La rédaction de la Constitution française

L’élaboration / la rédaction de la Constitution

Les Trois étapes de la vie constitutionnelle sont son élaboration, sa révision et son abrogation. Nous étudions ici l’élaboration de la Constitution

  • Élaboration : La rédaction d’une Constitution initiale ou d’un texte entièrement nouveau par le pouvoir constituant originaire.
  • Révision : L’adaptation de la Constitution par le pouvoir constituant dérivé pour répondre aux évolutions sociétales.
  • Abrogation (théorique) : La suppression formelle d’une Constitution, bien que, dans la pratique, elle soit remplacée sans interruption juridique explicite (exemple : transition de la IVᵉ à la Vᵉ République en France).

L’élaboration d’une Constitution par le pouvoir constituant originaire est un acte de fondation qui fixe les règles fondamentales encadrant l’organisation du pouvoir dans un État. Ce processus, qui n’est soumis à aucune règle préexistante, reflète la souveraineté du pouvoir constituant. Historiquement, on distingue plusieurs types de modes de rédaction, en fonction des régimes politiques et du rôle joué par les acteurs impliqués.

 

&1- Rédaction non démocratique

a) Définition et caractéristiques

La rédaction non démocratique se produit dans des régimes où le pouvoir n’émane pas du peuple. Dans ces cas, les dirigeants, qu’il s’agisse d’un monarque ou d’une oligarchie, rédigent la Constitution en définissant les règles qu’ils acceptent de respecter. Ces règles sont généralement octroyées de manière unilatérale et visent à encadrer leur propre pouvoir tout en concédant certains droits ou institutions aux gouvernés.

b) Exemples historiques

  • France (1814) : Sous la Restauration, Louis XVIII octroie la Charte de 1814. Ce texte est conçu comme un compromis entre les acquis révolutionnaires et les principes monarchiques, mais il reste une initiative unilatérale du souverain.
  • Autres monarchies européennes : Ce modèle a été courant dans les monarchies constitutionnelles du XIXe siècle, où les rois concédaient des constitutions pour répondre aux aspirations libérales sans remettre en cause leur souveraineté.

c) Conséquences

  • Bien que non démocratique dans sa rédaction, une telle Constitution peut contenir des éléments démocratiques. Par exemple, la Charte de 1814 prévoyait des élections et instaurait un régime parlementaire limité.
  • Cependant, ce type de rédaction reflète une souveraineté asymétrique, où le peuple n’a aucun rôle dans la conception ou la discussion du texte.

 

&2- Rédaction mixte

a) Définition et caractéristiques

La rédaction mixte combine des éléments démocratiques et non démocratiques. Le texte constitutionnel est principalement élaboré par les gouvernants, mais il est ensuite soumis à l’approbation du peuple ou de ses représentants. Cette procédure vise à légitimer un texte conçu en grande partie de manière unilatérale.

b) Exemples historiques

  • France (1830) : Après l’abdication de Charles X, la monarchie de Juillet introduit une nouvelle Charte constitutionnelle révisée par Louis-Philippe. Ce texte est élaboré sans débat public mais reçoit l’approbation des parlementaires, assurant ainsi un certain consensus.
  • France (1958) : La Constitution de la Cinquième République, rédigée sous l’égide du Général de Gaulle et son équipe, illustre également ce modèle. Bien que la rédaction ait été centralisée, le texte a été soumis au peuple par référendum, qui l’a massivement approuvé. Cependant, le manque de débat public a conduit certains à qualifier cette procédure de « rédaction mixte ».

c) Conséquences

  • Cette méthode assure une légitimité populaire tout en conservant un contrôle significatif des gouvernants sur le contenu de la Constitution.
  • Elle peut néanmoins être critiquée pour son absence de participation active des citoyens à la rédaction.

 

&3 – L’élaboration démocratique

L’élaboration démocratique d’une Constitution repose sur la participation directe ou indirecte du peuple dans la rédaction, l’adoption, ou les deux étapes. Plusieurs mécanismes permettent cette participation, qui peuvent être employés isolément ou combinés : l’assemblée constituante, l’approbation populaire, et la consultation populaire.

a) L’Assemblée constituante

Définition et rôle
L’assemblée constituante est une institution élue dont la mission exclusive ou principale est de rédiger une nouvelle Constitution. Les électeurs sont pleinement conscients que leur vote désigne des représentants ayant pour seule tâche l’élaboration de ce texte fondamental.

