La réparation des pertes, avaries, retards dans le transport de marchandise

La réparation des pertes, avaries et retards en matière de transport international de marchandise par route

 Le transporteur est responsable de la perte ou de l’avarie subie par la marchandise entre le moment de la prise en charge et celui de la livraison, la CMR est donc très claire sur ce point. Les tribunaux ont ajouté par analogie que le transporteur était également responsable des retards susceptibles d’être préjudiciables (il faut donc qu’un dommage soit subi du fait du retard). Cette responsabilité joue à l’encontre du transporteur pour ses propres actes, pour ceux de ses préposés ou de ses sous-traitants mais elle ne jouera que si la loi applicable permet d’invoquer la faute délictuelle du transporteur, de ses préposés ou des tiers dont il répond. Quoi qu’il en soit, les tribunaux estiment que la disposition est inopposable aux tiers complètement étrangers au contrat de transport. 

1) La constatation de la perte, de l’avarie ou du retard 

A) L’existence de la perte ou de l’avarie

La perte ou l’avarie de la marchandise est établie dès lors que les réserves régulières n’ont pas été prises par le transporteur lors de la prise en charge. En l’absence de réserve cela signifie que la marchandise était conforme à la description donnée dans la lettre de voiture. Par extension, cela signifie que tout ce qui n’a pas été relevé par le transporteur mais signalé par le destinataire résulte d’un évènement survenu en cours de transport. La Cour de cassation affirme régulièrement que toute avarie même non apparente mais dénoncée par le destinataire est présumée survenue en cours de transport sauf au transporteur d’en établir l’existence préalable. S’il n’y a aucune réserve formulée à la livraison par le destinataire cela prouve que la marchandise était conforme à la lettre de voiture d’où l’importance des réserves à quelque moment que ce soit du transport. 

B) La présomption de perte

Rappel : La convention de Genève dite C.M.R. (Convention relative au contrat de transport international de Marchandise par Route) règle les conditions de transport et la responsabilité des différentes parties au contrat de transport (Donneur d’ordre, Chargeur, Transporteur, Destinataire). La C.M.R. fut signée le 19 mai 1956 à Genève et mise en œuvre en 1958.

Selon la CMR, la marchandise doit être considérée comme perdue lorsqu’elle n’a pas été livrée dans les 30 jours de sa prise en charge par le transporteur. Dans cette hypothèse, le destinataire peut réclamer une indemnité pour perte sans formalité particulière. Il peut aussi demander par écrit d’être informé si la marchandise est retrouvée dans l’année du paiement de l’indemnité. S’il a fait la demande et qu’il est avisé du fait que la marchandise est retrouvée, il va disposer d’un délai de 30 jours à compter de l’information pour prendre sa décision finale: prendre la marchandise et restituer l’indemnité perçue ou refuser la marchandise en la laissant au transporteur qui procèdera à sa vente aux enchères ou à sa destruction. 

C) L’existence et la constatation du retard

Le destinataire peut demander réparation au transporteur du préjudice que lui cause une livraison tardive surtout si le transporteur a pris l’engagement de respecter un délai déterminé. La CMR est beaucoup plus libérale que le droit français puisqu’elle prévoit quand même une indemnisation en l’absence de délai prévu lorsque la durée effective du transport dépasse le temps que l’on est en droit d’attendre d’un transporteur diligent, condition appréciée par le tribunal (il n’y a pas de notion de délai raisonnable mais une référence au pater familias). Aucune mise en demeure n’est exigée car en cas de retard le destinataire va émettre des réserves et que ces réserves sont obligatoires en cas de retard dans un délai de 21 jours après la date convenue. Ainsi, jusqu’à 21 jours, il s’agit du retard et au-delà il s’agit de perte. Au-delà d’un délai de 21 jours, les réserves deviendraient irrecevables et donc inopposables. 

2) L’exonération du transporteur 

A) L’exonération pure et simple

Le transporteur n’est pas tenu de réparer la perte, l’avarie ou le retard si ces évènements sont dus à une faute ou à ordre de l’ayant-droit à la marchandise (CMR Article17). 

