La diffamation (définition, peines, poursuites)

Quelle est la répression de la diffamation?

Les infractions de diffamation sont des infractions de presse surtout parce que ces infractions sont prévues dans la fameuse loi du 29 juil. 1881 sur la liberté de la presse, loi non-codifiée mais qui se trouve dans les annexes du Code pénal. Les infractions de presse sont soumises à des règles procédurales spécifiques car :

  • c’est un secteur dans lequel il faut intervenir très vite
  • il y a un risque de censure
  • c’est un domaine où il peut facilement avoir atteinte à la dignité.

I – Définition de la diffamation

Une diffamation est une imputation ou une allégation d’un fait non avéré qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Les propos diffamatoires peuvent être l’objet d’une vérification et d’un débat contradictoire.

II – La répression de la diffamation

Le législateur de la loi de 1881 prend en considération la qualité de la victime mais aussi le mobile qui a pu animer le coupable mais encore le support de la diffamation.

  1. La diffamation envers les personnes exerçant des fonctions publiques – Article 31 et 31 de la loi du 29 juillet 1881

D’abord est sanctionnée la diffamation envers les Cours, les tribunaux, les armées de terre, mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques.

La Jurisprudence entend pour les corps constitués « le corps ayant une existence légale et permanente et auquel la constitution ou les lois ont dévolu une portion de l’autorité publique ex. sont des corps constitués au sens de la Jurisprudence les conseils municipaux, les universités, les chambres de commerce et d’industrie. Ne rentre pas dans cette catégorie les syndicats. L’article 31 de la loi de 1881 punit de la même peine la diffamation commise « à raison de leur fonction ou de leur qualité envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire de l’autorité publique (ex un maire, président d’une université), un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison de sa déposition »

Pour les imputations visées dans les articles 30 et 31, constitue une diffamation, il faut qu’elles aient un lien, un rapport direct et étroit avec la fonction ou la qualité de la victime.

Pour ces 2 types de diffamation, la peine encourue est de 45000€.

  1. La diffamation envers les personnes privées – Article 31 al 2, et article 32

La diffamation concernée est celle envers les personnes privées et celles qui touchent à la vie privée de personnes exerçant des fonctions publiques. Selon la Jurisprudence, les personnes morales de droit privé sont également protégées par ces dispositions. La peine est de 12000€.

  1. La diffamation à caractère discriminatoire – Article 32 al 2 et s.

Est ici visée la diffamation envers soit une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race, religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou d’un handicap. La peine d’emprisonnement est encouru – 1 an et 45000€ avec la possibilité pour le juge de demander l’affichage de la sanction ou de la peine.

Les particularités procédurales :

Elles se retrouvent au niveau du déclenchement de l’action publique. Le Min. Public peut engager les poursuites d’office i.e. contrairement aux autres cas, notamment l’article 48-6, son action publique n’est pas conditionnée à la plainte préalable de la victime.

De la même manière, les associations qui se proposent par leur statuts de lutter contre le racisme, vont pouvoir exercer les droits reconnus à la partie civile – Article 48-1. Dans ce cas, l’association n’a pas besoin de l’accord des victimes sauf si la victime est visée individuellement.

Concernant l’exceptio veritatis, la Cour d’Appel de Paris a décidé que cette exceptio veritatis ne pouvait pas jouer en la matière.

  1. La diffamation contre la mémoire des morts – Article 34

Une telle diffamation est constituée lorsque l’auteur des affirmations a eu « l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ». C’est une liste limitative et ce que sanctionne le législateur, c’est une diffamation par ricochet i.e. diffamer la mémoire d’un mort qui va se répercuter ses proches vivants. Le proche vivant doit donc être expressément mentionné dans l’acte préparatoire.

Sur ce point, la preuve s’avère difficile ex. si l’allusion est lointaine, il peut y avoir des conséquences. Cette diffamation est punie selon les dispositions opérées aux articles 31 et 32 de la loi de 1881 en fonction de la qualité de la personne diffamée. Du coup, dans la plainte il faudra qu’apparaisse les articles 34 et 31 et / ou 32. Si un de ces articles est oublié, il y a nullité des poursuites.

L’article 13 de la loi de 1881 prévoit que dans ce cas, la victime peut utiliser le droit de réponse.

  1. La diffamation par correspondance circulant à découvert

Créée par une loi de 1887, cette loi permet de couvrir l’hypothèse dans laquelle la correspondance n’est pas publique au sens de « publicité » de l’article 23 de la loi de 1881, mais on est dans le cas où d’autres personnes autre que le destinataire a pu lire la correspondance ex. le fait de marquer la diffamation sur l’enveloppe.

6 ans d’emprisonnement et 3750€ d’amende.

  1. La contravention de diffamation non publique – Article R 621-1 du Code pénal.

En cas de contravention de diffamation non publique, la peine encourue est celle d’amende pour les contraventions de première classe. Par contre, la diffamation, si elle représente un caractère raciste ou discriminatoire constituera une contravention de 4eme classe – article R. 624-3 du Code pénal. Est encourue également la possibilité de prononcer des peines complémentaires prévues à l’article R 624-5 du Code pénal. Pour ces 2 types de contravention, le décret du 25 mar. 2005 réserve ce contentieux au tribunal de police i.e. il y a une dérogation à la compétence du juge de proximité – Article 521 al 3 C. Proc. Pénal.