Caractéristiques principales

  • Nature constituante : L’assemblée est investie d’un pouvoir constituant spécifique, distinct du pouvoir législatif classique.
  • Étendue de son rôle : Elle peut disposer de différentes marges de manœuvre :
    • Pouvoir total : Elle rédige et adopte la Constitution, qui entre en vigueur dès son approbation par l’assemblée.
    • Pouvoir limité : Elle rédige le texte mais son adoption finale est soumise à un référendum populaire.
  • Rôle unique ou multiple :
    • Assemblée exclusivement constituante : Son unique mission est de rédiger la Constitution, tandis qu’un gouvernement provisoire gère les affaires courantes.
    • Assemblée mixte : Elle agit à la fois comme constituante et législative, en assumant également les fonctions d’un parlement ordinaire.

Avantages et limites

  • Avantages : L’assemblée constituante permet une élaboration approfondie et encadrée. Elle garantit un processus démocratique tout en offrant un cadre pour éviter les blocages.
  • Inconvénients : Le processus peut être long et compliqué, surtout si l’assemblée cumule des rôles législatifs. Un délai peut parfois être fixé pour accélérer l’adoption de la Constitution.

Exemples historiques

  • France (IIIe République) : La rédaction de la Constitution a pris cinq ans, en raison des débats et des contextes politiques de l’époque.
  • Tunisie (2011) : L’assemblée constituante avait un délai précis pour voter la Constitution après la révolution.

b) L’approbation populaire

Définition et processus
L’approbation populaire est une procédure par laquelle le texte constitutionnel élaboré est soumis au peuple pour validation. Il s’agit typiquement d’un référendum, où les citoyens votent oui ou non à une question unique et claire.

Caractéristiques principales

  • Vote final : Ce mécanisme intervient généralement après que le texte a été élaboré par une assemblée constituante ou un autre organe compétent.
  • Caractère binaire : Le référendum demande une réponse simple et sans amendement possible. Le peuple ne discute pas le texte, mais l’approuve ou le rejette.

Avantages et limites

  • Avantages : Le référendum donne une légitimité directe et indiscutable à la Constitution. Il consacre le rôle du peuple en tant que source de souveraineté.
  • Inconvénients : La nature binaire du vote peut polariser le débat et empêcher des compromis. De plus, un rejet peut entraîner une crise institutionnelle ou politique.

Exemples

  • France (1958) : La Constitution de la Ve République, rédigée sous l’impulsion du général de Gaulle, a été adoptée par référendum. Le peuple n’a pas participé à sa rédaction, mais l’a approuvée directement.
  • Suisse : Les révisions constitutionnelles sont fréquemment soumises à référendum, conformément à leur tradition de démocratie directe.

c) La consultation populaire

Définition et fonctionnement
La consultation populaire est le processus par lequel l’ensemble des citoyens est impliqué directement dans la rédaction ou la révision de la Constitution. Ce mécanisme ambitionne une participation citoyenne maximale, mais sa mise en œuvre réelle reste limitée.

Caractéristiques principales

  • Processus participatif : Un projet de Constitution est envoyé aux citoyens, qui peuvent proposer des amendements ou donner leur avis.
  • Complexité organisationnelle : Les propositions citoyennes sont collectées et intégrées dans le texte final, ce qui peut créer un processus long et laborieux.

Avantages et limites

  • Avantages : C’est le mécanisme le plus démocratique dans son intention, car il associe directement les citoyens à l’ensemble du processus.
  • Inconvénients :
    • La consultation est souvent perçue comme un simulacre dans les régimes autoritaires (URSS, Chine, Cuba), où elle vise à donner une apparence de légitimité démocratique.
    • La complexité et les divergences d’opinion rendent difficile la conciliation des propositions.
    • Les consultations sont souvent peu suivies et leurs résultats peu contraignants.

