La représentation successorale

La représentation successorale

Sans contredire le principe, selon lequel effectivement dans chaque ordre le parent le plus proche exclut le parent le plus éloigné et sans contre dire non plus le principe de l’égalité de droit à égalité de degré, le code civil apporte toutefois 2 correctifs à ce principe :

– la fente successorale (étudié dans un autre chapitre) : La fente successorale est définie par l’article 737 du Code civil : « lorsque le défunt ne laisse ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié. »

– La représentation successorale est une règle du droit des successions qui permet à un héritier de recueillir la part d’un autre héritier qui aurait dû succéder s’il n’avait été prédécédé, renonçant ou déclaré indigne. La représentation concerne les descendants du défunt soit ceux de ses frères et sœurs.

I. Définition de la représentation successorale

La représentation successorale est définie par l’article 751 du Code civil qui prévoit que la représentation est une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté. La représentation successorale correspond en faite à un souci de justice et d’équité.

La représentation successorale

II. L’objectif de la représentation successorale

C’est de corriger à la fois la règle de la priorité selon le degré et la règle de l’égalité de droit à égalité de degré.

Exemple : on peut envisager l’hypothèse d’une personne qui décède en laissant un enfant et un petit fils né d’un autre enfant pré décédé. Si on applique les règles de l’ordre successoral et du degré de manière stricte, la personne qui est normalement appelée à succéder est l’enfant survivant du défunt qui devrait donc recueillir la succession en totalité. Effectivement, l’enfant du défunt appartient au 1er ordre de successibles (= visé par l’article 734 du Code civil) et lorsque l’on examine la situation, on voit que dans cet ordre successoral les enfants et leurs descendants, on a plusieurs personnes parce qu’il y a l’enfant mais il y a aussi le petit-fils. Si on applique la règle ensuite du degré qui est applicable, il a donc vocation à recueillir la succession et a vocation à recueillir toute la succession selon la règle du degré car il est le plus proche en degré. Et par conséquent, il exclut complètement l’enfant né de l’enfant pré décédé du défunt. Mais il a semblé injuste et difficile d’admettre que le petit fils qui était issu d’un fils pré décédé soit exclu de la succession de son grand-père par son oncle qui est plus proche en degré. C’est pourtant le résultat auquel conduit l’application stricte des 2 règles.

Faut-il souffrir du pré décès de son parent du fait de la règle du degré? Réponse négative et a conduit à la mise en place de la technique de la représentation qui va permettre concrètement au petit fils de venir à la succession de son grand-père en représentation de son père et en concurrence avec son oncle.

La représentation permet donc, ici, d’apporter un 1er correctif à la règle du degré. Elle corrige la priorité selon le degré et permet qu’un héritier d’un degré plus éloigné concours avec un héritier d’un degré plus proche.

La technique de la représentation va apporter un 2ème correctif qui va permettre de déroger à la règle de l’égalité des droits à égalité de degré.

Exemple : soit un défunt qui laisse à sa succession 2 enfants E1 et E2, tous 2 prédécédés. E1 laissant lui-même 2 enfants e1 et e2 et E2 laissant lui-même un enfant e’2. Sans la technique de la représentation, la règle selon laquelle il y a égalité de droits des héritiers à égalité de degré conduirait au résultat suivant : les petits enfants e1, e2 et e’2 étant tous héritiers au 2ème degré et étant seuls successibles du fait du pré décès de leurs parents si l’on appliquait la règle d’égalité des droits à égalité de degré chacun devrait recevoir 1/3 de la succession du grand-père. Et bien non.

Grâce à la représentation, chaque petit enfant venant en représentation de son auteur, les petits enfants se partageront respectivement la part qui devait normalement revenir à leur auteur. En l’espèce chaque enfant E1 et E2 aurait du recevoir la moitié de la succession mais ils sont pré décédés donc leurs parts théoriques va revenir à leurs descendants donc e1 et e2 se partageront la moitié donc auront chacun ¼ de la succession et e’2 enfant unique de E2 reçoit la moitié. L’application de la règle de la représentation s’explique par un principe d’égalité de devoir envers les souches auxquelles le défunt avait donné naissance.

Par la technique de la représentation, les petits enfants vont d’une part se hisser au même degré que l’enfant en prenant la place de leur mère ou père pré décédé et recueillir exactement les droits qu’auraient du recueillir leur auteur pré décédé.

 

III. Le domaine de la représentation successorale

1. Les successions qui sont concernées

La représentation ne joue que pour les successions ab intestat. Elle est exclut pour les successions testamentaires.

2. Les bénéficiaires de la représentation

Si on reprend la définition de la représentation telle qu’elle figure à l’article 751, on constate que la représentation est une fiction qui appelle à la succession les représentants aux droits du représenté.

a. Les conditions relatives au représenté

Deux questions se posent :

  • quelles sont les catégories d’héritiers qui peuvent être représentés?

