La reconnaissance d’État ou de gouvernement
La reconnaissance est un acte unilatéral d’un sujet du Droit International et par cet acte unilatéral, le sujet prend acte d’une situation et accepte de tirer toutes les conséquences juridiques que l’ordre juridique international attache à cette situation.
La reconnaissance peut avoir plusieurs objets. On se concentrera sur 2 types de reconnaissance :
- – La reconnaissance d’Etat : reconnaître qu’une entité est bien un Etat.
- – La reconnaissance de gouvernement.
Il convient de souligner que beaucoup d’Acte Unilatéral, notamment en matière de reconnaissance Etat/gouvernement, ont des natures politique et juridique, illustrées d’abord par le caractère discrétionnaire : un sujet n’est jamais obligé de reconnaître un Etat ou un gouvernement. Il y a même certaines reconnaissances qui ont un caractère strictement politique, où certains Etats vont affirmer qu’une entité est bien un Etat alors qu’objectivement l’entité en question ne réunit pas tous les éléments constitutifs (reconnaissances prématurées). Cela avait été le cas en 1988 lorsque la Palestine s’était auto-proclamée en tant qu’Etat et les Etats arabes s’étaient empressés de reconnaître l’Etat palestinien. La Déclaration de Tunis montre qu’il manque un élément constitutif : la maîtrise du territoire. Le reste de la communauté internationale s’est donc abstenue.
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En août 2008, la reconnaissance en tant qu’Etat de l’Abkhasie (invasion de provinces géorgiennes par la Russie) –> La Russie a reconnu ces 2 entités comme Etats.
- Les effets de la reconnaissance
Débat ancien qui pose les questions suivantes : la reconnaissance d’un Etat est-elle constitutive (élément constitutif) ou est-elle déclarative/recognitive (l’Etat existe dans l’ordre juridique international, et la reconnaissance n’est finalement que fonctionnelle) ? La reconnaissance est-elle indispensable pour qu’un Etat existe juridiquement ?
Le débat doit être replacé dans le contexte juridico-diplomatique. La société internationale était très européo-centrée ; le Droit International est né en Europe, le reste du monde ne faisant pas partie de la société juridique internationale. Dans cette conception, la reconnaissance était indispensable (par les Etats européens) pour admettre qu’une entité fasse bien partie de la société juridique internationale.
Cette conception entraîne des difficultés et des inconvénients, puisque chaque Etat va choisir sa société juridique internationale. Ex : si on était dans une conception exclusivement constitutive, impossible de savoir si Israël est un Etat, car certains Etats ne l’ont pas reconnu. Impossibilité notable de déterminer la société juridique internationale.
D’un autre côté, la reconnaissance est tout de même un élément important pour admettre qu’une entité est bien un Etat. La question s‘est posée pour certaines entités aux statuts très contestés. Cas du Mandchoukouo : lorsque le Japon avait envahi la Manchourie et avait créé un Etat fantoche.
Egalement, la question s’est posée à propos des Bantoustans : parcelles de territoires en Afrique du Sud : l’AS avait reconnu leur indépendance (tout en gardant une mainmise dessus).
Ces entités peuvent-elle être dans la société internationale ? Il manque l’élément de l’indépendance. Il y a un phénomène d’apparition de ces entités qui est due à la volonté d’un autre Etat (Turquie pour Chypre). On reconnaît le statut d’Etat tout en lui ne garantissant pas l’indépendance.
Il faut tout de même un minimum d’acceptation par la communauté internationale, mais une acceptation dont l’objet ne serait que la reconnaissance recognitive.
Cette question des effets de la reconnaissance a tout de même évolué avec l’évolution des formes de la reconnaissance. Nouvelle forme qui complexifie la reconnaissance juridique mais simplifie les effets, évitant les éparpillements quand on aborde la reconnaissance comme un simple acte étatique discrétionnaire.
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- Les formes de la reconnaissance
Traditionnellement, 2 formes de reconnaissance sont admises :
- Reconnaissance solennelle/expresse: prend la forme de déclarations officielles d’un Etat, reconnaissant un autre Etat.
- Reconnaissance tacite : se déduisait de la conduite d’un Etat par rapport à une entité (établissement de relations diplomatiques ou commerciales, sans avoir fait de déclaration expresse).
