La responsabilité délictuelle

LA RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE 

  La responsabilité délictuelle est l’obligation de réparer le dommage causé à autrui par son fait personnel, par le fait des choses dont on a la garde ou par les personnes dont on répond (responsabilité du fait d’autrui) (Articles 1382 et suivants du Code civil).

Les obligations dont il va être question ne sont pas nées à l’occasion d’un contrat. On parle d’ailleurs parfois de responsabilité extracontractuelle puisqu’elle est hors du contrat, on parle encore de délit ou de quasi-délit pour expliquer que la responsabilité nait à l’occasion d’un évènement d’une situation de fait et non pas d’un lien de droit préexistant entre le créancier et le débiteur comme c’est le cas lorsque préexiste un contrat. Dans notre hypothèse, c’est un évènement et donc un fait qui va donner naissance à la responsabilité de celui auquel on va imputer ce fait ou même plus généralement de celui que l’on tient pour responsable de ce fait. Ce fait présente la caractéristique d’être illicite, ce pourquoi il engage la responsabilité, il est dommageable et il est commis intentionnellement. Quand il est commis intentionnellement on parle de délit ou involontairement et l’on parle alors de quasi-délit. A vrai dire, on ne prêtera pas trop attention à la distinction entre délit et quasi-délit car souvent la jurisprudence elle-même ne s’en soucie guère et les effets de droit provoqués par le délit et le quasi-délit sont les mêmes. La liste des faits dommageables est exponentielle : accident de la circulation, enfant qui blesse un autre enfant, contamination à la suite d’une vaccination… La liste des situations de fait concernées est sans limite. C’est au cœur de toutes les situations dommageables et on en entend parler soit parce qu’elles sont collectives ou individuelles et qu’elles sont tragiques. La conséquence c’est qu’il va en résulter un lien de droit entre un débiteur qui ne sera pas toujours l’auteur du dommage et un créancier qui en est la victime. Ce lien de droit va conduire le débiteur à devoir indemniser la victime.

 

Code civil de 1804, 5 articles nous intéressent   –>   1382, 1383, 1384, 1385, 1386.

  •           L’article 1382 c’est la responsabilité individuelle du fait de la faute = quasi-délit.
  •           L’article 1383 c’est la responsabilité de la simple imprudence ou la négligence = délit.
  •           L’article 1384 c’est la responsabilité du fait des choses et la responsabilité du fait d’autrui.
  •           L’article 1385 c’est la responsabilité du fait des animaux.
  •           L’article 1386 c’est la responsabilité du fait des bâtiments en ruine.

 La réforme du droit de la responsabilité devrait avoir lieu par voie législative, elle devrait être le fait du parlement.Voici le plan du cours sur la responsabilité délictuelle :

 

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  • INTRODUCTION

    Chapitre 1 : introduction au droit de la responsabilité délictuelle
  • Section 1 : évolution de la responsabilité délictuelle
  • Avant le code civil
  • L’époque romaine
  • A l’époque franque
  • Au Moyen-Âge
  • A l’époque du code civil
  • Depuis le code civil
  • Section 2 : les fondements de la responsabilité
  • La faute 
  • Le risque
  • La garantie
  • Titre 1 : les conditions de la responsabilité
  • Sous-titre 1 : les conditions communes à tous les régimes
  • Chapitre 1 : le dommage
  • Section 1 : les caractères du dommage réparable
  • Le dommage légitime
  • Les victimes en situation irrégulière
  • Le dommage illégitime ou l’absence de dommage
  • Le préjudice doit être certain
  • Le préjudice futur
  • La perte d’une chance
  • Le régime de la perte de chance
  • Le dévoiement de la perte de chance
  • Le risque de dommage
  • Section 2 : les types de dommage
  • La classification des dommages
  • Le dommage matériel
  • Le dommage corporel
  • Le dommage moral
  • Les évolutions à l’heure en matière de dommage
  • La hiérarchisation des dommages
  • La collectivisation des dommages
  • La psychologisation du dommage
  • Chapitre 2 : le lien de causalité
  • Section 1 : L’appréciation de la causalité
  • Aspects théoriques
  • Les théories de la causalité
  • La distinction entre causalité scientifique et causalité juridique
  • Aspects pratiques
  • Les prédispositions de la victime
  • La causalité alternative
  • Section 2 : les dommages causés en groupe
  • Sous-titre 2 : Les conditions propres aux différents régimes de responsabilité
  • Section 1 : l’existence de la faute
  • La notion de faute
  • L’élément légal
  • L’élément matériel
  • L’élément intentionnel
  • La responsabilité de l’infance
  • La faute du dément
  • Les types de fautes
  • Distinction entre les fautes intentionnelles et non-intentionnelles
  • Faute d’action et faute d’abstention
  • Faute en violation d’un droit et faute dans l’exercice d’un droit
  • Section 2 : les faits justificatifs
  • Les faits justificatifs tenant à l’ordre donné
  • Tenant à la nécessité
  • L’acceptation des risques
  • Chapitre 2 : la responsabilité du fait des choses
  • Section 1 : les hypothèses spéciales
  • La responsabilité du fait des bâtiments en ruine
  • La responsabilité du fait des animaux
  • Section 2 : le principe général
  • L’application de l’article 1384 alinéa 1
  • La chose
  • Le fait de la chose
  • La détermination du gardien de la chose
  • Garde et propriété
  • Garde et détention
  • Garde et discernement
  • Les critères de la garde
  • Le caractère alternatif de la garde
  • La distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement
  • La responsabilité du gardien de la chose
  • La nature de la responsabilité
  • L’exonération du gardien
  • Le cas de force majeur
  • Le fait d’un tiers
  • Le fait de la victime
  • Chapitre 3 : La responsabilité du fait d’autrui
  • Section 1 : Les hypothèses spéciales visées par le code civil
  • La responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur
  • Conditions
  • L’enfant doit-il avoir commis une faute ?
  • La responsabilité des père et mère peut-elle être engagée dans l’hypothèse où le dommage est causé par une chose dont l’enfant est gardien ?
  • La responsabilité des commettants du fait de leur préposé
  • Conditions
  • Le lien de préposition
  • Un acte commis par le préposé
  • Effets
  • Section 2 : le principe général de responsabilité (1384 alinéa 1er)
  • La consécration d’un principe général de responsabilité
  • La mise en œuvre du principe général de responsabilité du fait d’autrui
  • Section 1 : les origines de la loi
  • L’évolution des idées
  • Le rôle de la jurisprudence
  • Section 2 : le domaine de la loi de 1985
  • L’accident de la circulation
  • Un véhicule terrestre à moteur
  • L’implication
  • Section 3 : Le régime de la loi de 1985
  • Les dommages à la personne
  • Le conducteur
  • La notion de conducteur
  • Situation du conducteur
  • Les non-conducteurs de plus de 16 ans, moins de 70 ans
  • Les victimes de moins de 16 ans, plus de 70 ans et de plus de 80% d’invalidité
  • Les victimes par ricochet
  • Les atteintes aux biens
  • Chapitre 5 : la responsabilité du fait des produits défectueux
  • Section 1 : la responsabilité pour défaut des produits avant la loi de 1998
  • Section 2 : La loi de 1998
  • Le domaine
  • Le produit défectueux
  • Le produit
  • Le défaut
  • Le produit doit être mis en circulation
  • Le producteur
  • Le dommage
  • La mise en œuvre
  • Les délais pour agir
  • Les moyens de défense
  • Chapitre 6 : La responsabilité médicale
  • Section 1 : La spécialisation de la responsabilité médicale
  • Avant la loi du 4 mars 2002
  • Un mouvement de contractualisation
  • Un mouvement de diversification
  • La loi du 4 mars 2002
  • Section 2 : le droit médical, laboratoire de la responsabilité civile
  • Les causes
  • La causalité
  •  
  • La mutation de l’Etat providence
  • Titre 2 : la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle
  • Chapitre 1 : le fondement de l’action en responsabilité
  • Section 1 : les relations entre les différentes actions en responsabilité
  • Les relations entre le fait personnel et le fait des choses
  • Les relations entre le fait personnel et le fait d’autrui
  • L’enfant
  • Le sportif
  • Le préposé
  • Le fait personnel et les régimes spéciaux de responsabilité
  • Entre le fait personnel et la loi de 1985
  • Entre le fait personnel et la loi du 19 mai 1998 sur les produits défectueux
  • Les relations entre le fait d’autrui et le fait des choses
  • Le cumul au sein des mêmes types de régime
  • Au sein du fait des choses
  • Au sein des régimes de responsabilité du fait d’autrui
  • Section 2 : Relation entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle
  • I/ Exposé de la distinction
  • Origines de la distinction
  •  Intérêt de la distinction
  • Mise en œuvre de la distinction
  • II/ La remise en cause de la distinction
  • L’incohérence de la distinction dans un certains cas
  • Les incertitudes de la distinction
  • Les incertitudes tenant à l’existence d’un contrat
  • Les contrats de transports
  • Les actes d’assistance, bénévoles
  • L’incertitude sur le contenu du contrat
  • Vers l’abandon de la distinction ?
  • CHAPITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACTION EN RESPONSABILITÉ
  • Section 1 : Les titulaires de l’action
  • I/ La victime
  • L’action de groupe de droit commun
  • Les héritiers
  • Les victimes par ricochet
  • Section 2 : les actions récursoires
  • Section 3 : la mise en œuvre du jugement

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Chapitre 1 : introduction au droit de la responsabilité délictuelle

De quoi est-on responsable ? C’est une question quasi-philosophique le droit doit traiter et cela revient à savoir dans quels cas une personne doit être responsable civilement et doit assurer la réparation d’un dommage subit par un tiers. Cette question ne trouve pas la même réponse dans l’histoire et elle ne trouve pas non plus la même réponse selon la conception même que l’on se fait de la responsabilité.

Section 1 : évolution de la responsabilité délictuelle

I.             Avant le code civil

A.  L’époque romaine

A l’époque romaine, le droit de la responsabilité présente plusieurs caractéristiques qui tranchent avec celles que l’on connait aujourd’hui.

          La première caractéristique, c’est qu’il n’y a pas de distinction marquée entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale. Le fait qu’il n’y ait pas de distinction marquée signifie qu’il n’y en avait pas non plus entre la peine et la réparation. La peine caractérise la responsabilité pénale. La responsabilité pénale vise à punir l’auteur d’un comportement que la société réprouve et qui porte atteinte ce faisant à une des valeurs essentielles de la société, on punit donc le responsable. La responsabilité civile est tournée vers l’idée de réparation car il faut réparer le dommage subit par la victime. Or, à l’époque romaine, il y a ce que l’on appelle les actions mixtes parce qu’elles intéressent à la fois l’Etat, la société et la victime et on peut donc dire qu’elles mêlent la peine et la réparation.

          La deuxième caractéristique c’est qu’à l’époque romaine, il n’y a pas de différence marquée entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Il y a des actions nommées par les textes qui ouvrent droit à une action de la victime et ces actions nommées existent tantôt dans le cadre d’un rapport contractuel préexistant, tantôt en l’absence de rapport contractuel préexistant. Il n’y a pas de différence de régime lié au fait que la responsabilité trouverait son origine dans un contrat ou dans une absence de contrat.

          La troisième caractéristique, en droit romain, il n’y a pas de principe général de responsabilité comme on en trouvera plus tard et comme l’article 1382 l’exprimera à l’époque du code civil. Il y a en effet des délits spéciaux, nommés et la victime doit entrer dans le contexte de ces délits nommés pour avoir le droit d’agir.

          La quatrième caractéristique c’est qu’à l’époque romaine, il y a une place minime de la faute dans la responsabilité. La responsabilité est objective et dépend de situations particulières objectives où l’on voit apparaître une approche entre le subjectif et l’objectif en matière de responsabilité. En droit romain, l’approche est nettement objective.

 

B.  A l’époque franque

C’est la loi salique, elle prévoit un certain nombre de règles pour la responsabilité et s’appuie sur l’idée de vengeance qui prédomine alors à l’époque en matière de responsabilité. On est dans un système archaïque qui n’a pas le raffinement de notre système de responsabilité. La loi Salique se situe dans un contexte où en matière de dommage il est usuel de se venger de l’auteur de façon assez barbare. Dans cette approche, la loi Salique va essayer de juguler la vengeance qui s’exprime dans la responsabilité. Cela signifie essayer d’objectiver la réparation à travers la fixation d’un tarif que l’on appelle le wergeld.

          On fixe le prix de toute la réparation du dommage causé.

          Le deuxième critère, c’est la personne victime. Par exemple, le meurtre d’un esclave cela coûte 35 sous d’or tandis que le meurtre d’un antrustion coûte 1800 sous d’or.

Il y a avait toute une procédure pour celui qui n’avait pas d’argent. Il devait d’abord jurer avec 12 co-jureurs qu’il n’avait pas d’argent puis il devait rentrer dans la maison, il tournait le dos à la porte, il ramassait de la poussière et il jetait la poussière par-dessus son épaule et c’était la manière de faire passer la charge de la réparation sur sa famille. Il est possible alors à la famille de refuser la charge de la réparation. Ils doivent rompre 4 baguettes.

La réparation est un substitut de la vengeance.

C.  Au Moyen-Âge

On va voir se mettre en place les linéaments  de la responsabilité moderne sous l’influence du droit canon. On va voir apparaître une responsabilité fondée sur la faute donc subjective. L’église est influente car elle introduit et développe la dimension morale de la responsabilité. Plus on développe la dimension morale de la responsabilité plus cela la rend subjectif et c’est à cette époque que va émerger un principe général de responsabilité sous l’influence de Domat. L’idée que tout fait quelconque s’il est fautif justifie la mise en œuvre de la responsabilité.

Au Moyen-Âge se manifeste un déclin de la responsabilité collective et un essor de la responsabilité individuelle.

II.           A l’époque du code civil

Le code civil consacre 5 articles à la responsabilité contractuelle. Il fait une distinction entre le contrat et les autres sources.

è La consécration du principe général de responsabilité qui repose sur l’idée de faute mais aussi d’un point de vue philosophique sur l’idée de liberté. C’est parce qu’on est libre qu’on est responsable lorsqu’on commet une faute, des conséquences dommageables de ses actes. Le Conseil Constitutionnel ne s’y trompera pas lorsque près de 2 siècles plus tard, il consacrera la valeur constitutionnelle du principe général contenu dans l’article 1382 en le rattachant à l’article 4 de la DDHC c’est-à-dire le principe de liberté qui s’y trouve exprimé. Dans cette décision du 9 novembre 1999, le Conseil Constitutionnel a en effet constitutionnalisé l’article 1382 sur le fondement de l’article 4 de la DDHC de 1789. Ce principe de responsabilité préexiste à sa consécration formelle en 1804 à telle enseigne qu’il remonte à Domat. En réalité, son contenu, la règle qu’il énonce est dans le principe de liberté que la déclaration reprend en son article 4.

è Le code civil repose sur une conception individuelle de la responsabilité en rupture avec l’approche collective qui a prévalu auparavant. Cela exprime le primat de la faute, le rôle central de la faute dans la responsabilité puisque dans le code civil, par principe, la responsabilité repose sur la faute. Il y a des régimes dérogatoires qui rompent avec la faute mais c’est la faute qui prédomine. Cette responsabilité individuelle qui repose sur la faute est directement héritée de Domat et par conséquent il y a à travers ces trois caractéristiques une unicité.

è La responsabilité du code civil est parfaitement distincte de la responsabilité pénale, le code pénal connait ses propres règles de responsabilité. Les fonctions de la sanction pénale ne sont pas les mêmes que celles de la sanction civile. Le droit pénal repose sur le principe « pas de crime, pas de peine sans loi », c’est le principe de légalité des délits et des peines. Les sanctions sont faites pour punir l’auteur d’un dommage qui porte atteinte à la société, elles sont punitives là où les sanctions civiles sont réparatrices. Cela n’empêche pas qu’à l’occasion d’un procès pénal la victime puisse demander réparation du dommage qu’elle a souffert. L’action en responsabilité civile peut être exercée à l’occasion du procès pénal et on parle alors d’action civile.

 

III.          Depuis le code civil

En matière de responsabilité, l’essoufflement du code civil, le fait qu’il soit dépassé est arrivé assez vite du fait de la révolution industrielle et la révolution industrielle est peut-être le facteur le plus important d’évolution de la responsabilité. La révolution industrielle nous fait basculer d’une société agraire à une société industrielle et sur le terrain de la responsabilité, la conséquence c’est que les dommages sont causés par des machines et le travail des ouvriers à la chaine dans des usines est facteur de dommages que l’on peut qualifier d’anonymes puisqu’on ne peut pas les imputer à faute, on ne peut pas considérer que les dommages en question sont la conséquence d’une faute individuelle qu’aurait causé le patron ou quelqu’un de l’usine. Cette multiplication des dommages anonymes va montrer l’inadaptation du code civil dans ce type d’hypothèses puisqu’on ne peut pas appliquer l’article 1382 car il n’y a pas de fait fautif de l’homme derrière le dommage.  Le code civil ne permet pas de trouver un débiteur pour indemniser la victime. Face à cette situation qui choque, qui heurte les critiques et le bon sens, les juristes ont essayé de modifier le fondement de la responsabilité, décidé de s’abstraire du primat de la faute et de faire en sorte que la victime puisse obtenir indemnisation. On passe à une autre vision qui repose sur le risque, considérant que celui qui doit être responsable est celui qui créé un risque de dommage ou qui profite du risque en question.

Le deuxième facteur d’évolution depuis le code civil, c’est la généralisation de l’assurance de responsabilité. Elle permet de faire passer la charge de l’obligation sur la collectivité des assurés. Il y a une mutualisation du risque, on fait payer à chacun une somme pour que tous soient couverts.

Cela manifeste le recul de la responsabilité individuelle du fait de l’assurance de responsabilité et il y a un essor de la collectivisation de la responsabilité. Ce recul de la conception individualiste va se solder par un essor d’une responsabilité plus objective. A partir du moment où l’on admet qu’une collectivité de personnes puisse indemniser, on va pouvoir se tourner vers les victimes. L’essor de l’assurance de responsabilité fait reculer l’approche individuelle, diminue le poids de la responsabilité en favorisant sa répartition sur tous et provoque presque mécaniquement un essor de la responsabilité objective et va favoriser la prise en compte des victimes de dommages.

La phase d’après consiste à faire peser le poids de la réparation sur l’ensemble de la société et non plus seulement sur la collectivité des assurés. Ce n’est plus telle assurance qui va payer, c’est l’Etat. Et dans cette approche collective, la réparation va être assurée par la solidarité nationale. Dans ce passage de la responsabilité qui pèse sur l’assurance à celle qui pèse sur l’Etat, on en vient à créer des fonds d’indemnisation. Il y a un fonds d’indemnisation pour les victimes d’actes de terrorismes, de catastrophes naturelles… Dans cette énumération, on voit que les victimes des grandes catastrophes nationales, des grands drames, doivent pouvoir être indemnisées par la collectivité à travers la prise en charge du dommage par la collectivité. Ce n’est pas toujours le cas, par exemple, pour les vaccins, on n’a toujours pas créé de fonds d’indemnisation et ce sont les laboratoires qui payent.

La responsabilité, comme le montrent les exemples précédents, évolue selon l’influence des types de dommages, des types d’accidents qui génèrent des régimes spéciaux et qui génèrent à tout le moins des régimes nouveaux de responsabilité.

La responsabilité,  ce sont des grands types de dommages qui en sont le moteur :

          A la fin du 20ème siècle, ce sont les accidents du travail qui donneront naissance à une loi d’avril 1998.

          Il en est de même pour les accidents de la circulation et il va avoir une loi du 21 juillet 1985.

          Il y a également les accidents médicaux et la loi du 4 mars 2002.

          Cortège des produits défectueux : vaccin, vache folle… Grande loi du 19 mai 1998 codifiée dans le code civil aux articles 1386-1 et suivants.

          Il y a l’amiante.

          Il y a le préjudice écologique. La chancellerie propose de réformer le code civil pour y introduire la consécration du préjudice écologique.

          Le sida et la loi de 1991

Tous ces grands dommages sériels car ce sont des dommages en série, ils se répètent et génèrent de nouvelles règles de responsabilité et à tout le moins une nécessité de réfléchir sur le fondement de la responsabilité. Dès lors que la responsabilité évolue en fonction des grandes catégories de dommages causés, nécessairement, il va y avoir une multiplication des régimes spéciaux de responsabilité. Le principe général, universaliste de responsabilité de l’article 1382, qui était censé régir tout le fonctionnement de la responsabilité, perd de sa puissance, de sa portée, de sa pertinence puisque se multiplient les régimes spéciaux, les accidents du travail, de la circulation… A mesure que se multiplient les régimes spéciaux, il y a un éclatement du droit commun de la responsabilité en autant de régimes spéciaux. Cet éclatement n’est pas sans causer un dépassement du code civil lui-même car ces régimes spéciaux, pour la plupart, ne prennent pas place dans le code civil. Une grande part du droit de la responsabilité se trouve désormais hors du code civil. Le choix est souvent aléatoire et dépourvu de pertinence. Par exemple, la loi du 19 mai 1998 sur les produits défectueux est dans le code civil mais la loi sur les accidents de la circulation du 5 juillet 1985 n’est pas dans le code civil. Le besoin se fait sentir aujourd’hui de rénover le code civil pour lui redonner au moins sa capacité d’englober les diverses règles de responsabilité. Un des objectifs de la réforme en discussion est précisément de rapatrier dans le code civil les règles qui n’y ont pas été codifiées.

 

 

 

Section 2 : les fondements de la responsabilité

Pourquoi est-on responsable ? Pourquoi doit-on, sur le terrain du droit civil, assumer la réparation d’un dommage ?

Plusieurs raisons distinctes, parfois opposées mais qui en même temps peuvent coexister dans notre ordre juridique :

I.             La faute

On peut être responsable car on a causé un dommage par sa faute, c’est l’approche individualiste, subjectiviste du code civil. C’est l’approche consacrée par Domat et reprise à l’article 1382 du code civil. L’esprit a du mal à s’abstraire de la faute et on s’en rend compte toutes les fois que c’est la victime elle-même qui a commis une faute à l’origine de son dommage.

II.           Le risque

Fondement alternatif proposé à la fin du 19ème siècle. Josserand et Saleilles, deux théories, la théorie du risque créée et la théorie du risque profit.

          La théorie du risque créé c’est la responsabilité doit peser sur celui qui créé l’activité à risque.

          La théorie du risque profit c’est que la responsabilité doit peser sur celui qui tire profit de l’activité à risque.

Il y a une approche sociale de la responsabilité.

III.          La garantie

Dans les deux premiers fondements, l’attention se porte sur l’auteur du dommage, soit que l’on recherche le fautif, soit que l’on recherche celui qui a profité de la responsabilité.

Dans la théorie de la garantie, on change de regard, on regarde la victime et on énonce qu’elle dispose d’un droit à la sûreté qui justifie qu’elle soit protégée et donc indemnisée. Son promoteur, c’est Starck ainsi que Tunc.

IV.         La précaution

Elle renvoie au principe de précaution et tournée vers l’idée de prévention d’un risque dont on ignore s’il existe réellement ou non. Dans la précaution, on est en présence d’un risque mais il est hypothétique. On ne sait pas si ce risque existe mais on a des doutes. Reconnu par le code de l’environnement à l’article L110-1 et à l’article 5 de la charte de l’environnement. Le Conseil Constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle de ce principe de précaution.

 

 

Titre 1 : les conditions de la responsabilité

Quelles sont les conditions pour qu’une personne soit responsable d’un dommage souffert par un autre ?

La question renvoie aux différents types de responsabilité. La responsabilité peut être engagée dans des situations données à des conditions qui dépendent de ces situations, des régimes-même de responsabilité. Prenons l’exemple du code civil, dans le code civil, il y a plusieurs régimes de responsabilité, il y a un régime de responsabilité fondé sur la faute, le délit ou le quasi-délit, article 1382 et 1383. Dans ce type d’hypothèses, il faut une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage. Dans le code civil il y a aussi plusieurs régimes de responsabilité du fait d’autrui. Il y a aussi des régimes de responsabilité du fait des choses car certaines choses causent des dommages. Dans le code civil, il y a une multitude de régime de responsabilités et en dehors du code, il y a aussi d’autres régimes de responsabilité, la responsabilité en cas d’accident de la circulation, la responsabilité médicale… Malgré cette diversité de régimes, il y a des conditions communes à tous les régimes et celles qui sont propres à certains d’entre eux.

 

Sous-titre 1 : les conditions communes à tous les régimes

 

Quoi qu’il se passe, il faut, pour que la responsabilité civile se mette en œuvre, une victime d’un dommage. En matière de responsabilité civile, la responsabilité suppose toujours que l’on soit en présence d’une victime d’un dommage. Ce dommage doit avoir été causé par un fait générateur donné.

Il y a donc deux exigences que l’on retrouve partout, le dommage et le lien de causalité.

 

Chapitre 1 : le dommage

 

Pour qu’il y ait réparation, il faut une victime. Tous les dommages ne sont pas par nature réparables. Par exemple, on dit que l’on sanctionne les actes de concurrence déloyale ce qui veut dire a contrario qu’un acte de concurrence loyal n’est pas sanctionnable et pourtant cela peut faire perdre de l’argent à un commerçant mais ce n’est pas un dommage réparable. Il en est de même pour les troubles de voisinage, il y a une responsabilité pour les troubles anormaux de voisinage ce qui veut dire a contrario que l’on ne répare pas les troubles normaux de voisinage. La vie en société provoque des dommages et tous ne sont pas réparables même s’il est vrai que la tendance majeure de l’homme contemporain c’est de penser qu’il peut toujours obtenir réparation pour tout type de dommage.

Le dommage, c’est la lésion d’un intérêt dont va souffrir un individu et en matière de responsabilité, le dommage suppose un changement dans le cours naturel des choses dont va souffrir un individu.

è Un étudiant est renversé par un bus et il a une entorse mais il y a eu un évènement qui a changé le cours des choses et ce changement créé une lésion à son détriment. C’est cela un dommage.

La question qui se pose : quels sont les caractères du dommage réparable, quels sont les différents types de dommage réparable ?

 

 

Section 1 : les caractères du dommage réparable

 

I.             Le dommage légitime

 

Toutes les souffrances ne sont pas des dommages juridiquement réparables, le droit n’accepte pas la réparation de tous les dommages. Il est vrai que la période contemporaine est à une vision large des dommages réparables. Il y a donc une tension qui s’opère entre un certain type de demandes et des hypothèses dans lesquelles la jurisprudence refuse la réparation du dommage. Le dommage doit être légitime, cette exigence traduit exactement le fait que tous les dommages ne sont pas réparables. Il y a une distinction entre les dommages légitimes et illégitimes. La notion de légitimité du dommage conduit à des solutions qui évoluent au fil du temps et on voit ici un peu comme on l’a vu pour l’ordre public et les bonnes mœurs, une évolution qui peut se faire en fonction de la société, des croyances des uns ou des autres et des traits dominants de cette société. Le dommage doit être légitime, l’exigence rejoint une règle procédurale qui est posée dans l’article 31 du code de procédure civile selon laquelle pour agir en justice il faut un intérêt légitime. Cette exigence se manifeste aussi dans la définition classique que l’on donne du dommage lorsque l’on dit que le dommage c’est la lésion d’un intérêt légitime, juridiquement protégé.

          Seul est réparable le dommage légitime

          Cette exigence est substantielle mais elle rejoint l’exigence procédurale de l’article 31 du code de procédure civile selon laquelle pour agir en justice il faut un intérêt légitime.

          Elle rejoint la définition que l’on donne classiquement du dommage lui-même lorsque l’on dit que le dommage c’est la lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

 

A.  Les victimes en situation irrégulière

 

Quid du dommage subi par la concubine du fait du décès de son concubin ?

Lorsque le concubin subvenait aux besoins de la concubine, si le concubin décède, non seulement elle est triste mais en plus elle va souffrir d’un préjudice patrimonial puisqu’il ne pourra plus subvenir à ses besoins. Souvent les femmes agissent à la suite du décès de leur concubin ou de leur mari.

Dans un premier temps, arrêt du 27 juillet 1937, la cour de cassation a estimé que le dommage subit par la victime n’était pas légitime en raison de l’irrégularité de sa situation. A l’époque, le concubinage n’étant pas une situation estimée régulière, la victime se trouvait dans une situation irrégulière tant et si bien que son dommage était jugé n’être pas réparable.

Dans un deuxième temps, entre 1954 et 1970, la cour de cassation s’est divisée et la chambre criminelle acceptait la réparation du dommage souffert par la concubine faisant preuve d’une ouverture d’esprit en rupture avec la position de 1937 tandis que la première chambre civile le refusait. Dans le procès pénal on peut agir en responsabilité civile, on peut exercer l’action civile. Dans un certain nombre de cas, les mêmes questions de responsabilité civile sont tranchées par les juridictions pénales et finissent donc dans la chambre criminelle et d’autres sont tranchées directement dans les juridictions civiles.

La chambre criminelle acceptait la réparation du dommage ou du préjudice souffert par la concubine tandis que la chambre civile la refusait. On demande la réunion d’une chambre mixte pour trancher lorsqu’il y a un conflit de jurisprudence, c’est ce qu’il s’est passé dans un arrêt du 27 février 1970 où la cour de cassation a jugé que l’article 1382 n’exige pas en cas de décès, l’existence d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur en indemnisation. Par conséquent, la concubine peut obtenir la réparation du dommage souffert par suite du décès de son concubin.

