Le contrat de travail : définition, qualification, condition

LA QUALIFICATION DE CONTRAT DE TRAVAIL

 == Enjeux de la qualification de contrat de travail ;

  •  Application de règles d’Ordre Public, notamment de toutes les règles de droit du travail
  • Application de règles de Sécurité Sociale (affiliation au RG, paiement de charges sociales par l’employeur
  •  Application de la législation sur les accidents du travail et maladie professionnelle

== Définition

Une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant une rémunération. 3 éléments :

–         une prestation de travail : elle doit être personnelle (celui qui emploie de salariés pour accomplir le travail ne peut pas être un salariés. Exception : cass soc : une pers qui recourt ponctuellement à une aide pour accomplir son travail pour pouvoir prendre du repos, peut quand même être salariée (cass soc. 8 juil. 2003).

–         une rémunération quelque soit sa forme : le contrat de travail est un contrat à titre onéreux : exclut les activités bénévoles, et prestations à titre gratuit

–         existence d’un lien de subordination juridique. Question en pratique : comment caractériser ce lien de subordination juridique.

 

On écarte toujours la dénomination donnée au contrat par les parties (jpc constante depuis AP 4 mars 1983) : l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. (Cass 19 déc. 2000, 1er déc. 2005 dans le fascicule).

La qualification du contrat de travail obéit au principe de réalité (par rapport à des données de fait).

 

== Que faut-il caractériser ?

L’existence d’un pouvoir. Cass 13 nov. 1996 Société Générale a défini le lien de subordination juridique : il est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

 

Utilisation de la méthode du faisceau d’indices : relever l’ensemble des conditions de l’exercice de l’activité et analyser chacune pour voir si c’est un indice permettant de caractériser le lien de subordination.

 

Indices :

Modalités d’exercice de la prestation : y a-t-il une édiction fréquente de directives, d’ordres, consignes sur la manière de travailler, pouvoir de sanction (notamment de rupture du contrat).

 

Beaucoup de travailleurs disposent d’une grande liberté dans l’exécution de leur travail. Ca n’est pas forcément incompatible avec le salaria. On regarde alors le cadre dans lequel s’exerce la prestation : dans le cadre d’un service organisé. Cass Société Générale : le fait que le travail s’exécute au sein d’un service organisé est un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

 

Ex : avocat : pas beaucoup de consignes, horaires assez libresÂ… travailleur indépendant ? ON fait appel à des indices subsidiaires :

–         le type de rémunération : rémunération au temps est un indice de salaria (Cass soc. 22 mars 2006) vs à la pièce, à la production.

–         tous les éléments du contrat qui instaurent une exclusivité, une dépendance économique : clause d’exclusivité (cass soc. 15 mars 2006), impossibilité de développer une clientèle personnelle (avocats collaborateur, cass soc. 12 fév. 1999).

 

Méthode : indifférence de la qualification des parties, société générale, indices.

 

== La présomption de non salariat

Article L120-3 du code du travail (loi 1994 ; abrogée en 1998, restaurée par loi 2 août 2003) : les pers immatriculées à un registre professionnel sont présumées ne pas être liées au donneur d’ordre par un contrat de travail, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à cette immatriculation. C’est une présomption simple : l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque la prestation place la pers dans un lien de subordination juridique à l’égard du donneur d’ouvrage.

Cass : prive de portée cette disposition (l’analyse des conditions concrète n’est pas différente) : soc 8 juil. 2003 : dès lors que les conditions de l’exercice de l’activité permettent de caractériser un lien de subordination juridique, il y a contrat de travail, peu importe l’immatriculation.

 

== Les contrats qualifiés de contrat de travail par détermination de la loi

Livre VII du code du travail : concernent les travailleurs à domicile, les VRP, les journalistes, mannequins, artistes et les conjoints qui participent à l’entreprise de leur époux. Ce sont des hypothèses où il est difficile de caractériser le lien de subordination juridique avec les critères classiques mais ce sont de travailleurs qui sont dans une très grande dépendance économique : il y a certaines conditions fixées par la loi.