La distinction nouvelle, et la plus importante, est celle entre les reconnaissances individuelle et collective. 2 modes de reconnaissance collective, qui renvoient indirectement à la reconnaissance individuelle (elles se superposent donc, mais ne sont pas alternatives) :
- Reconnaissance résultant de la coordination de plusieurs Etats, pour reconnaître une entité comme Etat. Les Etats se coordonnent pour aligner leur politique de reconnaissance. Ex : positions des pays membres de la communauté européenne au moment de l’éclatement de l’Ex-Yougoslavie et ex-URSS. Les Etats de la communauté ont adopté, le 16 décembre 1991 des lignes directrices sur la reconnaissance des nouveaux Etats pour les anciens Etats soviétiques : les Etats vont poser un certain nombre de critères ensemble ; c’est uniquement quand ces critères seront réunis que les Etats de la communauté européenne reconnaîtront, individuellement, les Etats de l’ex-Yougoslavie et ex-URSS.
Cette reconnaissance collective n’est fondamentalement différente de la reconnaissance individuelle. La dimension politique intervient plus, dans le but d’assurer une légitimité politique à l’Etat reconnu.
- Reconnaissance par une Organisation Internationale : se traduit par l’admission d’une entité en tant qu’Etat dans une Organisation Internationale. Lorsqu’une entité acquiert son indépendance, l’un des premiers actes internationaux que va faire cette entité est de déposer une candidature d’adhésion à une Organisation Internationale, l’ONU de préférence.
Certains auteurs, plutôt objectivistes, comme Kelsen, ont voulu voir dans cette admission à l’ONU une reconnaissance universelle. La forme de la reconnaissance s’imbriquait avec les effets : une entité établie à l’ONU faisait l’objet d’une reconnaissance universelle et était donc un Etat –> On ne se pose plus la question du caractère déclaratif ou constitutif.
Candidature du Kosovo au FMI en juin 2009 : admis comme pays membre du FMI. La question s’est reposée avec la demande de l’autorité palestinienne à l’Unesco. Ces entités avaient un statut étatique non contesté. Mais lorsque le statut de certaines entités est contesté, on retrouve la question de la reconnaissance recognitive.
Stratégiquement, vont essayer d’aller devant des institutions spécialisées pour obtenir une légitimation internationale. En 1988, la Palestine se reconnaît comme Etat, soutenu par les Etats arabes. Mais cela ne suffisait pas, la Palestine a donc voulu obtenir la légitimation de l’OMS. Mais elle a arrêté, voyant que les chances étaient très amoindries. Quant au Kosovo, il a proclamé son indépendance en 2008. Il est un territoire sous administration directe de l’ONU depuis 1999 (en raison de la politique serbe à l’égard du Kosovo – à majorité albanaise). En 2008, soit obtient son indépendance, soit reste sous l’administration de l’ONU : l’Assemblée Générale des Nations Unies fait une demande d’avis à la CIJ sur la licéité de la déclaration d’indépendance du Kosovo (le Kosovo en a-t-il le droit ? Est-il un Etat ?). Pendant ce temps, le Kosovo fait sa demande d’adhésion au FMI (pas à l’ONU, car sait très bien que la Russie mettrait son veto) : il y a une instrumentalisation, car quel intérêt pour le Kosovo d’être membre du FMI ? Fortes chances d’être admis : c’est fait le 29 juin 2009. La Cour a interprété l’avis comme la question de savoir si les autorités du Kosovo avaient compétence pour élaborer une déclaration d’indépendance, pas si la déclaration était conforme au Droit International.
Le Kosovo est-il un Etat ? L’admission du Kosovo au FMI équivaut-elle à une reconnaissance universelle ? Non. Lorsque le Kosovo a été admis, 5 Etats (Russie, Serbie, Grèce, Royaume-Uni, Espagne) ont expressément déclaré que cette admission ne saurait équivaloir à une reconnaissance du Kosovo comme Etat. On voit que l’admission d’un Etat dans une Organisation Internationale laisse perdurer le phénomène de la reconnaissance et permet de dégager deux actes lors de l’adhésion d’une entité dans une Organisation Internationale :
- L’acceptation de la candidature vaut reconnaissance de la part de l’Organisation Internationale elle-même. L’Unesco reconnaît l’autorité palestinienne comme Etat. Pas de reconnaissance de la part des Etats. Néanmoins, ce sujet s’exprime grâce aux Etats membres. On peut en déduire une reconnaissance implicite des Etats qui ont voté pour. A partir du moment où des Etats ont majoritairement voté pour l’adhésion, ils reconnaissent implicitement que l’entité remplit des conditions, en premier celle d’être un Etat.