  • et dans quel cas cette catégorie d’héritiers pourra-t-elle être représentée?

 

— La représentation va jouer dans 2 cas :

  • dans les successions dévolues aux descendants

  • aux successions dévolues aux collatéraux privilégiés.

 

  • En premier lieu, effectivement la représentation joue au profit des descendants, la règle est prévue à l’article 752 alinéa 2 du Code civil. Ce texte prévoit qu’« elle est admise dans tous les cas, soit que les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant pré décédé soit que tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants se trouvent entre eux en degré égaux ou inégaux ».S’agissant du jeu de la représentation au profit des descendants, l’alinéa 1er de ce même texte prévoit que « la représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante » c’est-à-dire sans limitation de degré.

 

  • En second lieu, la représentation au profit de ligne collatérale privilégiée c’est-à-dire au profit des descendants des frères et sœurs du défunt ainsi que cela résulte de l’article 752-2 du Code civil qui prévoit que « en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et des descendants des frères ou sœurs du défunt soit qu’ils viennent à la succession concurremment avec des oncles ou tantes soit que tous les frères et sœurs du défunt étant pré décédé la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degré égaux ou inégaux ».

A priori, la représentation en ligne collatérale ne devrait jouer que jusqu’au 6ème degré puisque l’article 745 du Code civil prévoit que les parents collatéraux visés de façon générale ne succèdent pas au delà du 6ème degré.

 

Deux catégories d’héritiers peuvent bénéficier de la représentation. En revanche, la représentation ne profite ni aux ascendants privilégiés ou ordinaires (= article 752-1 du Code civil) ni aux collatéraux ordinaires (= article 752-2 : réservant expressément la représentation aux enfants et descendants des frères et sœurs du défunt c’est-à-dire les collatéraux privilégiés).

 

— Les hypothèses de représentation : la représentation permet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté et elle va donc permettre à un héritier de prendre la place d’un héritier plus rapproché. La question de savoir dans quels cas un héritier peut être amené à prendre la place d’un autre plus rapproché? La réponse est directement conditionnée par l’objectif de la représentation. L’objectif, c’est d’assurer l’égalité entre les souches. Pour qu’il y ait effectivement une pleine égalité entre les souches, il faut, lorsqu’un enfant ou alors un frère ou une sœur du défunt qui ne vient pas lui-même à la succession que ses descendants puissent prendre sa place. Dans les exemples que nous avons vus, l’hypothèse était toujours celle du pré décès de l’héritier qui était normalement appelé à la succession. Or les hypothèses où un enfant ou un frère ou une sœur du défunt ne vienne pas à la succession sont beaucoup plus nombreuses. Ces hypothèses visent le pré décès mais pas uniquement. Il y a d’autres hypothèses telles que le cas où cet héritier est vivant et ne peut pas ou ne veut pas recueillir la succession. Ces hypothèses ont été prises en compte par le législateur. A l’origine, la représentation était limitée au seul cas du pré décès de l’héritier? Lors de la réforme de 2001, le législateur a complété une première fois cette hypothèse en ajoutant le cas de l’héritier qui était non pas pré décédé mais co décédé (= le co-mourant) et le cas de l’indigne.

Le cas de l’indigne est visé à l’article 755 du Code civil qui prévoit que la représentation est admise en faveur des enfants et des descendants de l’indigne encore que celui-ci soit vivant à l’ouverture de la succession.

La seule catégorie d’héritiers qui restait exclut de la représentation à l’issu de la reforme de 2001 réforme de 2001 était la catégorie de l’héritier renonçant qui ne recueillait pas la succession non pas parce qu’il ne le pouvait pas mais parce qu’il ne le voulait pas. Cette dernière source d’exclusion de la représentation a disparu lors de la réforme du 23 juin 2006 qui a admis la représentation de l’héritier renonçant. Pourquoi a-t-on admis cela? La justification de l’admission de la représentation du renonçant est rappelée dans l’exposé des motifs de la loi de 2006 : il est exposé que l’admission de la représentation du renonçant était le corolaire indispensable dans le cas de la succession ab intesta de la possibilité ouverte par le projet de loi en matière de libéralité, de procédés à des donations trans générationnelles au profit des petits enfants. La prise de position globale s’inscrit dans la logique de la réforme opérée en 2006 qui est de permettre la transmission des patrimoines aux plus jeunes. Aujourd’hui, on peut représenter aussi un renonçant en ligne directe et en ligne collatérale qui résulte aujourd’hui de l’article 754 du Code civil. Admettre la possibilité de représenter un renonçant au profit des descendants et des collatéraux privilégiés, c’est là encore permettre la pleine égalité des souches dans les domaines où la représentation est admise.

