LA RESPONSABILITÉ DES COMMETTANTS DU FAIT DES PRÉPOSÉS
Article 1384, al 5 Code civil : les maîtres et commettants sont responsables des dommages causés par leurs domestiques et préposés.
XIX: Fondés sur double faute possible:
– soit que le commettant n’avait pas assez surveillé
– soit qu’ils avaient choisi des préposés incompétents.
- Cours de droit de la responsabilité civile
- Définition de la responsabilité civile
- Distinction entre responsabilité civile, pénale, administrative
- Distinction entre responsabilité délictuelle et contractuelle
- Histoire de la responsabilité civile
- Objectivation et collectivisation de la responsabilité civile
- Le non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles
Exonération du commettant en renversant cette présomption de faute.
Évolution rapide de la J: engagement de la responsabilité du commettant de plein droit, indépendamment de toute faute. C’est actuellement une responsabilité objective et indirecte = elle suppose que le préposé soit responsabilité.
Responsabilité fondée sur la notion de risques comme celle du fait des choses. L’activité des préposés est source de risque. Quand ils se réalisent, le commettant doit les assumer parce qu’il a l’autorité sur le préposé et qu’il tire profit de son activité.
- Certains ont ajouté des fondements autres que le risque. On dit que cette responsabilité est:
– une garantie de solvabilité pour la victime.
– Représentation (sens approximatif et non technique).
– Aptitude à l’assurance des commettants beaucoup plus forte que celle du préposé. Fondement pas très juridique mais véritable. Le préposé ne s’assure pas pour dommage causé à tiers. En revanche, commettant s’assure pour dommage causé par préposé.
I/ CONDITIONS
A) LE FAIT GÉNÉRATEUR = LE FAIT DOMMAGEABLE DU PRÉPOSÉ
Il faut que ce soit un fait de nature à engager la responsabilité du préposé = en pratique, ce sera toujours une faute (à l’origine du dommage).
PB: quand le préposé utilise une chose dans ses Fonction pour le compte du commettant, ce n’est pas lui le gardien de la chose. Il n’a pas de pouvoir indépendant sur cette chose. à Préposé et gardien sont 2 notions radicalement incompatibles. Conséquence: le préposé n’est jamais le gardien d’une chose.
Quand le préposé abuse de ses Fonctions, on parle de préposé « infidèle ». Dès lors, il peut être considéré comme gardien: il n’exerce plus de pouvoir en tant que subordonne mais dans son intérêt. Il devient gardien car il n’est plus préposé.
Le commettant est toujours gardien donc il faut prouver la faute du préposé.
- La faute du préposé n’a pas besoin de lui être moralement imputable. Il peut avoir agi sous l’empire d’un trouble mental (art. 414-3 Cc). Si le fait est objectivement fautif, cela suffit. Loi 1968: malgré cela, il n’en est pas moins responsable.
- Assignation dans le procès du préposé par la victime n’est pas nécessaire. Seul le commettant peut être appelé.
B) LIEN DE PRÉPOSITION ENTRE COMMETTANT et PRÉPOSÉ
L’auteur du dommage doit être le préposé. Il doit être relié au commettant par un lien de préposition.
Dans un premier temps, on voit qu’une personne a commis un dommage et ensuite, on remonte au commettant.
1°) CRITÈRES DU LIEN
1) Existence d’un lien de subordination = pouvoir de donner des ordres ou des instructions à une personne qui accepte de s’y soumettre. C’est bien l’autorité du commettant sur le préposé. Ce pouvoir peut être abstrait, théorique. Il doit avant tout être réel et existant (Ex classique: le contrat de T).
2) Ouverture de la Jurisprudence plus généralement à tous les cas où une personne se met au service d’autrui dans une activité ou entreprise déterminée. Cette mise au service va bénéficier au commettant qui va en tirer profit. Ça justifie sa désignation comme responsable.
2°) MISE EN ŒUVRE DES CRITÈRES
1) le lien de préposition se fonde sur un contrat. Le contrat de travail implique la subordination juridique du salarié à l’employeur. Plus de 95% des salariés sont des salariés. Existe-t-il d’autres contrats impliquant un tel lien? Rarement. Les autres impliquent une indépendance juridique des personnes acceptant de travailler pour autrui.
> Contrat de mandat = travailleur indépendant = pas de lien de préposition.
> Contrat d’entreprise = entrepreneur indépendant du maître d’ouvrage = il n’est pas préposé. Jurisprudence récente: le dirigeant d’entreprise n’est pas un préposé de la société sauf s’il est salarié.
Élargissement des critères lié à l’évolution du critère du contrat de travail.
> Avant: subordination juridique.
> Actuellement: une personne techniquement indépendante peut être salariée.
