres modes de protection envisageables.  

  

  L’art. 428 du code civil donne quelques exemples :  

       Les règles du droit commun de la représentation. Par exemple le contrat de mandat (contrat en vertu duquel un mandant demande à un mandataire de conclure des actes juridiques en son nom et pour son compte). La loi de 2007 a créé le mandat de protection future : selon l’art. 477 du Code Civil le mandat de protection future est un contrat par lequel une personne charge une autre personne de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts. Le mandat de protection future va permettre qui se sent déclinante d’anticiper sa représentation par une autre personne. Il permet également à des parents de désigner la personne qui représentera leur enfant après leur mort.  

Dans tous les cas le mandataire peut être choisi parmi les membres de la famille mais également en dehors des membres de la famille.  

       modes de protection propres à la famille : art. 217, 219, 1426 et 1429 du c civ. Les articles 217 et 219 concernent les effets du mariage. Plus précisément, ils permettent à l’un des époux de représenter l’autre si ce dernier n’est plus en état de manifester sa volonté. Les articles 1426 et 1429 concernent les régimes matrimoniaux et instituent un régime de représentation d’un époux par l’autre à peu près dans les mêmes conditions que les articles 217 et 219. Lorsque la personne vulnérable est mariée, il appartient donc en priorité au conjoint de la protéger et de la représenter. Les régimes de protection sont donc subsidiaires. 

       L’art. 428 du code civil prévoit que les régimes légaux de protection sont subsidiaires les uns par rapport aux autres.   

  1. Le principe de proportionnalité

Il n’était pas complètement absent de la loi de 68 mais il est affirmé très haut et très fort dans la réforme de 2007. La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé. Concrètement, ce principe impose au juge d’ouvrir le régime de protection le plus en adéquation avec la situation de la personne. 

Participe également du principe de subsidiarité la règle selon laquelle le régime de protection n’est établi que pour un certain temps, à l’issue duquel le juge peut substituer un autre régime. L’adéquation entre la mesure et la personne doit exister au moment de l’ouverture de la mesure et se poursuivre en cours d’exécution. Bien évidemment, le principe de proportionnalité impose de disposer de plusieurs régimes. Cette exigence a été imposée par un arrêt de la Cour EDH du 27 mars 2008.  

 

  1. Les modalités de la protection

  Les régimes prévus par la loi sont au nombre de trois : 

Il s’agit de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle. Ces trois régimes répondent à quelques dispositions générales (art. 425, 426 et 427 du c civ). En outre, ces trois régimes sont soumis à certaines règles communes énumérées aux articles 428 et s. du c civ.  

La protection de la personne peut concerner aussi bien la personne elle-même que son patrimoine. Par ailleurs le logement de la personne avec tous ses meubles fait l’objet d’une protection particulière, l’idée étant de préserver le lieu de vie de la personne. La personne chargée de la protection ne peut pas modifier, ouvrir ou clôturer des comptes bancaires de la personne. Par ailleurs, le régime de protection ne bénéficie qu’aux majeurs, mais aux majeurs on assimile les mineurs émancipés. En principe, la demande de protection ne peut émaner que d’un proche de la personne (conjoint, partenaire pacsé, concubin, parent, allié ou toute personne avec qui la personne vulnérable entretient des liens proches et stables). Il peut s’agir également de la personne déjà en charge de la protection. Mais le ministère public peut également demander l’ouverture de la mesure, d’office ou à la demande d’un tiers. Le ministère public devra donc être particulièrement vigilent.  

  

  1. La sauvegarde de justice

  Elle constitue le régime le plus léger. C’est un régime de protection particulier : la personne vulnérable n’est pas stricto sensu frappée d’une incapacité. Selon l’art. 435 du Code Civil la personne sous sauvegarde de justice reste à la tête de son patrimoine et continue de le gérer seule. Les actes qu’elle va conclure seront cependant plus fragiles que ceux conclu par une personne normale. Ils pourront être plus facilement remis en cause. La preuve de son insanité d’esprit est facilitée. Par ailleurs, les actes passés par le majeur placé sous sauvegarde de justice peuvent être rescindés pour cause de lésion. L’acte est donc beaucoup plus fragile.  

