LA RÈGLE DE CONFLIT UNILATÉRALE
La méthode bilatérale et la méthode unilatérale sont deux approches utilisées en droit international privé pour résoudre les conflits de lois.
La méthode bilatérale consiste à ce que deux États conviennent d’appliquer mutuellement leurs lois. Par exemple, si la France et les États-Unis concluent un accord bilatéral pour appliquer mutuellement leurs lois en matière de contrats, un contrat conclu entre un Français et un Américain sera réglementé par la loi de l’un des deux États en fonction de l’accord. Cette méthode est souvent utilisée pour faciliter les relations commerciales et pour éviter les conflits de lois.
En revanche, la méthode unilatérale est basée sur la règle de conflit de lois de chaque État qui détermine quelle loi doit être appliquée dans une situation particulière. Par exemple, si un tribunal français doit statuer sur un contrat entre une entreprise française et une entreprise allemande, il appliquera la loi française en vertu de la règle de conflit de lois française. Cette méthode est utilisée lorsque les États ne sont pas d’accord pour appliquer mutuellement leurs lois ou lorsque des questions de politique publique nationale sont en jeu.
Les unilatéralistes partent de l’idée simple qu’il n’est pas logique et même pas possible qu’un Etat donne compétence à la loi d’un autre Etat si ce dernier ne veut pas de sa compétence.
Pour les auteurs de droit international privé, l’idée qui les guide, c’est l’idée de souveraineté. Ce serait se considérer comme supérieur que de rendre la loi de l’État étranger compétent.
SECTION I : Approche de quelques théoriesunilatéralistes
Ces théories unilatéralistes se sont essentiellement développées en Europe et surtout en Italie, en Allemagne et en France.
Le premier auteur qui a vraiment réfléchi à cette méthode est un Français : Niboyet : il a écrit essentiellement entre les deux guerres mondiales.
Pour lui, l’idée de souveraineté liée à celle de territorialité prend une place prépondérante.
Il a été déçu par son Maître (Pillet) qui prônait l’internationalisation, mais qui avait un rapport à la défense de la France différent de celui de Niboyet : pour ce dernier, pour qu’une décision ait un intérêt, il faut que ce soit efficace, c’est-à-dire que cette décision soit exécutée où la décision a intérêt à être exécutée. C’est le premier auteur français qui a insisté sur les faits bruts, sur « le fait pur et simple ».
Il insistait sur la prise en compte de ces faits, mais d’une façon particulière : pour lui, les seuls faits ayant une raison d’être retenus étaient les faits territorialement reconnus.
L’efficacité n’est possible que si le pays reconnaît sa compétence (le pays envisagé par la règle de conflit applicable).
Il constate encore que la règle de conflit bilatérale n’arrive que par hasard à ce résultat, et il faut donc changer de méthode.
La proposition de Niboyer est de constater que la règle de conflit bilatérale arrive rarement à un résultat satisfaisant. Il dit que chaque pays doit déterminer lui-même sa propre compétence sans se prononcer sur celle des autres pays :
« Il ne sert à rien de constater ce qu’on ne peut empêcher de la part d’une loi étrangère, ni d’affirmer ce que seule la loi étrangère ne peut réaliser». Il en déduit que chaque loi doit déterminer son champ d’application, car chaque Etat a un pouvoir étatique sur les faits.
S’il y a un conflit négatif, si aucune loi ne veut de sa compétence, on en revient à la loi du for (loi du tribunal saisi).
Mais la solution est bien plus difficile quand il y a conflit positif, puisque chacune des lois va vouloir s’appliquer. Dans ce cas, pour Niboyer, il faut revenir à la logique bilatérale.
Finalement, en dernier ressort, on en revient à une méthode bilatéraliste.
Ce n’est donc pas très logique. De plus, quand on donne compétence à la loi étrangère pour s’appliquer, ce n’est pas à l’État qu’on donne compétence, puisque les lois étrangères sont considérées comme des faits.
De plus, cette idée de souveraineté a pris du plomb dans l’aile (dixit la prof ;-))
La doctrine de Niboyer est tiraillée entre l’universalisme et le nationalisme.
La doctrine unilatéraliste s’est aussi développée en Italie, mais un peu par antithèse.
Ago est un nationaliste qui fut contesté par un autre auteur italien : Quadri.
Le livre essentiel de Quadri est «leçon de droit international privé» qui date de 1979.
