La qualification pénale des faits

Le champ légal : la qualification pénale des faits

Après vérification de l’existence de textes pénaux (principe de légalité art. 111-3 Code Pénal), il est nécessaire de vérifier quel texte est effectivement applicable aux faits transmis, de passer à l’étape de qualification.

Définition de la qualification :

« Dire quel délit constitue le fait incriminé et par quel texte il est prévu et puni » R. Garraud (Traité théorique et pratique du droit pénal II, 537)

« Opération intellectuelle par laquelle le juge confronte une situation concrète aux prévisions abstraite de la loi » E. Dreyer Droit pénal général, p. 357

  • &1. Les principes généraux de qualification

A) les faits au temps de l’action

Il s’agit de définir le moment de la qualification des faits. La qualification porte sur les faits tels qu’ils se présentaient au temps de l’action. Comme certains auteurs l’énoncent, il s’exerce une cristallisation au moment de l’action de la situation pénale de l’agent, quelle que soit l’évolution de la situation ultérieurement. (Cf : délit de non représentation d’enfant art. 227-5 Code Pénal, réalisé alors même que les conditions d’exercice de garde de l’enfant évolueraient après les faits pénaux qualifiés ; idem délit d’abandon de famille art. 227-3 Code Pénal).

B) La possible modification de la qualification au cours du procès

  1. Le principe

Les faits sont scellés au moment de l’action. Les juridictions qui auront à connaître successivement de ces faits au cours de la procédure, sont saisies in rem c’est-à-dire saisies du fait matériel. Si de nouveaux faits venaient à être découverts, il faut alors une intervention du ministère public (réquisitoire supplétif) pour saisir les juridictions sur ces nouveaux éléments factuels. Mais, si les différents intervenants dans la procédure pénale sont liés par la définition des faits, ils ne sont liés par aucune qualification, ils peuvent proposer une autre qualification que celle retenue par un magistrat ou une juridiction précédents. Les magistrats demeurent libres de déterminer le plus correctement possible la qualification pénale au vu des faits et des éléments d’enquête, toujours dans les termes de la saisine. La cour de cassation veille à ce que la qualification adéquate soit retenue et impose si nécessaire, la requalification, il existe un « devoir de requalification » selon le pour Yves Mayaud.

Ex. Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 22 janvier 1997 (Bull. 31) : le tribunal correctionnel qui ne retient pas l’infraction de violation de domicile à l’encontre de celui qui a forcé la serrure d’entrée d’un appartement, doit vérifier si les faits ne constituent pas une dégradation ou une détérioration du bien d’autrui. Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 31 mai 2005 (Bull. 166, Droit pénal 2005, n° 147) : « Attendu que le juge de police qui n’est pas lié par la qualification donnée à la prévention ne peut prononcer une décision de relaxe qu’autant qu’il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d’aucune infraction… »

  1. Les limites
  • a) Une limite générale

La requalification est possible seulement si la personne poursuivie est toujours en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification. Il s’agit là d’une limite générale à la requalification (cf. Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 16 mai 2001 Dr. Pén. 2001, comm. 109, « attendu que s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée. »

La requalification est envisageable dès lors où elle n’empêche pas « …l’accusé de connaître en détail l’accusation portée contre lui ou de préparer efficacement sa défense » (CEDH 25 mars 1999 Pélissier et Sassi c/ France D. 2000, p. 356, note D. Roets, CEDH 10 mai 2001 Le Pen c/ France req. 55173/00)

  • b) Des limites spéciales

En matière de presse : la loi du 29 juillet 1881 les articles 50 et 53 imposent « d’articuler et de qualifier les faits dans l’acte de poursuite ». La jurisprudence a décidé alors que la qualification initiale ne pouvait évoluer, elle restait figée pour le reste de la procédure.

En matière de fraude : l’article L. 216-4 du code de la consommation, dispose que « toute poursuite exercée en vertu des chapitres II à IV devra être continuée et terminée en vertu des mêmes textes. ». La qualification initiale demeure à moins qu’elle ne se modifie au bénéfice d’une autre qualification contenue dans les mêmes textes de la loi, les chapitres II à IV du code de la consommation.

