RESPONSABILITÉ DES COMMETTANTS DU FAIT DES PRÉPOSÉS
Il y a ici une présomption irréfragable de responsabilité. Dès lors qu’est caractérisée une relation commettant / préposé, il y a responsabilité de plein droit dont le commettant ne pourra s’exonérer par la force majeure ou la faute de la victime. En effet, l’art 1384 al 7 ne parle pas des commettants.
La seule possibilité d’écarter la responsabilité du commettant est de dire que l’on n’est pas dans le régime de l’article 1385 al 5.
CONDITIONS
- La responsabilité du médecin
- Le préjudice lié à la naissance et l’affaire Perruche
- La responsabilité du fait des produits défectueux
- La responsabilité des commettants du fait des préposés
- La responsabilité des parents du fait de leur enfants
- Y a-t-il une Responsabilité générale du fait d’autrui?
- Qu’est ce que la responsabilité du fait des choses?
— Existence d’un lien de préposition : il se caractérise généralement par l’existence d’un lien de subordination. C’est par exemple le cas du contrat de travail (pouvoir de droit de donner des ordres) mais aussi un pouvoir de fait de donner des ordres. Très souvent, le lien de subordination ressortira d’un pouvoir de droit (contrat de travail). Com. 24 janvier 2006 : régate en mer. On va rechercher l’existence d’un lien de subordination à l’encontre de la régate, ce qui n’est pas retenu par la Cour de cassation. Cass. 2ème civ. 26 octobre 2000 : l’art 1384 al 5 s’applique pour la responsabilité du propriétaire d’un cheval pour un accident causé par le jockey, rémunéré par le propriétaire du cheval. Cass. 1ère civ. 13 mars 2001 : clinique privée où un chirurgien est entouré d’aides au cours de l’opération. De qui ces aides sont-ils préposés ? De la clinique ou du médecin ? Lorsque l’infirmière exerce ses fonctions dans cette hypothèse, en dépit du droit de donner des ordres émanant de la clinique, l’infirmière devient préposée en fait du chirurgien durant l’opération. Cependant, si l’infirmière a causé un dommage au chirurgien, on voit alors le droit de donner des ordres réapparaître.
— Faute du préposé : le lien de préposition permet de jouer sur l’art 1384 al 5 et non sur l’art 1384 la 1. En l’espèce, le joueur était salarié du club donc lien de préposition. La faute du joueur va être caractérisée, comme dans le cadre de l’art 1384 al 1, par une violation des règles du jeu (Cass. 2ème civ. 8 avril 2004).
— Abus de fonctions du préposé : deux conceptions :
- conception large : la responsabilité du commettant est retenue dès que le préposé a agi à l’occasion de ses fonctions. On va aller chercher si ses fonctions lui ont accordé des moyens qu’il n’aurait pas eu s’il n’avait pas exercé ses fonctions pour occasionner le dommage
- conception étroite : dès lors que le préposé se soustrait à l’autorité du commettant, sa responsabilité n’est pas engagée
Com. 14 décembre 1999 : un préposé d’une banque (guichetier) reçoit des fonds et dit à un client qu’il lui donne des liquidités pour qu’il fasse des placements. Selon la conception étroite, le guichetier se soustrait à l’autorité du commettant banquier en détournant les fonds. Il abuse alors de ses fonctions et la responsabilité de la banque n’est pas engagée.
Selon la conception large, le client n’a remis l’argent que parce que le guichetier exerçait de telles fonctions : c’est donc à l’occasion de ses fonctions que l’argent lui a été remis. La responsabilité de la banque serait alors engagée.
Dans le mouvement de la jurisprudence actuel, la conception large est retenue : la responsabilité du commettant banquier est engagée.
Cass. 2ème civ. 3 juin 2004 : le commettant voit sa responsabilité écartée lorsque le préposé agit hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.
MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ
Qui la victime peut-elle actionner ?
Arrêt Costedoat de l’ass plèn du 25 février 2000 : le préposé qui agit sans excéder les limites de sa mission n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers.
Situtation de fait |
Responsabilité du préposé |
Réponsabilité du commettant |
Le préposé agit dans les limites de sa mission |
Non (docs 40 et 41), sauf infraction pénale intentionnelle (arrêt Cousin) |
Oui car préposé dans ses fonctions |
Le préposé excède les limites de sa mission mais agit dans ses fonctions |
Oui |
Oui (arrêt du banquier) |
Le préposé agit hors de ses fonctions |
Oui |
Non |
La jurisprudence Costedoat est confirmée par deux arrêts de la 1ère civ du 9 novembre 2004 et un arrêt de la 2ème civ du 16 juin 2005 (gardienne de la maison de retraite).
« Le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient ; A violé les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil, la Cour d’appel qui, pour condamner le médecin de garde dans un établissement de santé à indemniser le préjudice subi par le patient, relève que celui-ci n’a pas correctement surveillé les suites de l’intervention chirurgicale, que sa qualité de salarié n’aliène nullement l’indépendance dont il dispose dans l’exercice de son art et que sa responsabilité doit être retenue sur le fondement de l’article 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil. (1er arrêt)
La sage femme salariée qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privée, n’engage pas sa responsabilité à l’égard de la patiente ; Cassation pour violation des articles 1382 et 1384 alinéa 5, de l’arrêt qui pour condamner une sage femme in solidum avec la clinique qui l’employait et un gynécologue obstétricien au paiement d’indemnités aux parents d’un enfant souffrant d’une grave infirmité motrice cérébrale, relève que la sage femme dispose d’une indépendance professionnelle qui en fait plus qu’une simple préposée de sorte que sa responsabilité professionnelle peut être recherchée en raison de fautes personnelles commises et que le défaut de surveillance qui lui est imputable a retardé la découverte d’une souffrance fœtale à l’origine des lésions dont souffre l’enfant. » (2ème arrêt)
Pénalement, l’arrêt de principe est l’arrêt Cousin de l’ass plèn du 14 décembre 2001 : le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, même sur ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci.
Par conséquent, le préposé agissant dans le cadre de sa mission mais condamné pénalement pour une infraction intentionnelle engage sa responsabilité civile.
Cet arrêt a été confirmé par un arrêt de la crim du 28 mars 2006.