Qu’est ce que la responsabilité du fait des choses?

LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES : PRINCIPE GÉNÉRAL

Elle est régie à l’art 1384 al1 du Code civil.

En droit français, il existe un principe général de responsabilité du fait des choses.

La notion

L’article 1384 al1 est-il une introduction générale sans valeur de responsabilité du fait des choses  ou peut-il servir de principe ayant vocation à s’appliquer en dehors des cas du Code civil ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation dit que c’est une introduction symbolique des types de responsabilités existants.

Trois évènements vont transformer ce texte sans valeur en principe général de responsabilité du fait des choses :

  • L’émergence des préjudices liés aux accidents du travail : aucun texte ne prévoit une telle réparation donc pourquoi ne pas faire produire des effets à ce texte pour organiser une responsabilité de l’employeur des choses qu’il a sous sa garde. Arrêt Teffaine du 16 juin 1896 : application de l’art 1384 al1 aux accidents du travail pour retenir la responsabilité de l’employeur du fait des outils qu’il a sous sa garde. Cette solution est introduite dans une loi du 9 avril 1898, ancêtre du régime actuel de la SECU.
  • Les incendies : Civ. 16 novembre 1920, Gare de Bordeaux : en cas de communication d’un incendie par le fait d’une chose, peut-on retenir la responsabilité de son gardien ? La jurisprudence va appliquer l’art 1384 al1 à la communication d’incendies. Une loi du 7 novembre 2002 va introduire un art 1384 al2 du Code civil sur les incendies.
  • Arrêt Jand’heur des Chambres réunies du 13 février 1930 : la présomption de responsabilité établie par l’art 1384 al 1 à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable. Il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue. La loi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme. Il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l’art 1384 al 1 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même. Cet arrêt est né à propos d’un accident de la circulation.

 

 

LE RÉGIME

Les choses auxquelles l’art 1384 al1 est applicable

En principe, il s’applique à toutes les choses, sauf texte spécial. C’est par exemple le cas des animaux (art 1385 du Code civil), de la communication d’incendies (art 1384 al 2), la ruine d’un bâtiment (art 1386 : mais à condition que celui mis en cause soit propriétaire gardien du bâtiment. Cass. 2ème civ. 23 mars 2000 : l’art 1386 du Code civil n’exclut pas que l’art 1384 al 1 soit invoqué à l’encontre du gardien non propriétaire. Cela a été confirmé par un arrêt de la 2ème civ du 8 février 2006), navires, aéronefs, énergie nucléaire, circulation routière, choses qui n’ont jamais été appropriées (res nullius, comme le gibier). En revanche, les choses abandonnées sont soumises au jeu de l’art 1384 al 1 (bris d’une bouteille de bière dans la rue par un enfant. 2ème civ. 10 février 1982).

 

Le rôle causal de la chose : ce qui est présumé, c’est la responsabilité et non la faute. La victime doit donc établir le rôle causal de la chose dans le dommage, ce qui présumera la responsabilité sans avoir à prouver la faute du gardien.

Par conséquent, la seule possibilité pour le gardien de se dégager sera la faute de la victime, la force majeure ou le cas fortuit.

 

Lorsque la chose est en mouvement ou est dangereuse, le juge va présumer l’existence d’une causalité : la cause génératrice n’a pas à être directement établie par la victime car elle va être présumée. Dès lors que la chose est intervenue dans le dommage (même sans contact), la causalité est présumée. Cass. 2ème civ. 10 juin 2004 : bateau qui génère des vagues entraînant la noyade. Pas besoin de contact pour caractériser la responsabilité du moment que la chose est intervenue dans le dommage.

 

Lorsque la chose est inerte, la victime doit en prouver le rôle causal en prouvant son anormalité (position anormale sur la chaussée…). Si cette chose a un caractère normal, la responsabilité du fait des choses n’interviendra pas, faute de causalité.

La jurisprudence a, pendant un temps, refusé que soit pris en compte le caractère anormal de la chose pour que soit apprécié le rôle causal d’une chose inerte dans l’intervention du dommage :

Cass. 2ème civ. 15 juin 2000 (Laebrand) : contact d’un client avec la baie vitrée d’un grand magasin. La Cour d’appel recherche le caractère anormal de la baie vitrée. Elle dit qu’elle n’en a pas donc pas de responsabilité.