La jurisprudence à ce stade n’admet toutefois pas la réparation du préjudice de la concubine adultérine, il a fallu attendre un arrêt du 19 juin 1975 pour que la cour de cassation admette la réparation du préjudice subi par la concubine adultérine dans le cas où le concubin était marié. On refuse d’indemnisation de deux maitresses, la double liaison ayant un caractère précaire.

 

Quid de la personne qui fraude et se retrouve victime d’un dommage ?

Par exemple, le voyageur blessé en situation irrégulière. Non, « la victime en situation irrégulière n’est pas illégitime à demander réparation de son dommage à la SNCF » 19 février 1992.

 

Quid de la victime d’un dommage qui lui fait perdre un profit illicite ?

Par exemple, la femme de ménage qui travaille au noir qui est victime d’un dommage qui lui empêche de continuer à travailler au noir, peut-elle réclamer des indemnités en faisant valoir qu’elle a une perte de profit du fait de son dommage ? Non, la cour de cassation refuse l’indemnisation tenant à la perte d’un profit illicite. « La perte de rémunération n’est indemnisée que si celles-ci sont licites » 24 janvier 2002. Ce n’est pas anormal parce que cette solution s’explique par le fait que la cour de cassation n’entend pas prêter un effet à une situation contraire au droit. Si le juge indemnisait une perte de profit illicite, il reconnaitrait la licéité, c’est comme s’il validait le travail au noir et voilà pourquoi la cour de cassation refuse.

 

B.  Le dommage illégitime ou l’absence de dommage

 

C’est le juge lui-même, alors que la situation n’a rien d’irrégulière, qui estime que le dommage dont se plaint la victime n’est pas illégitime. On peut même penser que cela revient à juger qu’il n’y a au fond pas, pour le droit, de dommage ou de dommage réparable. Il y a ici une appréciation qui est portée par le juge lui-même sur ce qu’il estime être la lésion d’un intérêt.

 

è L’interruption volontaire de grossesse ratée : c’est l’hypothèse dans laquelle pour une raison ou pour une autre, l’interruption volontaire de grossesse que souhaitait la patiente n’a pas été bien réalisée tant et si bien que la grossesse va se poursuivre et que l’enfant va finir par naître. Cette situation a donné lieu à jurisprudence.

La mère peut-elle se plaindre de la naissance d’un enfant par suite d’une IVG ratée alors que l’enfant n’est atteint d’aucune affection ou infirmité ?

Arrêt du 25 juin 1991, la première chambre civile répond que non car il n’y a pas de dommage. Juridiquement, « l’existence de l’enfant qu’elle a conçu ne peut à elle-seule, constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable, même si la naissance est survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue d’interruption de la grossesse ». L’enfant n’est pas un préjudice.

 

Lorsqu’une femme accouche d’un enfant à la suite d’un viol, la jurisprudence estime qu’elle souffre d’un dommage indemnisable.

 

è L’enfant qui naît handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic en cours de grossesse ayant empêché la mère de solliciter une IVG. C’est l’hypothèse de l’affaire Perruche. Cette erreur de diagnostic a eu pour effet que la maman a continué sa grossesse et a eu un enfant handicapé. Elle présente des particularités très fortes sous l’angle de la responsabilité civile, par exemple sous l’angle de la responsabilité. Cette affaire a déclenché des polémiques très vives, arrêt du 17 novembre2000. En 2000, cela a déclenché des polémiques énormes portant sur le point de savoir si la naissance d’un enfant handicapé était un préjudice indemnisable et la question a été posée différemment par les adversaires de l’arrêt qui ont dit qu’au fond la solution signifie que l’enfant n’aurait pas dû vivre puisque l’avortement aurait dû avoir lieu et donc par un raisonnement à rebours, ils ont dit que l’arrêt Perruche signifie que le préjudice pour cet enfant c’est de vivre. La cour de cassation voulait faire en sorte que cet enfant soit indemnisé précisément parce qu’il allait y avoir un coût très important de la vie avec un tel handicap. La cour de cassation a indemnisé le préjudice résultant de ce handicap pour l’enfant aussi bien que celui de la mère. Le législateur a entendu régler la question dans la loi du 4 mars 2002 et notamment en introduisant dans le code de l’action  sociale et des familles un article L114-5 selon lequel, alinéa premier « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » et l’alinéa 2 ajoute que la personne née avec un handicap « ne peut obtenir réparation du préjudice que si le handicap est dû à une faute médicale lorsque cet acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer ». L’alinéa 3 prévoit le cas dans lequel il y a eu une erreur de diagnostic au cours de la grossesse et que le handicap n’a pas été décelé, seuls les parents peuvent demander réparation de leur préjudice, lequel n’inclue pas les charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant tout au long de ce handicap. Leur compensation relève de la solidarité nationale ».

          Il n’y a pas de préjudice du fait de la naissance.

          Il y a une double hypothèse, soit il y a une faute médicale qui créé le dommage à l’enfant, par exemple au cours d’une intervention pratiquée en cours de grossesse, le médecin blesse l’enfant, évidemment, il va en être responsable, c’est l’alinéa 2, sa faute cause le handicap.

          L’affaire Perruche c’est le cas où la faute consiste en une erreur de diagnostic. Ce diagnostic ne cause pas le préjudice, il empêche la mère de prendre la décision d’avorter ou non. L’enfant ne peut pas demander réparation, seuls les parents le peuvent et pas pour les charges afférentes à la vie dues au handicap, qui seront prises en charge par la solidarité nationale.

 

Le législateur a prévu une entrée en vigueur immédiate, même aux instances en cours ce qui a été sanctionné aussi bien par la CEDH en 2005 que par le Conseil Constitutionnel en 2010 dans une QPC.

 

II.           Le préjudice doit être certain

 

Il faut être capable de prouver le préjudice sachant que la charge de la preuve pèse normalement sur la victime en vertu des règles de droit commun de l’article 1315, la victime étant demanderesse au procès en indemnisation.

Quid du préjudice futur ?

 

A.  Le préjudice futur

Cour de cassation 1932 : il peut être indemnisable s’il est certain.

Par exemple, une personne qui va souffrir d’un handicap à la suite d’un accident va devoir dans le futur avoir recours à des aides médicales. Ce préjudice est dans le futur mais il est certain : ce n’est pas parce que le préjudice est futur qu’il est hypothétique. Dès lors que le préjudice est certain il y a indemnisation. Cette solution a soulevé une difficulté en matière de contamination par le virus du sida. Dans l’hypothèse de personnes séropositives agissant en réparation pour les conséquences attachées à la maladie elle-même c’est-à-dire pour le sida. Lorsqu’une personne est séropositive, peut-elle réclamer une réparation pour le dommage futur ?

Cour de cassation 20 juillet 1953 : la personne séropositive ne peut pas demander réparation, le préjudice n’est pas certain.

La cour de cassation souligne que si elle venait à obtenir la maladie alors elle pourrait à nouveau obtenir indemnisation. Autrement dit, la solution n’empêchera pas le cas échéant l’indemnisation.

 

B.  La perte d’une chance

 

Perte de chance : disparition d’une éventualité favorable.

Par exemple, l’étudiant renversé par une voiture au moment où il arrive à Assas pour passer son examen. De ce fait, il ne peut pas le passer.

On ignore définitivement ce qu’il se serait passé si le dommage n’avait pas eu lieu. On est dans une situation définitive d’incertitude sur ce qu’il se serait passé et comme souvent en matière de responsabilité, on fait des calculs rétrospectifs pour savoir ce qu’il se serait passé. Une solution serait de débouter le demandeur. La cour de cassation, pour éviter, face à cette incertitude, de débouter le demandeur, a considéré qu’il y avait un préjudice bien réel et tangible dont la victime pouvait, sous certaines conditions, se plaindre, c’était la perte de chances.

 

1.   Le régime de la perte de chance

 

La perte de chance, c’est la disparition d’une éventualité favorable. Ce que dit la jurisprudence, c’est que la perte de chance est indemnisable dès lors qu’elle est certaine. Elle a bien un caractère direct et certain dès lors qu’une chance favorable a disparue : l’étudiant perd la chance de réussir l’examen.

La perte de chance est donc en elle-même un préjudice et certain si l’éventualité était favorable. Mais cette perte de chance soulève normalement deux problèmes, il faut que la chance perdue ait été sérieuse, par exemple, le très mauvais étudiant n’avait quasiment aucune chance de réussir l’examen, on va considérer qu’il ne perd pas une chance sérieuse, c’est l’exigence de caractère sérieux de la chance perdue.

La cour de cassation considère qu’en toute hypothèse, la réparation du dommage ne peut être que partielle, cette expression est très maladroite car si on admet que la perte de chance est en elle-même un préjudice, on doit l’indemniser totalement mais elle ne peut être égale qu’à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

 

2.   Le dévoiement de la perte de chance

 

La perte de chance est devenue un couteau suisse pour le juge français.

Arrêt de 2013 ; même la chance non sérieuse peut ouvrir le droit à indemnisation.

En revanche, le vrai dévoiement de la perte de chance, c’est en matière médicale. La cour de cassation se sert de la perte de chance dans les hypothèses où elle ignore si la faute aurait causé le dommage. Dans des hypothèses d’erreur de diagnostic notamment, on ignore si le bon diagnostic aurait permis d’éviter le décès ou la maladie mais la jurisprudence se sert de la perte de chance dans ces hypothèses d’incertitude sur le lien de causalité pour indemniser partiellement la victime.

Arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2003 « s’il n’est pas établi que des soins administrés à temps eussent guéris le patient, le retard fautif ne peut être indemnisé qu’au titre de la perte de chance ». Cette solution n’est pas conforme au canon de la responsabilité car la perte de chance sert de substitue à une causalité qui n’est pas prouvée, qui est défaillante. On sanctionne une faute avérée dans des hypothèses de causalité non certaine et au fond cela permet une forme de solution compromis puisque l’on arrive à une indemnisation partielle.

 

C.   Le risque de dommage

 

Peut-on considérer que le risque de dommage est un dommage réparable ?

Le risque renvoie au domaine de l’incertain ou bien de l’hypothétique.

Il y a des risques certains et il y a des risques incertains. Cette distinction permet de faire le départ, la distinction entre ce qui relève de la prévention et ce qui relève de la précaution. La prévention, cela renvoie à l’hypothèse d’un risque certain et la précaution renvoie à l’hypothèse d’un risque incertain.

          Un risque certain renvoie à une hypothèse dont on peut dire qu’elle n’est pas sûre qu’elle va se réaliser mais le risque qu’elle présente est avéré parce qu’on est dans une situation qui expose l’individu de façon certaine à un risque. Par exemple, quand on fait du cheval, il y a un risque de tomber mais le cavalier n’est pas certain qu’il va tomber.

          La précaution c’est un degré de plus et c’est bien différent, le risque lui-même est incertain.

 

Le risque de dommage est-il réparable ?

La jurisprudence est en train d’évoluer sous l’influence des idées de prévention et de précaution.

          Il est possible d’agir en justice pour faire cesser un trouble imminent. Ce risque imminent peut être constitué d’une situation d’un risque. Par exemple, une personne constate qu’une autre entrepose de la paille autour de sa propriété, il y a un risque important d’incendie, il peut agir en référé pour faire cesser le trouble constitué par ce risque d’incendie. Le risque de dommage peut être constitutif d’un trouble justifiant des mesures préventives.

          Le risque de dommage a pu être réparé sur d’autres fondements que le droit de la responsabilité, par exemple, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. Par exemple, une maison se trouve au milieu d’un parcours de golf. Le parc n’a pas été très bien dessiné et dès qu’il se trouve dans son jardin il risque de prendre une balle dans la tête. Il y a un risque de dommage mais jusqu’à présent, il n’a pas pris la balle de golf dans la tête. Ici, on accepte de dire que c’est constitutif d’un trouble anormal de voisinage.

          Le risque de dommage est en train de devenir un dommage. L’angoisse, la crainte du dommage, la cour de cassation commence à reconnaitre la réparation. Par exemple, toute la jurisprudence sur l’amiante, réparation du préjudice d’angoisse, les personnes exposées à l’amiante qui redoutent la maladie savent qu’elles risquent de contracter la maladie d’autant plus qu’elles ont été exposées longtemps. La cour de cassation énonce que l’exposition à l’amiante est un facteur d’angoisse tel que l’on appelle le préjudice d’angoisse.

 

Civile, 19 décembre 2006 : des individus s’étaient faits implanter des sondes cardiaques mais malheureusement elles étaient défectueuses et des personnes ont commencé à mourir. Le laboratoire et les médecins ont procédé progressivement au remplacement des sondes chez les malades. Un des malades a agi en justice. Une première tentation judiciaire serait de répondre que lui a vu sa sonde remplacée, qu’il a une sonde qui fonctionne et qu’il est vivant. La première tentation est de débouter le demandeur au motif qu’il a pu bénéficier d’une nouvelle sonde sans subir de dommages corporels. La cour de cassation reconnait le préjudice d’angoisse pour toute la période précédant l’implantation d’une nouvelle sonde.

 

Peut-on alors aller jusqu’à indemniser le risque de dommage hypothétique ?

 

Le risque hypothétique est celui qui n’est même pas certain. Le meilleur exemple est celui des antennes téléphoniques, on ne sait pas ce que provoquent les ondes téléphoniques.

 

Dans cette hypothèse, certains tribunaux, à propos des antennes téléphoniques, ont accepté que des antennes soient démontées.

 

Section 2 : les types de dommage

 

I.             La classification des dommages

 

Il y a plusieurs types de systèmes juridiques, il y a les systèmes qui prévoient à l’avance quels sont les dommages que le droit accepte de réparer. C’est le cas par exemple du droit allemand. Le système français ne prévoit pas de classification des dommages a priori et surtout n’énonce pas a priori quels dommages sont réparables et quels dommages ne le sont pas. De ce point de vue, l’article 1382 du code civil ne formule aucune distinction et laisse entendre que tous les dommages sont identiquement réparables, sans qu’il n’y ait à faire de hiérarchie entre eux. Il y a pourtant des distinctions et des hiérarchies à effectuer.

Il y a trois séries de dommages :

          Le dommage corporel

          Le dommage matériel

          Le dommage moral

 

A.  Le dommage matériel

 

Le dommage matériel renvoie à ce qui affecte immédiatement le patrimoine. La catégorie des dommages matériels englobe plusieurs types de dommages.

 

Le dommage que peut subir un bien lui-même : accident de la circulation et dommage subi par le véhicule.

Il est logique de ranger dans le dommage matériel les pertes de gain que peut entrainer l’accident.

C’est le lucum cessens.

Un dommage corporel peut obliger l’individu à engager un certain nombre de frais pour se soigner, se rééduquer, pour acheter des machines pour sa rééducation ou son transport. Ces frais sont un dommage matériel né du préjudice corporel.

 

B.   Le dommage corporel

 

C’est celui qui affecte l’intégrité physique de la personne. Cette intégrité physique s’exprime de différentes manières mais elle est difficile à réparer mais elle est difficile à réparer. On peut même dire qu’un dommage corporel à proprement parlé, on ne peut jamais le réparer, on ne peut que le compenser.

C’est bien-là une des limites de l’argent comme mode de réparation.

 

On tente de fixer des barèmes lesquels n’ont pas force obligatoire devant les tribunaux, ne s’imposent pas au juge. La subjectivité, lorsqu’elle entraine une hétérogénéité dans la réparation, est évidemment choquante. On procède donc par le biais de nomenclatures qui vont permettre au juge d’adopter une certaine méthodologique lorsqu’il doit tenter de fixer et énumérer les différents dommages soufferts par une personne dans son intégrité physique.

Au titre des nomenclatures récentes, il faut citer la nomenclature Tintilhac, visant à lister les hypothèses de dommage corporel. Cela peut avoir des conséquences patrimoniales, matériels.

 

Les conséquences extrapatrimoniales sont de plusieurs ordres, le préjudice esthétique, c’est la disgrâce esthétique que cause immédiatement le dommage corporel :

          Le préjudice corporel peut empêcher de s’adonner à un certain nombre d’activités, on parle ici de préjudice d’agrément. La jurisprudence retient deux approches distinctes de ce préjudice, elle retient une approche large tout d’abord dans un arrêt d’assemblée plénière du 19 décembre 2003 « le préjudice d’agrément c’est la privation des joies de l’existence par suite d’un préjudice corporel ». Elle a une vision plus restrictive consistant à dire que la réparation d’un préjudice d’agrément vise exclusivement l’indemnisation du préjudice lié à l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive de loisir.

          Le préjudice sexuel : il fait partie des différents postes de préjudices réparables.

          Le préjudice fonctionnel : c’est la perte de l’une des fonctions de l’organisme qui va réduire l’autonomie de la personne, qui va la mettre dans l’obligation d’être assistée, qui va réduire sa capacité à gérer les actes de la vie courante. Ce préjudice fonctionnel répare tout ce qui provient des dysfonctions de l’organisme.

          Le préjudice d’établissement : c’est la perte de chance de réaliser le projet de vie qui pouvait être envisagé par l’individu et que l’accident va empêcher. Il est dur à évoquer ce préjudice d’établissement parce que lui est tourné vers le futur à la différence du préjudice fonctionnel et il renvoie à tout ce que la victime ne pourra pas faire et qu’elle avait en vue.

          En matière de contamination par le virus du sida, la loi et la jurisprudence ont consacré un préjudice spécifique appelé le préjudice spécifique de contamination qui comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physique que psychique résultant de la contamination et notamment la réduction de l’espérance de vie, les perturbations de la vie sociale et familiale, de la vie sexuelle, les craintes, les angoisses. Ce préjudice spécifique est distinct du préjudice physique lui-même. C’est une enveloppe qui inclut les aspects psychologiques que constituent l’incertitude et l’inquiétude devant l’avenir et qui englobe à son tour l’anxiété.

          Quid des personnes en état d’inconscience, de coma ? Peut-on se plaindre quand on est en état d’inconscience ? Oui, l’indemnisation d’un dommage n’est pas fonction de la représentation que s’en fait la victime mais de sa constatation par le juge et de son évaluation objective. En raison de cette approche objective, la cour de cassation considère que l’état végétatif d’une personne humaine n’exclut aucun chef d’indemnisation, de sorte que le préjudice doit être réparé dans tous ses éléments : arrêt du 22 février 1995, 2ème chambre civile.

 

C.  Le dommage moral

 

Peut-on réparer la souffrance morale ?

Le doyen Ripert disait « peut-on monnayer les larmes ? » : critique du fait que l’on puisse monnayer les larmes.

Peut-on vraiment réparer la peine par de l’argent ? Est-ce la fonction de la responsabilité civile d’accorder des dommages et intérêts pour réparer la peine subie par une personne, la douleur d’une autre, le pretium doloris ? Le prix de la douleur est-il quantifiable ?

Cette critique consiste à contester la patrimonialisation du dommage moral et extrapatrimonial.

Il y a des arguments en sens inverse : à proprement parler, on ne peut pas réparer la souffrance, la perte d’un être cher ne peut pas être réparée mais la fonction de la responsabilité civile n’est pas seulement de réparer, elle est aussi de compenser, il y a une fonction compensatoire dans les dommages et intérêts et cette dernière s’exprime déjà comme préjudice corporel, elle peut donc tout aussi bien s’exprimer pour le préjudice moral.

Dans la responsabilité il y a aussi une visée punitive. Il ne faut donc pas négliger cette visée punitive. Pour ces deux raisons, il n’y aucune raison de refuser la réparation du dommage moral. Bien sur le dommage moral a un caractère extrapatrimonial mais la créance de réparation qu’il génère a un caractère patrimonial. A ce titre, elle peut se transmettre. Pour toutes ces raisons, la jurisprudence a admis la réparation du préjudice moral et refoulé les arguments en sens contraire développés par différents auteurs, notamment par Ripert. Ce peut être un dommage souffert directement ou indirectement. Le dommage direct est celui qui tombe directement sur la victime, le dommage indirect est celui qui ricoche sur une victime avant d’en atteindre une autre. On parle pour cette raison-là de dommage par ricochet ou encore de dommage indirect ou médiat. Par exemple, le décès d’une jeune fille cause de la peine à son père, le dommage moral que subit le père est un dommage moral par ricochet.

 

Il ne faut surtout pas confondre la situation de la victime par ricochet avec la situation de l’héritier de la victime directe.

 

Par exemple, une jeune fille est blessée dans un accident de la circulation, elle souffre pendant plus d’un mois et elle décède. Elle a souffert un dommage direct, sa souffrance et son décès vont faire de la peine à ses parents. Ses parents sont des victimes par ricochet. La victime par ricochet a bien un dommage propre mais il est par ricochet. Ils ont aussi le droit à l’indemnisation. Mais du fait que la jeune fille est décédée, son droit à réparation va se transmettre à ses héritiers qui vont donc hériter de la créance de dommages et intérêts qu’elle avait contre l’auteur du dommage. Ici les héritiers sont les parents, ses parents vont donc hériter de cette créance. Les parents sont à la fois victime par ricochet (c’est un dommage qui leur est propre) et ils ont droit à sa réparation et en même temps ils héritent du droit à réparation de la victime immédiate, ils vont alors exercer son action à elle : c’est la question de la transmission de la créance de réparation aux héritiers. Il ne faut jamais confondre ces deux questions distinctes.

Plusieurs remarques :

          La jurisprudence admet largement la réparation du dommage moral, il y a une forme de barémisation en fonction de la proximité familiale. On attribue plus pour la mort d’un enfant que pour la mort d’un cousin. Il y a une forme d’objectivation à travers ces barèmes. La jurisprudence a même admis la réparation du préjudice moral d’un fait de la mort d’un animal. Elle a ainsi admis la réparation du préjudice moral du fait de la mort d’un cheval en 1962. En 1962, la cour de cassation n’admettait pas l’indemnisation du préjudice subi par la concubine du fait de la mort du concubin. Le dommage que subit le propriétaire du cheval n’est pas un dommage par ricochet.

          La jurisprudence, depuis un arrêt du 30 avril 1976 de la chambre mixte, admet la transmission aux héritiers de la réparation du dommage moral. Cela veut dire que lorsqu’on parle de transmission aux héritiers, on ne parle pas de dommage par ricochet. Le droit à réparation ne doit pas se transmettre. C’est justifié parce qu’effectivement le dommage moral est personnel mais le droit à réparation, lui, est patrimonial.

          Lorsque la victime immédiate n’est pas décédée, par exemple, la jeune fille qui souffre, elle est blessée, son père lui dit qu’il est victime par ricochet, à partir du moment où la victime immédiate obtient réparation de son dommage, peut-on encore penser qu’il existe un dommage réparable pour la victime par ricochet ? Si on répare le dommage de la jeune fille, cela veut dire qu’elle n’a plus de dommage, puisqu’il est réparé, peut-on admettre que la victime par ricochet soit indemnisée ? Le fait que la victime immédiate soit vivant et obtienne réparation n’empêche pas de considérer que la victime par ricochet souffre d’un dommage réparable. On peut être victime ricochet d’une personne vivante comme décédée.

 

Quelle est la délimitation des personnes qui peuvent demander indemnisation du dommage moral ? La souffrance est si subjective que cette question se pose.

Comment la cour de cassation ferme cette délimitation ? Elle énonce qu’il faut un lien de proximité avec la victime directe.

 

II.           Les évolutions à l’heure en matière de dommage

 

A.   La hiérarchisation des dommages

 

Notre système ne détaille pas les différents types de dommage et donc par définition, il ne les hiérarchise pas classiquement. L’article 1382 du code civil se réfère uniquement au dommage sans même évoquer les différents types de dommage ce qui ne permet pas de penser qu’il y aurait un traitement différent de ces dommages. Le principe cardinal de la responsabilité civile, c’est le principe de la réparation intégrale et ce principe justifie que dès lors qu’il y a un dommage, quelle que soit sa nature, il soit réparé, qu’il soit matériel, corporel ou moral.

Il est vrai que du point de vue de l’équité, on est évidemment tous plus sensibles à un dommage corporel que matériel. Au fond, il y a naturellement une différence d’importance au sein des dommages.

 

Le législateur contemporain tend à opérer une hiérarchisation conduisant à un traitement spécifique et privilégié du dommage corporel. Dans différents textes, on ne parle pas de dommage corporel mais d’une distinction entre d’une part les dommages aux biens et d’autre part les dommages dits à la personne. C’est la distinction que fait la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation et elle traite bien mieux les victimes pour ce qui concerne les dommages à la personne que pour ce qui concerne les dommages aux biens. C’est la même chose en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. La tendance contemporaine est à une meilleure protection des victimes pour les dommages corporels que pour les dommages matériels. La conséquence, c’est qu’une telle hiérarchisation va introduire des différences de régime de responsabilité selon la nature des dommages. Cela ne va pas de soi, avec ce changement de raisonnement, on va faire varier les régimes de responsabilité selon les dommages. Une manifestation prochaine de cette distinction, ce sont les actions de groupe qui vont arriver ce mois-ci dans le droit français. Elles sont applicables uniquement pour les conséquences patrimoniales des dommages matériels. Il y a un régime de responsabilité pour certains dommages, pas pour d’autres.

 

B.  La collectivisation des dommages

 

L’idée c’est de dire de plus en plus apparaissent des dommages qui sont causés à des masses de personnes, à des groupes de personne, il y a une massification des préjudices, des dommages en série. On voit apparaitre des dommages qui touchent des parties importantes de population (vache folle, vaccinations défectueuses…). Cette collectivisation du dommage milite pour des formes procédurales évoluées, ou du moins adaptées (actions de groupe). Les class actions sont une façon de répondre à cette collectivisation du dommage.

On prend en compte l’écologie, elle intéresse tout le monde et le dommage écologique devrait être reconnu prochainement par le législateur. La cour de cassation à la suite de la cour d’appel de Paris l’a reconnu dans l’arrêt Erika du 25 septembre 2012. Ce préjudice écologique affecte des catégories de population importantes mais également les générations futures. Rapport Jezouzo de 2013 qui milite pour la reconnaissance du préjudice écologique et son insertion dans le code civil.

 

C.   La psychologisation du dommage

 

Nous sommes dans une société faisant une place croissante à la personne, au droit subjectif. Cette évolution se manifeste aussi sur le terrain du dommage et au travers du psychisme de la victime (mise en place de cellules psychologiques). Dans le même temps, la réparation du dommage psychologique se manifeste de différentes manières, on peut parler d’angoisse.
Le préjudice d’impréparation qui naît du défaut d’information de la part du médecin, arrêt du 3 janvier 2014, en cas de défaut d’information, le patient perd à la fois la chance de refuser le traitement mais en plus, en cas de défaut d’information du médecin, il y a un préjudice particulier qui tient au fait que le patient n’a pas pu se préparer à ce qui allait peut-être lui arriver, c’est la dimension psychologique qui est prise en compte.

Le préjudice de déception manifeste ce mouvement vers la prise en compte d’une dimension psychologique de la victime.

On voit aussi apparaître la prise en compte du préjudice que subit une personne qui sait qu’elle va mourir.

Il faut ajouter au rang des manifestations de ce préjudice psychologique le préjudice de contamination (VIH), traduisant une angoisse face à l’avenir.

 

 

 

 

 

Chapitre 2 : le lien de causalité

 

C’est une condition commune à tous les régimes de responsabilité comme l’est le dommage et comme l’est le fait générateur. Tout mécanisme de la responsabilité repose sur un triptyque avec un fait générateur, un dommage et entre les deux un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage encore faut-il que le fait générateur ait bien causé le dommage sinon il n’y a aucune raison que la responsabilité se mette en mouvement. De plus en plus, c’est une exigence difficile à apprécier, à mettre en œuvre, qui donne lieu à une jurisprudence de plus en plus abondante, fluctuante, subjective. Il est effectivement difficile d’apprécier la causalité. La causalité renvoie à une appréciation sur l’enchainement d’évènements. Elle oblige à des calculs rétrospectifs. Elle oblige à s’interroger sur ce qu’est le cours naturel des choses, c’est-à-dire ce qui devait se passer en l’absence de tel évènement. Elle repose souvent sur un jugement et une appréciation subjective, ce qui en fait un critère source d’incertitude et de discussion. Du fait de ce caractère habile, mouvant, fluctuant de la causalité, elle est souvent utilisée de façon variable selon le résultat que le juge entend atteindre. Elle est donc aussi souvent, comme le manifeste la perte de chance, un mécanisme entre les mains du juge, permettant ou non de favoriser la victime. Si elle traverse les différents régimes de responsabilité, elle donne lieu dans certains dispositifs spéciaux à des présomptions qui permettent à la victime demanderesse de ne pas avoir à rapporter la preuve du lien de causalité. Normalement en effet, c’est sur le demandeur que pèse la charge de la preuve collective. Dans certains cas, la loi ou la jurisprudence le dispense de la preuve de la causalité.

 

Section 1 : L’appréciation de la causalité

 

I.              Aspects théoriques

A.   Les théories de la causalité

 

Appréciation complexe. Un individu vole une voiture et cause un accident avec la voiture. Est-ce que le vol lui-même est une cause de l’accident, un antécédent de ce dernier ? La question s’est autrement posée en matière de contamination par le virus du sida à la suite de transfusion de sang contaminé. Exemple que pose un arrêt du 17 février 1993, voici une personne qui cause un accident de la circulation, cet accident a généré des blessures, la victime doit être opérée et transfusée. Au cours des transfusions, elle est contaminée par du sang non chauffé.