- On peut aussi dire qu’il y a une non reconnaissance expresse de ceux qui ont voté contre.
L’autorité palestinienne suit les pas du Kosovo, après avoir réussi à être admis à l’Unesco, veut être admise dans toutes les institutions spécialisées, pour que l’ONU finisse par flancher (veto des Etats-Unis). La situation de ce qui est un Etat change totalement dans ce contexte d’existence d’Organisation Internationale, car il y a eu des propositions de la France d’admettre comme membre non étatique l’autorité palestinienne (est simplement observateur aujourd’hui).
Pour être un Etat, il faut tout de même une légitimation par la communauté internationale, mais que ce processus est facilité par les Organisations Internationales, qui permettent de constituer un forum dans le cadre duquel les Etats vont pouvoir dégager un consensus global sur le statut du futur Etat, apparaissant comme indispensable pour être véritablement un Etat. On ne peut que constater que le Kosovo est un Etat, car reconnaissance globale, même s’il ne dispose pas de l’ensemble des relations dont peut bénéficier des Etats « non problématiques ».
- La non-reconnaissance
Ce n’est pas simplement le fait pour un Etat de ne pas reconnaître. Ce sont des hypothèses dans lesquelles il y a interdiction de reconnaître une entité comme Etat. Cette pratique a d’abord été une pratique politique nationale : certains Etats tels que les EU, sous la doctrine Stimson (secrétaire d’Etat américain), s’interdisaient de reconnaître un Etat né de l’utilisation de la violence. Visait principalement la situation de la Mandchourie (création du Mandchoukouo). L’ONU a généralisé l’interdiction de l’usage de la force armée en 1966 : la Rhodésie était fondée sur l’Apartheid –> Refus de reconnaissance.
Certains éléments pour la constitution de certains Etats peuvent dépasser la théorie des éléments constitutifs : certaines obligations pèsent sur les Etats (droits fondamentaux).
Pour ce qui est de l’usage de la force armée : ex de la République turque de Chypre du Nord (Sud appartient à la Grèce) ; dès 1963, les deux communautés se séparent. La République Turque de Chypre du Nord était soutenue par la République Turque : RTCN s’est déclarée en tant qu’Etat –> Interdiction de reconnaître cet Etat comme indépendant. Rejoint ce que l’on avait vu en droit de la responsabilité : art.41§2 : « aucun Etat ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l’article 40 » (normes fondamentales/impératives).
Cette obligation de non-reconnaissance vient tempérer le caractère discrétionnaire : un Etat est libre de ne pas reconnaître, mais cette liberté est limitée dans la mesure où il y a des hypothèses dans lesquelles il est obligé de ne pas reconnaître.
- La reconnaissance du gouvernement
Elle est encore plus politique que la reconnaissance d’Etat, dans le sens où elle situe dans un cadre précis : l’Etat est reconnu, relations juridiques avec cet Etat, mais il y a un changement de gouvernement dans le cadre de l’autodétermination des Etats. Est-ce que la reconnaissance d’un Etat est sous-jacente à une reconnaissance du gouvernement ? Non.
Autre problème : problème de l’ingérence. Les autres Etats devraient prendre acte du changement de gouvernement, issu d’un processus d’autodétermination interne.
La plupart du temps, la reconnaissance de gouvernement est automatique. Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples, car là encore, il y a des évolutions dans le cadre des politiques nationales (gouvernement issus de fraudes électorales, coups d’Etat).
Certaines doctrines avaient été mises en place sur le continent américain pour ne pas reconnaitre les gouvernements issus de coup d’Etat.
Des déclarations politiques ont été faites pour constater que celles-ci étaient mises en mal par le principe d’effectivité, qui fait que même s’il y avait eu condamnation du coup d’E, on finissait par une reconnaissance de facto. La question s’est posée dans l’affaire Pinochet, 11 septembre 1973, renverse le gouvernement. En 1998, Pinochet qui était poursuivi en Espagne pour torture, exécution judiciaire… celle-ci a demandé l’extradition de Pinochet au RU. La question qui s’est posée aux juridictions britanniques était de savoir s’ils pouvaient extrader un ancien chef d’Etat ? Pinochet étant arrivé au pouvoir par un coup d’E, la chambre des Lords s’est dans un premier temps interrogée sur le statut d’ancien chef d’Etat et avait considéré que même s’il était arrivé au pouvoir par un coup d’E, le gouvernement britannique avait par la suite entretenu des relations de chef d’Etat à chef de gouvernement. Il avait bénéficié d’une reconnaissance en tant que chef d’Etat.