Il ne sera pas non plus responsable d’une perte ou avarie qui résulterait d’un vice propre à la marchandise, il en ira de même si la perte, l’avarie ou le retard sont dus à des circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et surmonter. En application de la CMR, la Cour de cassation estime que l’exonération joue même si l’évènement irrésistible n’était pas nécessairement imprévisible (Cour de cassation, 27 jan. 1981 à l’époque, la force majeure revêtait encore les 3 caractéristiques cumulées: imprévisible, irrésistible et extérieure, le DIP n’a jamais cumulé les 3 critères). 

B) La preuve contraire

Hypothèse de la preuve contraire apportée par l’expéditeur. Grace à la CMR, le transporteur bénéficie d’une présomption d’origine du dommage lorsqu’il établit que la marchandise n’était pas conforme aux prévisions de la CMR ce qui peut être à l’origine du dommage (type de véhicule, emballage, arrimage etc.). L’expéditeur peut établir que le dommage n’est pas entièrement dû à ces éléments. L’ayant-droit peut donc demander réparation sauf cause exonératoire de CMR Article17. 

Conscient qu’il ne pouvait pas toujours y avoir force majeur, CMR Article23 dispose que le montant des dommages et intérêts ne peut en aucun cas dépasser le prix du transport total. La CMR prévoit aussi que les intérêts représentent un taux de 5 %. Ce texte va dans le sens des transporteurs pour pousser à demander réparation dans un délai très bref. La CMR est d’ordre public si bien que les tribunaux estiment nulle toute clause pénale qui adopterait un autre système en vue d’indemniser l’ayant-droit en cas de perte, avarie ou retard. 

C) La réparation des pertes ou avaries

1) L’action en réparation 

L’action en réparation est le plus souvent exercée par l’assureur qui a indemnisé l’ayant-droit à la marchandise et dans les droits duquel il est subrogé. Le droit d’action contre le transporteur appartient à chacune des parties au contrat et en principe, seul le transporteur est assigné. 

Cette action doit être intentée dans le délai d’1 an ou de 3 ans en cas de dol ou de faute équipollente au dol selon la loi du juge saisi. La Cour de cassation estime que la notion de faute équipollente au dol correspond à la notion de faute lourde. 

Ainsi, en pratique, il faut agir dans le délai d’1 an car la faute lourde est rarement retenue. 

Ces délais sont impératifs, les parties ne peuvent pas les écarter ou les modifier. Ces délais s’appliquent uniquement aux actions nées de l’exécution du contrat de transport. 

La computation des délais: point de départ: 

  • – le délai commence à courir du jour où la marchandise a été livrée en cas de perte partielle, avarie ou retard. 
  • – en cas de perte totale, les délais commencent à courir à partir du 30ème jour après expiration du délai convenu ou à défaut de délai convenu, à partir du 60ème jour à compter de la prise en charge de la marchandise. 
  • – dans tous les autres cas, les délais courent à partir d’un délai de 3 mois à compter de la conclusion du contrat. 

Pour les délais qui se comptent en jours, le point de départ est minuit (0h00). 

La CMR prévoit que le régime de la prescription est soumis à la loi du juge saisi (suspension, interruption etc.). L’assignation, même devant un juge incompétent, va interrompre la prescription alors qu’ne mise en demeure ne va pas l’interrompre. 

La CMR (antérieure à la Convention de Bruxelles) prévoit que l’action est portée, en l’absence de choix, devant le juge du pays sur le territoire duquel le défendeur a sa résidence habituelle ou au lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise. Idem règlement communautaire du 22 déc. 2000. 

2) Les dommages et intérêts 

En principe, selon la CMR, seul le préjudice matériel doit être indemnisé en fonction de la dépréciation de la marchandise mais le texte fixe des limites: si l’ensemble de la marchandise est déprécié par l’avarie l’indemnisation ne peut pas dépasser le montant prévu pour perte totale. Le texte prévoit aussi les modalités de calcul et d’appréciation de cette indemnisation. 

Quel que soit le montant des dommages et intérêts, il faut se référer à l’unité de compte et l’indemnité ne pourra être supérieure à la somme obtenue en multipliant les kilos manquants par 8,33 (ex: si euros et 100 kg perdus 833 euros d’indemnisation) sauf déclaration de valeur.
Exception: en cas de faute lourde du transporteur, la réparation est intégrale.
 

  

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