Ces textes sont dérogatoires au droit commun et prévoient des règles de procédure spécifiques en matière de constatation des infractions, de preuve, et donc si la qualification est modifiée les règles de procédure elles-mêmes sont transformées ce qui revient à limiter l’exercice des droits de la défense.

L’amnistie fige également la qualification : la qualification retenue par les juges du 1er degré qui a conduit à l’amnistie de l’infraction ne peut être modifiée par la Cour d’appel (Chambre Criminelle 6 mars 1997 Dr. Pén. 1997 comm. 96, Bull. 93, Crim. 26 septembre 2006 Bull. 235) L’exception se justifie ici par le bénéfice de l’amnistie qui ne peut être aléatoire au cours de la procédure.

  • &2. Les principes attachés aux qualifications multiples

La qualification des faits permet une traduction juridique des circonstances en un texte applicable mais également, en choisissant le texte adéquat, il s’agit de définir un régime de l’infraction (procédure, peine…).

A) les qualifications exclusives

Situations de conflit apparent de qualifications : un seul texte sera retenu.

  1. Les qualifications incompatibles

Voir dans un même fait ou un ensemble de faits homogène, deux infractions dont la seconde est la suite obligée de la première. Comme l’évoquent MM. Merle et Vitu, « l’infraction est la conséquence logique et en quelque sorte naturelle d’une première infraction avec laquelle elle se confond intimement » (Traité n° 364) Dans ces hypothèses, il y a donc exclusivité de qualification, la multiplicité disparaît au profit de l’unicité.

Ex. L’auteur d’un vol est auteur d’un recel dès qu’il détient la chose et la conserve. Le recel n’est pas retenu, seule la qualification de vol sera caractérisée pénalement. (Chambre Criminelle 29/06/1848, Bull. 192, Crim. 6/06/1979, Bull. 193)

Ex. L’auteur d’un meurtre ne peut être poursuivi aussi pour recel de cadavre Crim. 19/07/1956 Bull. 556 (RSC 1957, 139, Hugueney) Crim. 24 nov. 2010 (pourvoi n° 06-85270 10-86346)

« Vu les articles 434-7 et 434-4 du code pénal ; Attendu que les délits de recel de cadavre et de destruction, soustraction d’objet ou document de preuves en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité prévus par les articles 434-7 et 434-4 du code pénal ne sauraient s’appliquer à l’auteur de l’infraction principale et ne peuvent être constitués que par le fait de celui qui n’a pas participé à l’homicide volontaire; qu’à l’égard de l’auteur de l’homicide volontaire, le fait d’avoir recelé ou caché le cadavre de sa victime, qui n’est que la suite de ce crime, ne peut jamais prendre le caractère d’un délit distinct de l’homicide volontaire »

Ex. L’auteur de coups et blessures volontaires qui s’abstient de porter secours à sa victime ne peut être retenu dans la prévention de non-assistance à personne en danger. Ou un fait est le préalable nécessaire à la réalisation d’un autre : la détention de stupéfiant (article 222-37 Code Pénal) est absorbée par l’offre ou cession de stupéfiant à une personne en vue de sa consommation personnelle (art. 222-39 Code Pénal) (Chambre Criminelle 22 juin 2005, Bull. 193, RSC 2005, p. 847)

Dans ces cas de figure, la cour de cassation estime qu’ « il existe dans ces hypothèses une unité d’intention » lors de la réalisation des faits qui conduit à ne retenir qu’une seule qualification. Cette justification amène à reconsidérer la situation lorsque l’auteur manifeste une intention différente aux diverses étapes de la réalisation des faits. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle pu considérer qu’en présence de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (coups mortels art. 222-7 Code Pénal), l’auteur pouvait aussi être poursuivi pour non-assistance à personne en danger (Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 24 juin 1980, Bull. 202, RSC 1981, 618 Levasseur). De même, le complice d’un vol peut être poursuivi pour recel.

  1. Les qualifications alternatives

Bien que le fait soumis au juge apparaisse se rattacher à plusieurs qualifications, une seule sera retenue car il existe une opposition entre les différentes qualifications proposées initialement.