Souvent le poids de l’effectivité entraine reconnaissance à un gouvernement même issu d’un coup d’Etat.
Est-ce qu’il existe actuellement une règle de Droit International interdisant la reconnaissance d’un gouvernement issu d’un coup d’Etat ou pas ?
La question n’a pas de réponse franche puisqu’un seul précédent, celui d’Haïti, on est arrivé à une élection d’un président qui a été renversé par un coup d’Etat en 1991, et l’ONU avait refusé d’accepter des représentants du gouvernement et donc le président Aristide siégeait pour représenter Haïti è reconnaissance du président comme chef d’Etat et du gouvernement même s’il n’était pas effectivement pas dirigeant d’Haïti.
Ce précédent a conduit à s’interroger sur l’exigence en Droit International de ne pas reconnaître un gouvernement issu d’un coup d’Etat. Aristide était arrivé au pouvoir par un processus électoral mis en place, encadré par l’ONU.
Deuxième question à se poser : difficultés liées à des troubles intérieurs de l’effectivité du gouvernement. En Espagne, dualité du gouvernement sur le territoire. Il y avait deux gouvernements qui géraient effectivement deux parties du territoire espagnol, d’où des difficultés de reconnaissance. C’est l’effectivité qui l’a emporté.
La question se pose aussi dès lors que nous avons un gouvernement en exil. On voit que la dimension politique, effectivité et sort réservé au gouvernement ont une importance. Après la révolution bolchévique en 1917, il y avait un gouvernement tsariste en exil et cet Etat comme USA avaient refusé de reconnaître le Gouvernement bolchévique et n’avaient reconnu que le gouvernement tsariste qui n’avait aucune maitrise effective du territoire. è La encore c’est l’effectivité qui a joué.
Situation inverse : le gouvernement de la France libre, qui avait été reconnu par les alliés et finalement était considéré comme un gouvernement légitime depuis 1940 jusqu’à la fin de la guerre.
Conclusion : Dépend souvent du contexte politique et de l’issue de ces crises, avec au centre la question de l’effectivité.
Gouvernement de Taïwan représente à l’ONU la chine alors même qu’il n’avait pas la maîtrise de l’ensemble du territoire chinois.
2 aspects :
- Lorsque l’on a un gouvernement issu d’un processus démocratique, il n’y a pas de problème sauf lorsqu’il y a des doutes sur les conditions du processus démocratique.
Ex : élections en Iran ont été très largement critiquées. Lorsqu’il y a soupçon de fraude électorale, certains gouvernements ont émis des doutes sur l’élection iranienne (notamment gouvernement français). Ils ont fait part de leur doute sur le déroulement des élections. Cela a été considéré comme une ingérence dans les affaires intérieures. Là encore, l’effectivité, malgré des soupçons de fraude assez forte, le président est tout de même considéré comme l’interlocuteur qui parle au nom de l’Etat iranien.
D’autres situations pour lesquelles ca ne s’est pas passé de la même manière : Côte d’Ivoire. Bako s’appuyait sur disposition du conseil constitutionnel ivoirien que c’était lui qui avait gagné les élections et l’autre s’appuyait sur les conditions des élections. La communauté internationale a eu suffisamment de pouvoir pour renverser les élections. Il s’agissait d’une ingérence.
Quelques années plutôt en 2000, en Floride, les résultats des élections présidentielles avaient été très largement discutés. C’est allé devant la cour suprême des EU, dit qu’il ne fallait pas recompter les voix lors de l’élection. Donc on en reste là.
Cette question d’appréciation des résultats d’un processus démocratique peut être remise en cause à tout instant.
- Gouvernement n’ayant pas la maitrise d’un territoire mais que certains considèrent comme plus légitime pour représenter l’Etat.
Ex : Libye. Constitution assez rapidement du CNT, le régime provisoire massacrait sa population et face à cette situation il y a eu la reconnaissance du CNT du gouvernement comme gouvernement de la Libye. Le CNT était devenu par rapport à la France l’interlocuteur pour parler au nom de la Libye. Il y a véritablement des prises de position sur les affaires intérieures qui sont susceptibles le cas échéant d’être une ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat.