La responsabilité du banquier du fait des crédits

La responsabilité du fait des crédits

Les crédits bancaires peuvent causer des dommages graves tant aux particuliers qu’aux entreprises s’ils sont mal octroyés, s’ils sont excessif ou si on y met fin de manière abusive.

On est devant une situation difficile pour la banque :

D’un côté, devoir de non ingérence : le banquier n’a pas à décider à la place de son client de ce qui lui convient le mieux.

D’un autre côté, devoir de prudence : la banque doit être attentive à la situation du client.

Pendant longtemps, la jurisprudence a hésité à engager la responsabilité du banquier.

Par la suite, excès inverse : à chaque fois qu’il y avait un problème, c’était le banquier qui était responsable.

Il ne faut pas perdre de vue que le banquier ne peut pas être considéré comme responsable des pertes subies par son client ou par le créancier de son client, qu’à condition qu’il ait eu un comportement fautif.

Réforme de 2005 sur les procédures collectives qui a limité la possibilité de mettre en cause la responsabilité des créanciers (vise en réalité les banquiers).

I) Le comportement fautif du banquier

La banque peut être responsable vis-à-vis de son client ou d’un tiers pour des fautes très variées.

On peut remarquer que la gestion des crédits est devenu pour les banques un exercice périlleux : elles ne doivent pas trop en donner, mais suffisamment.

On va indiquer les 3 grands cas sanctionnés : rupture abusive de crédit, octroi abusif de crédit et immixtion dans la gestion.

1) La rupture abusive de crédit

Rappel : le banquier est libre normalement de refuser de fournir un crédit, ce qui a pour conséquence, qu’il est libre de renouveler un crédit.

Il y a cependant des circonstances, où cela peut poser des problèmes.

La banque met fin à un crédit en cours.

Le client comptait sur ce crédit pour continuer à se financer.

Une telle faute engage la responsabilité de la banque en cas de rupture abusive du contrat.

2 conditions doivent être réunies :

La banque a mis fin à un crédit auquel le client était en droit de s’attendre.

Problème quand un crédit est arrivé à sa fin et où la banque décide de ne pas renouveler, alors que la banque le renouvelait depuis des années.

La banque a agi de manière brutale.

Problème de l’alinéa 2 de l’article L 313-12 : vise la situation irrémédiablement compromise et le comportement gravement répréhensif.

Pour les fautes des clients : il faut une faute très grave (c’est « comportement gravement répréhensible »), comme l’escroquerie.

Pour la situation irrémédiablement compromise : d’un côté, on a la règle suivant laquelle ce n’est pas à la banque qui doit mettre fin au crédit en cas de difficulté financière qui mène à une procédure collective. D’un autre côté, al 2.

Jurisprudence : la seule existence d’une procédure collective ne suffit pas à justifier la rupture du crédit. La situation n’est pas forcément irrémédiablement compromise.

Il faut donc que la banque puisse établir que l’entreprise est tellement insolvable qu’elle n’a aucune chance de se redresser. Quand il y a une procédure de liquidation, c’est clair !

Sous couvert d’une exception de la loi, il y a peu de cas qui pourront se présenter pour le banquier.

Le non renouvellement du crédit

Ne concerne que les crédits à durée déterminée.

La question du renouvellement dépend des relations entre la banque et son client.

Il faudra en effet étudier ces relations pour vérifier que le client a pu croire que son crédit serait reconduit.

Ex : la banque a promis, le fait que la banque renouvelle le crédit tous les ans depuis 10 ans.

Si le client pouvait croire que son crédit serait reconduit, et si la banque ne l’a pas informé avec un préavis, la banque est sanctionnable.

Com., 21 septembre 2004 : RDBF 2004, n°229

Une difficulté particulière concerne les découverts en compte. En effet, on n’a pas toujours une convention en bonne et due forme qui a été expressément entre les parties. Il peut être difficile d’établir l’existence d’une autorisation de découvert.

Il se peut que la banque accorde des facilités de caisse, c’est-à-dire qu’elle accepte que le compte soit débiteur pour une durée limitée et de façon exceptionnelle.

Donc les facilités de caisse n’impliquent aucun engagement de la banque en principe. Le problème vient du fait que dans certains cas, cette facilité est répétée. Si en effet, en répétant systématiquement cette tolérance, la banque laisse croire à son client qu’il bénéficiait d’une autorisation de découvert, dans ce cas, on considère qu’il y a une convention de découvert tacite dont la rupture peut entrainer la responsabilité de la banque.

La difficulté, c’est la preuve.

Ex 1 : la permanence d’un solde négatif dans un compte courant démontre l’existence d’une convention tacite de découvert.

Ex 2 : la banque avait autorisé un débit pendant 2 mois, ce n’était qu’une facilité de caisse.

2) L’octroi abusif de crédit

Les crédits aux particuliers

Dans le but de lutter contre le surendettement des particuliers, la jurisprudence considère que la banque commet une faute quand elle octroie un crédit excessif au regard des facultés contributives du client.

Devoir de mise en garde est accompagné d’une responsabilité.

Jurisprudence n’est valable que pour l’emprunteur non averti.

Dans une affaire récente : l’emprunteur était assisté lors de la conclusion de son contrat de crédit par son conjoint qui était cadre supérieur au sein de l’établissement prêteur. Refus d’appliquer la jurisprudence. Com. 3 mai 2006, D. 2006, actualité 1445 2ème espèce.

Les crédits aux entreprises

La banque peut engager sa responsabilité vis-à-vis de l’entreprise pour lui avoir fourni des crédits disproportionnés par rapport à ses facultés.