– Ex : L751-1 : VRP : le contrat conclu avec le VRP est un contrat de travail lorsque trois conditions sont remplies : activité exclusive et constante, le VRP n’effectue pas d’opération pour son compte et le contrat détermine une zone d’activité.

– Ex : L784-1 : le conjoint qui participe à l’entreprise de son époux : il existe un contrat de travail dès lors qu’il participe à titre professionnel et habituel à l’entreprise de son époux et qu’il perçoit une rémunération au moins égale au smic.

(Si on a un tel contrat en cas pratique, appliquer société générale plutôt que le livre VII, mentionner ces dispositions).

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Jurisprudence sur la qualification de contrat de travail

Le contrat de travail n’a pas été défini par la loi mais par la jurisprudence : dans certaines situations on reçoit pour une prestation une gratification (quand on est en stage par exemple ou quand on est « bénévole » ) dans d’autres cas on a une relation à priori simplement commerciale :  quand on est autoentrepreneur par exemple . Seriez-vous en réalité en contrat de travail et votre statut est-il assimilable à un statut de salarié ? un peu de jurisprudence sur le sujet pour vous y retrouver.

Le contentieux de la requalification en contrat de travail

La question de la requalification d’un  travail en contrat de travail peut se poser dans plusieurs types de contentieux :

  • Devant le conseil des prud’hommes si un employeur estime qu’il n’est pas lié par un contrat de travail avec le demandeur qui s’en prévaut , démarche faites en vue d’obtenir la protection du régime salarié; Ce peut être le cas d’un dirigeant de société , d’un contrat de sous-traitance , d’un stagiaire,
  • Devant un tribunal d’instance qui aurait à statuer sur des élections professionnelles ou prud’homales
  • Devant le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance suivant le montant de la demande pour un contentieux en matière d’assurance chômage si l’employeur n’est pas en cause,
  • Devant le tribunal de commerce ou le Tribunal de grande instance statuant en matière commerciale en matière de procédures collectives
  • Devant les  juridictions pénales : tribunal correctionnel et tribunal de police en matière d’infraction comme le travail dissimulé ou en matière d’infractions aux règles d’hygiène et de sécurité, exemple : Pourvoi n°02-81453 pour des stagiaires hôteliers : est déclaré coupable du délit d’obtention abusive, de la part d’une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non-rétribués ou insuffisamment rétribués, l’employeur qui affecte des stagiaires à la réception de l’hôtel, de 23 heures à 7 heures, 7 jours sur 7, pour une durée de travail hebdomadaire comprise entre 56 et 63 heures et pour une rémunération fixée à 1760 francs pour 190 heures  ;
  • Devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) quand il s’agit d’assujettir aux cotisations sociales du régime général des revenus ou s’il s’agit de définir l’assiette des cotisations de revenus salariaux.
  • Devant le tribunal administratif quand il s’agit d’un contrat de travail de droit public concernant des salariés non titularisés dans la fonction publique que sont les « contractuels »

On trouvera la jurisprudence relative à la définition du contrat de travail devant la chambre sociale et criminelle de la Cour de Cassation.

 

L’appréciation des faits

Le juge n’est pas tenu par la qualification que donnent les parties aux faits qui lui sont soumis:  Il convient d’éclairer le Juge sur les circonstances de la relation qui s’est établie : sur les stipulations du contrat éventuel, sur le comportements des parties : annonce par voie de presse ressemblant à une annonce d’emploi, établissement de bulletins de paie, remise d’un certificat de travail, immatriculation au régime général de la sécurité sociale, absence d’entraide professionnelle ou familiale, sur les relations pendant le temps de travail , le lieu de l’activité, les horaires , sur la prestation de travail elle-même exécutée seul ou à plusieurs , sur la propriété des matières premières et du matériel etc…

 

Les quatres éléments constitutifs du contrat de travail

 

  • Quand la loi n’assimile pas certains travailleurs au régime du salariat : article L7321-1 pour les gérants de succursales , L1251-64 pour les portés dans le portage salariale , L784-1 du code du travail pour le conjoint du chef d’entreprise (article supprimé dans le cadre de la recodification)
  • quand la loi n’établit pas de présomption de contrat de travail : article L7313-1  du code du travail pour les VRP , L7112-1 pour les journalistes professionnels, L721-3 pour les artistes du spectacle et L7123-3 pour les mannequins,

le contrat de travail résulte de la réunion de quatre éléments :