L’art. 435 du Code Civil prévoit encore que l’acte peut être simplement réduit en cas d’excès. L’acte n’est donc pas anéanti mais rééquilibré. 

Dans l’un et l’autre cas, le tribunal qui en jugera devra prendre en compte l’utilité ou l’inutilité de l’opération pour la personne, la consistance de son patrimoine ou encore la bonne ou mauvaise foi du tiers avec lequel la personne protégée a traité. 

Si le majeur sous sauvegarde de justice continue de gérer seul ses affaires, il peut arriver qu’il omette de conclure un acte important. Dans ce cas, l’article 437 du Code Civil autorise toute personne a faire part de la situation au juge des tutelles et le juge pourra mandater la personne qui a fait la demande ou un tiers afin d’accomplir l’acte au nom du majeur protégé. 

  

  1. La curatelle

 C’est le régime qui intervient au second degré : plus lourd que la sauvegarde de justice mais plus léger que la tutelle. 

Ce n’est pas un régime de représentation de la personne mais simplement d’assistance. Il s’ouvre en effet suivant l’art. 440 du code civile : « lorsque la personne sans être hors d’état d’agir  elle même a besoin d’être assistée ou d’être contrôlée de manière continue dans les actes importants de la vie civile. 

Selon l’art 467 Code Civil la personne sous curatelle peut continuer d’accomplir seule les actes conservatoires et les actes d’administration : le curateur n’intervient pas. 

Simplement comme dans la sauvegarde de justice, l’acte est beaucoup plus fragile que si il avait été conclu par une personne normale. L’acte peut être annulé pour insanité d’esprit, rescindé pour cause de lésions, réduction pour excès. 

Pour les actes de dispositions, le curateur doit impérativement assister le curatellaire : il doit l’aider à accomplir l’acte. 

Le juge des tutelles peut décider soit au moment de l’ouverture de la curatelle soit postérieurement de modifier la liste des actes que le curatellaire peut accomplir seul ou avec l’assistance de curateur. 

Lorsque les circonstances l’exigent (toutes les fois où le curatellaire va compromettre ses intérêts), le curateur pourra obtenir du juge des tutelles le droit de représenter le curatellaire. 

Si cette représentation ponctuelle n’était pas suffisante, le curateur pourrait encore saisir le juge des tutelles, pour ouvrir un régime de tutelle. 

  

  1. La tutelle

  Elle constitue le régime de protection le plus lourd. Elle est ouverte lorsque la personne en raison d’une altération de ses facultés mentales et parfois corporelles doit être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile. Il s’agit d’un véritable régime de représentation : le tuteur agit au nom et pour le compte de la personne. 

Art 440 : Le tuteur représente seul la personne pour les actes conservatoires et les actes d’administration. 

Art 505 : prescrit au tuteur de recueillir l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles pour les actes de disposition. 

   

L’un des objectifs de la loi du 5 mars 2007 a été de rendre les régimes de protection plus humanistes : ils ne sont plus centrés exclusivement sur le patrimoine mais aussi sur la personne même. 

Aujourd’hui, quel que soit le régime de protection, de larges pouvoirs sont laissés à la personne protégée elle-même pour les décisions qui impliquent sa personne. Par exemple, qu’elle soit sous curatelle ou sous tutelle, la personne continue d’agir seule pour déclarer la naissance d’un enfant, le reconnaître, exercer l’autorité parentale.  Ces personnes peuvent aussi choisir librement le lieu de leur résidence et entretenir des relations avec les tiers de leur choix. Il n’y a que pour quelques actes que l’assistance du curateur ou du tuteur est toujours requise : le consentement au mariage ou au pacs. 

 

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