 

b. Les conditions relatives au représentant

Qui peut représenter l’héritier appelé normalement à la succession? Il faut donc s’interroger sur le lien de parenté entre le représentant et la catégorie d’héritiers qu’il représente.

Pour venir à une succession par représentation, il faut être un descendant du représenté. Pourquoi? Le mécanisme de la représentation s’explique par la notion de souche. La notion de souche intervient lorsque le défunt avait plusieurs descendants et/ou plusieurs frères et sœurs. Dans ce cas, chaque descendant ou chaque collatéral privilégié a pu faire souche en ayant lui-même des descendants. Il suffit que l’un seul des enfants ou des frères et sœurs ait fait souche pour que la représentation soit justifiée et s’applique. Le mécanisme de la représentation est directement lié à cette notion de souche, il faut que le de cujus ait eu plusieurs enfants ou plusieurs frères et sœurs et que l’un d’entre eux ait eu lui-même un ou plusieurs descendants car la souche prend naissance lorsque l’un au moins des enfants ou l’un au moins des frères et sœurs du défunt a eu lui-même des descendants. Dans ce cas, il y a souche donc il y a représentation. L’application de cette règle permet de distinguer les hypothèses dans lesquelles la représentation va jouer des hypothèses où la représentation sera exclut. On peut ainsi préciser dans quel cas la représentation sera admise.

De manière concrète, en cas de pré décès d’un descendant (= enfant) ou d’un frère ou d’une sœur, la représentation sera admise dans les cas suivants :

  • lorsque les enfants du défunt sont en concours avec les descendants d’un enfant prédécédée ou lorsque les frères et sœurs du défunt sont en concours avec les descendants d »un frère ou d’une sœur pré décédé.

  • lorsque tous les enfants ou tous les frères et sœurs du défunt sont pré décédés et que leurs enfants concourent entre eux.

Les cas d’exclusion de la représentation :

  • elle est exclue lorsque le défunt ne laisse pour seul héritier que des enfants issus d’un même enfant pré décédé, les autres enfants éventuels du défunt étant tous pré décédés sans postérité, les descendants viennent alors à la succession de leur propre chef et non pas par représentation. Il n’y a aucun concours.

  • lorsque le défunt est décédé sans postérité et ne laisse pour héritier que les enfants issus d’un frère ou d’une sœur unique pré décédé. Les enfants hériteront de leur propre chef.

 

Il sera important de savoir distinguer selon que l’on hérite par représentation ou de son propre chef lorsque se posera le problème du rapport des donations à la succession.

 

En conclusion, la représentation va permettre à un héritier de prendre la place d’un héritier plus rapproché qui ne vient pas lui-même à la succession soit parce qu’il ne le peut plus (= il est décédé) soit parce qu’il en est exclu (= il est indigne) soit parce qu’il ne le veut plus (= il est renonçant).

C. Les effets de la représentation

La représentation a pour effet de faire entrer le représentant dans le degré et les droits qu’aurait eu le représenté. Cette règle découle directement de la définition même de la représentation (= article 751 : la représentation appelle à la succession les représentants aux droits du représenté).

Le représentant venant aux droits du représenté, il en résulte 3 conséquences :

  • le représentant accède au degré du représenté

  • le représentant devra rapporter à la succession les libéralités qui auront été consenties par le défunt au représenté

  • le représentant prenant la place du représenté dans la succession, le partage s’opérera par souche comme si c’était le représenté qui venait à la succession. Et à l’intérieur d’une même souche voire d’une subdivision de souche le partage se fera par tête.

   

DEFUNT

 

1ère hypothèse :

                   

½ S

                 
                   
   

 

       
   

 

   

 

   
       

1/6e chacun

 
             
               
                 

Enfant B décédé

 

Enfant A

 

b1

 

b2

 

b3

 

2 souches constituées par les enfants A et B. B étant pré décédé, b1, b2 et b3 viennent à la succession du défunt par représentation.

 

A reçoit ½ de la succession. B devrait recevoir ½ mais B étant « pré décédé », ce sont ses enfants qui le représentent.

A l’intérieur de la souche issu de B, le partage se fait alors par tête. B1, b2 et b3 se partage la ½ qui reviendrait à B c’est-à-dire 1/6e chacun. Grâce au mécanisme de la représentation, b1, b2 et b3 viennent en concours avec A.

 

Deuxième

Z DE CUJUS

Frère A

 

Frère B

décédé

 

Hypothèse subdivision de souche : défunt Z qui avait 2 frères A et B. Z est le défunt, A existe est vivant mais B est pré décédé en laissant 3 enfants B1 et B2 et B3. B1 étant lui-même aussi pré décédé en laissant quant à lui 4 enfants.

           
           
         
           
   

Il y a 2 souches et chacune reçoit un demi.

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