Son approche est l’inverse de Niboyer : il ne faut pas en droit international privé se préoccuper de souveraineté. La conséquence de la souveraineté, c’est la coercition matérielle. Cette idée de coercition (sur des hommes ou sur des choses) n’est pas utile, intéressante en droit international privé. En effet, en droit international privé, où l’on essai de délimiter le champ d’application de chaque loi, la notion de souveraineté n’est pas utile.
Pour Quadri : «il n’existe pas de relation nécessaire entre les limites de la souveraineté et la loi applicable».
Le territoire est pris en considération chez cet auteur, dans la mesure où le territoire est le champ clos dans lequel la loi locale pourra imposer ses sanctions. Mais ce n’est pas le territoire qui est important. Ce qui l’est, ce sont les liens entre les personnes a qui est destiné la loi, et la loi concernée.
Ce n’est pas la nature du rapport qui importe, mais la position des sujets face à une législation déterminée. C’est la conscience des individus d’appartenir à un ordre juridique déterminé. (« Aspettative» en italien, ce qui a été traduit par l’attente).
L’attente en question est composée d’expériences individuelles, collectives, de «cascades d’expériences successives».
À chaque moment de cette expérience correspond «une attente raisonnable chez l’individu et dans la masse».
Le problème central pour Quadri, est alors de ne pas tromper cette attente. Ainsi, en droit international privé, il faudra désigner la législation avec laquelle un ou des individus ont été portés à se rallier, à laquelle ils se sont soumis.
« Il faudra interroger la loi étrangère en appliquant les propres critères de la loi étrangère, et en l’appliquant que si cette loi se veut compétente».
Nous sommes la dans la même configuration intellectuelle qu’avec la méthode Américaine : il ne s’agit pas de déterminer ce qui doit être, mais on doit se contenter d’observer ce qui est, et de ce fait, de parvenir à une meilleure organisation du système.
Une loi est une norme produite par un Etat (structure souveraine, mais c’est surtout une entité sociale et collective qui exerce un pouvoir sur des personnes).
Il va jusqu’à dire que chaque Etat émet un système d’évaluation, et ces règles ne sont que des propositions qui ne deviennent juridiques que si ces propositions répondent à l’attente raisonnable des parties, des personnes.
Il y avait ainsi, par cette notion d’attente un moyen de contrôler le champ d’application d’une loi.
Lorsque l’on est dans le cœur du droit international privé (quand il y a conflit positif). Quadri donne la référence à la loi ayant le caractère effectif le plus intense, c’est-à-dire la loi qui a le lien de dépendance le plus étroit et le plus fort, et c’est cette loi qui aura le plus de chance de s’imposer aux parties et au juge saisi.
C’est une volonté d’avoir une réponse unilatéraliste complète à une question de droit international privé.
Observations de cette doctrine :
Elle veut mettre l’accent sur l’attente qui est quelque chose de nouveau. C’est intéressant, car à l’opposé du système unilatéraliste. En effet, ici, il s’agit de quelque chose de pragmatique et de concret.
Autre intérêt : c’est celui de ne pas mettre l’accent sur la souveraineté, ou encore d’exclure le territoire.
Critiques : C’est une très grande difficulté pour le juge de trouver une solution, car il n’a pas de guide de solution, de raisonnement.
Si le juge est perdu, les parties le sont aussi, car elles ne peuvent connaître à l’avance l’orientation de la solution qui sera donnée au conflit.
Il y a un risque d’arbitraire évident. Cela est dangereux pour l’idée de justice.
Et en cas de conflit positif, il y a un risque fort qu’on renvienne sur la vision du for.
Il y a en France un auteur qui a repris les idées de Quadri, c’est Gothot. On trouve un article de cet auteur intitulé «sur le renouveau …» dans la revue critique de droit international privé de 1971 à la page 31.
Une forme d’unilatéralisme : les lois d’application immédiate
Francescakis (1910-1992) a été un juriste de droit international privé qui a beaucoup influencé la jurisprudence et la doctrine française.
Il faut savoir qu’il ne développe pas une doctrine anti unilatéraliste, il se situe de façon globale dans le système bilatéraliste classique.
Toutefois, il a fait beaucoup de constats en s’appuyant notamment sur le renvoi.