Est-ce que le responsable de l’accident de la circulation est responsable de la contamination ?

Troisième exemple, quid du vol de chéquier laissé dans la boîte à gants de la voiture ?

Très souvent, il y a une série d’évènements indispensables, chacun conduisant à la réalisation du dommage.

 

Il y  a deux grandes théories de la causalité, la théorie de la causalité adéquate et la théorie de l’équivalence des conditions.

La théorie de la causalité adéquate consiste à considérer comme cause l’évènement de nature à provoquer le dommage. Elle conduit à une sélection, arrêt de la cour d’appel de Versailles « le rapport de causalité adéquate existe lorsque la faute a constitué le facteur qui parmi ceux en cause a joué un rôle véritablement perturbateur ». On sélectionne la cause pour sélectionner celle qui est la plus à même d’avoir causé le dommage.

La théorie de l’équivalence des conditions, approche beaucoup plus large qui consiste à réputer cause tout évènement sans lequel le dommage ne se serait pas produit. Dans un enchainement de circonstances, sur le terrain de l’équivalence des conditions, il y a de nombreuses causes. L’arrêt du 17 février 1993 repose sur quelle théorie ? La cour de cassation a décidé que l’auteur était responsable de la contamination.

C’est ici la théorie de l’équivalence des conditions. La cause adéquate de cette contamination c’est la transfusion d’un sang non chauffé.

 

La cour de cassation ne retient pas une des deux théories, sa jurisprudence varie selon les hypothèses et selon l’objectif de chaque chose. Plus elle veut attraper large, plus elle va vers l’équivalence des conditions. Cela montre le caractère variable et très subjectif de la causalité. La jurisprudence en fourni maintes appréciations.

Par exemple, il n’y a pas de lien de causalité entre la faute de l’auteur d’un accident et le décès de la victime :

          Frappé d’une crise cardiaque en poursuivant l’automobiliste fautif, chambre criminelle, 25 avril 1967.

          Lien entre l’accident dont a été victime un homme et l’avortement subi par sa femme quelques semaines plus tard par suite du choc émotionnel ressenti, arrêt du 17 mai 1973.

Ce n’est pas très cohérent, la cour de cassation à partir du moment où elle ne retient pas l’une ou l’autre des théories, est en prise avec une appréciation subjective de la réalité.

 

          Arrêt du 8 février 1989, pas de causalité entre la faute de l’auteur de l’accident et le décès de la victime handicapé depuis cet accident, qui est morte plusieurs années après dans l’incident de son lit, l’auteur de l’accident ayant déjà indemnisé la victime.

 

La cour de cassation ne retient pas d’appréciation, donc il y a une prise de subjectivité.

Au final, l’appréciation de la causalité est donc en prise avec les appréciations personnelles du juge ce qui est source d’insécurité juridique.

 

B.   La distinction entre causalité scientifique et causalité juridique

 

Est-ce que le juge est tributaire de l’appréciation scientifique qui est faite sur le rôle causal d’un phénomène qui est faite ? La question s’est posée à propos des vaccins anti hépatite B et la sclérose en plaques. La question est de savoir s’il y a un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques.

La question est la suivante, est-ce que le juge est libre de s’abstraire de telles conclusions scientifiques et de considérer qu’il y a un lien de causalité là où les scientifiques ne l’admettent pas ? La réponse de la cour de cassation est oui, car elle a admis l’existence d’un lien de causalité dans un certain nombre d’affaires, en dépit des conclusions des scientifiques et on comprend donc que la causalité juridique n’est pas la causalité scientifique parce que la causalité juridique consiste à rechercher les vérités relatives à l’occasion du jugement d’un litige entre deux personnes. Elle ne consiste pas à rechercher une vérité absolue, comme en matière scientifique. La visée du droit n’est pas la visée de la science, c’est la raison pour laquelle on peut dire qu’il y a une autonomie de la preuve juridique par rapport à la preuve scientifique.

 

 

 

 

II.            Aspects pratiques

A.   Les prédispositions de la victime

 

C’est la question de savoir, dans l’appréciation de la causalité, il y a –t-il lieu de tenir compte des prédispositions dont souffre la victime pour déterminer quel est le facteur explicatif de son dommage. Dans le cas de la crise cardiaque : l’individu meurt-il parce qu’il poursuivait le conducteur fautif, ou parce qu’il était cardiaque ? L’Etat dans lequel se trouve la victime peut influer sur le cours des choses, peut venir perturber le cours des choses, et donc être en cause en tout ou partie du dommage.

La jurisprudence apporte trois réponses à la question d’une prédisposition de la victime.

 

Plusieurs règles :

 

          Il faut tenir compte des prédispositions de la victime pour apprécier le préjudice consécutif au fait générateur.

          Exception, toutefois, on ne tient pas compte des prédispositions de la victime lorsque la prédisposition ne s’était pas révélée avant l’accident.

          On ne tient pas compte de la prédisposition de la victime dès lors que l’accident a changé la nature du dommage dont elle souffrait précédemment.

 

 

B.   La causalité alternative

 

C’est une dénomination visant à qualifier l’hypothèse dans laquelle la victime peut identifier les causes possibles du dommage sans pouvoir déterminer parmi ces causes possibles, laquelle est effectivement celle qui l’a entrainé.

 

Arrêt de la 1ère chambre civile du 17 juin 2010 à propos d’une infection nosocomiale. Une personne atteinte d’une infection nosocomiale qui avait fréquenté deux établissements successifs mais elle ignorait lequel des deux établissements était à l’origine de ladite infection. Logiquement, si on applique les règles relatives à la charge de la preuve, elle devrait être responsable de la preuve. Cela a un côté injuste, la cour de cassation a admis la causalité alternative consistant à reconnaitre la responsabilité des deux établissements à charge pour celui qui estime n’être pas à l’origine de se retourner contre l’autre et d’apporter la charge de la preuve.

 

Section 2 : les dommages causés en groupe

 

Sont en présence au moins deux personnes lorsqu’est causé le dommage. L’exemple le plus remarquable et facile à comprendre est celui des chasseurs. Un enfant est pris pour un lapin et criblé de plusieurs balles. On retrouve deux balles dans le corps de cet enfant.

Comment faire lorsque l’on ignore celui des membres du groupe ?

Il y a nombre d’hypothèses dans lesquelles plusieurs personnes contribuent au dommage parce qu’ils servent à l’impulsion donnée à la chose. Le dommage causé en groupe regroupe les hypothèses distinctes soit que l’on ignore lequel ou lesquels des membres du groupe a causé réellement le dommage, soit que l’on considère que différents membres du groupe ont pu participer au dommage. Dans ces hypothèses, la jurisprudence va pouvoir admettre dans certains cas que c’est le groupe qui a causé le dommage. Comme le groupe n’a pas de personnalité juridique, c’est-à-dire les membres qui le composent.

La théorie de la  garde de la gerbe de plomb, on considère que tous les chasseurs sont co-gardiens de la gerbe de plomb. La jurisprudence est tellement forte qu’elle a dit qu’il y avait même co-gardiennage quand il n’y avait qu’un plomb. Dans ces hypothèses, la jurisprudence va avoir l’habitude de rechercher la responsabilité des membres du groupe.

 

Sous-titre 2 : Les conditions propres aux différents régimes de responsabilité

 

Le fait générateur, c’est ce qui va provoquer le dommage et les différents régimes de responsabilité s’orientent en fonction des faits générateurs. Notre droit de la responsabilité classe les types de responsabilité en fonction des faits générateurs. Les différents régimes de responsabilité s’ordonnent, se comprennent à partir du fait générateur lui-même. Les faits générateurs, il y en a plusieurs sortes, le plus classique est le fait personnel. C’est donc le fait de la personne elle-même et il est le cas le moins discutable de responsabilité.

A partir de quand une personne engage-t-elle sa responsabilité de son propre fait ? A partir du moment où elle commet un délit ou un quasi-délit, on est dans le champ des articles 1382 et 1383 du code civil, responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle. On peut dire encore responsabilité pour faute car cette responsabilité repose sur la faute qui est le pivot de l’article 1382. Cette responsabilité pour faute est la contrepartie de la liberté individuelle, c’est parce que l’homme est libre que dans le même temps il doit être responsable de ses actes et le fait qu’une faute engage la responsabilité de celui qui la commet est un principe à valeur constitutionnelle consacré par le Conseil Constitutionnel. Il avait constitutionnalisé l’article 1382 du code civil à travers et sur le fondement du principe d’égalité dans une décision du 22 octobre 1982. Dans la décision sur le PACS du 9 novembre 1999, il a constitutionnalisé l’article 1382 du code civil via l’article 4 de la DDHC. Cela laisse donc entendre, normalement, qu’un individu ne devrait pas pouvoir échapper à sa responsabilité civile lorsqu’il commet une faute, la loi peut prévoir des conditions particulières pour cette responsabilité mais elle ne devrait pas pouvoir soustraire une personne à toute forme de responsabilité individuelle lorsqu’elle a commis une faute.

 

Section 1 : l’existence de la faute

 

I.              La notion de faute

 

La notion de faute oblige à statuer ce qui fait un comportement jugé comme asocial et source de responsabilité. Question de savoir, comment estimer qu’un comportement individuel se voit qualifié de faute ? Question est philosophique mais aussi juridique, renvoyant à la question cruciale, peut-on commettre une faute lorsque l’on n’a pas conscience de ses actes et que l’on n’en réalise pas la gravité des conséquences ? Il y a des liens à faire avec le droit pénal mais l’irresponsabilité pénale n’est pas l’irresponsabilité civile. La faute se compose de différents éléments, un élément légal, un élément matériel, un élément moral.

 

A.   L’élément légal

 

Quand on prend l’article 1382 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme », il n’y a dans cette formule aucune limitation, au contraire, il y a une vocation à embrasser tout type de comportement. Cette absence de délimitation laisse entendre que c’est le juge qui devra dire au cas par cas si un comportement est fautif. La question se pose de savoir si une source juridique permet de connaitre pour un individu donné ce qui est permis et ce qui est interdit. En droit pénal, le principe de légalité permet de répondre à cette question, on trouve la source de la faute pénale dans la loi. En droit civil, il n’y a pas d’équivalent au principe de légalité des délits et des peines, il n’y a pas de source du droit, la loi ou autre à l’aune de laquelle s’analyse le comportement individuel. La loi, le règlement, sont des sources qui permettent d’analyser le comportement individuel et de qualifier la faute. Il en va également des règles déontologiques, un manquement à ces règles peut constituer une faute sans d’ailleurs qu’il y ait d’équivalence nécessaire entre ce manquement et l’appréciation de la faute civile. Cela veut dire que toute faute déontologique ne constitue pas ipso facto de ce seul fait une faute civile. Il existe un devoir général de prudence de sorte que ce que l’on appelle l’élément légal en droit civil, est bien plus souple que le même élément légal en droit pénal. La faute civile trouve sa source dans la loi, le règlement, les règles déontologiques… Le comportement individuel ne s’apprécie pas de la même manière qu’à l’extérieur du terrain. La jurisprudence énonce ainsi que la responsabilité d’un sportif est engagée envers un autre dès lors qu’elle établit une faute caractérisée par une violation des règles du sport conservée, arrêt de la 2ème chambre civile du 23 septembre 2004. L’ordre juridique génère ses propres règles et le comportement individuel s’apprécie à partir des règles fixé par cet ordre sportif. L’ordre sportif génère sa propre appréciation des comportements et voilà pourquoi pour apprécier s’il y a faute civile, on va prendre en considération le point de savoir s’il y a une faute sportive.

 

B.   L’élément matériel

 

C’est le comportement lui-même, c’est son extériorisation. La faute de l’article 1382 s’incarne dans un comportement qui la matérialise. Le comportement individuel s’extériorise, c’est ce que l’on appelle la matérialité de la faute. En réalité, la faute peut soit être extérieure, c’est une forme d’action fautive mais là aussi elle est tellement large qu’elle peut aussi se transformer en une inaction.

 

C.   L’élément intentionnel

 

La question est de savoir si ce comportement qui va être qualifié de fautif qui va consister en une action ou une abstention, est-ce qu’il faut avoir l’intention de le commettre ?

Quand on parle du délit et du quasi-délit, on renvoie à l’intention et l’absence d’intention mais pas à l’absence de conscience. La question de la conscience de l’acte est distincte de la distinction entre délit et quasi-délit. La question est donc de savoir s’il est possible de commettre une faute sans conscience ? On sait déjà qu’une personne morale peut commettre une faute, une personne morale n’a pas de conscience, c’est un ensemble d’organes sociaux et à partir du moment où elle peut commettre une faute et sans sombrer dans l’anthropomorphisme qui consiste à voir un individu dans la personne morale, si on admet qu’une personne morale peut commettre une faute civile, l’exigence de conscience n’a pas en réalité de consistance, ne s’impose pas. Effectivement, les personnes morales peuvent être fautives et cela montre bien qu’on peut être civilement responsable sans conscience. En présence d’une personne physique, doit-on faire attention à sa conscience ? Question cruciale qui renvoie à la notion de faute elle-même. Si une personne dépourvue de conscience peut commettre une faute, cela veut dire que l’imputabilité n’est pas un élément constitutif de la faute, cela veut dire que l’on ne regarde pas la faute comme quelque chose que l’on peut reprocher subjectivement à un individu puisqu’on pourrait admettre qu’une personne privée de raison puisse commettre une faute.

La faute doit-elle s’apprécier objectivement ou subjectivement ? Une faute appréciée objectivement, c’est un comportement asocial qui est donc contraire aux règles de vie en société. L’analyse objective de la faute consiste à regarder si un comportement est contraire ou non aux règles de vie en société, on parlera de comportement déraisonnable. Mais l’analyse subjective de la faute ajoute une dimension à cette première interrogation, elle ne se substitue pas au premier critère, elle ajoute un deuxième critère selon lequel l’individu devrait en plus avoir la conscience de son action, percevoir le fait que son acte est asocial. S’il le perçoit, c’est qu’on peut lui imputer cet acte, on peut lui imputer à faute. Exemple d’un enfant de 3 ans qui donne un coup de pied, c’est un acte asocial mais est-ce qu’il en a conscience ? Peut-il commettre cette faute ?

La jurisprudence consacre aujourd’hui une approche objective de la faute ce que manifeste deux séries de décision, celle relative au jeune enfant et celle relative au dément.

 

1.    La responsabilité de l’infance

 

C’est celui qui n’a pas l’âge de raison (7 ans). Est-ce que le jeune enfant peut commettre une faute civile au sens de l’article 1382 ? Longtemps la jurisprudence a considéré qu’on ne pouvait lui imputer la faute. Elle exigeait qu’il y ait chez l’enfant une capacité de discernement faisant ainsi droit à une approche subjective. Mais la jurisprudence a changé de position à travers une série d’arrêts de l’assemblée plénière du 9 mai 1984. Certains de ces arrêts ne concernent pas la responsabilité pour faute, il y a l’arrêt Gabillet et qui concerne un petit garçon qui va blesser son camarade, ce sera de la responsabilité du fait des choses. Mais pour ce qui nous intéresse, arrêt d’une petite fille de 5 ans qui va commettre une faute et la cour de cassation va admettre qu’elle puisse être responsable pour faute estimant que les juges du fond ne sont pas tenus de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte. L’enfant peut donc commettre une faute, jurisprudence d’autant plus nette que dans cette affaire, l’enfant commettant la faute était l’enfant victime, on lui reproche sa propre faute pour limiter son indemnisation. C’est une jurisprudence défavorable à l’enfant victime. Dans cet arrêt, la cour de cassation adopte et consacre une conception objective de la faute puisqu’elle s’abstrait de la condition de discernement dans un arrêt d’autant plus symbolique qu’en l’occurrence il s’agissait d’admettre la faute de l’enfant. Cette faute va donc conduire à limiter son indemnisation. On voit le changement de paradigme dans la responsabilité. On se trouve désormais en présence d’une responsabilité pour faute, sans exigence de discernement ou d’imputabilité. Il est fautif parce qu’il a commis un acte asocial qu’il n’aurait pas dû commettre. Est-ce vraiment une faute que l’acte commis sans conscience de son caractère asocial ? C’est une extension du domaine de l’article 1382. Dans un premier temps, on pourrait penser que cette extension de l’article 1382 est faite pour favoriser les victimes de ces actes dommageables puisqu’elle va leur permettre de trouver un responsable. L’enfant a une assurance et on peut donc se dire que cette jurisprudence est faite pour protéger les victimes en étendant le champ de l’article 1382 en partant du constat que l’enfant est assuré civilement. Il y a un deuxième temps qui est de dire que la limite de la solution est lorsqu’elle se retrouve contre l’enfant lui-même c’est-à-dire lorsqu’il est à la fois victime et auteur. Dans l’arrêt de 1984, où on retient l’idée que l’enfant peut commettre une faute, c’est un arrêt où on lui reproche sa faute.

 

 

 

2.    La faute du dément

 

Dire que la personne privée de raison ne peut pas commettre de faute, c’est consacrer une approche subjective de la faute. Cela n’est pas favorable aux victimes. La jurisprudence a commencé à limiter cette solution de deux manières, d’abord en disant que la personne qui avait des intervalles de lucidité était responsable et puis elle exigeait qu’il soit prouvé qu’au moment de l’action il n’avait pas de capacité de discernement. Cela revenait à limiter cette jurisprudence. C’est la loi qui a changé à travers la réforme du droit des incapables majeurs qui a inséré l’article 489-2 du code civil qui  pose une obligation de réparer à la charge des personnes privées de raison. La loi en 1968 énonce que les incapables majeurs ont l’obligation de réparer les conséquences dommageables de leurs actes et donc ils sont tenus de réparer ces conséquences ce qui met fin à la jurisprudence antérieure sur l’irresponsabilité du dément. Elle ne dit pas qu’il est fautif, elle ne dit pas qu’il est responsable. Dans cette formulation de l’article 489-2 il y a une approche objective et on peut même penser que l’on est sorti de l’idée de faute. On pourrait même dire que l’attention portée pourrait laisser penser que le législateur n’entend pas condamner en 1968 l’approche subjective de la faute. « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ».

 

Depuis 1984, la jurisprudence a consacrée une conception objective, plus besoin de conditions de conscience, cette approche élargit le domaine de la responsabilité délictuelle et donc de l’article 1382. Ce mouvement d’objectivation se comprend sous l’influence de l’assurance de responsabilité qui a poussé pour élargir la réparation au profit des victimes. La solution a un effet pervers lorsqu’elle se retourne contre la victime. D’un point de vue théorique, presque philosophique, la doctrine estime qu’il y a là une dénaturation, un dévoiement de la faute et on pourrait même parler d’une contradiction dans les termes. La conscience n’est-elle pas attachée à la faute ? Peut-il y avoir faute sans conscience ?

 

II.            Les types de fautes

 

A.   Distinction entre les fautes intentionnelles et non-intentionnelles

 

On distingue les délits et quasi-délits à partir de l’intention. La jurisprudence en réalité ne porte pas une véritable attention à la différence entre les articles 1382 et 1383. En revanche, il faut noter une chose importante, il y a des fautes qui parfois ont une gravité plus forte que d’autres. Dans certains cas, la loi en tient compte. C’est le cas de ce que l’on appelle la faute intentionnelle qui est une faute commise avec l’intention d’obtenir le résultat dommageable. Il y a une gravité supérieure. On dit que la faute intentionnelle n’est pas assurable. La faute intentionnelle a des conséquences en matière d’accidents de la circulation.

 

B.   Faute d’action et faute d’abstention

 

Dans certains cas, la faute réside dans une action et dans certains cas elle réside dans une abstention. On s’est posés la question peut-on être responsable pour une abstention ? On a constaté qu’il y a différents types d’abstention, il y a des abstentions dans l’action et des abstentions pures et simples. Par exemple, une personne au volant qui ne freine pas, cette abstention est une forme d’action. Mais l’abstention pure et simple, celui qui n’agit pas du tout peut-il commettre une faute ? Le droit pénal dit oui, avec par exemple l’omission de porter secours. En droit civil, l’abstention pure et simple peut être fautive si elle traduit une négligence voire une intention de nuire. La question s’est posée dans un arrêt Branly de la cour de cassation le 27 janvier 1951 : il s’agit d’un scientifique auquel une revue scientifique demande de retracer l’histoire de la TSF car il y a participé. Il publie l’histoire et dans son article, il y a un nom qui est oublié qui est le nom de Branly qui est très connu et dont il semble qu’il ait participé à l’invention de la TSF. Il n’en a pas parlé car il ne l’aime pas et plutôt que d’en dire du mal et de contester son rôle, il a passé sous silence son rôle. Branly puis ses héritiers vont prendre la mouche et agir en responsabilité contre Turpin qui va faire « taratata non car en fait je n’ai rien dit ». La question se pose de savoir si cette omission du nom de Branly peut être constitutive d’une faute source de responsabilité civile ?

La cour de cassation l’a sanctionné et a considéré qu’il y avait faute à ne pas discuter le rôle joué par Branly dans la TSF. Cet arrêt est extrêmement intéressé sur le terrain de la responsabilité car il vient dire qu’une faute d’abstention peut entrainer la responsabilité de son auteur sur le terrain de l’article 1383. Il est également très intéressant car il vient dire que l’historien peut être responsable. Cet arrêt statue sur la responsabilité de l’historien. On considère que Turpin agissait comme un historien en faisant l’historique de la TSF. N’importe quel historien a un devoir de prudence, d’objectivité qui doit le conduire à discuter des éléments de fait et que pour cette raison, Turpin avait manqué à la prudence et à la sagesse qui doivent caractériser l’historien. En posant la responsabilité de l’historien, il va participer aux relations entre le droit et l’histoire et il pose les jalons des devoirs de l’historien. L’arrêt Branly est intéressant, d’une part, il permet de comprendre qu’une personne peut être responsable pour une abstention et on voit dans le cas de Turpin qu’une abstention peut être malveillante. L’arrêt est également très intéressant parce qu’il statue sur la responsabilité de l’historien en se portant sur la méthode que doit porter l’historien pour être avisé des devoirs d’objectivité qui s’imposent à lui. Jean Carbonnier va écrire une chronique qui s’appelle « le préjudice et la gloire » ou il va discuter l’existence d’un préjudice en l’espèce.

 

C.   Faute en violation d’un droit et faute dans l’exercice d’un droit

 

Peut-on commettre une faute dans l’exercice d’un droit ?

Est-il possible en même temps d’exercer un droit et de le violer ?

La question de la faute dans l’exercice d’un droit renvoie à la question de l’abus de droit.

3 août 1915, chambre des requêtes, Coquerelle et Bayard : Coquerelle a mis des piques sur le terrain de Bayard. Comme les piques étaient sur le terrain, la question de la jurisprudence est celle précisée ci-dessus. Soit on est dans son droit et il n’y a pas de faute, soit on commet une faute mais on est par hypothèse hors de son droit. La jurisprudence a consacré la théorie de l’abus de droit et elle laissait entendre qu’il y a deux catégories de droit, la plupart des droits sont susceptibles d’abus c’est-à-dire que tout n’est pas permis du seul fait que l’on dispose d’un droit. A l’encontre de cette catégorie, il existe certains droits pour lesquels l’abus n’est pas envisageable car leur titulaire peut faire ce qu’il veut sans avoir à se justifier, ce sont des droits discrétionnaires. En matière d’empiètement, la jurisprudence énonce que le fait de solliciter la démolition en matière d’empiètement et donc de défendre son droit contre un empiètement ne peut pas être susceptible d’abus.

« La défense du droit de propriété contre un empiètement ne peut pas dégénérer en abus »

 

 

 

è Les critères de l’abus de droit

 

Deux approches : une approche objective et une approche subjective. 

          Approche objective : l’abus de droit consiste dans le fait de détourner le droit de son but social.

          Approche subjective : demande également une intention de nuire pour caractériser l’abus de droit.

En cas d’abus de droit, la réparation peut avoir lieu en dommages-intérêts ou en nature.

 

Section 2 : les faits justificatifs

 

Il y a-t-il des hypothèses dans lesquelles la faute commise est justifiée de telle sorte que la responsabilité de son auteur ne s’en trouve pas engagée ?

La question est normalement connue en droit pénal, notamment avec la notion de nécessité.

 

I.              Les faits justificatifs tenant à l’ordre donné

 

C’est la question du commandement de l’autorité légitime. Un ordre donné par une autorité légitime peut-il justifier une faute commise ? La question de droit pénal se pose aussi en droit civil.

 

La réponse est la suivante : si l’ordre est légitime et qu’il est donné par une autorité officielle, la réponse est positive. Toutefois, les autorisations administratives données pour une activité n’empêchent pas la plupart du temps la responsabilité. Par exemple, pour un médicament, l’autorisation de mise sur le marché du médicament n’empêche pas l’éventuelle responsabilité de son fabriquant.

 

II.            Tenant à la nécessité

 

Question de l’influence de la nécessité sur le comportement.

Par exemple, un automobiliste, pour éviter d’écraser une vieille dame, rentre dans un autre véhicule pour éviter la dame. Dans un autre cas, il écrase la vieille.

L’état de nécessité est retenu en droit civil toutes les fois que le comportement adopté permet d’éviter un mal plus grand. Dans cet exemple, le juge va considérer que ce comportement a permis d’éviter un mal plus grand.

Dans le deuxième exemple, l’individu sera responsable.

 

III.           L’acceptation des risques

 

Dans un certain nombre d’activités, une personne accepte le risque du dommage éventuel de telle sorte que l’on va considérer qu’elle ne saurait agir en responsabilité contre son auteur. Un certain nombre d’activités manifeste l’acceptation du risque qu’elle génère. Sur le terrain du droit des contrats, lorsqu’on a fait l’étude de l’obligation  de sécurité qui varie en fonction de sa dangerosité et de son acceptation par celui qui s’adonne à l’activité. On a une élévation du seuil de la responsabilité, par exemple, sur un ring de boxe, on accepte une élévation du seuil de responsabilité. La théorie de l’acceptation des risques a donc cet effet qui consiste à faire varier selon les individus et les situations le seuil de responsabilité. Elle a une très forte influence en matière sportive. Parmi les faits justificatifs, l’ordre de la loi, l’ordre de l’autorité légitime est très marginal comme l’est tout autant l’état de nécessité. En revanche, l’acceptation des risques joue un rôle important et la jurisprudence abondante en témoigne.

 

Chapitre 2 : la responsabilité du fait des choses

 

Le code civil a prévu différents faits générateurs de responsabilité. La responsabilité vient souvent de l’individu mais elle peut également venir du fait d’une chose, la chose peut entrainer un dommage et le fait de la chose ouvre sur une hypothèse de responsabilité. Une responsabilité qui n’est pas celle de la chose elle-même. Responsabilité sera celle du propriétaire ou du gardien de la chose. Si on se retourne contre le propriétaire ou le gardien, c’est parce qu’il y a toujours un individu derrière la chose mais l’action en responsabilité va être distincte de l’action en responsabilité du fait personnel. L’intérêt d’agir sur la responsabilité du fait des choses, c’est que les conditions de la responsabilité du fait personnel ne sont pas réunies. La responsabilité du fait des choses, dès lors qu’une chose est intervenue, est plus facile à mettre en œuvre. Elle a donné lieu dans notre droit à une des plus remarquables évolutions jurisprudentielles à partir de la fin du 19ème siècle. A la fin du 19ème, sous l’influence de la doctrine, la jurisprudence va consacrer un principe général de responsabilité du fait des choses à partir d’un petit membre de phrase qui est l’alinéa 1er de l’article 1384 « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde ». Cette phrase n’avait pas de portée normative dans l’esprit des rédacteurs du code civil. La doctrine s’en est saisie et a reconnu un principe général de responsabilité du fait des choses. La jurisprudence a finalement suivi et un siècle plus tard, le même phénomène s’est reproduit à propos de la responsabilité du fait d’autrui.

 

Section 1 : les hypothèses spéciales

 

I.              La responsabilité du fait des bâtiments en ruine

 

Selon l’article 1386, le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par la suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. La responsabilité pèse sur le propriétaire. Cela n’est pas une forme de responsabilité pour faute. Le propriétaire est responsable sans faute. S’agissant des conditions de cette responsabilité, il y en a 3, il faut que ce soit un bâtiment et la jurisprudence a interprété très largement la notion de bâtiment. La jurisprudence considère qu’un arbre est un bâtiment. Aujourd’hui, elle retient une interprétation restrictive de la notion de bâtiment, par exemple, une palissade n’est pas un bâtiment. La deuxième condition c’est qu’il faut que le bâtiment soit en ruine. La jurisprudence énonce que cela ne suffit pas qu’il y ait vice de construction ou défaut d’entretien, il faut que cela ait  causé la ruine. L’incendie n’est pas considéré comme ressortant de l’article 1386. La troisième condition, c’est le vice de construction ou le défaut d’entretien. Lorsque les conditions sont réunies, l’article 1386 est applicable et il ne peut pas se cumuler avec l’article 1384 alinéa 1er, on dit qu’il a un caractère exclusif. Lorsque ces conditions sont réunies, le propriétaire est présumé responsable et il ne peut pas s’exonérer en prouvant son absence de faute. On dit que sa responsabilité est de plein droit. Il faudra qu’il prouve un cas de force majeur ou une cause étrangère.