1er exemple celui de l’homicide. Dans le code pénal, l’acte homicide (le fait d’ôter la vie) est réprimé sous plusieurs formes : l’assassinat (article 221-3 Code Pénal), le meurtre (article 221-1 Code Pénal), les coups mortels (article 222-7 Code Pénal), l’homicide involontaire (article 221-6 Code Pénal). Une seule qualification pourra être retenue, car une seule correspond à la définition de l’acte commis eu égard à l’attitude psychologique de l’auteur au moment de l’acte. C’est donc ici une qualification exclusive qui sera caractérisée en fonction de la gravité de la faute commise. Celle-ci est le critère de choix de la qualification.

2nd exemple, celui de la dégradation d’un bien. A nouveau, le code pénal prévoit plusieurs qualifications pour la commission d’un tel acte aux articles R. 635-1, 322-1, 322-6. Ici, le critère de choix de la qualification adéquate est celui de l’ampleur du dommage résultant de l’acte réalisé : le dommage léger est une qualification contraventionnelle (art. R-635-1), le dommage sérieux est celui visé à l’article 322-1, et l’acte qui a créé un danger pour les personnes est visé à l’article 322-6. La qualification retenue est bien unique au regard des éléments constitutifs de l’infraction.

  1. le jeu des circonstances aggravantes

Dans certaines situations, deux qualifications peuvent être visées mais une troisième disposition fait de l’une des qualifications, la circonstance aggravante de l’autre :

Ex : le viol précédé ou accompagné de torture ou d’actes de barbarie, le viol est prévu à l’article 222-23 Code Pénal, les tortures ou actes de barbarie sont visés à l’article 222-1 Code Pénal, mais un troisième texte l’article 222-26 Code Pénal prévoit expressément le viol précédé ou accompagné de tortures, cette dernière disposition sera appliquée.

Ex. : Le vol (article 311-1 Code Pénal) et des violences (article 222-11 Code Pénal) réalisées au cours de l’acte de vol, cette situation sera qualifiée de vol aggravé, vol avec violences visé à l’article 311-6 Code Pénal.

B) Les qualifications en concours

Distinguons deux situations de pluralité présentées habituellement ensemble mais qui ne revêtent pas les mêmes cas de figure, l’un ne présente pas de difficulté de qualification tandis que l’autre est l’hypothèse de qualifications en concours

  1. Le cumul réel d’infractions

Le premier cas de pluralité est le concours d’infractions ou cumul réel d’infractions, prévu à l’article 132-2 du code pénal : « Il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. »

Ici, le code pénal ne traite pas de la qualification, cette question est supposée déjà résolue, il ne traite que du régime à appliquer à ces infractions. Ainsi, chaque infraction caractérisée sera retenue à l’encontre de l’auteur des faits qui sera déclaré coupable pour chaque fait entrant dans les prévisions pénales. Le juge prononce donc plusieurs déclarations de culpabilité. Le problème se déplace sur le terrain de la peine. Est-ce que la pluralité de déclarations de culpabilité entraîne une pluralité des peines ? Le code pénal prévoit les conditions de prononcé des peines en distinguant selon la procédure.

Cumul réel des infractions

Définition

Régime

Article 132-2 du code pénal:

Une même personne commet plusieurs infractions non

séparées entre elles par une décision de condamnation

définitive.

Déclaration de culpabilité :

Autant de déclarations de culpabilité que d’infractions

caractérisées.

Peine :

Soit une poursuite unique (article 132-3 Code Pénal.):

Chaque peine encourue peut être prononcée

Mais, cumul plafonné des peines de même nature dans la limite du maximum légal le plus élevé

Exception : article 132-7 CODE PÉNAL.: cumul des amendes contraventionnelles entre elles et avec les autres amendes criminelles ou correctionnelles. Soit des poursuites séparées (article 132-4 C.P.) (sans condamnation définitive) :

Exécution cumulative des peines prononcées dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Possible recours à la confusion des peines de même nature.

a) la poursuite unique

La personne concernée par ce cumul réel d’infractions fait l’objet d’une poursuite unique, toutes les infractions qui lui sont reprochées le sont au cours du même procès, et dans ce cas, en vertu de l’article 132-3 du code pénal, pour « la personne reconnue coupable de plusieurs infractions, chacune des peines encourues peut être prononcée » : les peines se cumulent entre elles sauf, poursuit le texte, lorsqu’elles sont de même nature, une seule peine de cette nature est prononcée dans la limite du maximum légal le plus élevé. Système du cumul plafonné des peines, sauf pour les peines d’amendes contraventionnelles qui elles se cumulent (art. 132-7 Code Pénal.).

b) les poursuites séparées

La personne est poursuivie à l’occasion de procédures séparées. L’article 132-4 du code pénal dispose que les peines prononcées s’exécutent cumulativement toujours dans le maximum légal le plus élevé et l’article 132-7 Code Pénal est toujours applicable, les amendes contraventionnelles se cumulent.