À partir de l’étude du renvoi, lorsque la règle de conflit a désigné la loi étrangère et qu’on dit que la loi veut de sa compétence, on a une règle unilatéraliste. Le renvoi est possible si la loi a réglé sa compétence.
Francescakis considère qu’il existe des lois internes dont l’emprise sur les relations internationales dépend uniquement de la détermination de leur champ d’application.
Ces lois la sortent de l’emprise du système conflictualiste ; on ne se pose pas la question si une loi est applicable, et on va appliquer dans le droit international privé ces lois qui sont tellement impératives qu’elles doivent être appliquées. Ainsi, l’application de ces lois impératives se fait sans se poser la question de l’existence de lois étrangères. Par conséquent, ces lois vont être unilatérales, puisqu’elles vont fixer leur champ d’application impératif de telle ou telle loi. C’est pour cela qu’il dit que ces lois sont «d’application immédiate» (Sperguli dit «d’application nécessaire»).
Qu’entend-on par règles d’application immédiate ? En France, ce sont les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique d’un pays.
Ce sont des règles essentielles pour un pays, mais on n’utilise pas les systèmes conflictualistes. C’est une loi que l’on applique d’emblée, sans système bilatéraliste.
Cette loi fait l’économie du système bilatéraliste.
L’idée est que les lois d’application immédiate sont en fait faites pour diminuer le jeu de l’ordre public.
De même, pour Francescakis, le raisonnement se fait en terme de politique législative d’un pays. C’est une doctrine modérée.
Il y a des unilatéralismes nationalistes qui voudront étendre la loi du for et son champ d’application, et de l’autre côté, il y a un unilatéralisme nationaliste qui veut respecter le droit étranger et limiter une intervention intempestive du for.
SECTION II : L’influence de ces théoriesunilatéraliste dans notre droit positif
Il faut faire un constat : la théorie unilatéraliste ne s’est pas imposée en tant que méthode à part entière et unique. Pourquoi cela ? Car très souvent, la théorie est inachevée. Très souvent, les auteurs quand ils n’ont pas de réponse unilatéralistes reviennent à la méthode bilatéraliste.
D’autre part, généralement, les unilatéralistes ont privilégié la responsabilité délictuelle et ont raisonné dans une matière particulière, mais pas de façon générale.
Un système unilatéral est un système qui privilégie le for.
Or, dans un contexte de mondialisation, revenir sur la loi du for est quelque chose de maladroit. Une méthode unilatéraliste ne peut se généraliser, conduire à une uniformisation des solutions. Ainsi, l’harmonie internationale est difficile à prouver car chacun réclame l’application de sa loi.
Dans le système unilatéraliste, il y a le danger du « forum shopping» : On va choisir le tribunal qui nous sera favorable, car on sait qu’il va appliquer sa loi. Ce risque est aussi présent dans un système bilatéraliste. Il va être assez difficile de faire exécuter une décision dans un système unilatéraliste, car dans ce système, il y a un repli sur soi.
Enfin, ces méthodes sont assez imprécises ; les règles de conflit ne sont pas connues à l’avance…
Et pourtant, malgré toutes ces imperfections et les difficultés de mise en œuvre, on trouve des traces non négligeables de ces méthodes dans notre droit positif.
Tout d’abord, historiquement :
Par exemple : le droit sur les immeubles : très vite, on a consacré la loi du lieu de fixation de l’immeuble, car il avait une souveraineté sur ce territoire. Pouvait-on concevoir au Moyen Age autre chose que fragmenter le pouvoir ?
D’ailleurs, dans le code civil, les quelques règles de droit international privé sont rédigées de façon unilatéralistes. Par exemple : l’article 3 du code civil prévoit les lois de police et de sûreté obligeant tous ceux qui habitent sur le territoire. C’est une loi qui est unilatéraliste : la loi française fixe son propre champ d’application (le champs clos).
De même, quand l’article 3 dit les immeubles mêmes possédés par des établissements sont régis par la loi française=> loi d’expression unilatérale.
Au départ, quand on a formulé ces règles de droit international privé, le législateur l’a fait sur un mode unilatéraliste. Après, la jurisprudence a bilatéralisé ces règles.
Il faut d’ailleurs noter l’intérêt d’une démarche unilatéraliste : le for va imposer ses vues, va défendre sa vision du monde, va aussi promouvoir une façon de penser. Cela peut être conçu comme de l’impérialisme juridique, mais aussi, cela peut être une forme de propagation d’un progrès (par exemple : propagation dans le monde de l’égalité homme/ femme).
Pour tout cela, le droit positif français n’est pas privé de l’unilatéralisme.
Dans les conventions internationales :
Par exemple : dans la convention de Rome de 1980, elle a aux articles 5 et 6 une démarche unilatéraliste en matière de droit de la consommation et de droit du travail.
En droit interne français, Francescakis a beaucoup d’influence. En effet, en droit international privé, on a beaucoup de textes d’inspiration unilatéraliste.
Par exemple, en matière de divorce : l’article 310 du code civil qui résulte de la loi du 11 juillet 1975. Pour certains, c’était la transposition dans une loi de la jurisprudence antérieure. En réalité, l’article 310 a trois alinéas avec une démarche différente :
«Le divorce et la séparation de cors sont régis par la loi française»
Alinéa 1 : Lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française (tournure unilatéraliste dans l’expression. Mais cette règle peut être et est bilatéralisée par la jurisprudence en énonçant : la loi de la nationalité des époux).
Alinéa 2 : Quand les époux ont l’un et l’autre leur domicile sur le territoire français. C’est un alinéa d’expression unilatéraliste. En réalité, la jurisprudence le bilatéralise : quand deux époux habitent sur le même territoire, c’est la loi de ce territoire qui s’applique en matière de divorce.
Alinéa 3 : «Lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps».
Cet alinéa 3 ne peut pas être bilatéralisé. C’est donc un alinéa purement unilatéral. D’ailleurs, Francescakis a écrit un article sur ce sujet («le surprenant article 310 sur le divorce international» : Revue critique de droit international privé de 1975 à la page 553).
L’alinéa 3 est une innovation complète en matière de divorce. Cet alinéa pose des problèmes, car il laisse sans solution l’hypothèse où les époux sont de nationalité différente et de domicile différent.
Par exemple : un italien est marié à une Française, ils vivent en France, mais l’époux décide de rentrer en voiture en Italie en amenant avec lui ses enfants. Dans ce cas, ni le premier, ni le deuxième alinéa de peuvent s’appliquer.
Si le tribunal saisi constate que la loi étrangère ne veut pas de sa compétence, il n’y a pas de solution. Dans le cas où les époux n’ont pas de domicile commun en France, il n’y a pas de solution, car l’alinéa 3 ne s’applique pas.
Autre difficulté : comment connaître qu’une loi étrangère se veut compétente ?
On peut avoir des conflits positifs, mais cette politique de l’article 310 alinéas 3 qui voulait laisser une place au droit étranger se retrouve à l’inverse de l’objectif, car on revient au droit du for.
Et quand on a un conflit négatif, il n’y a pas de solution.
Certains auteurs, après la loi de 1975 voulaient bilatéraliser cet article 310Mais cela s’est révélé trop difficile. Or, la jurisprudence a bien appliqué l’article 310 alinéa 3 de façon unilatérale (arrêt du premier juin 1994 : revue critique de droit international privé de 1995, page 117) : «Lorsque les époux dont l’un est étranger ne sont pas tous deux domiciliés en France (pas d’application des premier et deuxième alinéas), le juge DOIT rechercher comme il lui a été demandé si la loi étrangère se reconnaît compétente, et dans l’affirmative, en faire application» Il s’agit de l’arrêt «Selmi» de 1994.
Cet arrêt casse une décision de cour d’appel, et cette procédure durait depuis douze ans.
Les faits : Monsieur Selmi est de nationalité italienne, sa femme est de nationalité française. Ils se sont mariés à Florence. Puis, une demande de séparation est faite devant le juge italien. La séparation est alors prononcée, et la garde des enfants est confiée à la mère, avec obligation pour elle de résider à Florence. Elle rentre en France, et elle y demande le divorce. Le problème est de savoir qu’est ce qu’on applique de l’article 310 : l’alinéa 1 et 2 ne s’appliquent pas. Pour ce qui est de l’alinéa 3, la loi italienne est-elle compétente ?
Le mari demande l’application de la loi italienne. La Cour de cassation dit que l’on va appliquer la loi italienne, car elle a été réclamée par le mari. Donc, on interroge la loi italienne qui veut de sa compétence. C’est donc la consécration de l’application de la loi italienne.
L’avocat aurait pu tenter de débattre sur le fait qu’il n’est pas dans le progrès de laisser des époux dans le lien du mariage alors qu’ils ne veulent plus l’un de l’autre (on a de la jurisprudence à ce sujet).
Avant 1975, on aurait pu appliquer aisément la loi française à l’espèce.
Le problème est le même en matière de filiation : une loi de 1972 va faire pénétrer un raisonnement unilatéraliste contraire à la jurisprudence antérieure en matière de filiation.
Cette loi a donné naissance à l’article 311-15 du code civil. Cet article est de pure expression unilatéraliste avec une large prédominance de la loi française : «toutefois, si l’enfant légitime et ses père et mère, l’enfant naturel, et ses père et mère ont en France leur résidence habituelle, commune ou séparée, la possession d’état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, lors même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre d’une loi étrangère».
La loi de 1972 a mis en place quelque chose de très fort en matière de possession d’état : ce sont des faits de filiation qu’il faut reconnaître.
Donc, logiquement, le droit français va imposer la possession d’état pour tous ceux cités dans l’article. C’est une démarche purement unilatéraliste.
L’article 311-15 énonce «selon la loi française» : on ne fait donc nullement référence à la règle de conflit de l’article 311-14 du code civil.
Avec toutes ces illustrations, force est de constater que les lois modernes ont tendance à instaurer dans le système conflictualiste des règles unilatéralistes.
On a aussi dans le droit positif une application assez intéressante des lois d’application immédiate de Francescakis.
Par exemple, prenons l’arrêt des «wagons-lits» du Conseil d’État du 29 juin 1973 (revue critique de droit international privé de 1974, à la page 344) : application de l’ordonnance du 22 février 1945 instituant le comité d’entreprise dans les sociétés internationales. La question en l’espèce était de savoir si dans la société des wagons lits (société franco-belge) il fallait un comité d’entreprise ? Le Conseil d’État a dit oui avec une explication intéressante : «Les dispositions de l’ordonnance du 22 février 1945 doivent être appliquées par toute personne physique ou morale exerçant en rance les responsabilités d’employeur».
C’est une loi d’application immédiate : on considère qu’en droit du travail, des lois sont tellement importantes qu’elles doivent être appliquées sans tenir compte des lois applicables.
L’article 122-14-8 du code du travail prévoit l’obligation quand une société est installée en France et qu’elle a des filiales à l’étranger de rapatrier et de reclasser ce salarié. Si le législateur a voulu que cette loi soit d’application immédiate, c’est qu’il a voulu la promouvoir par une règle unilatérale.
Seulement, la Cour de cassation a trouvé des mécanismes correcteurs à cette loi pour ne pas l’appliquer.
Ce sont les arrêts «Marchi» et «Robertson » qui ont tous deux été rendu le 30 juin 1993 (revue critique de droit international privé 1994, page 323).
-Arrêt «Marchi» : Marchi est un salarié de Carrefour France, il est invité à aller diriger un carrefour au Brésil, et ceci, au sein d’une filiale de Carrefour. Des problèmes interviennent entre le directeur de carrefour et Marchi qui est licencié. Ce dernier va demander à être réintégré dans la société française. La Cour d’appel lui donne raison. Mais Carrefour forme un pourvoi, et la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.
La société mère carrefour continuait à fixer le salaire de Marchi ; les instructions étaient données par la société mère, et le licenciement avait été fait sur l’initiative de la société mère. La Cour d’appel avait considéré que c’était la loi française qui devait s’appliquer, car elle règlementait le contrat de travail de Marchi.
Pour la Cour de cassation, ce n’est pas la loi française qui s’applique, car le lieu d’exécution était le Brésil, et que les parties n’avaient pas imaginé appliquer la loi française.
-Arrêt «Robertson» : Robertson est employé par la société «Centre expérimental…» : il travaille en France, puis on lui confie une agence à Singapour, à Hong Kong, puis on lui confie la responsabilité de tout le sud est asiatique, enfin, il est licencié.
La cour d’appel applique la loi française et la Cour de cassation casse cet arrêt avec les mêmes arguments que pour l’arrêt Marchi : dès qu’il est à l’étranger, le droit français cesse de s’appliquer.
Ici, on occulte complètement le contenu de l’article 122-14-8.
Ces deux exemples de la jurisprudence montrent qu’on peut bien avoir une règle unilatéraliste de promotion. Mais si on la détourne de son but, elle ne présente plus grand intérêt.