 

 

II.            La responsabilité du fait des animaux

 

L’article 1385 du code civil dispose que le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé soit que l’animal fut sous sa garde soit qu’il fut égaré ou échappé. Cet article fait apparemment peser la responsabilité sur le propriétaire mais apparemment seulement car il faut que l’animal soit sous sa garde. Il est donc responsable quand il est sous sa garde ou quand il s’est échappé. Lorsqu’il le confie à quelqu’un d’autre, c’est celui qui va s’en occuper qui est responsable. Cet animal, ce peut être n’importe quel animal à condition que cela ne soit pas du gibier ou une res communis, il faut que ce soit des animaux appropriés. Par exemple, les ruches d’une abeille sont appropriées. Cet animal va ensuite causer le dommage et ce dommage, il n’exige pas nécessairement qu’il y ait eu contact avec la personne elle-même. Par exemple, une personne tombée dans un fossé après avoir couru par peur d’une vache : responsabilité du fait de l’animal. Cette responsabilité est une responsabilité de plein droit.

 

Section 2 : le principe général

 

L’hypothèse concerne n’importe quelle chose virtuelle ou matérielle qui n’est pas régie par un corps de règles spéciales. Le contentieux est très abondant car les dommages susceptibles d’être causés par une chose sont très nombreux. Les grosses masses de contentieux sont aujourd’hui régies par des textes spéciaux. Trois domaines sont exclus : les accidents du travail, les accidents de la circulation, les produits défectueux. L’article 1384 a été consacré progressivement par un dialogue constructif non sans polémique entre la doctrine et la jurisprudence.

A la fin du 19ème siècle, sous l’influence du machinisme, de la révolution industrielle, le besoin se fait sentir de dépasser les seules hypothèses du code civil tant et si bien que la jurisprudence interprète très largement les cas visés par le code civil et elle va considérer qu’un arbre est un bâtiment pour appliquer l’article 1386. Jusqu’en 1897, elle va s’en tenir aux cas du code civil quitte à les interpréter largement. Dans un arrêt du 16 juin 1897, l’arrêt Teffaine, la cour de cassation va admettre de poser une présomption de faute sur le propriétaire du remorqueur. C’est la première fois qu’elle se sert de l’article 1384, alinéa 1er. Jusqu’à lors, on était uniquement en présence de propositions doctrinales, Josserand et Saleilles. C’est sous l’influence des accidents du travail, ils ont une visée sociale qui les pousse à appliquer l’article 1384, alinéa 1er. La cour de cassation propose l’application de cet article mais il n’y voit alors qu’une présomption de faute : en 1897 en effet, elle parlera expressément d’une présomption de faute ce qui limite la portée de l’article 1384, alinéa 1er puisqu’il suffit alors au propriétaire de prouver qu’il n’a pas commis de faute pour être déchargé de sa responsabilité. Ce que veulent Saleilles et Josserand, c’est qu’il y ait une responsabilité détachée de la faute. La troisième étape, c’est un arrêt du 15 mars 1921 qui concerne un incendie survenu dans la gare maritime de Bordeaux, tout a brûlé à cause de résine entreposée. La cour de cassation va à nouveau appliquer cet article mais elle va refuser l’exonération par la preuve de l’absence de faute, elle va donc se détacher progressivement de l’idée de faute, dans ce qui était une hypothèse de communication d’incendie. Le législateur va intervenir en ajoutant 2 alinéas dans une loi du 7 novembre 1922 à l’article 1384 qui deviendront les alinéas 2 et 3. Elle va régir spécialement l’hypothèse de communication d’incendie en prévoyant que la responsabilité de celui qui détient l’immeuble ne peut être engagée que s’il a commis une faute ou bien si l’une des personnes dont il est responsable en a commis une.

Georges Ripert va s’opposer farouchement à la responsabilité du fait des choses si elle devait être détachée de l’idée de faute. De vives polémiques secouent la doctrine dans les années 1920. Ripert voit dans cette présomption de responsabilité éventuelle une « machine à faire exploser le droit ». Il plaide aussi pour une limitation des choses susceptibles d’entrainer la responsabilité, afin que l’on retienne que les choses dangereuses pour entrainer la responsabilité du gardien. La cour de cassation va avoir l’occasion de trancher cette controverse dans un arrêt Jand’heur du nom de la petit fille Lise qui va se faire écraser par le camion d’une société. Cet arrêt va avoir plusieurs vertus, plusieurs conséquences par sa portée même. Il va tout d’abord consacrer l’existence d’un principe général de responsabilité fondé sur l’article 1384 alinéa 1er. Ce principe général de responsabilité fait peser la responsabilité sur la garde de la chose et non sur la chose elle-même. Ce qui génère la responsabilité, c’est la garde de la chose, cela n’est pas la chose gardée. Il n’y a plus lieu de faire des distinctions entre les différentes choses. Elle rejette donc la proposition de Ripert de distinguer selon que la chose était dangereuse ou non. Elle rejette donc toutes les distinctions qui avaient pu être faites selon les différentes choses, peu importe que la chose soit actionnée par la main de l’homme ou non, peu importe qu’elle soit dangereuse ou non, peu importe qu’elle soit viciée ou non. Toute sorte de chose, dès lors que l’on n’est pas dans le cadre d’un régime spécial, relève du principe général de responsabilité du fait des choses parce que ce qui génère la responsabilité, c’est la garde de la chose. Cette responsabilité va peser sur le gardien de la chose et surtout il va en résulter une présomption de responsabilité, une responsabilité de plein droit. Le gardien ne pourra pas s’exonérer par la seule preuve de son absence de faute, il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère. L’arrêt Jand’heur fixe le régime de la responsabilité en déterminant la nature de la présomption pesant sur le gardien de la chose.

 

L’esprit français est dominé par l’idée de faute, ne parvient que difficilement à s’abstraire de la faute. Très souvent, la faute resurgit même dans les régimes de responsabilité objective.

En 1922, le « toutefois » de l’alinéa 2 de l’article 1384 laisse entendre implicitement que le législateur reconnait l’existence d’un principe général de responsabilité à l’alinéa 1. Elle est une forme de reconnaissance implicite du fait qu’il y  a bien un principe dans l’alinéa 1 de responsabilité du fait des choses et qu’il ne repose pas sur l’idée de faute.

L’arrêt Jand’heur considère que la responsabilité est           attaché à la garde de la chose et non pas à la chose elle-même et en considérant que la responsabilité tient à la garde de la chose, l’arrêt Jand’heur va rejeter toutes les distinctions antérieures qui visaient à restreindre le domaine de l’article 1384 alinéa 1 en excluant certaines choses. Et le deuxième apport, cet arrêt va poser la nature de la présomption qui pèse sur le gardien de la chose en jugeant qu’il s’agit d’une présomption de responsabilité, une responsabilité de plein droit ce qui signifie que le gardien de la chose ne peut pas s’exonérer en prouvant son absence de faute, mais ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère, cas de force majeur, faute d’un tiers ou de la victime. Avant l’arrêt, on discutait de la nature de la présomption, certains y voyaient une présomption de faute ce qui aurait permis au gardien de se décharger de sa responsabilité en prouvant son absence de faute. Mais en réalité il s’agit de responsabilité objective, quand il y a un fait de la chose, on ne pense pas que le gardien aurait commis une faute, par exemple qu’il aurait mal utilisé la chose. On considère simplement qu’il y a un fait de la chose qui cause un dommage à une personne. C’est donc le régime de cette responsabilité qui rend compte de cet objectivisme en se détachant de la faute.

La jurisprudence a été abondante après l’arrêt Jand’heur essentiellement pour permettre la notion même de « garde » puis pour l’affiner. Le législateur est fortement intervenu.

En 1898, il intervient sur les accidents du travail, il avait sorti tout le contentieux du champ de l’article 1384 alinéa 1 puis en 1985 sur les accidents de la circulation.

Loi sur les produits défectueux qui n’est pas exclusive de l’article 1384 alinéa 1er, elle n’empêche pas de l’invoquer.

 

I.              L’application de l’article 1384 alinéa 1

 

A quelles conditions applique-t-on cet article ?

 

Il faut qu’il y ait l’intervention d’une chose et il faut que cette chose ait un rôle causal.

 

A.   La chose

 

Il y aurait quelques incohérences à s’en remettre à la lettre de l’article 1384 pour savoir s’il y a lieu de distinguer entre les choses puisque de toute manière cet alinéa n’a pas été rédigé avec l’intention de constituer un principe général de responsabilité du fait des choses. L’alinéa 1er parle simplement des choses que l’on a sous sa garde.

Quelles choses ?

          Par hypothèses, ce seront des choses qui auront un gardien ce qui exclut les choses qui n’appartiennent à personne, les res nullius ou les choses abandonnées.

          L’article 1384 alinéa 1 est exclusif des choses soumises à un statut spécial et donc à des articles particuliers par exemple la responsabilité du fait des animaux, la responsabilité du fait des bâtiments en ruine mais aussi toutes les hypothèses où une loi spéciale s’applique, la loi de 1985 sur les accidents de la circulation, celle de 1898 sur les accidents du travail. En revanche, les lois spéciales excluent l’application de l’article 1384 alinéa 1er sauf la loi de 1898 sur les produits défectueux. En dehors de ces deux séries d’exclusion, la notion de chose doit être comprise de façon très générale, l’article ne distingue pas selon les choses et cela est acquis depuis l’arrêt Jand’heur. On avait pensé qu’il fallait distinguer entre les choses mobilières et immobilières. En réalité, l’article 1386 ne vise que les seuls bâtiments en ruine, il ne vise pas tous les immeubles, il n’y a pas de raison de rejeter toutes les choses immobilières de 1384 alinéa 1er.

          Distinction entre les choses dangereuses ou non. La distinction n’était pas pertinente car on ignore a priori ce qu’est une chose dangereuse ou non dangereuse. Si la chose est à l’origine d’un dommage, est-ce que cela ne veut pas dire en toute hypothèse qu’elle est dangereuse ? La distinction des choses dangereuses et non dangereuse a été rejetée. La distinction selon que la chose est viciée ou non a été rejetée également. On va distinguer les choses actionnées par la main de l’homme des autres. Si la chose est actionnée par la main de l’homme et qu’elle cause un dommage c’est qu’en réalité c’est l’homme qui est à l’origine du dommage et si c’est le cas, on doit appliquer l’article 1382 et il faudrait prouver la faute.

 

B.   Le fait de la chose

 

Un fait de la chose, cela signifie qu’elle doit précisément être la cause du dommage.

L’article 1384 alinéa 1er n’exige pas la matérialité d’un contact entre la chose et la personne.

Est-ce que la chose inerte peut être causale si l’individu se blesse et impute sa blessure à cette chose ?

La chose n’est pas en mouvement, mais l’article 1384 alinéa 1er n’exige pas qu’une chose soit en mouvement, il n’exige pas non plus que la chose ait un dynamisme propre.

Comment prouver le rôle causal d’une chose inerte ?

Pour aller rechercher la responsabilité du gardien d’un sol lorsqu’une personne se blesse en tombant sur le sol. La Cour de Cassation énonce qu’il y a responsabilité si le sol était anormalement glissant. Ce critère de l’anormalité est intéressant, il va donc permettre de déterminer quand la chose inerte a un rôle causal.

Un muret en béton en bon état peint en blanc parfaitement visible alors que le bitume est en gris, la jurisprudence énonce que c’est la faute de la personne elle-même, la chose est dans un état normal. Ce critère de l’anormalité de la chose, on prend en compte le rôle du gardien. Il y a une forme de résurgence larvée de l’idée de faute car au fond, quand on dit qu’une chose est dans un état anormal, c’est une forme de retour indirect de la faute à travers l’analyse de la causalité, du rôle causal de la chose.

En même temps, aurait-on pu dire que toute chose inerte a un rôle causal sans prendre en compte un tel critère ? Il faut bien trouver un critère.

Lorsque la chose est en mouvement, il n’est pas nécessaire qu’il y ait contact pour qu’il y ait rôle causal de la chose. D’autre part, lorsqu’il y a contact entre la chose en mouvement et la personne, il y a une présomption de rôle causal.

 

II.            La détermination du gardien de la chose (TROP DE LOVE POUR L’EXAM)

 

La responsabilité fondée sur la garde pèse sur le gardien de la chose et toute la question est de savoir qui est le gardien de la chose. Dans un certain nombre d’hypothèses, la détermination du gardien de la chose est rendue complexe par la situation faite en cause. Or, la responsabilité pèse sur le gardien de la chose. Pour comprendre la notion de garde, il faut avoir à l’esprit qu’elle entretient des rapports à la fois avec la propriété, avec la détention et avec la question du discernement.

 

A.   Garde et propriété

 

La garde, c’est un pouvoir de fait sur une chose tandis que la propriété c’est un pouvoir de droit. L’arrêt Franck du 2 décembre 1941 définit les critères de la garde. C’était la nuit de Noël à Nancy et le jeune docteur Franck prête sa voiture à son fils. Le petit va en boîte, la voiture est volée pendant la soirée. Le voleur au petit matin aura un accident et va tuer un facteur Connot. Le voleur ne sera pas retrouvé.

Est-ce que le docteur Franck est responsable de la chose volée parce qu’il est propriétaire de la chose ? La Cour de Cassation va juger que la garde, ce sont les pouvoirs d’usage ou de contrôle et de direction sur la chose. Ces trois prérogatives doivent être réunies pour que la garde soit avérée et ce sont bien des pouvoirs de fait. User de la chose, la contrôler et la diriger sont des prérogatives factuelles sur une chose.

Pour autant, l’arrêt Franck ne rompt pas tout lien entre la propriété et la garde.

Présomption simple qui peut être renversée, le propriétaire est présumé gardien. Le plus fréquemment, le propriétaire est aussi celui qui a les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. La situation la plus courante, c’est celle dans laquelle le propriétaire est effectivement le gardien. Or, les présomptions reposent sur des situations de vraisemblance, la plus grande vraisemblance c’est que le propriétaire soit le gardien. Il faut bien que la victime sache contre qui se retourner. Grâce à cette présomption de garde, elle sait à qui s’adresser puisque le propriétaire est présumé gardien de telle sorte que c’est à lui de prouver qu’il n’a plus les pouvoirs de la garde sur la chose. Ce transfert de la garde peut résulter d’un contrat, on parle de transfert juridique de la garde. Mais la garde peut également être transférée matériellement à un tiers. Souvent la jurisprudence souligne qu’il faut avoir reçu les pouvoirs permettant de réduire le dommage. La jurisprudence parfois refuse d’admettre qu’il y a transfert de la garde.

 

B.   Garde et détention

 

La garde est un pouvoir de fait sur la chose et non un pouvoir de droit. Au fond, elle suppose logiquement la détention de la chose. Dès lors qu’être gardien c’est avoir l’usage, le contrôle et la direction de la chose, comment ne pas admettre que c’est celui qui détient la chose qui en est le gardien ? Logiquement, ces 3 pouvoirs désignent comme gardien le détenteur de la chose. Ce n’est pourtant pas toujours vrai. Il y a deux séries d’exceptions. La première tient à ce que l’on appelle l’incompatibilité entre les fonctions de gardien et de préposé. Depuis un arrêt de décembre 1936, la Cour de Cassation décide que le préposé ne peut pas être gardien. La Cour de Cassation énonce qu’un livreur ne peut pas être gardien de la chose car il détient la chose pour le compte de son employeur c’est-à-dire celui qui lui demande de la transporter. Cette incompatibilité vient rompre le lien entre garde et détention puisque c’est le préposé qui détient et il ne sera pas gardien. Cela revient à considérer que le préposé n’a pas suffisamment d’autonomie pour être gardien et cette jurisprudence archaïque est d’autant plus obsolète, dépassée que l’on va voir que le jeune enfant lui, peut être gardien. Le jeune enfant n’a pas plus d’autonomie qu’un employé, il y a un archaïsme dépassé.

La deuxième illustration tient à la distinction de la garde de la structure et la garde du comportement. La jurisprudence a inventé une distinction pour certaines choses en considérant qu’on pouvait être gardien soit de leur structure soit de leur comportement. La jurisprudence a inventé cette distinction, formulée dans la thèse de Goldman laquelle a été consacrée dans un arrêt oxygène liquide de la Cour de Cassation du 5 janvier 1956.

Il y a certaines choses qui ont un contenu de nature à causer le dommage. Certaines choses ont un contenu propre et la jurisprudence considère qu’il faut distinguer la garde de leur comportement et la garde de leur contenu. Mais dans ce cas, lorsque le gardien est celui de la structure de la chose, c’est-à-dire de son contenu, le gardien n’est pas celui qui la détient. La structure  va donc revenir à faire peser la garde dans certains cas sur une personne qui ne détient plus la chose (c’est le cas lorsqu’est en cause le gardien de la structure).

 

C.   Garde et discernement

 

Puis-je être gardien sans être doté de discernement ? Question de la démence et de l’infance. Pendant longtemps la jurisprudence a considéré que pour être gardien il fallait être doté de discernement et c’était logique. L’absence de discernement empêche d’avoir le contrôle et la direction de la chose. La définition de la garde n’est pas compatible avec l’absence de discernement. Jusque dans les années 60 et jusqu’à un arrêt Trichard du 18 décembre 1964, la Cour de Cassation a considéré que la garde supposait le discernement mais elle a évolué à partir de là.

Mouvement d’objectivisation de la garde de la chose qui est cohérent avec celui de la responsabilité du fait personnel. Mise en relation avec l’ancien article 489-2 du code civil : celui qui dit que l’incapable est tenu de réparer. Et surtout, il faut souligner que la jurisprudence poursuit ce mouvement d’objectivisation à propos de la responsabilité du fait des choses concernant le jeune enfant.

Dans un arrêt du 9 novembre 1984, Gabillet, cet arrêt concerne la responsabilité du fait des choses. Il y a eu le même jour plusieurs arrêts de l’assemblée plénière.

L’enfant de 3 ans peut être gardien ce qui pose la question de savoir ce que deviennent les critères de la garde. La cour de cassation énonce qu’en retenant qu’un enfant avait l’usage, le contrôle et la direction de la chose, les juges du fond n’avaient pas à rechercher si cet enfant avait un discernement. On peut s’interroger sur la consistance de la notion de garde. Une telle objectivation de la notion de garde ne revient-elle pas au fond à vider de leur substance les critères de la garde ?

Si ces 3 critères ont pour raison d’être la possibilité pour le gardien d’éviter le dommage, mais peut-on vraiment considérer que l’enfant a la possibilité d’éviter le dommage ? Mouvement contemporain d’objectivation de la responsabilité qui se fait sans doute au profit de la victime qui trouve à bon compte un débiteur.

La Cour de Cassation veut faire en sorte que la victime puisse trouver un débiteur et l’enfant qui a été blessé va pouvoir agir contre son camarade par le biais de ses représentants. Si le mouvement se fait en faveur de la victime, il se fait au détriment de la notion de garde. Il perd sa consistance.

 

III.           Les critères de la garde

 

A.   Le caractère alternatif de la garde

 

On dit qu’à un moment donné une faute ne peut avoir qu’un gardien. Dans le processus mis en place, le propriétaire est présumé gardien et va avoir du fait de cette présomption, à prouver qu’il a transféré la garde à un tiers, c’est-à-dire transférer les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. A partir du moment où la garde sera transmise, le propriétaire ne sera plus le gardien.

Cela n’empêche pas que la jurisprudence ait admis qu’il puisse y avoir des co-gardiens d’une chose. La garde collective est une création jurisprudentielle, des personnes ont des pouvoirs concomitants sur une chose. La jurisprudence considère que la gerbe elle-même est une chose gardée collectivement par les différents gardiens. Cette invention que constitue la garde collective a parfois pour finalité d’indemniser la victime lorsqu’on ignore quel est réellement la chose à l’origine du dommage : c’est le but même de la théorie de la garde en commun de la gerbe de plomb. On voit bien que c’est une forme d’artifice intellectuel destiné à remédier au fait que l’on ne sait pas qui a tiré le plomb. Dans d’autres hypothèses, la même théorie de la garde en commun va servir non pas à remédier à cette incertitude mais à prendre en considération le fait que plusieurs personnes ont eu à un moment donné un pouvoir sur la chose. On peut admettre que dans une partie de tennis, la manière dont une balle est renvoyée par un joueur dépend de la manière dont elle a été envoyée par l’autre. Dès lors on peut admettre la garde en commun de la balle de tennis. On peut se poser la même question pour un voilier. La jurisprudence a considéré qu’il n’y avait pas garde collective des équipiers sur un voilier en régate, civile 2ème, 9 mai 1990. Il y a deux objectifs pour la garde en commun, soit remédier à cette incertitude, soit prendre en compte le rôle que plusieurs participants ont à un même moment.

 

B.   La distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement

 

Distinction d’origine doctrinale, invention de Goldman, thèse dans laquelle il explique cette distinction en 1946. Et la Cour de Cassation consacre cette distinction en 1956 dans l’arrêt Oxygène liquide. Elle a pour fondement le fait que certaines choses ont un contenu propre et que ce contenu a vocation à causer des dommages.

Arrêt du 12 novembre 1975, la Cour considère qu’une bouteille d’eau gazeuse a un mécanisme propre. Il peut y avoir deux gardiens à un même moment. Cela appelle plusieurs remarques, pour une même chose il y a à un même moment deux gardiens. On dit qu’il n’y a pas d’atteinte au caractère alternatif car dans la chose on distingue le comportement et la structure mais il y a un seul gardien de chaque chose. A un moment donné, il y a deux personnes qui sont gardiennes mais l’une du comportement et l’autre de la structure. On ne peut pas dire qu’il y a une atteinte au caractère alternatif. Dans l’arrêt de 1975, le gardien de la structure, c’est le fabricant de la chose. Il est plus logique que ce soit le fabriquant qui soit considéré comme gardien de la structure, il connait la composition de la chose. Considérer que le fabriquant est gardien de la structure de la chose, c’est une dénaturation de la notion de garde, c’est de la responsabilité du fabricant d’une chose. La victime ne peut pas toujours savoir qui est le responsable du dommage. La présomption de garde avait un avantage pour la victime, elle lui permettait de toujours trouver un débiteur en la personne du propriétaire sauf à ce que celui-ci donne la preuve du fait qu’il avait transféré la garde. Débat sur l’origine du dommage.

 

IV.          La responsabilité du gardien de la chose

A.   La nature de la responsabilité

 

          Théorie du risque

          Théorie de la responsabilité objective

 

B.   L’exonération du gardien

 

Le gardien est présumé responsable ou alors responsable de plein droit. Il ne peut s’exonérer que par un cas de force majeur, par le fait d’un tiers ou par le fait de la victime = causes étrangères.

 

1.    Le cas de force majeur

 

Le cas de force majeur présente 3 caractéristiques, extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible. Irrésistible, cela veut dire qu’un homme ne peut pas résister à l’évènement.

On en discutera beaucoup, jurisprudence abondante. Par hypothèse, moyen privilégié pour le gardien de s’abstraire de sa responsabilité. A partir du moment où il ne peut pas prouver son absence de faute, il tente de s’exonérer par force majeur.

 

2.    Le fait d’un tiers

 

C’est la personne qui n’est ni la victime ni le gardien. On peut imaginer qu’elle soit à l’origine du dommage et soit à l’origine du fait que la chose cause le dommage. Pour que le gardien puisse se prévaloir du fait d’un tiers, il faut qu’il présente les caractères de la force majeure.

 

 

 

3.    Le fait de la victime

 

Est-ce que la victime peut être à l’origine du dommage ? Est-ce que le gardien peut dire que ce fait constitue pour lui une cause d’exonération ?

La réponse est oui, le fait de la victime est exonératoire de responsabilité. A partir du moment où le gardien prouve que c’est ce fait qui est l’origine du dommage, il peut s’exonérer. Peut-on considérer que le fait de la victime est pour partie la cause du dommage ? Le gardien conservera à sa charge une partie de la responsabilité. La jurisprudence a admis le fait que la faute de la victime ne pouvait être que partiellement exonératoire. Le fait de la victime, soit il présente les caractères de la force majeure et il est totalement exonératoire, soit il ne présente pas les caractères de la force majeure et il n’est pas du tout exonératoire. La Cour de Cassation a fait cela pour une raison tenant à l’absence de législation spéciale sur les accidents de la circulation. Pendant près de 20 ans, le législateur va tenter de mettre en place une législation spéciale sur la circulation protectrice de la victime, dont le ressort, la faute de la victime ne peut pas lui être reprochée. Pendant 20 ans, cela a tergiversé parce que la France aime la faute. La Cour de Cassation a énoncé qu’il fallait une intervention législative. Pour la Cour de Cassation, la faute de la victime qui ne présente pas les caractères de la faute majeure, ne peut pas lui être reprochée. La Cour de Cassation dans l’arrêt Desmare a pris une position très favorable aux victimes pour remédier à l’absence de législation spéciale. La Cour de Cassation a reviré dans un arrêt du 6 avril 1987 ou elle admis à nouveau l’exonération partielle du gardien lorsque la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure. Au total, le gardien peut prouver le cas de force majeur.

Quid de l’acceptation des risques ? Peut-on reprocher à la victime son acceptation des risques ?

Peut-on considérer que l’acceptation des risques puisse être opposée à la victime par le gardien ?

La législation a changé. Avant 2010, la jurisprudence admettait de prendre en compte l’acceptation des risques uniquement en cas de compétition sportive. Forme d’acceptation des risques du jeu.

Arrêt du 4 novembre 2010 : revirement de jurisprudence, séance d’entrainement sur circuit fermé et l’individu pilotait une moto. La Cour de Cassation énonce que « la victime d’un dommage causé par une chose peut invoquer l’article 1384 alinéa 1 à l’encontre du gardien de la chose sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques ». Refus généralisé de la prise en compte de l’acceptation des risques. Cet arrêt a été très critiqué.

Réforme dans la loi du 12 mars 2012, article L321-3-1 du code du sport « les participants ne peuvent être tenus pour responsable des dommages matériels causés par un autre pratiquant par le fait d’un’ chose qu’ils ont sous leur garde au sens de l’article 1384 alinéa 1, à l’occasion de l’existence d’une pratique sportive, au cours d’une manifestation sportive, ou d’un entrainement, en vue de cette manifestation sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique ». Cela ne vaut qu’entre pratiquants, pas pour le public et il faut une manifestation sportive ou un entrainement et il faut un lieu spécial. La loi dans ce cas prévoit une irresponsabilité sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1.

 

L’arrêt central est l’arrêt Jand’heur car il va dire que tout dépend de la garde et c’est une responsabilité de plein droit. La jurisprudence va procéder par étapes, ce qui compte dans son approche, c’est de pouvoir éviter le dommage, c’est cela qui guide l’arrêt Franck.

On va présumer que le propriétaire est gardien, c’est une présomption simple. Il ne faut pas confondre que le gardien est présumé irresponsable et ne peut s’exonérer que sous certaines conditions.

Chapitre 3 : La responsabilité du fait d’autrui

 

Adjonction de débiteur qui s’explique par le rapport qu’il y a entre celui qui commet l’acte et celui qui va être tenu pour lui.

L’article 1384 qui n’était dans l’esprit des rédacteurs du code civil qu’une simple transition, une annonce de plan, a connu un destin fabuleux.

Près d’un siècle plus tard après l’arrête Teffaine, la Cour de Cassation dans un arrêt Blieck a répété le procédé consistant à découvrir un principe général de responsabilité du fait d’autrui dans l’article 1384-1.

En 1804, les rédacteurs du code avaient prévu des hypothèses spéciales. A l’alinéa 4, ils avaient prévu que des hypothèses spéciales : père et mère du fait de leur enfant, les maitres et les commettants, les domestiques et les préposés, les instituteurs et les artisans. Le code consacre des hypothèses particulières du fait d’autrui, de la même manière qu’il y a des hypothèses particulières du fait des choses (article 1385-1386).

Dans l’arrêt Bleick, la Cour de Cassation va choisir de s’émanciper de ces seules hypothèses spéciales pour consacrer un principe général du fait d’autrui à partir de l’alinéa 1er « on est responsable du dommage non seulement par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde ».

 

Section 1 : Les hypothèses spéciales visées par le code civil

 

I.              La responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur

 

Les enfants sont sous l’autorité de leur parent jusqu’à leur majorité au moins jusqu’à ce qu’ils soient émancipés. On a toujours en matière de responsabilité du fait d’autrui une triple interrogation, quel que soit le système qui renvoie au point de savoir quel est l’acte que doit avoir commis celui pour lequel on est tenu (l’enfant, le préposé) pour qu’il engage la responsabilité d’autrui ? A quelles conditions peut ne pas être tenu celui qui a commis l’acte ? A quelles conditions peut se décharger de sa responsabilité celui qui est tenu pour autrui c’est-à-dire les père et mère, le commettant ?

 

A.   Conditions

a)    L’enfant doit-il avoir commis une faute ?

          Il faut un enfant mineur car à partir de la majorité, les parents ne sont plus tenus pour les enfants. Les père et mère ne sont tenus des actes dommageables de l’enfant que durant sa minorité, aussi bien la bêtise de l’infance que celle de l’adolescent presque majeur. Seule l’émancipation de l’enfant peut mettre fin à cette responsabilité pensant sur les parents du fait de leur enfant mineur.

          Ensuite, il faut l’autorité parentale. C’est elle qui justifie la responsabilité.

« Les père et mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ». Elle est la condition même de cette responsabilité de telle sorte que tous ceux qui ne l’ont pas ne peuvent être tenus par exemple le tuteur ne peut pas être tenu du fait de l’enfant sur ce fondement. Les grands-parents ne peuvent pas être tenus sur ce fondement.