Situation avant 2005

Jurisprudence considérait que dès lors que le crédit avait eu pour effet de prolonger une situation déjà catastrophique, la banque avait abusivement soutenu l’entreprise, et elle était donc responsable.

1 condition : la banque savait ou avait pu savoir que la situation de l’entreprise était irrémédiablement compromise.

La jurisprudence sanctionnait aussi les banques qui octroyaient aux entreprises des crédits ruineux.

Ex : crédits disproportionnés par rapport aux facultés de l’entreprise.

Dans le cadre d’une procédure collective : la banque devait verser une indemnité pour compenser le préjudice causé par l’entreprise à ses créanciers.

Le résultat, c’est que la banque est un établissement commercial, donc elle ne prend plus de risque. Du coup, la banque ne donnait plus de crédit, et on aggravait la situation catastrophique.

Situation depuis la loi du 26 juillet 2005

Modifie les termes de la loi en ce qui concerne cette question.

L 650 1° du Code de commerce : prévoit désormais qu’un créancier ne peut être tenu pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis sauf en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

3)  L’immixtion dans la gestion

Principe de non inférence : le banquier n’est pas censé intervenir si son client utilise le crédit de façon inopportune, d’une façon irrégulière, ou encore s’il utilise le crédit de façon dangereuse pour lui ou pour son entreprise.

D’autre part, la banque ne peut pas refuser d’exécuter la convention de crédit au motif qu’elle lui parait inadaptée aux besoins du client.

Enfin, la banque n’est pas tenue de faire des recherches ou de demander des éclaircissements pour s’assurer que la convention de crédit est bien utilisée correctement par le client.

En cas d’anomalie manifeste, le devoir de vigilance du banquier lui imposera de réagir : il devra adresser une mise en garde à son client.

Pour les entreprises, la jurisprudence antérieure à la réforme de 2005 retenait la responsabilité du banquier comme dirigeant de fait quand il s’était immiscé dans la gestion de l’entreprise, de sorte que ce banquier pouvait être condamné à combler l’insuffisance d’actif.

Il faut que la banque ait fait des actes positifs de gestion et de direction.

Article L 650-1 Code de commerce : vise expressément le cas d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur.

II ) Les conditions de l’action contre le banquier

La mise en jeu de la responsabilité du banquier se présente sous un angle très différent suivant que c’est fait par un client, par un tiers ou par les créancier du client.

1) L’action par le client

La responsabilité du banquier est en principe contractuelle. En dehors du cas particulier des consommateurs non avertis, la jurisprudence a tendance à refuser la responsabilité du banquier pour octroi de crédits importants sauf circonstances exceptionnelles.

Il peut agir contre le banquier selon les principes généraux de la responsabilité contractuelle.

2) Les créanciers du client

L’entreprise n’est pas en difficulté

Il sera très rare que l’on admette une responsabilité de la banque à leur égard.

En cas de procédure collective

Il y a un changement quant au droit d’agir des créanciers.

En effet, la défense de l’intérêt des créanciers est exercée par l’administrateur judiciaire ou par le liquidateur.

C’est donc à l’administrateur ou au liquidateur qu’il reviendra d’agir contre la banque si son comportement a causé une diminution de l’actif de l’entreprise ou une aggravation du passif.

2 actions possibles :

Comblement de l’insuffisance d’actif : article L 651-2 Code de commerce

Concerne toutes les procédures (sauvegarde, redressement, liquidation) et permet au Tribunal de condamner un dirigeant de fait qui par ses fautes de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif.

Les sommes récupérées sont versées à l’entreprise puis versées aux créanciers.

L 652 1° Code de commerce : permet au Tribunal de mettre à la charge des dirigeants de droit ou de fait toute ou partie des dettes d’une personne morale en liquidation judiciaire.

3) Action des tiers

La banque peut être responsable de manière délictuelle vis-à-vis de tout tiers à qui son comportement en matière de crédit a causé un préjudice.

En pratique, ce sont surtout les cautions qui mettent en jeu cette responsabilité.

En effet, en pratique, la banque s’adresse à la caution pour lui demander de payer à la place du débiteur principal. Elle va invoquer des fautes commises par la banque à son égard (ex : le défaut d’information) ou des fautes commises par la banque à l’égard du débiteur principal (ex : interruption brutale du crédit).

Elle peut invoquer ces fautes de  2 manières, soit pour demander une indemnité soit pour argument pour refuser d’exécuter son propre engagement.

 

Responsabilité de la banque en raison de ses fautes à l’égard de la caution : ne pose pas de problème. Application des principes délictuels classiques.

La nature de la faute doit être précisée : à l’heure actuelle, il s’agira dans la majorité des cas d’un défaut d’information. Aussi bien pour la protection des consommateurs que pour la protection des entreprises, il y a des obligations d’information.

Par contre en ce qui concerne le fait que la caution s’est engagée de manière disproportionnée par rapport à ses revenus : la sanction n’est pas la responsabilité, mais en vertu de l’article L 341-4 du Code de la consommation, la banque ne pourra se prévaloir du cautionnement.

En revanche, en ce qui concerne la situation dans laquelle la caution met en jeu la responsabilité de la banque pour faute de la banque à l’égard du débiteur principal, il y a plus de difficultés à reconnaitre cette possibilité.

D’une manière générale, on signalera que la jurisprudence est relativement sévère pour la caution. Elle considère que la caution ne peut invoquer le soutien abusif au débiteur principal par la banque à partir du moment où elle connaissait ou était censée connaitre la situation de l’entreprise. En effet, la jurisprudence considère plus ou moins que la caution a pris ses risques. Elle connaissait la situation et a accepté de cautionner quand même.

En ce sens : Com., 3 mars 1992, Bull IV n°98.

Laisser un commentaire