En la matière, l’exceptio veritatis est admise.

Remarque :

– La recommandation émise par le Conseil de l’Europe le 3 mai 2006 qui plaide pour la dépénalisation de la diffamation quelque soit mais à minima la recommandation précise au moins pour les journalistes. Cette recommandation estimant que les menaces de poursuites pour diffamation constitue une forme particulièrement insidieuse d’intimidation.

Cela veut dire que la diffamation existerait encore mais le seul terrain attaquable serait le civil.

– La France est régulièrement condamnée pour avoir condamné V tort des individus sur le fondement de la diffamation. Les fondements de l’Etat français sont les suivants :

La CEDH considère que nos condamnations en matière de diffamation sont dénuées de motifs pertinents et suffisants et qu’elles constituent « une ingérence disproportionnée ne répondant pas aux besoins sociales impérieux et donc non-nécessaires dans une société démocratique ».

CEDH 18 sep 2008 AJP 2008 pg 462

III – Les particularités de la poursuite

Elle concerne la diffamation, injure et toutes les autres infractions en matière de presse.

Très souvent, les actions échouent uniquement pour des questions de procédure avant même qu’on ait abordé le fond.

Le tribunal compétent

Sont ici compétentes les juridictions de droit commun du lieu de commission de l’infraction. Selon la Jurisprudence, c’est le lieu de publication. Lorsqu’une infraction de diffamation ou d’injure est diffusée au niveau nationale, elle est réputée être commise sur l’ensemble du territoire. Toutes les juridictions françaises sont alors réputées compétentes. Si 2 tribunaux se déclarent compétentes, il y a conflit de juridiction. C’est la juridiction immédiatement supérieure commune aux 2 juridictions (cass). La victime d’une injure diffamatoire peut se contenter de demander réparation de son préjudice au civil. Même dans ce cas, la victime devra respecter les règles posées dans la loi de 1881.

La prescription

En application de l’article 65 de la loi de 1881, l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits, et contraventions prévus par la loi se prescrivent après 3 mois. Le délai de prescription commence à courir à compter du jour où ils ont été commis ou de poursuite.

Le jour où ces infractions ont été commises est fixé au jour de la première publication (mise à disposition au public).

Lorsque ces infractions revêtent un caractère discriminatoire, le délai de prescription est allongé et est portée à un an.

La mise en mouvement de l’action publique

Pour la plupart des infractions en matière de presse mais toujours en matière de diffamation et d’injure, la plainte préalable de la victime est nécessaire au déclenchement des poursuites pénales et ce, à peine de nullité de l’action publique.

Conséquence de cette exigence d’une plainte préalable, c’est qu’en cas de désistement de son action par la victime (la victime retire sa plainte), c’est toute l’action publique qui prend fin. Elle s’arrête de plein droit du fait du désistement de la victime.

Les articles 2-1 et s du Code de procédure Pénale, des associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, notamment lorsque ces diffamations ou injures ont un caractère raciste, religieux, discriminatoire de manière générale et lorsque cela touche les anciens combattants. Il faut tout d’abord qu’ils aient l’accord de l’intéressé, qu’ils aient une ancienneté de 5 ans à compter les faits et que les conditions soient réunies au regard de l’objet des statuts.

La validité des actes de procédure

Cette procédure de comparution immédiate est interdite en matière de presse car on n’a pas le temps de préparer sa défense.

Concernant la validité des actes de déclenchement de la procédure, il faut savoir qu’ils doivent mentionner très précisément la qualification juridique des faits. Le juge ne peut pas requalifier les faits. Il faut citer l’article sur lequel on fonde les poursuites. Ces qualifications sont obligatoires, elles sont exigées à peine de nullité de toute la procédure.

La détermination du responsable

L’article 42 de la loi de 1881 comporte des dispositions particulières relatives à la détermination du coupable i.e. en matière de presse, il y a un ordre hiérarchique des coupables. Le principe c’est que les auteurs principaux en matière de presse sont les directeurs de publications ou éditeurs et le texte prévoit « quelque soit leur profession ou leur dénomination ». L’auteur de l’article sera poursuivi normalement en qualité de complice – Article 43. la Cour de cassation estime que cette responsabilité de plein droit n’est pas contraire à l’article 6 de la CEDH – La Présomption d’innocence.

A défaut de directeur de publication ou d’éditeur, sera responsable l’auteur des écrits. A défaut d’auteur, seront poursuivis les imprimeurs, et à défaut, celui qui a vendu, distribué ou affiché.

Le régime des peines

Les peines ne sont pas aggravées en matière de presse sauf tout ce qui est discrimination – Article 63 de la loi de 1881. En cas de pluralité d’infractions, le principe est celui du non-cumul des peines.

Enfin, l’inculpé domicilié en France ne peut pas être placé en détention préventive sauf pour certaines infractions, mais pas en matière de diffamation ou d’injures.