          Il faut qu’il y ait cohabitation. Cette question se complique parce que dans un certain nombre d’hypothèses les enfants font un séjour ailleurs en vacances…

 

 

La deuxième chose, ce sont les modalités du divorce.

Quid lorsqu’il y a un droit de visite chez l’un ? Une garde alternée ? En cas d’aménagement du droit de visite ou du droit de garde après divorce ?

Le fait qu’un enfant séjourne temporairement ailleurs ne fait pas cesser la cohabitation. La jurisprudence est abondante en ce sens.

Le fait que les enfants soient en vacances chez les grands-parents ne fait pas cesser la responsabilité du fait d’autrui.

En cas de divorce, la responsabilité incombe au seul parent chez lequel la résidence de l’enfant a été fixée quand bien même l’autre parent bénéficierait d’un droit de visite et d’hébergement et quand bien même ce dernier exerce conjointement l’autorité parentale. Seul celui chez qui la résidence habituelle est fixée est tenu. L’autre parent ne peut être tenu que pour sa faute, il ne peut pas être tenu du fait de l’enfant mineur. La solution a été réaffirmée par un arrêt du 6 novembre 2012 de la chambre criminelle.

          Le fait de l’enfant : que doit faire un enfant pour que la responsabilité de ses parents soit engagée ? Est-ce que l’enfant doit avoir commis une faute ? Blesser quelqu’un sans faute entraine-t-il la responsabilité des père et mère ?

Normalement, la responsabilité du fait d’autrui est d’abord une responsabilité qui pèse sur celui qui commet l’acte. L’enfant devrait d’abord être fautif et responsable avant que ne le soient ses père et mère pour lui. C’est d’ailleurs cohérent avec l’idée d’adjonction d’un débiteur sus évoquée. L’enfant devrait être responsable, plus ses père et mère.

Mais la jurisprudence a considérée à partir de l’un des arrêts du 9 mai 1984, qu’il suffisait, pour qu’il y ait responsabilité du fait des parents, que l’enfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime. C’est l’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984qui juge que ce jeune Pascal âgé de 7 ans qui avait décoché une flèche avec un arc qu’il avait confectionné en direction de son camarade qu’il a éborgné. Son père a été déclaré responsable. La Cour de Cassation énonce que pour que la responsabilité soit présumée, il suffit que le mineur ait commis un acte qui soit la cause direct du dommage invoqué par la victime et l’assemblée plénière substitue ce motif de pur droit à ce qu’avait jugé la cour d’appel. La Cour de Cassation réitèrera la solution dans un arrêt Levert de la deuxième chambre civile du 10 mai 2001, elle viendra préciser que la responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux, n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant. Cet arrêt marque sans doute une étape de plus, une radicalisation de Fullenwarth. L’acte se confond avec la causalité, on ne parle même plus de faute. C’est un élargissement très fort de la responsabilité du fait de leur enfant pour les père et mère dans une hypothèse où l’on voit bien que c’est détaché de l’idée de faute au profit de la victime.

 

L’enfant n’a plus à être tenu lui-même pour que ses père et mère le soient. Normalement la responsabilité du fait d’autrui, c’est l’adjonction d’un débiteur ce qui suppose que les conditions de la responsabilité soient réunies dans la personne de celui qui a causé la faute. Avec l’arrêt Levert, la responsabilité de l’enfant n’est plus un préalable à la responsabilité des parents. Déconnection entre la responsabilité de celui qui commet l’acte et celle de celui qui va être tenu.

 

b)   La responsabilité des père et mère peut-elle être engagée dans l’hypothèse où le dommage est causé par une chose dont l’enfant est gardien ?

 

L’enfant gardien est responsable depuis Gabillet mais le dommage causé par le fait de la chose gardée par l’enfant entraine la responsabilité de ses père et mère du fait d’autrui. Ils sont tenus de leur enfant gardien. Au total, la responsabilité se déclenche à deux conditions, un acte qui soit la cause directe du dommage et un dommage qui soit causé par le fait d’une chose gardée par l’enfant : conjonction de 1384 alinéa 1er et de 1384 alinéa 3.

Peuvent-ils s’exonérer de leur responsabilité ? Cela renvoie à la nature de la présomption qui pèse sur eux. Initialement, en 1804, le système mis en place par les rédacteurs du code civil à l’alinéa 7 reposait sur une présomption de faute commise par les parents. Présomption de faute de surveillance ou de faute d’éducation. Présomption simple reposant sur la formulation de l’alinéa 7, « la responsabilité ci-dessus a lieu à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».

La jurisprudence a fait évoluer l’origine de cette responsabilité des père et mère, à partir d’un arrêt très important, l’arrêt Bertrand du 19 février 1997 : seule la force majeur ou la faute de la victime peuvent exonérer les parents de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par leurs enfants mineurs.

La responsabilité devient une responsabilité de plein droit, les père et mère ne peuvent plus s’exonérer en prouvant leur faute d’éducation ou de surveillance. C’est dans cette période que la Cour de Cassation va fixer le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui dans l’arrêt Bleick de 1991 mais va fixer le régime de cette responsabilité par l’arrêt Bertrand de 1997. La Cour de Cassation s’interrogea entre 1991 et 1997 sur ce régime.

En mars 1997, la Cour de Cassation va dire que la responsabilité générale du fait d’autrui repose sur une responsabilité de plein droit, on ne peut dès lors plus s’exonérer en prouvant son absence de faute.

La Cour de Cassation va vouloir que le régime de cette responsabilité spéciale du fait d’autrui qu’est la responsabilité des père et mère soit alignée sur le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui. Elle énonce qu’au fond il faut qu’il y ait une cohérence entre le principe général et les régimes spéciaux et quant à la nature de la responsabilité.

Dans l’arrêt Bertrand, elle décide d’aligner ce régime. L’arrêt Bertrand a changé la philosophie même de la responsabilité. L’arrêt Bertrand fait peser un poids beaucoup plus lourd sur les parents.

 

II.            La responsabilité des commettants du fait de leur préposé

 

La jurisprudence a fait tout son possible pour rendre très complexe ce régime de responsabilité. C’est l’alinéa 5 qui pose la responsabilité des commettants du fait de leur préposé et il dispose « Les maitres et commettants sont responsables du dommage causé par leur domestique et préposé dans les fonctions auxquelles ils les ont employé ».

 

A.   Conditions

1.    Le lien de préposition

 

Un préposé cause un dommage.

Quel est le lien de préposition ? Le lien de préposition, c’est un lien de subordination, le préposé est subordonné à son commettant. C’est parce qu’il y a un rapport d’autorité que le commettant est tenu. Dans une entreprise, il n’y a qu’un seul commettant. Le lien de subordination résulte ainsi d’un contrat de travail. Dans ce cas, c’est l’employeur qui fait office de commettant. Le rapport de préposition suppose un acte d’autorité, la capacité de donner des ordres et des instructions. Dans le cadre du contrat de travail, c’est l’employeur qui est commettant. Pour autant, le lien de préposition dans la jurisprudence s’entend plus largement et déborde le seul cadre du contrat de travail.

Quid en cas de travail temporaire ? Quid dans des hypothèses ou des personnes peuvent donner des ordres à une autre sans qu’il n’y ait pour autant de contrat de travail entre elles ?

Quelques remarques :

          Le lien de préposition dépasse le seul cadre du contrat de travail mais suppose toujours qu’il y ait un rapport de subordination qui le caractérise. Conséquence, un mandataire qui reste indépendant ne peut pas être préposé. Il accomplit un acte pour autrui mais de façon indépendante. Un entrepreneur qui réalise une mission n’est pas un préposé car il reste indépendant. Le contrat d’entreprise ne créé pas de lien de subordination.

          Dans certains cas, la jurisprudence tient compte de la situation de fait pour considérer qu’à un moment donné, une personne donnant des instructions à une autre en est devenue le commettant occasionnel. C’est celui qui se met à donner des instructions aux autres. La jurisprudence dit souvent que l’un est commettant occasionnel et l’autre est préposé occasionnel. Le commettant occasionnel va être tenu sur le terrain de l’alinéa 5 de l’article 1384.

          Parfois, la jurisprudence tient compte de l’apparence et on se demande s’il est possible pour une victime de dire qu’elle a cru qu’une personne était le préposé d’une autre. Normalement, le lien de préposition ne peut pas résulter de l’apparence. Il doit exister réellement. La jurisprudence tient compte de l’apparence dans l’appréciation de l’abus de fonction.

          Normalement, le préposé est subordonné, c’est ce qui le caractérise. Mais la jurisprudence a parfois été souple puisque dans certaines hypothèses elle a admis qu’un médecin pouvait être subordonné à la croix rouge, alors qu’elle reconnait toujours que le médecin est indépendant dans l’exercice de son art. Il peut être subordonné administrativement en termes d’organisation de travail.

 

Si l’on résumé : Le lien de préposition est un lien de subordination, son expression naturelle est le contrat de travail mais on le trouve en dehors dans des hypothèses où le rapport d’autorité existe malgré tout d’où la théorie du commettant occasionnel et la jurisprudence donne souvent une interprétation large.

 

2.    Un acte commis par le préposé

 

Le préposé doit d’abord avoir commis une faute et alors le commettant sera tenu des conséquences de cette faute. On n’observe pas en ce domaine le même mouvement que pour la responsabilité du fait de l’enfant. Il ne suffit pas que l’acte ait causé directement le dommage, il faut vraiment que cet acte soit fautif. Il faut que cet acte fautif ait été causé à l’occasion des fonctions du préposé.

Le préposé doit avoir commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, à l’occasion de ses fonctions.

è Le préposé sort de l’entreprise avec sa camionnette de fonction pour effectuer une livraison et écrase un enfant qui est légèrement blessé. Etait-il dans ses fonctions ? Oui, le commettant est responsable du fait du préposé.

è Le préposé livre un canapé avec son collègue, il est en avance, il va boire en verre en face de chez le client, ils se battent dans le bar. Etait-il dans ses fonctions ? Oui.

 

Il y a des hypothèses où l’on arrive à trouver un lien d’une manière ou d’une autre. Il y a des indices, des éléments qui sont bien extérieurs aux fonctions. Ces hypothèses intermédiaires soulèvent la question de ce que l’on appelle l’abus de fonction du préposé.

Lorsqu’il y a abus de fonction du préposé, le commettant n’est pas tenu. Toute la question est de savoir quand il y a abus de fonction. C’est tellement difficile qu’entre 1960 et 1988, la Cour de Cassation a rendu 5 arrêts de ses formations les plus importantes c’est-à-dire chambre réunie ou assemblée plénière pour essayer de dégager les critères de l’abus de fonction.

Il y a eu au fond deux écoles, deux conceptions, l’une qui était défendue par la chambre criminelle et l’autre défendue par la chambre civile. La chambre criminelle avait une conception large de la responsabilité du commettant admettant facilement le rattachement aux fonctions et consistant à dire que toutes les fois que le dommage est causé au temps, au lieu, ou avec les moyens mis à la disposition du préposé par l’employeur, il y a avait un rattachement objectif aux fonctions.

Il y a une autre conception finaliste qui consiste à prendre en considération ce pour quoi la personne a été engagée. Elle est orientée vers la finalité de l’emploi, de la mission. Cette conception est plus rigoureuse et revient à moins admettre la responsabilité du commettant. C’est cette approche qui a prévalu dans un arrêt de la Cour de Cassation de 1988, le commettant s’exonère de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. En pratique, cette formule soulève des difficultés et ambiguïtés et au fond, cette question de l’abus de fonction n’a jamais été tranchée de façon nette. Il y  a beaucoup d’interrogations notamment concernant les détournements et escroqueries. Le troisième critère est finaliste.

Cette vision finaliste était celle défendue par la chambre civile au moment où la chambre civil et la chambre criminelle s’opposaient sur l’abus de fonction.

On retrouve l’ancien critère de la chambre criminelle qui consiste à considérer que le préposé est dans ses fonctions si l’on considère qu’il a agi au temps, au lieu de son travail ou avec les moyens qui lui ont été fournis.

Il y avait une conception plus stricte qui consistait à dire que cela ne suffisait pas de dire qu’on est sur le lieu de travail, il faut prendre en considération le but des fonctions du préposé.

 

          Pour qu’il y ait responsabilité du commettant du fait du préposé, le préposé doit être dans ses fonctions.

          Le préposé doit avoir commis un fait de nature à engager sa responsabilité.

 

Le commettant est gardien 1384 alinéa 1er. L’article 1384 alinéa 4 déclenche la responsabilité du fait d’autrui.

 

En matière de responsabilité du fait du préposé, pour que le commettant soit tenu, il faut un fait commis dans l’exercice des fonctions (c’est toute la question de l’abus de fonction) et il faut un fait de nature à engager la responsabilité du préposé c’est-à-dire une faute car contrairement à l’enfant, on ne se satisfait pas d’un acte ayant causé directement le dommage (Levert et Fullenwarth). C’est une faute et non pas le fait de la chose car le préposé ne peut pas être gardien et si le dommage est causé par le fait d’une chose, alors, c’est le commettant qui est directement gardien et donc responsable sur le terrain de l’article 1384 alinéa 1er mais cela n’est pas du fait d’autrui.

 

B.   Effets

 

Dans le système du code civil, la responsabilité du commettant du fait du préposé consiste bien en une adjonction au profit de la victime, d’un débiteur de plus, le commettant aux côtés du préposé. Dans le système du code civil, le préposé est responsable et le commettant l’est aussi. De sorte que la victime peut agir contre l’un ou l’autre. En général, elle agit contre le commettant et le commettant peut se retourner ensuite contre le préposé fautif.

Les choses vont changer à partir d’un arrêt Costedoat du 25 février 2000 de l’assemblée plénière. Cet arrêt a décidé que lorsque le préposé était resté dans les limites de la mission qui lui avait été impartie, il n’était pas tenu et seul le commettant l’était.  Création d’une immunité de responsabilité au profit du préposé.

Seul le commettant est tenu.

          Lorsque le préposé est au cœur de sa mission, le commettant est tenu mais pas le préposé.

          Lorsqu’il est dans ses fonctions mais en dehors de la mission qui lui a été confiée, le préposé est tenu et le commettant également.

          Lorsqu’il est hors de ses fonctions, alors le commettant n’est pas tenu, le préposé l’est.

 

La Cour de Cassation a créé en 2000 une hypothèse d’immunité du préposé à son profit. Il y a toute une hypothèse dans laquelle il n’y a pas deux débiteurs mais il n’y a que le commettant qui est tenu. Ce qui change, ce n’est plus une adjonction d’un débiteur, c’est une substitution d’un débiteur à un autre. Alors que la responsabilité du commettant du fait du préposé n’a jamais été conçue comme une faveur pour le préposé mais comme une garantie accordée à la victime. Toute la question est de savoir quand le préposé doit être à nouveau responsable et ne pas pouvoir profiter de l’immunité accordée par l’arrêt Costedoat. La Cour de Cassation a répondu dans un arrêt Cousin de l’assemblée plénière du 14 décembre 2001, qu’il retrouvait sa responsabilité lorsqu’il commettait une infraction pénale intentionnelle. La jurisprudence a admis d’ajouter que c’était également le cas pour les infractions pénales non-intentionnelles.

 

Le commettant est présumé responsable, on dit encore responsable de plein droit. La question est de savoir si le préposé est tenu avec lui. Dans le système du code civil, la réponse est oui mais depuis Costedoat, pas nécessairement puisqu’il pose les limites de cette immunité.

 

Section 2 : le principe général de responsabilité (1384 alinéa 1er)

I.              La consécration d’un principe général de responsabilité

 

Dans les années 30, on s’est interrogés sur le point de savoir s’il ne fallait pas tirer de l’alinéa 1er de l’article 1384 un principe général de responsabilité. De la même manière, on en consacrait un pour le fait des choses à partir du même alinéa. On voit bien que la doctrine a pu faire le parallèle, on est responsable des choses que l’on a sous sa garde et des personnes dont on doit répondre puisque le fait des choses allait donner naissance à ce principe général que l’arrêt Jand’heur consacrait dans la suite de Teffaine.

Est-ce que les « personnes dont on doit répondre » ne devaient pas donner lieu à la même consécration ? La doctrine majoritaire s’y est opposée et notamment Henri Mazeaud, considérant que le parallèle ne pouvait pas être fait, puisqu’il n’existait pas de symétrie entre les notions.

Les « personnes dont on doit répondre », c’est une tautologie car toute la question est de savoir les personnes dont on doit répondre. Il a été énoncé que l’on ne pouvait pas avoir de principe général qui affirme qu’on est responsable des personnes dont on doit répondre puisque cela ne dit pas quelles sont les personnes dont on doit répondre. Tandis qu’au moins, quand on parle des choses que l’on a sous sa garde, on voit bien que c’est la notion de garde qui compte.

Le deuxième argument repose sur les nécessités sociales, on disait que pour le fait des choses, il y a un besoin social. On a dit que pour le fait d’autrui, dans les années 30, il n’y a pas vraiment de raison de consacrer un principe général et de s’échapper des cas prévus aux alinéas 4 et suivants. Puis, les choses ont évolué notamment sous l’influence des méthodes éducatives.

On s’est aperçus que ces méthodes éducatives prônaient la rééducation en milieu ouvert c’est-à-dire dont on peut sortir. Certaines personnes dangereuses qui sont dans des centres de rééducation vont se retrouver à sortir à l’extérieur du centre et elles peuvent y causer des dommages. Cette hypothèse n’est évidemment pas prise en compte dans les alinéas 4 et suivants, on n’est pas avec un préposé ni un enfant et ses parents.

Quid de ces personnes placées en milieu ouvert, en centre de rééducation ?

Arrêt Blieck, la Cour de Cassation a eu à connaitre dans un arrêt du 29 mars 1991 : une personne handicapée mentale avait été placée dans un centre d’aide par le travail et ce dernier avait mis le feu à une forêt entière. Les propriétaires agissaient contre l’association. La Cour de Cassation a accepté pour la première fois de reconnaître la responsabilité d’une association sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er et donc à accepter de s’émanciper sur les hypothèses spéciales de responsabilité du fait d’autrui.

La Cour de Cassation acceptait de faire produire l’article 1384 alinéa 1er le même effet qu’elle l’avait fait un siècle plus tôt pour le fait des choses. C’est l’arrêt Teffaine du fait d’autrui. La Cour de Cassation, pour consacrer cette responsabilité, a considéré que l’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de cet handicapé. Toute la question qui s’est posée était la question des hypothèses dans lesquelles on a les pouvoirs d’appliquer l’article 1384 alinéa 1er.

 

II.            La mise en œuvre du principe général de responsabilité du fait d’autrui

 

A quelles conditions il y a responsabilité du fait d’autrui et quelle est la portée de cette responsabilité ?

 

Dans le code civil, il y a deux modèles :

 

          Un modèle qui repose sur une présomption de faute, c’est le cas de la responsabilité des père et mère du fait de l’enfant jusqu’au fameux arrêt Bertrand.

          Modèle qui repose sur une responsabilité de plein droit, relatif à la question des commettants du fait de leur préposé.

 

On a d’abord pensé que la Cour de Cassation, dans l’arrêt Blieck avait posé les critères de la « garde » d’autrui un peu à la manière de l’arrêt Franck. L’arrêt Blieck énonce que l’association avait accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de cet handicapé. On s’est demandé s’il fallait avoir accepté d’organiser et contrôler un mode de vie. S’il fallait le faire à titre permanent, et comme il s’agissait d’une association, s’il fallait le faire à titre de professionnel.

 

La suite a montré qu’effectivement il y avait une responsabilité pour ces associations qui sont chargées d’héberger, de rééduquer soit par décision des parents, soit par décision de justice des mineurs en difficulté. Il faut qu’elles hébergent c’est-à-dire qu’elles organisent la vie et qu’elles contrôlent la personne. Le seul fait de donner des conseils à une famille ou de suivre le développement de l’enfant ne suffit pas. Il y a une forme de prise en compte de la charge assumée par l’association.

Comme c’est à titre permanent, cela exclu la baby-sitter, cela exclu la grand-mère et les grands-parents qui hébergent un enfant pendant les vacances scolaires, pas de responsabilité du fait d’autrui.

La Cour de Cassation va avoir à connaître d’une autre série d’hypothèses qui sont celles des associations sportives et elle va énoncer dans un arrêt d’assemblée plénière du 29 juin 2007 que les associations sportives qui ont la mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion dès lors qu’ils ont violé les règles du jeu, hypothèse de l’arrêt du 29 juin 2007.

L’arrêt du 8 juillet 2010, 2ème chambre civile : joueur de football qui se sert de sa chaussure comme d’une arme et qui va blesser l’autre joueur. Dans ce cas, c’est une violation des règles du jeu, l’association sportive est tenue.

On voit bien qu’il y a un élargissement de la responsabilité du fait d’autrui parce que l’association sportive ne contrôle pas les joueurs à titre permanent mais uniquement au cours des matchs ou des entrainements. La Cour de Cassation le confirmera dans une décision du 12 décembre 2002.

La responsabilité sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er est le principe général de responsabilité du fait d’autrui cela faisait peser sur celui qui est tenu pour autrui une responsabilité de plein droit, arrêt du 28 mars 1997, pas de présomption de faute, dont on ne peut s’exonérer que sous certaines conditions. Evolution du régime de responsabilité de plein droit, dès février 1997.

 

Section 1 : les origines de la loi

 

Loi du 5 juillet 1985 qui vise à régler le contentieux des accidents de la circulation. Accidents qui sont un véritable fléau, il y a avait 10 000 morts par an, sans compter les blessés et les traumatismes. Ce sont des fléaux humains qui ont un cout considérable pour la collectivité les une interrogation pour le droit de la manière dont il faut prendre en charge ces accidents de « masse ». La loi de 1985 est au fond le produit de deux facteurs, l’un qui est l’évolution des idées et l’autre qui est l’impulsion donnée par la jurisprudence.

 

I.              L’évolution des idées

 

A partir des années 60, l’idée d’une grande loi sur les accidents de la circulation a vu le jour et la réflexion a été confiée à un professeur de droit, André Tunc, partisan avec Starck de la doctrine de la garantie. L’idée est de se tourner vers la victime, de porter le regard vers la victime et de considérer qu’elle mérite indemnisation du fait de son statut de victime. Dans cette approche dominée par la victime, emprunte de victimologie, le droit a quelque chose de compassionnel, il a une compassion pour les victimes. Par conséquent, l’objectif dans cette approche est d’indemniser les victimes indépendamment du comportement qu’elles ont pu avoir à l’origine de l’accident. La commission Tunc va se mettre au travail en 1964 et va contribuer à une réflexion tournée vers la victime et cette réflexion a pour corollaire de s’abstraire du primat de la faute. C’est le déclin de la faute qui s’exprime en miroir symétriquement avec cette attention portée à la victime. L’évolution des idées trouve sa source dans l’assurance de responsabilité qui s’est généralisée à partir de la grande loi de 1930. L’assurance de responsabilité est obligatoire en matière de véhicule terrestre à moteur. A partir du moment où la perte d’indemnisation va peser sur l’assurance, procédé du paiement des prix, par hypothèse, la prime ne correspond pas au montant de l’accident. A partir du moment où la prime ne correspond pas, si c’est l’assureur qui paie, il le paie à partir du paiement des autres primes. Il y a une forme de mise à contribution de la communauté des conducteurs. Il y a une forme de socialisation de la responsabilité. Le poids de l’indemnisation pèse sur la collectivité des assureurs. Dans cette approche, on comprend qu’économiquement, en cas d’accident, ce mécanisme de socialisation va alléger le poids de la responsabilité au bénéfice du conducteur.

Est-ce qu’il n’est pas logique que la victime soit indemnisée dans tous les cas et profite de ce mécanisme de socialisation ?

La deuxième raison est d’avantage mécanique et physique, on dit qu’il y a une forme d’inégalité entre le conducteur et le piéton. L’argument pourra être discuté, les victimes ne sont pas toujours protégées mais cela montre bien l’inégalité qu’il y a dans cet accident. Le risque est d’autant plus important qu’il n’y a pas de protection comme dans les voitures.

A partir de ce raisonnement économique et humain, évolution et recul de l’encrage de la faute dans notre droit. L’approche commune de la responsabilité prévaut encore. La pensée vient naturellement se rattacher à l’idée de faute. Idée de faute difficile à éliminer car elle revient naturellement dans un raisonnement comme la conséquence de la liberté de chacun. Durant ces années, les idées ont avancé mais les résistances ont persisté car on a du mal à s’abstraire de l’idée de faute, et d’autre part le lobby automobile est contre cette réforme parce qu’elle va conduire à accroitre le poids de l’assurance. A partir du moment où c’est l’assurance de responsabilité qui prend en charge les accidents même lorsqu’il y a une faute de la victime, la conséquence c’est que cela coûte plus cher de rouler. Dans ces années, le lobby automobile a été très pressant à l’encontre de la loi considérant qu’elle allait être un frein aux ventes de véhicules. Les choses n’avancent pas, il faut attendre que la jurisprudence intervienne.

 

II.            Le rôle de la jurisprudence

 

Dans les années 80, la jurisprudence va donner un coup de pouce.

Arrêt Desmares 21 juillet 1982, la Cour de Cassation va marquer son impatience. C’est un arrêt « provocateur » selon Aubert. Il provoque l’intervention législative. Cet arrêt va, selon la formule de Georges Durry, retenir la politique du « tout ou rien » en matière d’exonération du gardien pour faute de la victime. Dans une responsabilité de plein droit, le gardien s’exonère en cas de force majeure, en cas de faute de la victime ou fait d’un tiers. La faute de la victime peut être partiellement exonératoire si elle ne possède pas les caractères de la force majeure. Dans l’arrêt Desmares, la Cour de Cassation va abandonner la possibilité d’exonération partielle du gardien lorsque la faute de la victime n’a pas les caractères de la force majeure. Soit la faute de la victime a les caractères de la force majeure et le gardien est totalement exonéré soit la faute de la victime n’a pas le caractère de la force majeure et tant pis pour le gardien, il est entièrement responsable. Cette solution ne peut pas durer, elle est incohérente, cela veut dire que le gardien ne peut pas « profiter » c’est-à-dire être partiellement exonéré en cas de faute de la victime, alors que sur le terrain de l’article 1382, celui qui commet une faute peut se prévaloir de la faute de la victime pour être partiellement exonéré. La solution de cet arrêt qui vise les accidents de la circulation, vaut pour tout l’article 1384 alinéa 1er. Cette solution n’est pas opportune et cohérente.

Loi Badinter du 5 juillet 1985.

 

Section 2 : le domaine de la loi de 1985

 

Cette loi n’est pas très claire dans le choix qu’elle a fait de la garantie. Cette loi a fait des compromis car l’esprit français ne s’abstrait jamais totalement de l’idée de faute. La première question est de savoir quand cette loi s’applique.

 

Cette loi est exclusive et autonome, cela veut dire qu’on ne peut pas appliquer un autre régime de responsabilité toutes les fois qu’elle est applicable. La victime n’a pas le choix, elle doit agir sur le fondement de la loi de 1985. Cette loi est exclusive d’autres régimes de responsabilité. Pour qu’il y ait application de la loi, il faut que l’on se trouve dans le domaine de l’article 1er.

La loi s’applique qu’il y ait contrat ou pas contrat, elle transcende la distinction de la responsabilité contractuelle et délictuelle. Il faut qu’il y ait un accident de la circulation.

 

I.              L’accident de la circulation

 

Cela suppose un accident et cela suppose une circulation.

Qu’est-ce qu’un accident ? Par exemple, une infraction volontaire, cela n’est pas un accident de la circulation : incendie volontaire dans un parking, bagarre avec un cyclomotoriste. On dit que l’accident de la circulation n’est pas un accident volontaire, ce n’est pas un accident volontaire causé par suite d’une infraction volontaire.

 

Il faut qu’il y ait un fait de circulation. Quand-est ce qu’il y a circulation ? Sur quel type de voie peut-il y avoir un accident de la circulation ? Quid de la dameuse sur une piste de ski ? Du tractopelle dans un champ ?

L’accident doit avoir lieu sur une voie de circulation. Mais la jurisprudence est large, elle a admis l’application de la loi aux tracteurs ou à la moissonneuse batteuse dans un champ. Elle a admis l’application de la loi pour un engin de damage sur une piste de ski ou à la pelleteuse mécanique sur un chantier. Elle a une conception large de la notion de voie de circulation et la jurisprudence s’est également développé s’agissant des accidents survenus dans les compétitions sportives en circuit fermé. Conception large de la notion de voie.

Il faut un fait de la circulation.

 

II.            Un véhicule terrestre à moteur

 

La loi s’applique aux véhicules terrestres à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, mais pas les trains et les tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. L’action de leur part contre la SNCF ne peut se faire sur le fondement de la loi. En revanche l’action contre eux pourrait se fonder sur la loi de 1985.

Ø  Comment se solde un accident entre une voiture et un vélo ? si on agit contre le conducteur la loi est applicable en revanche si l’on agit contre le vélo la loi n’est pas applicable.

Ø  Deux vélos qui se rentrent dedans rue d’Assas : la loi ne s’appliquera pas du tout. Il faudra appliquer l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil.

 

 

La jurisprudence a eu à statuer sur des hypothèses très importantes : la dameuse qu’on manipule par le manche n’est pas un véhicule, pas plus qu’une voiture miniature.