A ce régime, il peut être dérogé avec la technique de la confusion qui permet au juge de limiter voire de supprimer le cumul des peines de même nature. La confusion peut être partielle ou totale : la peine la plus forte absorbe en totalité ou en partie la peine la moins forte.

Soulignons que le principe de non cumul des peines ou cumul plafonné a valeur constitutionnelle sur le fondement de l’article 8 de la DDHC (DC 97 395, du 30 déc. 1997, donc 2001-455 du 12 janvier 2002).

  1. Le concours idéal de qualifications

Le concours dit idéal (concours juridique, intellectuel) de qualifications qui peut être défini comme un même acte, un fait matériel unique qui tombe sous le coup de plusieurs qualifications. Le terme concours renvoie à une concurrence entre les qualifications. Il s’agit donc bien de choisir parmi plusieurs textes pour qualifier le fait. L’unicité matérielle entraîne-t-elle ou non l’unicité de qualification ?

La réponse de principe est l’unicité de qualification, il faudra choisir parmi la pluralité de qualifications (Chambre Criminelle 25 février 1921, S. 1923, 1, p. 89 note Roux, Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 28 janvier 1969, Bull. 51, Crim. 26 mars 1974, Bull. 129, Crim. 4 fév. 1998, Bull. 46) « un même fait autrement qualifié ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité. » Une fois le principe de l’unicité acquis, quelle qualification choisir entre celles qui se trouvent en concours ?

a) La plus haute expression pénale

Terminologie employée par la cour de cassation (Chambre Criminelle 26 juin 1930, Bull. 190, Crim 21 avril 1976, Bull. 122, Crim. 16 mai 2006, Dr. Pén. 2006, comm. 121) pour signifier que parmi les qualifications en concours, seule celle de l’infraction la plus sévèrement punie sera retenue.

Ex. Un vol est commis en dégradant légèrement le bien de la victime, l’infraction de vol plus sévèrement punie sera retenue au détriment de la dégradation de bien. Il peut arriver que les qualifications en concours soient réprimées à même hauteur, dans cette hypothèse la jurisprudence distingue entre l’infraction-fin et l’infraction-moyen celle-ci servant à commettre la première.

Ex. Le faux commis dans un document de l’administration (article 441-2 Code Pénal) servant à réaliser une escroquerie (article 313-1 Code Pénal), faits punis de 5 ans d’emprisonnement. Ici l’infraction-fin, l’escroquerie, sera retenue au détriment de l’infraction-moyen, le faux.

Le régime quant à la peine est lui aussi marqué par l’unicité : seule la peine prévue pour l’infraction caractérisée, sera prononcée. Aucun cumul ne peut être envisagé. Cette règle de la plus haute expression pénale pour déterminer la qualification à retenir, a cependant une exception, lorsque le même fait a une pluralité de résultats. C’est la situation particulière d’un fait unique qui entraîne diverses atteintes à l’intégrité physique de plusieurs personnes. C’est « l’effet éclaté portant sur la même valeur » la protection de l’intégrité physique. (Exemple de l’accident de la circulation qui entraîne des atteintes de gravité inégale sur plusieurs victimes). Toutes les qualifications seront retenues afin que chaque victime puisse se faire indemniser de son préjudice. L’ouverture de l’action civile à chaque victime justifie cette solution de pluralité de qualifications. Dans cette situation, à propos de la peine une seule peine sera prononcée en vertu de la pénalité la plus sévère prévue par les différents textes.

b) la qualification spéciale

Concours entre une qualification générale et une qualification spéciale. Cette dernière est préférée à la première. La règle de la spécialité s’applique « specialia generalibus derogant ». Quant au régime de la peine applicable, à nouveau l’unicité l’emporte : seule la peine attachée à la répression de l’infraction spéciale retenue, sera prononcée.

c) Les valeurs sociales atteintes par l’acte : l’exception à l’unicité de qualification