 

1°) l’obligation pour l’employeur de fournir une tâche à exécuter pour un « portage salarial » en qualité de maçon :  Pourvoi 08-45298 du 17/2/2010

2°) L’exécution effective d’une prestation de travail  »  est une prestation de travail soumise au droit du travail une prestation exécutée non à titre d’activité privée, mais dans un lien de subordination , pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, une activité, quelle qu’elle soit , peu importe qu’elle soit ludique ou exempte de pénibilité.  » (pour l’Ile de la tentation pourvois: 08-40981 08-40982 08-40983 08-41712 08-41713 08-41714 du 3/6/2009)

 

Une formation n’est pas une prestation de travail : les gardes de nuit qui correspondent pourtant à l’une des tâches courantes d’une clinique ne permettent pas la requalification de prestations rémunérées « à la garde »  en contrats à durée déterminée du fait que ces tâches sont assurées par une quinzaine de salariés ETUDIANT(E)S  qui ne s’incrivent sur les plannings de garde que pour autant que cela soit compatible avec leurs horaires de cours. Pourvoi 84-45525

 

La soumission aux règles de vie communautaire qui définissent un cadre d’accueil et comprennent la participation à un travail destiné à l’insertion sociale exclusif de tout lien de subordination n’est pas un contrat de travail : pourvoi: 98-46158  du 9/5/2001 Emmaüs

 

 

3°) Le versement d’une rémunération : le lien  doit être à titre onéreux que le travail soit calculé au temps, à la tâche ou aux pièces, qu’il soit rétribué par une somme d’argent ou par un avantage en nature : logement , nourriture.

 

Se pose la question du travail bénévole :  Pour une convention de défraiement d’un sportif requalifiée en rémunération d’un contrat de travail malgré une activité professionnelle exercée à temps complet par ailleurs : Pourvoi 10-15573 du 28/4/2011 .

Pourvoi 26/10/99 médecins du monde pour le bénévolat humanitaire : décret 14/3/86 « volontaires pour le développement », loi 2005.159 du 25/2/2005 et décret 2005.600 « volontariat de solidarité internationale » .

 

4°) La subordination juridique :

La cour de cassation n’impose pas un écrit. Elle définit ce lien comme « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » .

 

Pour la Cour de cassation L’URSAFF poursuit à tort le recouvrement des cotisations sociales sur les primes de match des arbîtres (pas de lien de subordination)  ou sur les sommes versées aux joueurs dans le cadre d’actions commerciales ou de sponsoring par la FFF (pas de pouvoir de direction, de contrôle et de sanction) : pourvoi: 07-19039 07-19105 du 22 janvier 2009

 

Le travail au sein d’un « service organisé » est un indice de subordination mais seulement quand l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’éxécution du travail .

Ainsi , bien qu’il travaille dans un service organisé, en l’occurence une agence immobilière ,  on ne peut en conclure que le demandeur soit lié par un contrat de travail quand il n’établit pas qu’il « ait reçu des directives précises relatives aux dossiers, aux horaires de présence, qu’il ait été soumis à des permanences ou tenu de rendre compte de son activité pour justifier du nombre de clients démarchés ou de mandats apportés ou encore qu’il ait été sanctionné pour un manquement à une obligation particulière » :  il n’y a pas de lien de subordination. Pourvoi 10-23653 du 19/1/2012

 

La Cour de cassation  peut cependant admettre que des sujétions particulières peuvent créer un lien de subordination : ainsi pour un contrat de location de taxis elle relève  « que l’ensemble des conditions générales du contrat mettait à la charge du locataire des obligations qui dépassaient le cadre d’une simple location et plaçait celui-ci dans un rapport hiérarchique incontestable » Pourvoi 10-17750 du 18 janvier 2012  mais il s’agit plus dans ce cas de la sanction d’un abus que d’un principe car cet arrêt n’a pas été  publié au bulletin .

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