III.           L’implication

C’est bien une condition de l’application de loi. Pour que la loi s’applique il faut que le véhicule soit impliqué dans l’accident de la circulation et cette question a soulevé de nombreuses difficultés parce qu’elle n’était pas familière au droit de la responsabilité. On la connaissait dans d’autres matières, en droit international, en matière de transports, mais on ne la connaissait pas en matière d’accidents de la circulation et plus généralement en matière de responsabilité civile.

 

Remarques :

          l’implication ce n’est pas la causalité, cela veut dire que l’absence de lien de causalité entre la faute d’un conducteur et le dommage subi par la victime n’exclut pas que le véhicule puisse être impliqué dans l’accident. La voiture peut n’être pour rien du tout dans l’accident mais peut être la cause de l’accident. Si l’implication est plus large que la causalité il faut savoir ce qu’est l’implication et quand est-ce qu’il y a implication. La question n’a pas soulevé tellement de difficultés s’agissant des hypothèses dans lesquelles il y a contact plus mouvement. Lorsqu’il y a contact plus mouvement, par exemple un heurt entre deux véhicules en mouvement, il y a nécessairement implication, cela n’a rien ç voir avec le comportement du conducteur, la loi s’applique simplement dans ce cas-là. La difficulté survient quand il y a absence de heurt ou immobilité du véhicule voire les deux.

 

          Dans un 1er temps, s’agissant des véhicules en stationnement, la jurisprudence a considéré que pour être impliqué il fallait qu’il perturbe la circulation, elle avait donc consacré le critère de la perturbation. C’était l’arrêt de la 2e chambre civile, du 21 juillet 1986. Ce critère de la perturbation a été discuté et deux questions étaient soulevées :

ð  Quel est le rapport entre la perturbation et la régularité du stationnement ? Un véhicule en stationnement régulier peut perturber la  circulation ? La réponse est non, quelqu’un qui se gare sur un stationnement irrégulier peut très bien ne peut causer une perturbation de la circulation.

ð  Le critère de la perturbation rappelle le critère du rôle anormal de la chose inerte, c’était une manière de faire resurgir dans un système qui pourtant s’abstrait de la faute. C’était une façon de faire ressurgir la faute.

 

          La jurisprudence a alors abandonné le critère de la perturbation et a dit que le fait que le véhicule à moteur soit en stationnement sans perturber la circulation n’exclut pas son implication. L’absence de contact n’exclut pas nécessairement l’implication même s’il est vrai que la seule présence d’un véhicule sur les lieux de l’accident ne suffit pas à caractériser son implication. Dans ce cas, qu’est-ce que l’implication ? le véhicule est impliqué dans un accident dès lors qu’il est intervenu d’une manière ou d’une autre dans l’accident. Toute la question est alors de savoir quand il est intervenu.

 

Trois conclusions

Ø  L’implication est donc une notion inédite en responsabilité civile, elle n’est pas la causalité

Ø  Lorsqu’il y a contact et mouvement il y a une  présomption irréfragable d’implication

Ø  Dans les autres hypothèses la jurisprudence a abandonné le critère de la perturbation qu’elle avait consacré et s’en tient au fait que le véhicule ait participé d’une manière ou d’une autre à l’accident de la circulation, critère très large dont l’effet premier est d’accroitre le champ d’application de la loi.

 

Section 3 : Le régime de la loi de 1985

 

Suma divisio entre d’un côté les atteintes à la personne et de l’autre les atteintes aux biens. Régime différent selon qu’on se plaint d’un dommage à la personne ou d’un dommage aux biens. Le droit contemporain fait une grande distinction entre les dommages corporels et les autres accordant une protection spéciale pour les dommages corporels. On parle de dommage à la personne. Dans les dommages à la personne, l’article 5 de la loi donne les fournitures et appareils sous prescription médicale.

 

I.              Les dommages à la personne

 

C’est là où la spécificité de la loi s’explique c’est-à-dire que c’est là où le législateur a pu élaborer un régime spécial de responsabilité qui aille dans le sens d’une protection renforcée des victimes au nom du droit à garantie. C’est là que la loi de 1985 vient rompre avec le droit commun et prévoir un régime dérogatoire de l’article 1384 alinéa 1er. Il faut distinguer les victimes directes et les victimes par ricochet.

La loi de 1985 a prévu 3 types de victimes :

          Le conducteur du véhicule terrestre à moteur

          Les victimes non-conductrices de plus de 16 ans, moins de 70 ans et moins de 80% d’incapacité permanente ou d’invalidité

          Les victimes surprotégées, moins de 16 ans, plus de 70 ans, plus de 80% d’incapacité permanente ou d’invalidité

La loi de 1985 n’a pas réussi à s’abstraire de la faute. On fait des compromis qui sont destinés à faire passer les textes en dépit des résistances.

L’article 4 de la loi dispose « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subi ». On peut opposer à la victime sa propre faute. Faute de la victime partiellement ou totalement exonératoire. C’est exactement le droit commun d’avant l’arrêt Desmares. Pas de protection spéciale par la loi de juillet 1985 par soucis de compromis et par soucis d’accorder aux lobbys opposés à la loi une concession. Celui qui va moins payer, c’est l’assureur. L’article 4 fait que le conducteur victime n’est pas protégé par la loi de 1985, il est sur le terrain du droit commun. S’il commet une faute, on lui oppose sa propre faute. Par compromis, le législateur a inséré l’article 4. Aujourd’hui, les assureurs proposent dans leur police d’assurance d’évincer l’article 4 et proposent au conducteur d’être mieux protégé par la loi en échange d’une surprime. S’il agit contre un piéton ou contre un vélo, ce n’est pas la loi de 1985 qui s’applique pour lui. Le problème, c’est qu’il ne fait pas bon d’être conducteur parce que celui qui est qualifié de conducteur va subir ce régime défavorable. Ce régime défavorable, le Conseil Constitutionnel aurait pu en connaître car une QPC a été soulevée et la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 16 décembre 2010 a énoncé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question posée.

 

1.    Le conducteur

a)    La notion de conducteur

 

Situation défavorable telle que dans de nombreux arrêts, les victimes essayent d’éviter la qualification. Un conducteur, c’est une personne qui accompli les gestes nécessaires à la conduite du véhicule. Cela ne veut pas dire que le véhicule est en train d’avancer. La jurisprudence est assez favorable, elle énonce que celui qui monte ou qui descend de son véhicule n’est pas conducteur. L’élève d’auto-école n’est pas conducteur car il n’a pas la direction de la chose.

Quid de la victime qui pousse son véhicule à la main ? Il n’est pas conducteur. La personne qui court à côté de sa moto n’est pas conducteur. 

Hypothèse ou l’automobiliste est éjecté de sa voiture, il y a beaucoup de jurisprudence sur ces accidents complexes, en chaîne et les automobilistes éjectés et toutes les fois que l’accident est réalisé en deux temps, il est redevenu piéton, il n’est plus conducteur. Celui qui est dans le même mouvement cinétique, par exemple celui qui est éjecté et qui se fait écraser dans le même mouvement, il reste conducteur. Situation qui n’est pas normale, plaider sur le point de savoir si on est écrasé dans le même mouvement ou quelques temps après, c’est glauque. C’est la conséquence du compromis législatif. Les avocats tentent de sortir de la qualification de conducteur. On paye toujours une législation faite de circonvolutions.

 

b)   Situation du conducteur

 

Se voit opposer sa propre faute qui limite ou exclut son indemnisation et on dit que normalement cette faute doit avoir contribué à son préjudice. Pour que cette faute soit opposable au conducteur, il faut qu’elle ait contribué à l’accident et à ce propre dommage. Par exemple, le non-port de la ceinture de sécurité n’a rien avoir avec un accident mais cela a un rapport avec le dommage. Certaines fautes contribuent au dommage sans avoir contribué à l’accident, elles sont opposables à l’auteur, le conducteur. Ce conducteur peut se retourner contre un autre conducteur. Une chambre mixte a jugé dans un arrêt du 28 mars 1997que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chacun des conducteurs à le droit à une indemnisation pour les dommages qu’il a subi et il appartient au juge d’apprécier souverainement si sa faute limite ou exclu l’indemnisation. Le juge n’a pas à tenir compte du comportement du conducteur de l’autre véhicule impliqué. Cela veut dire que le conducteur a subi un dommage dans un accident, il va agir parce qu’il y a plusieurs véhicules contre le conducteur du véhicule B. Pour savoir du pourcentage auquel il a le droit, on tient compte de sa propre faute, on lui oppose sa propre faute et on considère qu’elle limite ou qu’elle exclut. On ne tient pas compte du comportement de l’autre. En revanche, on tiendra compte du comportement de l’autre quand lui-même agira en réparation de son propre dommage.

 

2.    Les non-conducteurs de plus de 16 ans, moins de 70 ans

 

Ce sont des victimes protégées par la loi. Ils sont indemnisés des dommages résultant des atteintes à la personne sans que puisse leur être opposé leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. Autrement dit, ces victimes sont indemnisées sauf si elles ont commis une faute inexcusable cause exclusive de l’accident et a fortiori si elles ont commis une faute intentionnelle. Les autres fautes ne leur sont pas opposées. Toute la question est donc de savoir qu’est-ce qu’une faute inexcusable ? Si la faute que ces victimes ont commise est inexcusable, alors on leur oppose et elles ne sont pas indemnisées.

La jurisprudence a eu à trancher la question dans une série de 10 arrêts du 20 juillet 1987 « est inexcusable la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». Faute volontaire, exceptionnelle gravité, danger dont il aurait dû avoir conscience. La faute inexcusable en réalité est extrêmement rare. Ce qu’a voulu la Cour de Cassation dans ces arrêts, c’est fermer la voie du contentieux, éviter la multiplication des actions en justice, empêcher la casuistique sur la notion même de faute inexcusable. Casuistique qui aurait conduit les assureurs et les victimes à plaider sans cesse. Or, la loi étend non seulement à l’amélioration de la situation des victimes mais aussi à l’accélération des procédures d’indemnisation. Ce que veut la jurisprudence, c’est éviter de provoquer le contentieux. Cela veut dire que concrètement, elle a pratiquement considéré que la plupart des fautes ne pouvait être inexcusable. C’était une manière à la fois de favoriser l’indemnisation et dans le même temps d’éviter des procès à répétition.

Par exemple, le piéton qui traverse une route nationale de façon soudaine sans regarder s’il arrivait des véhicules et se jette sur l’un d’eux. Ce n’est pas une faute inexcusable.

Ce n’est pas exceptionnellement grave pour une victime d’avoir le comportement d’un homme ivre et de s’être affalé sur la chaussée au moment où survenait un véhicule.

N’est pas inexcusable la faute d’un piéton en état d’ébriété qui traverse une chaussée hors agglomération, de nuit, en l’absence de tout éclairage alors que survenait un véhicule qu’il aurait dû voir.

La faute inexcusable est réduite à la portion convenue.

Pour une faute inexcusable : traverser brusquement une autoroute ou une voie à grande circulation, en surgissant à la sortie d’un tunnel, en franchissant les glissières de sécurité.

Souvent on tient compte du temps, de la nuit…

Cette jurisprudence, dans l’esprit français, est compliquée. La loi a fait le pari inverse, elle indemnise les piétons pour les deux raisons supra évoquées. Les piétons méritent protection au moins juridiquement et d’autre part, raison de l’assurance, cette indemnisation vient de tous via le mécanisme de l’assurance. Certains ont dit qu’une telle jurisprudence pouvait avoir des effets pervers et provoquer des comportements asociaux.

Il faut que la faute soit la cause exclusive de l’accident. Il ne faut pas d’autre cause ayant provoquée l’accident.

 

3.    Les victimes de moins de 16 ans, plus de 70 ans et de plus de 80% d’invalidité

 

Il y a des passagers qui commettent des fautes comme troubler le conducteur par exemple. Ce sont les autres victimes, elles sont protégées car en situation de faiblesse. L’article 3 alinéa 2 a prévu qu’on pouvait leur opposer que leur faute intentionnelle. Au fond, la faute intentionnelle, c’est le suicide. Quelle que soit la catégorie de victime, on lui oppose sa propre faute.

 

C.   Les victimes par ricochet

 

Ce sont les personnes qui vont souffrir du dommage par ricochet. Ce qui est compliqué, c’est qu’elles sont parfois présentes dans l’accident et elles vont avoir un statut dans l’accident. Les victimes par ricochet doivent être indemnisées de la même manière que l’est la victime directe. Si la victime directe a commis une faute qui lui est opposable, on l’oppose à la victime par ricochet. Par exemple, si la victime directe est une victime protégée qui a commis une faute inexcusable cause exclusive, alors la victime par ricochet se verra opposer cette faute inexcusable cause exclusive et par conséquent, elle emprunte le régime de la victime directe. La question est de savoir si on peut lui opposer sa propre faute à elle, c’est le cas du conducteur qui aurait commis une faute. Cela renvoie à des hypothèses dans lesquelles une personne conductrice commet une faute et que sa femme ou ses enfants sont victimes de l’accident. Si on appliquait la première option, on devrait faire bénéficier le conducteur du régime de la victime directe. La jurisprudence énonce dans  l’arrêt du 28 mars 1997 qu’il faut aussi lui opposer sa propre faute en tant que conducteur qui vient limiter ou exclure son droit à indemnisation.

Parfois la victime par ricochet est dans la victime, la question de savoir si au titre du dommage par ricochet, comment l’indemniser. La règle est qu’elle suit normalement le régime de la victime directe. Mais si le conducteur a commis une faute, quand il agit en tant que victime par ricochet, on lui oppose aussi sa faute pour limiter son droit à indemnisation.

 

II.            Les atteintes aux biens

 

Elles sont régies par des règles qui sont celles du droit commun. La loi trouve sa limite dans la protection des victimes s’agissant des atteintes aux biens et par conséquent le droit commun s’appliquant, il n’y a pas de règle spéciale à apprendre.

 

Chapitre 5 : la responsabilité du fait des produits défectueux

 

1386 et suivants du code civil. Issus d’une loi du 19 mai 1998 en application d’une directive de 1985. Directive que nous avons mis beaucoup de temps à transposer. La France a été condamnée par la CJCE en 1993 pour non transposition de la directive. Nous avons été condamnés une deuxième fois par la CJCE par un arrêt du 25 avril 2002 pour mauvaise transposition de la directive et parce que nous avions trop protégé les victimes de produits défectueux croyant utiliser une marge de manœuvre offerte par la directive. En transposant la directive, la France a pu pouvoir disposer d’une marge de manœuvre qu’elle n’avait pas. Cette directive est désormais dans le code civil, elle a fait l’objet de transpositions législatives après 2002, en 2004 et 2006 du fait même des condamnations prononcées par la CJCE à notre encontre. Cette transposition a été chaotique, lente et mal faite. Les produits défectueux, c’est un certain nombre d’hypothèses qui constitue des risques pour les consommateurs, des risques de dommages qui semblent être des dommages de masse. Ces dommages atteignent une partie importante de la population. Cela va de la vache folle au vaccin anti-hépatite C, toutes les hypothèses dans lesquelles les fabricants rappellent les produits. Ces produits risquent d’atteindre un nombre important de personnes et il n’est pas sans intérêt de noter que depuis quelques jours, le droit français connait désormais une action de groupe, une class-action venue moderniser notre droit de la responsabilité. Les class-action vont permettre, par le biais d’associations de consommateurs, des actions de masse aux fins d’indemnisation exercées de la part de victimes de préjudice de masse. Cette massification ajoutée à une forme de consumérisation du droit de la responsabilité c’est-à-dire pénétration de la logique du droit de la consommation dans le droit de la responsabilité. L’action de groupe n’est pas totalement développée, elle est limitée aux actions en matière de consommation mais elle est promise à un large développement et le jour où elle sera ouverte en matière médicale puis en matière financière, on aura affaire à une mutation profonde du droit de la responsabilité. C’est à l’occasion de cette multiplication des défauts des produits que l’on s’est interrogé sur cette nécessité de modifier également l’action en justice. Parce qu’il y a des dommages de masse comme en témoigne la responsabilité du fait des produits défectueux, il doit y avoir une organisation procédurale de l’action en justice qui corresponde à ce besoin d’action collective. Exemple des bouchons de stylo avec un trou : manifestation de la recherche de sécurité des produits. Un produit qui n’offre pas la sécurité  à laquelle on peut s’attendre est un produit défectueux.

 

Section 1 : la responsabilité pour défaut des produits avant la loi de 1998

 

Le droit français n’a pas attendu la loi de 1998 pour permettre de protéger les consommateurs contre le défaut des produits. Pour permettre cette protection, le droit français empruntait des droits existants, des régimes existants en leur donnant une interprétation permettant de répondre aux hypothèses soulevées en cas de défaut des produits. La première illustration, c’est l’utilisation du droit de la vente. En matière de droit de la vente, il existe une garantie au profit de l’acheteur et à la charge du vendeur contre les vices cachés de la chose. Cette garantie est prévue à l’article 1641 du code civil qui prévoit que le vendeur est tenu à garantie à raison des défauts cachés de la chose qui est impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement ces usages que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou à moindre coût s’il avait connu ce vice. Article 1645 : si le vendeur connaissait les vices de la chose, il devra restituer le prix mais il devra tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. La jurisprudence énonce qu’il y a une responsabilité du vendeur et elle considère que le vendeur professionnel avait l’obligation de connaître les vices et elle a présumé irréfragablement qu’il les connaissait. Toutes les fois qu’un produit est défectueux, on pourra passer par la garantie des vices cachés si les conditions en sont remplies pour engager la responsabilité du vendeur. Avant 1998, la jurisprudence a emprunté le régime de la garantie des vices cachés du droit de la vente allant jusqu’à présumer irréfragablement que le vendeur connait les vices de la chose ce qui permet à l’acheteur d’agir en responsabilité.

La deuxième manière de faire, la responsabilité du fait des choses a pu servir aussi dans des hypothèses du défaut du produit. La jurisprudence a consacré la distinction de la garde de la structure de la garde et du comportement à la suite de la doctrine et notamment de la thèse de Goldman. Cette distinction permet de considérer que la structure de la chose c’est-à-dire son contenu est susceptible d’engager la responsabilité du gardien de la structure. Dans le premier arrêt où elle a consacré cette distinction, elle a conduit à considérer que le propriétaire était gardien de la structure.

Mais de façon plus intéressante, dans l’arrêt de 1975, une bouteille d’eau gazeuse explose et elle va considérer que le gardien de la structure est le fabriquant de la bouteille. Cela a des effets sur la notion de garde puisque le fabriquant s’est dessaisi de la chose. Normalement, la qualité de la garde (usage, contrôle, direction) symbolise des pouvoirs sur la chose dont on peut penser qu’ils permettent d’éviter le dommage. Peut-on dire que le fabriquant a le contrôle, l’usage et la direction de la chose ? On se sert de la garde pour réussir à mettre en œuvre la responsabilité du fabriquant  pour une chose qui cause un dommage. Puisqu’il y a un contenu, c’est qu’on est en présence d’un produit qui cause un dommage, c’est un produit dont la structure cause un dommage. On utilisait la distinction de la garde de la structure et du comportement pour parvenir à consacrer une responsabilité pesant sur le fabriquant pour les dommages causés par la structure de la chose.

La troisième illustration, c’est la consécration d’une obligation de sécurité. La jurisprudence et la Cour de Cassation à partir d’un arrêt de 1995 a consacré l’existence d’une obligation de sécurité. La reconnaissance d’une obligation contractuelle de sécurité fondée sur l’article 1147, dans d’autres cas fondée sur la responsabilité délictuelle, contribue aussi à ouvrir à la victime une possibilité d’action contre celui qui a manqué à la sécurité c’est-à-dire le vendeur, le fabriquant de la chose. Or, la responsabilité du fait des produits défectueux de la loi de 1998 va permettre à la victime d’agir lorsqu’il y a un défaut de sécurité. Consacre également une obligation de sécurité au profit du consommateur or la sécurité fait défaut toutes les fois qu’un produit est défectueux. D’ailleurs, la notion même de défaut se définie par rapport à la notion de sécurité.

Avant 1998, un troisième fondement permettait d’agir aux victimes de produits défectueux, celui que la jurisprudence avait dégagé en consacrant l’existence d’une obligation de sécurité dans certains contrats et notamment dans le contrat de vente et en consacrant une obligation de sécurité qui permet aussi bien au contractant qu’au tiers d’agir contre le vendeur ou le fabriquant. Avant 1998, le droit français a donc emprunté des voies différentes permettant de répondre à la nécessité d’accorder aux victimes de produits défectueux le droit d’agir en responsabilité et en réparation de leur dommage. Les scandales ont précipité l’adoption de la loi de 1998 (vache folle, sang contaminé).

 

Section 2 : La loi de 1998

 

Cette loi de 1998 consacre un régime spécial dans le code civil alors que les accidents de la circulation n’y sont pas. Imposé par le droit européen, sans doute pour une triple raison, la première, elle justifie l’existence, dans les différentes législations européennes un régime spécial. La deuxième raison, ce sont des raisons de concurrence pour qu’il n’y ait pas des standards différents de responsabilité selon les pays. La troisième raison, ce sont des raisons de protection du consommateur. Volonté de protéger les consommateurs contre les défauts des produits qu’ils achètent et consomment avec avidité. Un des problèmes à la fois philosophique mais aussi économique essentiel, c’est de protéger les consommateurs tout en n’entravant pas la recherche et le développement du progrès. Par hypothèse, toute forme d’innovation constitue des risques supplémentaires et un des grands enjeux de la législation sur les produits défectueux, c’est de ne pas freiner l’innovation.

 

I.              Le domaine

A.   Le produit défectueux

1.    Le produit

 

Article 1386-3 : le produit, c’est tout bien meuble même s’il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche. L’électricité est considérée comme un produit. Le code civil a retenu une définition extrêmement large du produit pour ne pas limiter le domaine de la loi étant entendu que précisément, l’article 1386-1 prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de sonde produit. Par conséquent, la notion de produit est essentielle à l’application du texte. Tout est produit puisque même l’électricité est un produit et les actions côtés en bourse sont des produits. Ce produit est un produit qui va être défectueux. Ce produit doit être défectueux et le défaut est défini à l’article 1386-4 « un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Cette définition est critiquée alors que commune, elle rappelle celle du code de la consommation qui retient également la même définition. Cette définition est critiquée car toute la question est de savoir quelle est la sécurité à laquelle on peut s’attendre. On lui reproche une forme de tautologie. On ne sait pas ce que signifie l’expression « la sécurité à laquelle on peut s’attendre ». Toutefois, l’alinéa 2 ajoute que dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qu’il peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

 

2.    Le défaut

 

C’est à la jurisprudence de le définir par prise en compte des critères de l’article 1386-4. La sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, l’adverbe légitimement renvoie à une approche in abstracto de la sécurité, un standard de sécurité auquel on peut s’attendre et non pas à l’appréciation in concreto. Ce que l’article 1386-4 ajoute, c’est que ce défaut s’apprécie à partir de toutes les circonstances et notamment la présentation, l’usage et le moment de mise en circulation. Selon la date, on peut s’attendre à plus ou à moins et la loi se comprend par rapport au développement du progrès scientifique. L’alinéa 3 ajoute qu’un produit ne peut pas être considéré comme défectueux du seul fait que depuis sa mise en circulation, un autre plus perfectionné a vu le jour. La notion de défaut renvoie à 2 approches distinctes qui ont été tour à tour utilisées en matière de responsabilité du fait des produits de santé et spécialement des vaccins. La notion de défaut renvoie à la présentation du produit et à l’usage auquel on peut raisonnablement s’attendre ce qui conduit à opérer une distinction entre le défaut intrinsèque et le défaut extrinsèque. Le défaut extrinsèque, c’est un défaut qui n’est pas interne au produit, il est propre à la présentation du produit. On en a vu l’application en matière de vaccin lorsque la jurisprudence a considéré que le défaut d’information sur les dangers d’un vaccin équivalait à un défaut dudit vaccin. Par manque d’information, le vaccin est considéré comme défectueux. La jurisprudence ajoute les cas dans lesquels la notice du médicament est insuffisamment précise sur les risques générés du fait de ce médicament. Cette approche s’oppose à l’approche intrinsèque qui est celle de la sécurité qui fait défaut lorsqu’est fait usage du produit. Question de savoir à partir de quand on doit considérer qu’un  produit est intrinsèquement défectueux. La question est parfois délicate parce qu’il y a des hypothèses dans lesquelles un produit ne pose aucun problème à la très grande majorité mais peut toutefois en causé à une minorité de personnes qui en sont victimes. Or, dans l’appréciation, il faut tenir compte de l’usage qui peut être raisonnablement attendu. Il y a des situations plus délicates et les vaccins sont précisément dans ces situations délicates. On est ici au carrefour de toutes les préoccupations à savoir des préoccupations de santé publique, des préoccupations liées au progrès scientifique, une volonté d’indemniser les victimes et surtout le problème c’est qu’il faut bien que les gens continuent à se vacciner autrement dit qu’il n’y ait pas une jurisprudence qui fasse craindre la vaccination au risque d’avoir des effets pervers beaucoup plus importants que l’inverse : par exemple on ne parvient pas à savoir si les scléroses en plaques sont provoquées par les vaccins. Le nombre des victimes est proportionnellement très faible. Il y a un problème de preuve et il y a un problème de politique publique qui est de savoir s’il faut déclarer que tous les vaccins anti-hépatite sont défectueux. En matière de défaut, pour savoir si un produit est défectueux du fait de son usage, on prend en compte un calcul coût-avantage autrement dit un produit n’est pas défectueux du seul fait qu’il fait une victime. L’appréciation est plus complexe et le défaut intrinsèque requiert cette balance des intérêts et cette appréciation des avantages présente inconvénient. En matière de vaccination, la jurisprudence a évolué et elle a considéré que pour prouver le défaut il fallait tenir compte de tous les indices possibles. En réalité la Cour de Cassation renvoie les juges à tenir compte des faits d’espèce pour savoir si un vaccin est défectueux et on va donc tenir compte d’un certain nombre d’indices tels que les antécédents de la victime, le délai entre la vaccination et la déclaration de la maladie étant entendu que plus la maladie se déclenche tôt par rapport à la vaccination, plus on la considère comme liée. On tient compte également des origines géographiques. On tient compte des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux du vaccin. En matière de vaccination, la jurisprudence a donc consacré et retenu les deux approches de la notion de défaut d’abord dans un arrêt du 22 mai 2008, la première chambre civile a admis l’existence d’un défaut dans le cas où la notice du médicament ne signalait pas le risque de sclérose en plaques, c’est un défaut extrinsèque et elle a admis le défaut intrinsèque non pas à partir d’une considération sur le rapport bénéfice-risque mais en prenant compte les données factuelles, indice, présomption grave, précise et concordante. A partir du moment où la Cour de Cassation a pris en compte les éléments de fait, elle a évité une condamnation générale des vaccins anti-hépatite, elle a évité le raisonnement bénéfice-risque de la cour d’appel et elle a donc essayé à la fois de protéger les victimes et en même temps ne pas mettre en cause la politique de vaccination.

 

3.    Le produit doit être mis en circulation

 

Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi, il y a une seule mise en circulation.

 

B.   Le producteur

 

Selon l’article 1386-6, le producteur est essentiel puisqu’il est le responsable, c’est celui qui agit à titre professionnel et c’est le fabriquant du produit, c’est celui qui produit la matière première ou alors c’est celui qui fabrique une composante du produit. Un produit composite est composé de plusieurs produits. La loi a prévu d’assimiler certaines personnes au producteur, par exemple, celui qui appose son nom sur le produit ou sa marque. La notion de producteur est détachée de la qualité de fabriquant. Lorsqu’on ne peut pas l’identifier, l’article 1386-7 désigne à titre subsidiaire le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel.

 

C.   Le dommage

 

La loi opère une distinction classique entre le dommage qui résulte d’une atteinte à la personne et celui qui résulte d’une atteinte au bien. Elle prévoit des régimes différents pour les dommages à la personne et les dommages aux biens (pour lesquels elle prévoit une franchise).

 

II.            La mise en œuvre

 

Le législateur a prévu un schéma original, indiquant à l’article 1386-18 que le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux n’est pas exclusif de l’application des règles de la responsabilité délictuelle ou contractuelle, qu’elles soient issues du droit commun ou des droits spéciaux.

En clair, la victime d’un produit défectueux peut invoquer à la fois la loi de 1998, mais peut aussi invoquer les autres fondements pertinents qui lui permettraient d’obtenir le cas échéant une indemnisation.

En matière de produits défectueux, ce régime n’est pas exclusif des autres régimes de responsabilité, qui peuvent être invoqués également. On aboutit alors à une situation de cumul.

 

La loi s’applique à tout dommage résultant d’une atteinte à la personne (art.1386-2).

 

 

  1. Les délais pour agir

 

Il existe deux délais qui se conjuguent, un délai posé par l’article 1386-16, dit délai de forclusion : sauf faute du producteur, la responsabilité est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit, à moins que l’action n’ait été engagée dans cette intervalle.

Il existe également un délai de prescription, selon lequel l’action se prescrit dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait du avoir connaissance du dommage, du défaut, et de l’identité du producteur.

 

 

Ø  Dans tous les cas, aucune action n’est admise au delà de 10 ans après la mise en circulation du produit. Si l’on se trouve dans cette intervalle de 10 ans, la victime ne peut agir qu’en respectant un délai de prescription de 3 ans.