Exemple réussi

  • Suisse (niveau cantonal) : La consultation populaire fonctionne efficacement au niveau local dans certains cantons, où elle est intégrée à une tradition de démocratie participative.

 

&4- Élaboration internationale

L’élaboration d’une Constitution sous l’égide du droit international ou d’organisations internationales est un phénomène relativement récent, qui reflète l’évolution du droit international et de son rôle dans la promotion de la paix et de la stabilité mondiale. Ce mode d’élaboration peut intervenir dans des situations de transition politique, de reconstruction post-conflit ou pour prévenir le retour à des régimes ou pratiques jugés contraires aux principes internationaux.

1. Évolution du rôle du droit international

a) Les origines traditionnelles

Depuis l’émergence des États modernes, le droit international a principalement traité de deux domaines :

  • Relations commerciales : réglementer les échanges entre États.
  • Guerre et paix : établir des règles applicables en temps de guerre (conventions) et négocier les traités de paix.

b) Changement de paradigme au XXe siècle

À partir de 1918-1919, le droit international élargit son champ d’action. Avec la fin de la Première Guerre mondiale, les États prennent conscience de la nécessité de promouvoir la paix par des moyens institutionnels :

  • Création de la Société des Nations (SDN) : première tentative utopique de maintenir la paix grâce à une organisation internationale.
  • Lien entre régime politique et paix : on considère qu’un certain type de régime (démocratique) favorise la paix, contrairement à d’autres jugés bellicistes ou autoritaires.

2. Imposition de normes constitutionnelles par les traités internationaux

a) Après la Première Guerre mondiale

  • Les traités de paix incluent des clauses constitutionnelles pour empêcher un retour aux régimes ou dynasties jugés responsables des conflits.
    Exemple : Le traité de Trianon (1920) interdit à la Hongrie de restaurer les Habsbourg sur le trône, considérés comme coresponsables de la guerre de 1914-1918.

b) Après la Seconde Guerre mondiale

  • Les traités de paix intègrent des exigences constitutionnelles pour prévenir le retour aux régimes autoritaires. Exemple : L’Italie doit, dans sa nouvelle Constitution de 1947, garantir les droits des minorités, en réponse aux discriminations et aux persécutions fascistes.

c) Les limites

Ces dispositifs ne fonctionnent que si les États acceptent de respecter les engagements pris. Leur efficacité repose sur la volonté politique des parties prenantes et le respect du droit international.

3. L’intervention des organisations internationales

a) Rôle des Nations Unies

  • Depuis sa création en 1945, l’ONU intervient dans des conflits pour maintenir ou rétablir la paix, en envoyant des forces comme les Casques bleus, chargés de stabiliser les régions concernées.
  • Dans certains cas, l’intervention va au-delà de la pacification militaire pour inclure des dimensions politiques et constitutionnelles.

b) Exemple notable : la Bosnie-Herzégovine (1994)

  • Après les guerres en ex-Yougoslavie, l’accord de Dayton signé sous l’égide des Nations Unies met fin au conflit.
  • Particularité : En annexe de cet accord figure la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, conçue pour garantir une paix durable. Elle prévoit une répartition du pouvoir entre les communautés (Bosniaques, Croates et Serbes) et intègre des principes de gouvernance pluraliste.

4. Une pratique marginale

L’élaboration internationale d’une Constitution reste marginale et limitée à des situations spécifiques, notamment :

  • Les conflits majeurs ou guerres civiles, où les acteurs locaux peinent à trouver un consensus.
  • Les États en transition après un effondrement politique ou institutionnel.

a) Une intervention encadrée

Les organisations internationales jouent un rôle de facilitateur, mais elles respectent généralement la souveraineté du pouvoir constituant. Cependant, elles peuvent proposer des cadres ou des modèles constitutionnels pour éviter le retour aux causes des conflits.

b) Une intervention critiquée

  • Atteinte à la souveraineté : Certains estiment que l’ingérence internationale, même bien intentionnée, peut restreindre la liberté du pouvoir constituant.
  • Acceptation locale : L’efficacité d’une Constitution élaborée internationalement dépend de son acceptation par les citoyens et les gouvernants.
Isa Germain

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