Ex: libéraux exerçant dans le cadre d’une entreprise.
à Indépendance professionnelle compatible avec le statut de salarié. Des salariés professionnels indépendants peuvent être préposés. Jurisprudence se réfère à la « mise au service d’autrui » (médecin préposé de l’établissement qui l’emploie: cf. médecin remplaçant à la Croix-Rouge, Crim, 5 mars 2002 (TD)).
à Les professionnels juridiquement indépendants (libéraux) exerçant dans un cadre, au profit d’autrui, peuvent être considérés comme des préposés. Ex: artisans, voiturier d’un restaurateur.
2) Lien purement factuel en dehors de tout cadre. Le préposé se met spontanément au service du commettant = « Le préposé ponctuel » se met gracieusement au service d’autrui; la responsabilité du commettant n’en sera pas moins engagé. Ex: service rendu bénévolement type déménagement.
3) transfert du lien de préposition: plusieurs personnes exercent un pouvoir sur le même préposé.
Ex: infirmière dans une clinique; location de véhicule avec chauffeur; mise à disposition d’une MO au profit de l’E; E de Travail temporaire.
Qui est le commettant? La garde est alternative et non cumulative, il faut choisir.
Selon quel critère? Celui qui, au moment du fait dommageable, exerce l’autorité principale et effective et au profit duquel le préposé agit.
– S’il y a une convention, désignation à l’avance.
– A défaut, recherche selon les critères. Jurisprudence retient souvent l’utilisateur (chirurgien et pas la clinique pour le dommage de l’infirmière).
Exception: mise à disposition sans transférer l’autorité (seule l’intégration complète permet de faire de l’utilisateur le commettant).
4) fractionnement du lien de préposition: un même préposé soumis en même temps à plusieurs personnes. La cause du dommage fait varier la désignation du commettant.
Ex: location de véhicule agricole.
> L’entreprise de location est responsable s’il y a une défaillance technique.
> S’il y a une faute de conduite, l’utilisateur est responsable.
Ex: infirmière commet une faute lors de l’opération, le chirurgien est le commettant, il est donc responsable.
Si une chose est défectueuse, la clinique est responsable.
C) LE RATTACHEMENT DU FAIT DOMMAGEABLE AUX FONCTION DU PRÉPOSÉ
Art 1384, al 5: « Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés« .
- Pas de difficulté. – l’acte dommageable est rattaché aux Fonction s’il émane de l’exercice défectueux des Fonctions.
– pas rattachable s’il se produit dans une situation étrangère aux fonctions.
- Difficultés en cas « d’abus de Fonction ». Le commettant est-il responsable des actes dommageables commis par le préposé abusant de ses Fonction ?
Ex: fait dommageable en utilisant un véhicule de fonction à des fins personnelles.
5 réunions de la Cour de Cassation en assemblée plénière mettent fin à la division entre Civil 2ème et Chambre criminelle:
– DIVISION DE LA COUR DE CASSATION
– Civil. 2ème: critère du but des fonctions. S’il agissait conformément au but, le fait dommageable se rattache aux Fonction et vice versa.
– Chambre Crim: critère plus large et souple. Rattachement à chaque fois que le fait dommageable a été commis à l’occasion de l’exercice des Fonction et avec les moyens procurés par les Fonctions.
Ex: infraction sur le lieu de travail, rattachement toujours possible, même si non conforme au but des fonctions.
Chambres réunies en 1960 puis Assemblée Plénière, 1977 plus 1983 plus 1985 àéchecs successifs des décisions car motif jamais suivi.
– FIN DE LA DIVISION
– Assemblée Plénière, 19 mai 1988. Le commettant ne s’exonère de sa responsabilité « que si son préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ». En l’espèce, le commettant demeure responsable car action dans le cadre de ses fonctions, avec les moyens procurés.
- PRINCIPE: a priori, si le préposé cause un dommage, le commettant est responsable. Exonération si 3 conditions cumulativement remplies:
– Action sans l’autorisation du commettant.
– Acte étranger aux attributions (action dans un i personnel par ex).
– sortie du cadre objectif de ses fonctions (en dehors du lieu, en dehors des horaires de travail) à Jurisprudence très exigeante.
- Appréciation objective du lien permet de tempérer. Il faut se fier aux apparencesà l’égard de la victime. Appréciation de sa bonne foi (pouvait-elle légitimement croire que le préposé agissait dans ses fonctions ?). Si elle a pu croire que le préposé était dans ses fonctions, le commettant est responsable car le rattachement avéré. Sinon, exonération.
II/ EFFETS
A) SUR LE RESPONSABILITÉ DU COMMETTANT
– responsable de plein droit, sans faute dès que les 3 conditions sont réunies. Exonération seulement si une condition fait défaut.