 

 

  1. Les moyens de défense

 

La question se pose de savoir s’il faut freiner l’innovation et les découvertes en faisant croire aux inventeurs qu’ils pourraient être responsables. Cette question est essentielle dans tous les domaines scientifiques, et surtout dans celui des produits de santé.

Le législateur a prévu que certains cas d’exonération issus du droit commun pouvaient profiter au producteur : force majeure, faute de la victime (art.1386-13).

 

 

 

Deux remarques cependant :

 

          La loi exclut le fait d’un tiers comme cause d’exonération (art.1386-14) : le producteur ne peut pas opposer à la victime le fait d’un tiers.

Cela ne veut pas dire que le tiers est déchargé de toute responsabilité, cela n’aurait aucun sens. Cela veut simplement dire que le producteur devra se retourner contre le tiers ; mais il ne pourra pas se prévaloir du fait de ce tiers dans les rapports qu’il a avec la victime.

 

 

 

 

          La loi a prévu des causes propres d’exonération (art.1386-11) : « Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il prouve :

1)    Qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ;

2)    Que compte tenu des circonstances il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3)    Que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute forme de distribution ;

4)    Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ;

5)    Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des dispositions impératives d’ordre législatif ou réglementaire.

6)    Le producteur n’est pas non plus responsable s’il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit. »

 

Le risque de développement stigmatisé ici renvoie au fait de dire qu’à l’époque où on a mis le produit en circulation, on ne pouvait pas savoir qu’il était défectueux ni déceler le défaut.

Si le producteur n’a commis aucune faute, s’il a été consciencieux, le fait qu’on ne puisse pas déceler ce défaut l’exonère de sa responsabilité.

 

Ces dispositions marquent encore une fois le compromis législatif au profit de groupes de pression, précisément ceux des industriels de la santé et des grands laboratoires pharmaceutiques.

 

 

 

Chapitre 6 : La responsabilité médicale

 

 

Cette question est en plein mouvement et secouée par tous les soubresauts de la responsabilité civile. Elle constitue aujourd’hui un véritable laboratoire de la responsabilité civile, en ce que tous les mouvement du droit médical portent la marque de l’évolution des différentes notions au cœur de la responsabilité civile : faute, préjudice, lien de causalité.

La responsabilité médicale recouvre aussi désormais des questions multiples. Elle est régie par une loi spéciale sur les accidents médicaux (loi du 4 mars 2002). Elle met aussi en cause la distinction des régimes de responsabilité objectifs et des régimes fondés sur la faute.

La responsabilité médicale participe à son tour, après les lois de 1985 et de 1998, à une remise en cause de la distinction des responsabilités délictuelles et contractuelles, qu’elle transcende pour une large part.

Elle présente enfin la particularité d’essayer d’unifier les règles de la responsabilité civile et celles de la responsabilité administrative.

 

Le droit médical renvoie en effet en pratique à des accidents et à des dommages pouvait relever de l’activité privée et du droit privé (dommage subi du fait de l’erreur de diagnostic d’un médecin dans son cabinet) mais aussi de dommages causés dans les hôpitaux publics, qui renvoient à la responsabilité de la puissance publique.

Voilà pourquoi on se trouve souvent dans ce domaine en présence sur les mêmes questions d’une jurisprudence civile et d’une jurisprudence administrative, au risque de divergences des appréciations entre la cour de cassation et le Conseil d’Etat, dont on conçoit difficilement du coté des victimes qu’elle soit justifiable.

 

La loi du 4 mars 2002 essaye d’unifier le régime de responsabilité. Elle ne le fait parfaitement, mais participe déjà de cette unification. Elle construit ce faisant une forme de responsabilité professionnelle, celle des professionnels de santé.

Ce poids est important car dans les débats contemporains sur la responsabilité, une des idées dominantes est souvent de dire qu’il faut transcender les distinctions responsabilité délictuelle/contractuelle, transcender la distinction des responsabilités administrative et civile, pour s’intéresser et régir la responsabilité de professionnels qui sont d’ailleurs souvent les mêmes s’agissant des médecins, lesquels exercent parfois dans des hôpitaux publics en parallèle de leur activité libérale.

 

 

 

 

Section 1 : La spécialisation de la responsabilité médicale

 

  1. Avant la loi du 4 mars 2002
  1. Un mouvement de contractualisation

 

A l’origine, la responsabilité médicale n’était pas contractuelle. Le premier arrêt en la matière (1835), reposait sur la responsabilité délictuelle de 1382 et 1383. On était dans le domaine extracontractuel. Il a fallu attendre l’arrêt Mercier du 20 mai 1936 pour que la cour de cassation découvre et consacre l’existence d’un contrat entre le médecin et son patient, et qu’elle considère que ce contrat fait naitre à la charge du médecin une obligation de soins consciencieux et avisés, conformes aux données acquises de la sciences (aujourd’hui on parle de « données actuelles de la science »).

Cette responsabilité fait naitre une obligation de moyens permettant au médecin de ne pas être tenu si le demandeur n’a pas prouvé sa faute.

A cette obligation de soins s’est ajouté à la fin du XXe siècle une obligation d’information, elle même rattachée au contrat, faisant grossir le contrat médical, dans lequel on trouve donc l’obligation de soigner, mais aussi l’obligation d’informer le malade des risques, même exceptionnels, que le traitement ou l’opération peut faire courir.

 

La jurisprudence découvrira ici une présomption en faveur de la victime, car elle imposera au médecin de prouver qu’il a bien informé. Tout se passe comme si l’on présumait que le médecin ne l’a pas effectivement fait. Cette présomption est simple et peut être renversée. Mais cette présomption conduit un certain nombre de médecins à faire signer des formulaires aux patients.

Cet accroissement du contrat (soins, information), va caractériser au cours du XXe siècle la responsabilité médicale. On est dans un mouvement assez similaire à celui qu’on observe par ailleurs et qui veut que la jurisprudence découvre des obligations dans le contrat (« La responsabilité fait parler le contrat », Viney).

 

 

  1. Un mouvement de diversification

 

Durant longtemps, on va rattacher la responsabilité médicale, à la suite de l’arrêt Mercier, à l’obligation de soins qui pèse sur le médecin. L’obligation majeure est l’obligation de soigner, elle est le cœur même de l’obligation médicale.

Dans le mouvement de subjectivisation de la responsabilité, de prise en compte de la psychologie des victimes, l’information est très importante.

S’il y a eu ce mouvement de diversification, c’est parce qu’on est venus établir des régimes spéciaux dérogatoires de l’obligation de moyens, dans un certain nombre d’hypothèses. Dans le domaine spécifique des prothèses médicales, l’obligation est devenue de résultat. En ce qui concerne la fourniture de sang, la cour de cassation a reconnu une obligation de sécurité et de résultat.

 

Du coté des établissements de soin, la cour de cassation a dit dans un arrêt du 12 avril 2005 que ces établissements étaient tenus d’une obligation de sécurité de résultat leur imposant de prendre toute disposition utile pour s’assurer de l’innocuité des produits sanguins fournis et transfusés. Il existe donc aussi une responsabilité contractuelle du centre de transfusion sanguine à l’égard du patient transfusé.

 

La responsabilité du fait des produits défectueux est venue se joindre au droit médical : dans un certain nombre d’hypothèses on est en présence produits (cf. vaccins, qui relèvent du domaine de la responsabilité des produits défectueux).

Il faut aller rechercher chaque hypothèse, la diversification imposant la maitrise de ces hypothèses diverses.

 

 

  1. La loi du 4 mars 2002

 

Cette loi intervient dans un droit positif dominé par la présence du contrat (lien entre le patient et son médecin) et par une série de règles diverses.

Le 4 mars 2002, le législateur est animé de plusieurs intentions : réunifier autant que possible les règles de la responsabilité médicale pour éviter la segmentation droit public/droit privé, droit des tiers/droit des victimes.

C’est la suite des débats d’alors sur l’aléa thérapeutique et sa prise en charge.

 

Ø  Un rattachement aux droits de l’homme

La loi du 4 mars 2002 va d’abord, dans un titre sur les droits des personnes malades et des usagers du système santé, et dans un chapitre préliminaire sur les droits de la personne, prévoir que la personne malade a droit au respect de sa dignité, rappelant l’existence du droit fondamental à la protection de la santé.

La loi souligne encore qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention et aux soins.

Le législateur profite de cette loi pour affirmer un droit à l’information : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Cela n’empêche pas qu’une personne a le droit d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic, cela est prévu par la loi sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission (SIDA).

Le consentement doit être reçu par le praticien avant les traitements, sauf si le patient n’est pas en état de donner son consentement (situation de coma).

 

Ø  La décontractualisation de l’obligation d’information

La jurisprudence en a déduit que cette obligation d’information n’était plus rattachée au contrat.

A partir d’arrêts de 2010, elle va considérer que l’article 1147 n’est plus le fondement de l’obligation d’information mais que l’article 1111-1-2 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, devait désormais s’appliquer. Cet article porte sur les « risques fréquents ou graves normalement prévisibles ».

 

 

On assiste dès lors à une décontractualisation de l’obligation d’information, qui quitte l’ordre et le domaine du contrat pour être désormais consacrée par la loi elle-même.

 

La cour de cassation a confirmé cette décontractualisation dans plusieurs arrêts. On assiste à des flux et reflux dans ce domaine qui a conduit à remettre à la loi, et donc hors du contrat, des obligations initialement inventées par la jurisprudence.

Ce mouvement de contractualisation/décontractualisation correspond aussi, sur le terrain des sources du droit, au passage d’une consécration jurisprudentielle de l’obligation d’information à sa reprise par la loi (2nde phase).

 

Ø  Concernant l’obligation de soins

La loi du 4 mars 2002 régit désormais cette question à travers l’article 1142-1-I du CSP, qui dispose que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que les centres dans lesquels sont réalisés ces actes, ne sont responsables qu’en cas de faute.

 

L’intérêt de cette consécration légale est de permettre l’application d’un régime que l’on souhaite uniforme aux établissements publics comme aux établissements privés, aux victimes patientes comme aux tiers. L’intérêt est de transcender la distinction public/privé, contractuel/délictuel, et de soumettre le tout à un régime uniforme de prescription, puisque l’article 1142-2-28 prévoit que « Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins, se prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage ».

 

Cet article prévoit un régime de prescription dérogatoire du droit commun, puisque le droit commun prévoir une prescription de 5 ans. Ici nous nous trouvons sur un délai de 10 ans.

 

Ø  Concernant la responsabilité des produits de santé défectueux

La responsabilité des produits de santé ne relève pas de la loi du 4 mars 2002 mais de la responsabilité des produits défectueux. Les vaccins continuent donc de relever de la responsabilité de droit commun de ces produits défectueux.

 

Ø  Le rôle de la solidarité nationale

Lorsque la responsabilité du professionnel n’est pas engagée et qu’il y a eu accident médical, infection nosocomiale, il y a réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsque ces actes, ces accidents, ces infections, ont des conséquences anormales au regard de son état de santé.

Dans ce cas là, comme il n’y a pas de faute du praticien mais qu’il existe quand même un dommage subi par le patient, la loi a décidé de ne pas laisser le patient sans réparation, mais de lui permettre d’obtenir, sous conditions, une indemnisation au titre de la solidarité nationale, c’est-à-dire par un office spécialement créé à cet effet, ayant vocation à indemniser les victimes. Cet office est évidemment abondé et alimenté par l’Etat. C’est en cela que la solidarité nationale assure l’indemnisation des accidents médicaux.

Cet office est l’ONIAM ; il est chargé de la prise en charge des victimes.

 

Section 2 : le droit médical, laboratoire de la responsabilité civile

I.              Les causes

A.   La causalité

Il y a des causes d’action qui font évoluer le droit de la responsabilité. A la fin du 19ème siècle, ce sont les accidents qui ont lieu dans les usines que l’on appellera ensuite les accidents du travail et qui vont être des moteurs dans la responsabilité civile puisqu’ils vont orienter l’interprétation créatrice de l’article 1384 alinéa 1er et la doctrine de deux auteurs : Saleilles et Josserand. Au cours du 20ème siècle, les accidents de la circulation sont une source considérable d’accidents qui vont conduire à l’évolution des idées et notamment au fait que l’on va préconiser une évolution des fondements de la responsabilité et un passage de la théorie du risque à la théorie de la garantie avec des auteurs connus, Starck et Tunc. A la fin du 20ème siècle et au début du 21ème siècle, les idées évoluent sous l’influence de deux séries de considération, les premières sont liées aux préoccupations écologiques et environnementales ce qui se traduira par la charte de l’environnement, sa consécration dans la Constitution et par l’essor en matière de responsabilité d’un nouveau principe, le principe de précaution. On voit là encore que le mouvement des idées en matière de responsabilité civile trouve son origine dans des causes de dommage nouvelles. Le principe de précaution présente la particularité d’être tourné vers l’avenir là où la responsabilité civile a toujours été tournée vers le passé car elle a une fonction réparatrice d’évènements passés tandis que le principe de précaution est tourné vers l’avenir et d’autre part préconise une intervention à un moment où le dommage n’est pas consommé. Cela fait deux différences majeures avec les mécanismes de la responsabilité civile à la fois tournée vers le passé et justifiée par un dommage déjà survenu. Avec le principe de précaution, il y a un changement de paradigme de la responsabilité. On peut se demander si les mécanismes même de la responsabilité sont adaptés. Le deuxième mouvement contemporain, ce sont les accidents médicaux. Ils vont aussi être un moteur d’évolution de la responsabilité et à ce titre, ils vont conduire à une distorsion des notions classiques. Dans l’histoire de la responsabilité civile, les notions et les concepts évoluent en fonction des besoins que génèrent les nouveaux accidents et que génèrent l’approche qu’ils sollicitent, justifient, commandent. On ne se trouve pas, comme à la fin du 19ème siècle, avec une véritable rupture, un bouleversement apparent de la responsabilité. On peut penser que la médecine devient de plus en plus performante, les accidents médicaux devraient être moins fréquents qu’ils ne l’étaient. Les contentieux se multiplient, provoquant une multiplication des idées. L’évolution de la médecine au 20ème siècle a probablement provoqué un changement puisque la médecine doit guérir, que les actes chirurgicaux sont capables de prouesses considérables et par conséquent, en créant une expectative à la fois individuelle et collective très forte dont on peut penser qu’elle génère une forme de droit à la santé, à la guérison. On a ici ce que les philosophes appellent une illusion scientiste, une médecine toute puissante que l’on voit dans tous les domaines jusque dans des domaines impensables : prothèse humaine entière, techniques médicales de procréation assistée… On a comme premier facteur très fort une impression d’une médecine extrêmement évoluée dont on attend beaucoup au point de ne pas admettre qu’elle puisse être à l’origine de dommages et donc à l’origine d’accidents. Le fait que l’on puisse attraper des maladies dans un établissement médical ou une clinique est parfaitement inacceptable et fait évoluer les idées de regard sur la médecine. Il y a des attentes renforcées à l’égard de la médecine. Toute la réflexion sur l’aléa thérapeutique, le fait qu’il puisse y avoir des dommages du fait d’intervention médicale sans faute trouve sa source dans ce mouvement.

 

B.   La mutation de l’Etat providence

 

Il y a une deuxième raison très forte, c’est que cette nouvelle approche de la médecine se conjugue avec un essor considérable de l’Etat providence à la fin du 20ème siècle. Cet Etat providence n’est pas nouveau, il est à l’origine de l’essor de la sécurité sociale, de la prise en charge par l’Etat de la santé, spécificité très française. En France, c’est l’Etat qui assure la santé mais cet Etat providence a gagné en importance, en présence sous l’influence des droits fondamentaux et de l’idée que l’Etat doit veiller au respect de certains droits fondamentaux dans lesquels on range la dignité de la personne humaine, la santé, le bien-être, le droit à l’enfant. On considère que l’on ne doit pas payer et pouvoir profiter d’une médecine de pointe et tout cela conduit à faire bouger le droit de la responsabilité. C’est intolérable que des vaccinations puissent être à l’origine de dommages. Tout cela, c’est la double raison pour laquelle le droit médical fait pression sur le droit de la responsabilité. Le droit de la responsabilité va être sollicité par les accidents médicaux. Il va ressortir un besoin de présence de l’Etat, c’est l’essor de la solidarité nationale. Cette solidarité nationale, c’est un pas de plus par rapport à l’assurance de responsabilité. Au milieu du 20ème siècle, grande loi de 1930 sur les assurances, l’assurance de responsabilité va changer le droit de la responsabilité car elle va diminuer le poids de la responsabilité. On a parlé d’une socialisation de la responsabilité. Aujourd’hui, essor de la solidarité nationale qui est la prise en charge par l’Etat d’un certain type d’accidents. Il intervient par exemple avec des fonds d’indemnisation, il créé des fonds spéciaux qui servent à indemniser. C’est l’ensemble de la collectivité qui doit prendre en charge un certain nombre d’accidents. La solidarité nationale prend le relai en l’absence de faute.

Le plus intéressant, c’est de voir comment les concepts classiques de la responsabilité sont sollicités.

Il y a deux grands concepts qui évoluent en matière de droit de la responsabilité de façon considérable :

          La notion de causalité : en matière médicale, elle est particulièrement problématique parce qu’on ignore souvent, presque toujours, ce qui serait advenu sans l’acte médical ce qui est une originalité des accidents médicaux. Prenons un accident de la circulation, le problème des accidents médicaux, c’est que l’on ignore ce qui serait advenu sans l’accident médical. Par construction, il est souvent très difficile de déterminer quelle est la cause du dommage car on intervient parfois sur une personne déjà victime d’une pathologie. Il est difficile en matière d’interprétation des évènements de bien comprendre la cause des dommages. Concrètement, en droit médical, plusieurs manifestations d’embarras, causaliste : dévoiement de la perte de chance (couteau suisse de la responsabilité).

è Une personne est mal informée des risques d’une intervention, les risques se réalisent : pas de faute donc pas de responsabilité. Mais la jurisprudence va dire que s’il y a avait eu information, la personne aurait pu refuser, elle a perdu une chance. Cette notion va servir pour indemniser l’accident.

La causalité alternative : normalement c’est au demandeur d’apporter la preuve du lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage, entre le fait générateur et le dommage mais cette personne agit en responsabilité contre plusieurs établissements car elle ne sait pas qui est responsable. La Cour de Cassation considère que les deux sont tenus in solidum à charge pour celle qui n’est pas à l’origine de l’infection de se retourner contre l’autre. Autre exemple, femmes enceintes qui prennent des médicaments qui causent des dommages sur les enfants de ces femmes. Mais dans les années 60/70, deux laboratoires commercialisent ce médicament. Les victimes agissent des dizaines d’années après, on ne retrouve pas la boite de médicaments, on ignore quel laboratoire avait fourni la molécule. Les victimes agissent contre les deux laboratoires. Si on respecte l’article 1315, on devrait débouter. Concernant le lien de causalité, elle consacre la théorie de la causalité alternative, c’est soit l’une soit l’autre à charge pour celui des laboratoires qui estime ne pas être à l’origine de se retourner contre l’autre. C’est la théorie de la causalité alternative qui permet d’indemniser les victimes.

 

Présomptions de causalité posées par la loi notamment en matière de contamination et qui vont décharger à leur tour la victime, de la preuve du lien causal. Le droit médical va conduire à des arrangements avec la causalité, va susciter ces arrangements pour permettre l’indemnisation des victimes dans des hypothèses où l’application du droit commun eut conduit à refuser l’indemnisation.

 

          Le dommage : on voit sous l’influence de responsabilité médicale la notion même de dommage évoluer et l’essor d’une psychologisation du dommage. C’est une forme d’élargissement du dommage moral : préjudice d’angoisse, d’anxiété. La Cour de Cassation consacre le préjudice d’angoisse dans une hypothèse où il n’y a pas de préjudice corporel.

Le préjudice d’impréparation : en matière de défaut d’information, la Cour de Cassation énonce que si la victime avait été bien informée, elle aurait pu se préparer psychologiquement au dommage. Il est la deuxième manifestation de la prise en cause du psychologisme en matière de responsabilité médicale.

 

Titre 2 : la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle

Chapitre 1 : le fondement de l’action en responsabilité

 

Plusieurs sources de responsabilité peuvent être invoquées. On voit très bien que par exemple, il peut y avoir un dommage causé par la faute d’une personne qui est gardienne de la chose. La question va être : la victime peut-elle à la fois invoquer l’article 1382 et 1384 alinéa 1er parce qu’il y a à la fois une faute et le fait d’une chose ? Est-il possible de cumuler l’article 1384 alinéa 1er sur le fait d’une chose lorsqu’un enfant en est le gardien et le fait d’autrui pour agir contre les père et mère ?

 

Section 1 : les relations entre les différentes actions en responsabilité

I.              Les relations entre le fait personnel et le fait des choses

 

1382 et 1384 alinéa 1er.

Si le gardien commet une faute, est-ce qu’on peut agir à la fois sur 1384 alinéa 1er et sur 1382 ?

Ce n’est pas forcément intéressant pour la victime d’agir sur l’article 1382 alors qu’elle peut agir sur l’article 1384 alinéa 1er. La preuve à rapporter pour la victime est beaucoup plus simple sur 1384 alinéa 1er où il suffit de rapporter la preuve de la chose et de son rôle causal. Régime plus favorable car cela déclenche une présomption de responsabilité ou encore une responsabilité de plein droit. Procéduralement, les deux actions ont un fondement différent et on peut agir à titre principal (1384 alinéa 1er) sur l’une et accessoire sur l’autre (1382).

 

II.            Les relations entre le fait personnel et le fait d’autrui

 

A.   L’enfant

 

L’enfant peut-il commettre une faute qui engage tant sa responsabilité que celle des père et mère ?

D’après l’arrêt Levert, pas besoin d’une faute de l’enfant, il suffit d’un acte qui soit la cause du dommage. Si l’enfant commet une faute, la victime peut agir à la fois contre l’enfant et contre les père et mère. La victime peut cumuler les deux actions en responsabilité.

 

B.   Le sportif

 

S’il cause un dommage par sa faute, on peut agir contre le sportif pour faute, contre l’association sur 1384 alinéa 1er, responsabilité générale du fait d’autrui posé par l’arrêt Blieck.

 

C.   Le préposé

 

La victime peut-elle agir contre le préposé pour faute et contre le commettant pour fait d’autrui ?

Depuis l’arrêt Costedoat de l’assemblée plénière rendu en 2000, lorsque le préposé est dans sa mission, il profite d’une immunité de telle sorte qu’il ne peut pas être responsable pour faute. Tandis que quand il est dans ses fonctions mais au-delà de sa mission, les deux sont tenus pour faute pour le préposé et du fait d’autrui pour le commettant. La troisième hypothèse, c’est celle dans laquelle le préposé est en abus de fonction c’est-à-dire au-delà de ses fonctions et dans ce cas-là, il est tenu et non le commettant.

 

III.           Le fait personnel et les régimes spéciaux de responsabilité

A.   Entre le fait personnel et la loi de 1985

 

La loi de 1985 est exclusive de toute autre action en responsabilité.

 

B.   Entre le fait personnel et la loi du 19 mai 1998 sur les produits défectueux

 

Dans cette hypothèse, la victime n’agira pas sur 1382, elle est tenue par le droit spécial.

 

IV.          Les relations entre le fait d’autrui et le fait des choses

A.   Hypothèse 1

 

La première hypothèse, c’est celle des père et mère et l’enfant. L’arrêt Gabillet montre que l’enfant est gardien et les père et mère peuvent être tenus de l’enfant gardien, du fait qu’il est gardien ce qui veut dire que la victime peut agir contre l’enfant comme contre les père et mère, concomitamment.

 

B.   Hypothèse 2

 

La deuxième hypothèse, c’est celle du commettant et du préposé. Le dommage causé par une chose entre les mains du préposé : il y a une incompatibilité, le préposé ne peut pas être gardien et donc s’il cause un dommage avec la chose c’est le commettant qui est responsable.

 

Hypothèse 3 :

 

Responsabilité générale du fait d’autrui et du fait de la chose.

La responsabilité générale du fait d’autrui s’applique dans l’arrêt Blieck qui pose le principe général.

On peut cumuler fait des choses et fait d’autrui dans le cadre de la responsabilité générale avec l’exemple de l’arrêt Blieck et l’exemple des associations.

 

V.           Le cumul au sein des mêmes types de régime

A.   Au sein du fait des choses

 

Il y a 5 hypothèses :

          Fait des choses et fait des animaux : specialia generalibus derogante –>   il y a un texte général sur la responsabilité du fait des animaux, article 1385 et on est donc obligé d’agir sur ce fondement.

          Responsabilité générale du fait des choses et responsabilité du fait des bâtiments en ruine : c’est un texte spécial, on devrait appliquer l’adage specialia generalibus derogante. C’est ce que faisait la jurisprudence mais à partir de 2000 elle a infléchi la réflexion en estimant que lorsque le dommage  engage à la fois un bâtiment en ruine et le gardien d’une chose qui n’est pas le propriétaire du bâtiment, on peut cumuler en estimant que 1386 concerne le propriétaire donc cumul entre propriétaire et gardien.

          Le fait de la chose et la communication d’incendie : le législateur est intervenu par une loi de 1921 et il a ajouté un alinéa 2 et cet alinéa régi la communication d’incendie sur le fondement de la faute, régime spécial qui ne peut plus se cumuler avec la responsabilité générale.

          Le fait de la chose et la loi de 1985 : on ne peut pas les cumuler, la loi de 1985 est toujours exclusive, on ne peut pas la cumuler.

          1384 alinéa 1er et loi de 1998 sur les produits défectueux : normalement oui on peut cumuler, article 1386-18 issu de la loi du 19 juillet 1998 admet de cumuler le régime de responsabilité du fait des produits défectueux avec les autres régimes de responsabilité. Normalement, la loi de 1998 admet le cumul mais depuis la condamnation de la France en 2002 par la CJUE, les choses sont plus compliquées et discutées.

 

B.   Au sein des régimes de responsabilité du fait d’autrui

 

La victime peut-elle choisir d’agir non pas sur un régime spécial type père et mère du fait de l’enfant pour se placer sur le régime général de l’alinéa 1er ?

La jurisprudence a fait en sorte de les aligner, c’est l’arrêt Bertrand qui a anticipé sur celui qui a donné le régime de la responsabilité générale de plein droit.

 

Section 2 : Relation entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle

I/ Exposé de la distinction

2 types de responsabilité selon que le dommage est causé par l’inexécution d’une obligation contractuelle ou qu’il résulte d’une hypothèse autre. Cette distinction est importante et structurante mais a perdu beaucoup de sa portée, de son importance, et tend à la critique et à la remise en cause.

A-   Origines de la distinction

Distinction récente, à l’échelle de l’histoire de notre droit cette distinction est parfaitement récente car elle a longtemps été ignorée.

Tout d’abord du droit romain qui prévoyait des actions qui pouvaient être exercées selon les hypothèses, les actions nommées, mais pas de régimes ou types de responsabilité ≠ même s’il y a une esquisse de responsabilité générale hors contrat.

De la même manière, dans l’Ancien droit, certains auteurs commencent à discuter du point de savoir s’il n’est pas logique de distinguer entre l’hypothèse dans laquelle le dommage résulte de la violation du contrat et celle dans laquelle on se trouve hors contrat. Mais il reste que l’Ancien droit hormis ces discussions doctrinales ne consacre pas la distinction.

En réalité, elle sera formalisée à partir du 19e, par un juriste Belge, Sainctelette, qui va prôner la thèse dualiste qui consiste à affirmer qu’il existe deux fautes de nature ≠ selon que l’on se trouve dans le cadre d’un contrat ou non. Ex : délits et quasi délits qui sont la violation de devoirs généraux posés par la loi : dans cette hypothèse, la source de l’obligation c’est la loi, sa raison d’être c’est l’intérêt général, elle traduit la volonté générale et est mise en œuvre par la puissance publique. A l’opposé dit Saintlette que la faute contractuelle trouve son origine dans un acte de droit privé qui exprime la volonté individuelle et non générale donc répond à des intérêts privés et est de nature ≠ de la faute commise en violation d’une obligation légale.

Saintlette a sans doute trop prêté à la ≠ entre les types d’obligation et pour reprendre la formule d’un juriste, Brun, qq années après Saintlette : « il n’y a pas deux types d’obligation ≠, il y a deux régimes de responsabilité ». Il y a deux régimes de responsabilité. La nuance consiste à dire dans les deux cas il y a violation d’une obligation et il n’y a pas lieu de considérer que ce n’est pas la même chose, mais il y a deux régimes ≠ selon que l’obligation violée est de nature contractuelle ou extra contractuelle.

En somme, Brun relativise la distinction pour affirmer qu’elle ne dépend pas de la nature de l’obligation mais d’un régime de responsabilité.

Distinction critiquée par Piagnol considérant qu’il n’y a pas deux régimes de responsabilité.

C’est la thèse de la dualité des régimes de responsabilité qui va l’emporter.

 

B-    Intérêt de la distinction

Des ≠ tenant à la différence de régime : s’il n’y pas de ≠, ce n’est pas la peine de poser une distinction de responsabilité.

Quand on affronte une distinction à remettre en cause, 2 manières de procéder 

·         La manière frontale : qui consiste à la supprimer : elle disparait

·         La manière plus subtile : qui consiste à conserver la distinction mais à lui retirer ses effets, diminuer sa portée. Toutes les fois que l’on aligne le régime de la responsabilité contractuelle sur la responsabilité délictuelle alors on lui retire ses effets, on l’affaiblit.