Un fait unique peut se fondre dans plusieurs qualifications et porte atteinte à plusieurs valeurs sociales protégées. L’arrêt de principe pour illustrer ce cas est l’arrêt de la Chambre criminelle du 3 mars 1960 (Bull. 138, Grands arrêts du droit pénal général n°19) : « …Attendu que si la loi punit de la peine de mort la destruction par l’effet d’un explosif d’un édifice habité ou servant à l’habitation, parce que ce fait met en péril des vies humaines, ce crime n’en est pas moins essentiellement établi en vue d’assurer la protection des propriétés ; qu’il est constitué dans tous ses éléments dès que son auteur a agi volontairement, sachant qu’il détruisant ou tentait de détruire un édifice de cette espèce, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait eu aucun dessein homicide ; Qu’il suit de là que si l’auteur d’un tel attentat a en vue, indépendamment de la destruction de l’édifice, la mort de personnes qu’elles habitent ou non le local soumis à l’action de l’explosif, il commet un second crime dont l’élément matériel est constitué sans doute par le même fait, mais qui se distingue du premier en son élément intentionnel qui est la volonté de tuer ;

Qu’il ne s’agit pas en tel cas, d’un crime unique, dont la poursuite sous deux qualifications serait contraire au vœu de la loi, mais de deux crimes simultanés commis par le même moyen, mais caractérisés par des intentions coupables essentiellement différentes… » Portée générale de la décision : pluralité d’éléments intellectuels et atteinte à une pluralité d’intérêts protégés par la loi pénale. Le régime applicable est alors celui du cumul réel, plusieurs déclarations de culpabilité et plusieurs peines dans les limites du maximum légal le plus élevé.

Application régulière de ce critère de qualifications :

Ex. : conduite en état d’ivresse et ivresse publique (Chambre Criminelle 15 janvier 1958, Bull. 60), escroquerie et publicité de nature à induire en erreur (Chambre Criminelle 10 mai 1978, Bull. 148), infraction aux règles d’hygiène et de sécurité au travail et homicide involontaire (Chambre Criminelle 21 septembre 1999, Bull. 191), diffamation raciale et contestation de crime contre l’humanité (Chambre Criminelle 12 septembre 2000, Dr. Pén. 2001, comm. 4), pratique discriminatoire et harcèlement moral (Chambre Criminelle 6 février 2007, Bull. 29)…

Ce critère est régulièrement mis en œuvre par la cour de cassation dès lors où existe « une violation cumulative d’intérêts collectifs ou individuels distinctement protégés ».

Conclusion :

La règle non bis in idem : de l’intérêt de la procédure de qualification au-delà du procès. Article 368 du Code de procédure pénale relatif à la procédure criminelle : « aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits même sous une qualification différente » Article 4 du protocole additionnel n°7 de la CESDH : « …nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions d’un même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat » (CEDH 23 octobre 1995, Gradinger c/ Autriche a-328C, RSC 1996, p. 487, R. Koering Joulin)

Les atteintes aux principes de qualification: la correctionnalisation judiciaire (voir développement antérieur)

et la théorie de la peine justifiée. Théorie de la peine justifiée sur le fondement de l’article 598 du Code de procédure pénale « Lorsque la peine prononcée est la même que celle portée par la loi qui s’applique à l’infraction, nul ne peut demander l’annulation de l’arrêt sous le prétexte qu’il y aurait erreur dans la citation du texte de la loi.) La cour de cassation refuse de censurer avec cette théorie, les erreurs de qualification qu’elle a pu déceler lors de l’examen des pourvois, qu’elle relève explicitement, dès lors où la peine prononcée sur le fondement du texte certes inadéquat, est conforme au taux de la peine susceptible de s’appliquer au regard du texte adéquat quant à la qualification.

Ex. Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 14 juin 1995 (Bull. 218), une qualification erronée de violences volontaires avec préméditation n’est pas censurée, la qualification d’administration de substances nuisibles, qualification correcte pour les faits concernés, pouvait entraîner les mêmes peines que celles prononcées. (222-15 et 222-12 Code Pénal 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende). Solution critiquable au regard des principes de qualification. QPC soutenue devant la chambre criminelle le 25 janvier 2012 (N°: 11-87944) : refus de renvoyer devant le Conseil constitutionnel.