B) SUR LA RESPONSABILITÉ DU PREPOSE
- PRINCIPE= recours du commettant contre le préposé.
Pratiquement, victime s’adresse au commettant et non au préposé. Le commettant ou son assureur peut envisager un recours contre le préposé. En pratique, ce recours n’était jamais pratiqué.
> RAISON JURISPRUDENTIELLE: dans la plupart des cas, c’est l’assureur qui indemnise la victime. Art L 121-12 Code des assurances: l’assureur du commettant n’a pas de recours contre le préposé. Et comme la plupart du temps c’est l’assureur qui paie…
D’ailleurs, la doctrine pas tout à fait unanime critiquait vivement le principe même. Pour elle, irresponsabilité du préposé. Idée: lorsque le préposé agit pour le compte et dans l’i du commettant, il doit être garanti pour les faits dommageables qu’il commet dans l’exercice de ses Fonctions, sorte de couverture. Le préposé ne doit pas voir sa responsabilité engagée, doit disposer d’une garantie.
- ÉVOLUTION JURISPRUDENTIELLE
1) Chambre Commerciale., 12 oct. 1993, Rochas (parfumeur bien connu) (revirement de jurisprudence): le préposé est en principe irresponsable sauf dans les hypothèses où il a commis une faute personnelle. Certains auteurs disaient faute personnelle = faute d’une certaine gravité, faute qualifiée. Cour de Cassation n’a jamais précisé ce qu’il fallait entendre. On a beaucoup glosé sur cette notion.
2) Assemblée Plénière, 25 fév. 2000, Costedoate. Finalement, abandon de la faute personnelle. PRINCIPE= irresponsabilité du préposé tant qu’il reste dans les limites de sa mission impartie par son commettant. C’est le nouveau critère.
QUESTION des auteurs: est-ce l’équivalent de l’abus de fonction? Il ne semble pas. Un préposé peut rester dans le cadre de ses Fonction tout en excédant les limites de sa mission. Ex: L’acte demeure rattachable aux Fonction si le commettant autorise le préposé à commettre le dommage > engagement responsable du commettant.
EXCES DES LIMITES DE LA MISSION DU PREPOSE (2):
> Action du préposé dans une finalité étrangère aux attributions, dans son i personnel.
> Action du préposé hors de ses fonctions
- HYPOTHESES:
– DBLE RESP: Dans ces 2 cas, le préposé pourra être déclaré responsable en même temps que le commettant. Dble responsable car préposé excède les limites de sa mission et du commettant et l’acte demeure rattachable à ses Fonction (on a bien dit, le préposé pourra être déclaré responsable).
– SITUATION NORMALE: action du préposé dans cadre de sa mission et acte rattachable à sa mission > irresponsabilité du préposé et responsabilité du commettant.
– PREPOSE SEUL RESPONSABLE. Préposé responsable car il est sorti des limites de sa mission et irresponsabilité du commettant si l’acte du préposé n’est pas rattachable à ses Fonctions.
- EXCEPTIONS IMPORTANTES (apparues après l’arrêt d’Assemblée Plénière)
1) Le préposé commet une infraction pénale intentionnelle et est condamné pour cette infraction.
Assemblée Plénière, 14 déc. 2001, Cousin: même si le préposé n’a pas excédé les limites de ses Fonctions, il ne mérite plus le bénéfice de l’irresponsabilité et doit être déclaré personnellement responsable. Exception de l’arrêt Costédoate.
2) Chambre criminelle, 7 avril 2004 précise: la condamnation pénale du préposé n’est pas nécessaire. Il est responsable s’il commet une faute pénale intentionnelle.
3) Chambre criminelle, 28 mars 2006 (extension considérable de l’exception). Le préposé doit être déclaré responsable à chaque fois qu’il commet une faute pénale non intentionnelle mais qualifiée au sens de l’article 121-3 CP.
= Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Finalement, le principe d’irresponsabilité est presque devenu l’exception.
BILAN: En théorie: cadre de sa mission = irresponsabilité du préposé
Arrêt costedoat: responsabilité du préposé s’il excède les limites
Responsabilité du préposé si faute intentionnelle voire une simple faute pénale non-intentionnelle.
QUESTION: l’irresponsabilité du préposé est-elle une véritable irresponsabilité? NON. C’est une simple immunité. Elle permet au préposé d’échapper à toute condamnation. Pour autant, il demeure responsable. On parle parfois d’immunité personnelle. Le résultat est le même mais il y un intérêt au regard de l’assurance. Lorsque le préposé est personnellement assuré, la victime pourra solliciter une indemnisation après de l’assureur.