Les conséquences de la distinction se sont progressivement amenuisées :

Ø  La gravité de la faute

D’abord on a dit : distinction de déclenchement ou que la gravité de la faute n’aurait pas les mêmes effets. Les romains distinguaient la faute légère de la faute très légère. Il faudrait la prendre en compte dans la responsabilité contractuelle, pas dans la responsabilité délictuelle.

Cette affirmation est infondée : les deux responsabilités se déclenchent indépendamment de la gravité de la faute. En revanche il est vrai qu’à l’intérieur de régimes de responsabilité, la gravité de la faute peut avoir des effets. La faute lourde ou dolosive en matière contractuelle font tomber les clauses limitatives de responsabilité. Le dommage réparable n’est aps seulement le dommage prévisible mais aussi imprévisible. Par ailleurs, régimes de responsabilité ou la gravité compte.

 –>   Les responsabilités se déclenchent sans considération de la gravite mais au sein de régimes, la gravité peut avoir une portée.

Ø  La prévisibilité

En matière contractuelle on répare normalement uniquement le dommage prévisible. Tandis qu’en matière délictuelle, la réparation s’étend au dommage imprévisible. C’est une ≠ ténue.

Ø  Les clauses limitatives de responsabilité

En matière délictuelle les clauses limitatives de responsabilité sont interdites, alors qu’elles sont limitatives en matière contractuelle. Même si différentes se sont amenuisées. La jurisprudence Chronopost. Sous l’angle de la limitation de responsabilité, le droit des contrats s’est rapproché de la responsabilité civile.

Ø  La prescription

C’était sans doute la plus grosse ≠ entre les 2 responsabilités. Avant la prescription en matière contractuelle était de 30 ans, tandis qu’elle était de 10 ans en matière délictuelle depuis la loi de 85. Réforme du droit de la prescription et ordonnance de 2008 : elle est désormais de 5 pour les deux régimes  –>   rapprochement des deux responsabilités qui est fait.

 

 

C-   Mise en œuvre de la distinction

Bien que les distinctions s’amenuisent, dans le droit positif, elle subsiste et est de principe. La question est de savoir à partir de quand on est dans l’une ou dans l’autre.

Ø  La responsabilité contractuelle : toutes les fois que le dommage est lié à l’inexécution d’une obligation contractuelle et qu’il affecte un contractant.

Ø  La responsabilité délictuelle : tous les autres cas.

Conséquence : si le dommage n’est pas lié à l’inexécution du contrat, la responsabilité est délictuelle même si c’est un contractant qui est victime. Ex : si le fait dommageable précède la conclusion du contrat ou suit le contrat après son extinction. Ex 2 : s’il trouve sa source dans une obligation légale qui n’est pas dans le contrat.

Conséquence 2 : si le dommage trouve sa source dans l’inexécution d’une obligation contractuelle mais qu’il affecte un tiers, la responsabilité sera délictuelle (puisque tiers victime).

La victime, le demandeur, ne peut pas choisir le fondement de son action en vertu du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Arrêt 11 juin 1922 : posé un principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. Ce principe est mal dénommé, devrait s’appeler « non-option ». lorsqu’on se trouve dans le champ de la responsabilité contractuelle, elle doit agir sur le terrain contractuel. Elle ne peut pas choisir le terrain délictuel sous prétexte qu’il lui serait plus favorable.

Pourquoi non cumul ?  2 raisons :

        Parce que le contrat est un instrument de prévision : les contractants otn anticipé en rédigeant leur contrat, en s’accordant sur des obligations. Ce serait méconnaitre le contrat comme instrument de prévision que d’admettre qu’un contractant puisse s’échapper du domaine contractuel pour aller agir sur le terrain délictuelle.

        Corolaire : le principe de la force obligatoire du contrat : si l’on admettait qu’un contractant puisse s’échapper du contrat pour aller sur le terrain délictuel car plus favorable, donc admettre qu’il ne soit pas tenu par la lettre du contrat et des obligations qui en découlent.

Voilà pqauj le principe de la distinction existe toujours en dépit de mouvements, de tendances de droit positif à essayer de remettre en cause cette distinction.

II/ La remise en cause de la distinction

Un des piliers du droit des obligations est la distinction entre le contrat et le délit et une des conséquences c’est justement le non cumul des deux responsabilités qui vivifient, donne sa raison d’être à une dualité des responsabilités. Architecturalement : deux types de responsabilité et le principe de non cumul a pour effet que l’on soit dans l’une ou dans l’autre sans pouvoir choisir.

Depuis 50 ans, une partie de la doctrine souligne le caractère inadapté de cette distinction, certains allant jusqu’à prôner son abandon au profit d’autres approches qui traverseraient les anciennes responsabilités délictuelle et contractuelle.

Par ex, certains auteurs disent qu’il faudrait tenir compte d’une responsabilité de nature professionnelle, et engager sa responsabilité dès lors qu’il les méconnait, peu importe que ce soit au préjudice de contractants ou de tiers. Effectivement : progrès de raisonnement reposant sur la nature professionnelle en matière médicale, qui se joue de la distinction.

De même, un certain nombre d’auteurs souligne le fait que l’inexécution d’un contrat peut affecter de manière identique des contractants et des tiers et que l’évolution des sources de dommage, la multiplication de la dangerosité des activité créé des hypothèses dans lesquelles une personne cause un dommage identique à des contractants comme à des tiers. Si le dommage est le même pour les contractants ou pour les tiers, et la source du dommage est la même pour les contractants et pour les tiers, alors il est normal que la responsabilité soit engagée de la même manière.

Jérôme Huet dans sa thèse à la fin des années 70 a fait l’observation suivante : avec la spécialisation des activités, de plus en plus, une même opération économique oblige à agréger des personnes pour l’accomplir, lesquelles selon les cas vont être liées par un contrat ou non.

Si un dommage survient à l’occasion de la réalisation de cette activité, il n’y a pas de raison de traiter différemment les protagonistes selon qu’ils sont liés ou non par le contrat. Argument de nature économique liée à la spécialisation des activités. Si un dommage affecte 3 des 4 : déséquilibre anormal.

La spécialisation des activités milite pour que tombe dans un certain nombre de cas.

A-   L’incohérence de la distinction dans un certains cas

Dans un certain nombre d’hypothèses, la distinction n’est pas cohérente car place les victimes d’un même fait dans une situation distincte.

Ex : accident dans les années 80 sur le quai de la gare liée au petit wagon. Jambe cassée et bras broyé. Celle qui prend le train est liée par contrat à la SNCF, avant le 7 mars 1989. Tandis que lui n’est pas lié par contrat. Pour elle accident de quai : à cette date-là, obligation est une obligation de moyen, sécurité. La jeune femme va devoir prouver la faute de la SNCF puisque c’est une obligation de moyen. Le jeune homme doit agir sur le fondement de la responsabilité du fait des choses. Art 1384 al 1 : n’a pas à prouver la faute. Les deux subissent le même évènement, mais sont sous l’empire de deux régimes distincts et l’un est dispensé de prouver une chose, pas l’autre. C’est évidemment incohérent et d’autant plus qu’au fond c’est le contractant qui est placé dans la moins bonne des situations là où l’on devrait s’attendre à l’inverse.

Ex : 2  –>   même évènement atteint des victimes liées par contrat ou non. Pas de sens,  dit par Paul Esmein « La chute dans l’escalier » d’un restaurant : selon si l’on est contractant ou pas, ce n’est pas le même régime.

Ces incohérences rejoignent les constats faits par la doctrine selon lesquels on devrait traiter de manière identique toutes les victimes d’un même fait dommageable. La source de l’obligation non exécutée n’ayant pas d’importance dans cette hypothèse.

 

B-   Les incertitudes de la distinction

Non seulement cette distinction est peu cohérente mais surtout mouvante, malléable, relative, tant est si bien qu’elle devient incertaine.

1-    Les incertitudes tenant à l’existence d’un contrat

La responsabilité contractuelle : quand il y a violation d’une obligation née du contrat. Mais souvent on ne sait pas si on est dans le contrat.

a-    Les contrats de transports

La jurisprudence a fait évoluer la délimitation dans le temps du contrat de transport. À partir de l’arrêt du 7 mars 1989, elle a réduit la délimitation temporelle en l’alignant sur le temps du transport lui-même : à partir où la personne transportée commence à monter dans le train jusqu’au moment où elle en finit d’en descendre. Avant, le contrat de transport était temporellement plus étendu, puisqu’il commençait dans l’entrée dans la gare, continuait pendant les correspondances et la jurisprudence avait procédé à un tronçonnement du contrat de transport : avant le transport : moyens, pendant : résultat, et après : moyens. Ce tronçonnement soulevait des problèmes de cohérence. Ex : l’accident de quai entre une personne contractante et un tiers : ex ci-dessus. La jurisprudence a donc réduit le contrat de transport à la durée de l’obligation de résultat. Avant et après : délictuelle. Maintenant, ils seraient traités de la même manière : sous le régime de la responsabilité délictuelle.

 –>   C’est la jurisprudence qui fixe les limites temporelles du contrat  –>   incertitude.

b-   Les actes d’assistance, bénévoles

Convention d’assistance bénévole : c’est la jurisprudence qui a inventé un contrat. Un homme déménage et un contrat se forme. Réparation des dommages corporels mais pas matériels car ceux-ci sont hors contrat. La convention d’assistance bénévole est la meilleure illustration de ce jeu jurisprudentiel visant à reconnaitre l’existence d’un contrat.

2-    L’incertitude sur le contenu du contrat

La jurisprudence a inventé des obligations en faisant grossir le contrat. 2 illustrations :

        l’obligation de sécurité

        l’obligation d’information

Ces obligations ont en réalité consisté de la part de la jurisprudence a imposer au contractant du fait du type du contrat.

La jurisprudence a donc imposé une obligation de sécurité dans le contrat de transport mais il n’y a rien de vraiment contractuel en ce sens que ces obligations ne sont pas le reflet de la volonté des contractants. Elles traduisent une politique juridique de la cour de cassation. Il est impossible pour un contractant d’enlever l’obligation de sécurité dans le contrat de transport.

Les obligations n’ont plus rien a voir avec la volonté des parties et donc avec le lien contractuel. Ces obligations devraient rester sur le terrain légal, ne devraient pas être contractuelles.

Non seulement la jurisprudence a fait grossir le contrat mais en plus il y a des mouvements de droit qui montrent l’incertitude tenant au contenu du contrat : le mouvement de décontractualisation de l’obligation d’information en matière médicale.

La jurisprudence dans les années 80 a découvert l’obligation d’information en matière médicale, l’a étendu même aux risques exceptionnels, 89-91 et puis est arrivée la loi du 4 mars 2002, art 1111-2 ? (fiche 18), obligation d’information dans la loi, décontractualisation.

Ex de flux et reflux du contrat. Grossi  –>   arrêt Mercier obligation de soin  –>   arrêt avec obligation d’information  –>   loi, reflux : tout cela relève de la loi.

Il est évident que la délimitation du contrat comme celle de son contenu sont fluctuantes. Incertitude, incohérence.

C-   Vers l’abandon de la distinction ?

1ère remarque : dans un certain nombre de textes, pose des régimes spéciaux de responsabilité, le législateur s’est intéressé à la source de l’accident, à la cause de la responsabilité et non à la nature de la responsabilité. Elle se désintéresse de la distinction ou plus exactement, elle retient un régime unique en matière délictuelle et contractuelle ; elle unifie donc la responsabilité.

3 illustrations : 3 lois récentes qui unifient la responsabilité délictuelle et contractuelle

        Loi du 4 mars 2002 : s’applique bien aux contractants et aux tiers. Il faut appliquer le même régime qu’elle que soit la qualité de la victime. Elle ne fait pas disparaitre la distinction, mais elle traite pareil les victimes qu’elles soient liées ou non par contrat.

        Loi de 5 juillet 1985 : aussi bien aux délits et aux …

        Loi du 9 mai 1998 : pdts défectueux.

La première inquiétude du législateur dans les textes contemporains tient à l’inification des régimes de responsabilité, sanspréeter d’effets aux autres distinctions. À gommer les diif rentre les ≠ régimes ( prescription…)

 On s’interesse au débiteur lorsque l’on prone une responsabilité professionnelle.

Le législateur contemporain a eu tendance à unifier ??

La loi du 4 mars 2002 sur les accidents médicaux : dans une telle hypothèse, le législateur prévoit un régime unique et donc unifié qui ne varie pas selon si le dommage est fait dans le cadre d’un contrat et résulte de la violation contractuelle ou qui résulterait d’une responsabilité extracontractuelle.

Cette attitude n’est pas pertinente dès lors qu’on porte attention à la situation dommageable, la qualité de tiers ou de contractant n’est pas pertinente.

2e manière qui consiste à édulcorer la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle : à la fois maintenir son existence et dans le même temps, atténuer les ≠ de régimes entre l’une et l’autre. Le législateur contemporain comme la jurisprudence a contribué à ce que les ≠ entre les deux responsabilités s’amenuisent, perdent de leur portée. Sur le terrain de la prescription, sur le terrain des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité : la jurisprudence condamne ces clauses en matière contractuelle.

La jurisprudence est conservatrice du principe de la distinction et réductrice des conséquences de la distinction.

CHAPITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACTION EN RESPONSABILITÉ

On portera attention au procès en responsabilité.

Section 1 : Les titulaires de l’action

I/ La victime

Elle est la première à pouvoir agir et la victime a un droit à réparation qui nait dans son patrimoine. Ce droit à réparation il nait du fait de la réalisation du dommage et non pas du fait de la décision de justice qui va déclarer l’auteur responsable et attribuer des dommages et intérêts. Le droit à réparation nait donc dans son patrimoine au moment même où elle subit le dommage  –>   conséquences sur les héritiers.

La victime peut être amenée par la voie d’un groupement, d’une association. Jusqu’à la loi du 17 mars 2014relative à la consommation, il n’y avait pas de class action à la française mais il existait des mécanismes permettant aux associations d’agir.

2 types de mécanismes existaient :

·         Un premier, permettant aux associations d’agir en responsabilité au nom du groupement lui-même en défense des intérêts collectifs représentés par le groupement ; dans une telle hypothèse, l’association exerce une action qui peut le cas échéant, si elle est couronnée de succès donner, lieu à DI. Cette action en défense des intérêts collectifs que représente le groupement n’indemnise pas la victime.

 

·         Le deuxième, en faveur des victimes : une action en représentation conjointe, permise, ouverte dans notre droit par une loi de 1992. Elle reposait sur l’idée d’un mandat donné à l’association par ceux qu’elle est amenée à représenter : les victimes. Ce qui a pour avantage de permettre aux victimes d’être bénéficiaires de l’indemnisation (≠ 1) mais cette action reposait non seulement sur un mandat explicite, mais surtout la publicité d’une telle action en représentation était extrêmement limitée car interdite aussi bien à la télévision qu’à la radio, de sorte que faute de diffusion, l’action se trouvait ignorée de la plupart des victimes et donc perdait ses attraits, atouts majeurs. Il y a eu très peu d’actions en représentation conjointes qui ont été exercées (environ 5).

 –>  notre droit restait donc lacunaire sur la possibilité des associations d’exercer une action pour les victimes.

Voilà pourquoi depuis près de 30 ans, on discute la possibilité d’ouvrir une action de groupe, en regardant les américains à la fois avec une certaine fascination et une certaine crainte. Car il semble efficace et en même temps extrêmement dangereux car repose sur une judiciarisation de la vie économique, évidemment source d’effets pervers, de dévoiement, parce que l’action en justice coute cher, parce que donne lieu à des chantages judiciaires, pèsent sur la vie des entreprises tant il est vrai que d’une part la procédure elle-même et d’autre part les condamnations sont lourdes et pénalisantes. Mais il n’y a pas que les USA mais aussi 8 pays européens, Québec, Amérique Latine…

 

Pourquoi une action de groupe ? au moins pour deux raisons :

– dans un certain nombre d’hypothèses les dommages subi sont de faible ampleur de telle sorte que leurs victimes rechignent à exercer une action en responsabilité individuellement. Il y a nombre de petits litiges qui sont trop faibles dans leur montant pour donner lieu à des actions en justice.

– il y a des hypothèses dans lesquelles les dommages sont subies par un nombre très important de personnes à l’identique ou de façon similaire : ce sont des dommages de masse.

Il y a nombre de petits litiges qui sont trop faibles par leur montant pour donner lieu à des actions en justice. La très grande majorité n’a aucun intérêt à agir en justice.

La deuxième raison, c’est qu’il y a des hypothèses dans lesquelles les dommages sont subis par un nombre très important de personnes à l’identique ou de façon similaire. Ce sont des dommages de masse.

On comprend, quand on porte attention à cette 2ème raison, que des millions de litiges ne peuvent pas être exercés concomitamment et séparément sans faire exploser les tribunaux. Il y a un besoin de regroupement de l’action dans ces hypothèses de dommage de masse. Quand on porte attention aux modèles d’action de groupe, il existe deux grands modèles d’action de groupe qui dépendent du consentement ou non à l’action du bénéficiaire de l’action.

          L’opt-in in qui consiste à exiger des consommateurs qu’ils se rattachent expressément au groupe qui va bénéficier de l’action. L’association représente donc des individus. Ce modèle est très respectueux des droits à la défense. « Nul ne plaide procureur », on ne saurait être partie à une action en justice sans l’avoir voulu. C’est ce qu’a jugé le Conseil Constitutionnel en 1989 dans une hypothèse ou des syndicats risquaient d’agir en justice au nom des salariés sans avoir dit qu’ils le faisaient. Il repose sur l’adhésion volontaire des intéressés au groupe. On ne peut pas être représenté en justice sans l’avoir voulu. Ce modèle souffre d’inefficacité car il faut que chacun et chacune des victimes adhère au groupe.

          L’opt-out : les victimes en droit sont censées être représentées sauf si elles déclarent expressément ne pas vouloir l’être. Il faut exprimer son intention de ne pas être représenté pour être exclu du groupe. Ce modèle est très efficace et donne une ampleur beaucoup plus grande à l’action.

Depuis quelques années, la France pensait que le mécanisme de l’opt-out était inconstitutionnel. C’est la raison pour laquelle le législateur dans la loi Hamon sur la consommation a décidé que nous aurions un système d’opt-in. Système qui tente de remédier au risque d’inefficacité qui affecte le mécanisme de l’opt-in.

Il y a une action de groupe générale, de droit commun, et une action de groupe simplifiée.

 

1.    L’action de groupe de droit commun

Elle trouve désormais sa place dans le droit de la consommation aux articles L121-1 et suivants. Elle a pour finalité d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par les consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement de ce ou de ces professionnels. A l’occasion de la vente d’un bien ou fourniture de service, en préparation pratique anti-concurrentiel. Dans l’état actuel du droit, l’        action de groupe reste limitée aux relations entre professionnels et consommateurs, limitée à la vente de bien ou à la vente de services ou aux pratiques anti-concurrentielles. Et cette action de groupe ne peut permettre que la réparation des préjudices patrimoniaux résultants de dommages matériels. Elle est toutefois promise à s’étendre au droit de l’Union, au droit de la santé et peut être à d’autres secteurs comme le droit financier. L’action est forcément exercée par une association agréée au niveau national.

Le tribunal de grande instance présente au juge des cas individuels : le cas d’abonnés de téléphonie mobile habitant à Paris et Marseille, le juge doit faire la chose suivante dans une même décision :

          Examiner la recevabilité de l’action

          Statuer sur la responsabilité du professionnel

          Définir le groupe

          Fixer les critères de rattachement au groupe

          Déterminer les préjudices susceptibles d’être réparés, leur montant etc.

          Précise si une réparation en nature est possible.

 

S’il pense que le professionnel est responsable, il va ordonner des mesures de publicité pour informer le consommateur. Puis il fixe un délai d’adhésion au groupe entre 2 et 6 mois et la manière d’adhérer au groupe ainsi que le délai dans lequel doit intervenir la réparation du préjudice de celui qui va réparer.

Alors intervient une deuxième étape qui consiste de la part des consommateurs ainsi informés à adhérer au groupe ou à refuser l’adhésion. Le consommateur qui n’adhère pas conserve le droit d’agir individuellement. Cette action de groupe est unique, il n’existe pas de système comparable dans le monde entier parce que le consommateur va adhérer au groupe une fois que le juge a déterminé le montant des dommages et intérêts ce qui a quelque chose d’aberrant : dans tous les systèmes il y a deux phases qui peuvent être distinctes selon les modèles étrangers et dans tous les systèmes le consommateurs s’il doit adhérer le fait avant de savoir quel est le montant de l’indemnisation. Ici, il n’adhère qu’une fois le jugement évaluant le préjudice rendu. Tout se passe en réalité comme s’il n’y avait qu’une seule phase dans cette action de groupe à la française. Le professionnel doit indemniser individuellement les préjudices de chaque consommateur et le juge devra trancher les difficultés, régler les hypothèses dans lesquelles le professionnel aura refusé l’indemnisation. Il y a deux autres actions à ajouter : l’action de groupe simplifiée qui est une simplification de cette procédure. C’est dans l’hypothèse où l’identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus et le préjudice subi est d’un même montant ou d’un montant identique par prestation ou par période. On a la liste des consommateurs lésés. En réalité, c’est l’entreprise elle-même qui a la liste des abonnés, donc l’entreprise elle-même doit donner le nom des demandeurs. Le professionnel peut être condamné à indemniser directement et individuellement les consommateurs et il doit les informer. Le consommateur doit adhérer. Mais on évite la mesure de publicité collective. La décision rendue n’a autorité de chose jugée que lorsque le consommateur a accepté l’indemnisation et a perçu ladite indemnisation. Les décisions ont autorité de chose jugée lorsque le préjudice a été réparé au terme de la procédure. C’est inédit en droit français de prévoir qu’une décision de justice a autorité de la chose jugée quand elle a été exécutée. Elle résulte du jugement et impose son exécution alors qu’ici l’autorité de la chose jugée est attachée à son exécution. Tant qu’il n’y a pas autorité de chose jugée, le consommateur peut agir individuellement. On laisse ouvert la possibilité d’agir individuellement tant que la procédure n’a pas abouti.

Le troisième type d’action, c’est l’action de groupe en matière de concurrence. La question qui s’est posée, c’est celle de l’agencement entre la décision de l’autorité de la concurrence et la décision qui va être rendue par le juge civil sur la réparation des préjudices résultant des pratiques anti-concurrentielles. En cas d’entente sur les prix, les entreprises s’entendent sur le niveau des prix, comme ça il n’y en a pas une qui est moins cher ce qui permet de maintenir les prix assez haut. Dans une telle hypothèse, l’entente est réprimée par le droit de la concurrence, elle va donner lieu à des sanctions de l’autorité de la concurrence mais ces sanctions ne réparent pas le préjudice subi par le consommateur. Il est logique qu’il puisse y avoir également une action en réparation sur le terrain civil, c’est le droit de la responsabilité de la part du consommateur contre les entreprises. L’utilité de l’action de groupe, c’est qu’il y a un nombre important de consommateurs qui ont subi le même préjudice. Cette coexistence d’une procédure devant l’autorité de régulation et devant le juge civil de l’autre. Est-ce que le juge peut considérer qu’il n’y a pas de faute alors que l’autorité de la concurrence aurait considéré qu’il y a manquement ? S’il y a problème, c’est aussi en raison des procédures de clémence qui existent dans notre droit. Ce sont des techniques de délation. Nous avons un droit qui favorise de plus en plus la délation. L’une des entreprises va se dénoncer elle-même et dénoncer les autres. Quand on se dénonce, l’autorité fait preuve de clémence à l’égard de l’entreprise qui se dénonce selon le rang qu’elle occupe dans le mécanisme de délation. Celui qui se dénonce en premier a plus d’intérêt que celui qui va se dénoncer par la suite. La clémence est fonction du fait que l’on se dénonce en premier ou non. Le président de l’autorité de la concurrence a énoncé qu’il y avait un problème : si le juge civil peut condamner à des dommages et intérêts une entreprise alors même qu’elle s’est dénoncée, alors elle n’aura aucun intérêt à se dénoncer. L’intérêt de se dénoncer, c’est la clémence qui est donnée par l’autorité de la concurrence mais rien ne dit qu’elle va être accordée par le juge civil. L’autorité de la concurrence statue en premier et la décision qu’elle rend sur le manquement s’impose au juge civil qui ne peut plus la remettre en cause de sorte que lorsqu’il y a manquement reconnu par l’autorité de la concurrence, il doit admettre qu’il y a faute civile et s’il y a absence de manquement reconnue par l’autorité de la concurrence, il doit refuser de considérer que le comportement constitue une faute. Il y a autorité de la chose jugée par l’autorité de la concurrence sur le juge civil en terme de manquement et donc en terme de faute civile ce qui est inédit dans notre droit. Cela veut dire qu’en cas de procédure de clémence, le juge civil ne pourra donc pas condamner l’entreprise qui s’est dénoncée devant l’autorité de la concurrence.

 

II.            Les héritiers

Les héritiers peuvent agir en justice au nom de la victime. Les héritiers exercent l’action du de cujus qui a été transmise par suite du décès. Cela va se transmettre aux héritiers dans le cas du décès de la victime. Ils exercent donc l’action qu’aurait pu exercer la victime et non pas leur action.

L’action des héritiers pose deux problèmes :

          La transmission d’action en réparation du préjudice moral. Il ne faut pas confondre le fait que le dommage moral soit personnel et le droit à réparation du dommage moral qui lui est patrimonial et qui se transmettra donc aux héritiers. Ce droit à réparation étant de nature patrimoniale, les héritiers peuvent tout autant l’exercer et en disposer. Cela pose un problème d’évaluation : comme savoir quelle a été la peine et la souffrance du de cujus ? Ce problème d’évaluation intervient en aval une fois qu’on admet qu’il y a droit à réparation.

          Quid si la victime est décédée sur le coup ? Comment peut-il naitre un droit à réparation dans son patrimoine qui se transmette ? Le décès immédiat n’empêche-t-il pas la naissance du droit à réparation dans le patrimoine du de cujus de telle sorte qu’il ne pourrait pas se transmettre ? La jurisprudence a dit dans les années 20 qu’on ne meurt jamais vraiment sur le coup. Du coup, le droit à réparation peut se transmettre. La Cour de Cassation a fini par dire que même en cas de mort sur le coup, le droit à réparation se transmet.

 

III.           Les victimes par ricochet

Ce sont les proches de la victime. Le préjudice dont ils demandent réparation, c’est le leur. Lien de proximité, arrêt de 1970. Opposabilité à la victime par ricochet de la faute de la victime immédiate. La jurisprudence considère que l’on peut opposer à la victime par ricochet, pour limiter son droit à réparation, voire pour fermer son action en réparation, on peut lui opposer la faute commise par la victime immédiate. Cela ne va pas de soi car elle est une victime elle-même, elle n’agit pas en tant qu’héritier mais la jurisprudence a énoncé qu’on lui opposait quand même la faute de la victime immédiate.

 

Section 2 : les actions récursoires

2 remarques : il peut y avoir des recours entre coresponsables.

          Soit les coresponsables sont tous les deux fautifs et le juge tient compte de la gravité des fautes respectives pour évaluer la contribution à la dette de chacun des coresponsables même lorsque la victime est elle-même un coresponsable. Dans les coresponsables, il peut y avoir la victime elle-même.

          Le recours peut se faire auprès d’un assureur de responsabilité et la victime a toujours le choix de se tourner contre l’assureur ou contre l’auteur. Si l’assureur indemnise, il est subrogé dans les droits de la victime, il prend la place de la victime et peut ensuite se retourner contre l’auteur. Il faut distinguer, il y 2 assureurs éventuels : l’assureur de l’auteur et l’assureur de la victime.

 

Section 3 : la mise en œuvre du jugement

Il y a en droit français un principe essentiel de réparation intégrale qui signifie que la victime a le droit à la réparation de son entier préjudice ni moins ni plus. Ce principe est essentiel, sa mise en œuvre soulève des difficultés.

Comment évaluer le préjudice lorsque l’on se trouve en présence d’une chose ancienne, abimée ? Faut-il admettre que la chose a le droit à une chose neuve ? Faut-il limiter l’indemnisation au prix des réparations ? C’est un problème de réparation intégrale. Imaginons une twingo neuve, elle est accidentée et il y a plus de valeur de réparation que la valeur de la voiture. C’est la question de la déduction du vieux au neuf. Normalement, le responsable ne peut pas avoir à payer plus que la valeur de la chose au regard de son prix de marché. La victime ne peut pas imposer les réparations pour un montant dépassant ce prix de marché. Il y a toutefois une exception, sauf s’il n’y a pas de chose équivalente sur le marché.

 Comment et à quelle date évaluer le dommage ? Le principe en droit français c’est que le juge évalue le dommage au jour du jugement et non pas au jour où le dommage a eu lieu. Il va intégrer dans sa décision les variations qui ont eu lieu entre le moment de réalisation du dommage. Variations qui peuvent être du dommage lui-même et si le dommage a évolué, on appelle cela une variation intrinsèque du dommage. Mais le dommage peut aussi avoir évolué en valeur car les prix, les coûts de réparations augmentent, on appelle cela la variation extrinsèque du dommage. Quid des variations du dommage après le jugement ? Si la victime voit son état, s’améliorer, on ne va pas demander à ce qu’elle rembourse les dommages et intérêts. En revanche, en cas d’aggravation du dommage, elle pourra demander une nouvelle réparation.

 

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