La Cour de cassation censure la Cour d’appel au motif que la baie vitrée était intervenue dans la réalisation du dommage. Elle ne prend donc pas ici le critère de l’anormalité de la chose anormalité de la chose inerte. Le fait qu’elle soit intervenue dans le dommage suffit à établir la causalité. Il n’y a alors plus de distinction entre chose en mouvement et chose inerte : la causalité est présumée dans les deux cas.

Cass. 2ème civ. 25 octobre 2001 : une boîte aux lettres dépasse du domicile d’une personne. Une personne s’y heurte. La Cour de cassation retient que la boîte aux lettres avait été, de par sa position, l’instrument du dommage.

Cass. 2ème civ. 18 septembre 2003 : la victime se heurte sur un plot sur un parking. La Cour de cassation estime que le plot était l’instrument du dommage. Le critère de l’anormalité est à nouveau rejeté par la Cour de cassation.

Après ces arrêts la Cour de cassation va à nouveau faire la distinction classique :

Cass. 2ème civ. 13 mai 2004 : une personne chute dans son immeuble en raison de travaux de sol. La Cour de cassation énonce que le sol, du fait de son anormalité, a eu un rôle actif dans la réalisation du dommage.

Cass. 2ème civ. 25 novembre 2004 : une personne chute dans un escalier. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif qu’il n’y avait pas d’anormalité de l’escalier dans la mesure où la victime est tombée du côté où il y avait une rampe.

Cass. 2ème civ. 17 février 2005 : en cas de neige et de verglas, la Cour de cassation dit qu’il faut prouver leur caractère anormal dans la réalisation du dommage.

Cass. 2ème civ. 24 février 2005 : baie vitrée coulissante qui n’a pas coulissé. La Cour de cassation dit que la baie vitrée avait eu un caractère anormal dans la mesure où elle s’était brisée.

Cass. 2ème civ. 4 janvier 2006 : la Cour de cassation retient le caractère anormal de la chose dans la réalisation du dommage.

La force majeure et la faute de la victime

Des circonstances vont permettre au responsable de s’exonérer de sa responsabilité

 

Exonération totale

En cas de force majeure ou de faute de la victime ayant les caractères de la force majeure (2ème civ. 27 mars 2003). Critères de la force majeure à rapprocher des deux arrêts de l’Ass Plèn.

 

Exonération partielle

Elle interviendra en cas de faute simple de la victime. Souvent, dans ce cas, la jurisprudence fait du 50 / 50

 

La titularité de la garde

Arrêt Franck des Chambres réunies du 2 décembre 1941 : la garde de la chose n’est pas une garde juridique mais une garde de fait. Le propriétaire n’est donc pas nécessairement le gardien. En effet, le gardien est celui qui a le pouvoir, l’usage et la direction de la chose.

Lorsqu’on est préposé, le fait qu’on nous confie un véhicule fait-il de nous un gardien ? Non car on n’a que l’usage, mais pas la direction et le contrôle. Le lien de préposition exclut le transfert de la garde.

Il peut y avoir une garde alternative mais en aucun cas cumulative.

Pour toutes les choses dotées d’un dynamisme propre (cigarettes, bouteilles de champagne), il faut faire une différence garde de la structure / garde du comportement. La garde de la structure revient toujours au fabricant donc si la structure a été défaillante, le seul gardien de la structure restera le fabricant.

 

Le défendeur a juste à prouver qu’il n’est pas le gardien mais n’a pas à démontrer qui est le véritable gardien (Cass. 2ème civ. 7 octobre 2004).

 

Cass. 2ème civ. 14 janvier 1999 : une personne prend un chariot et met tous ses achats d’un seul côté et se prend tout dessus. Qui est le gardien de la chose ? Le supermarché qui met à disposition le caddie ou le client ? La garde de la chose a été transférée au client. Pour en arriver là, la Cour de cassation :

  • est d’abord allée chercher si la chose était dotée d’un dynamisme propre, ce qui n’est pas le cas
  • a ensuite dit que face à une chose dangereuse (ce que le client disait), le transfert de la garde de cette chose dangereuse ne pourra se faire que si le gardien a totalement informé l’utilisateur de son caractère dangereux. La Cour de cassation a dit que vu que cette chose n’était pas intrinsèquement dangereuse, il n’y avait pas lieu d’informer le client. Le gardien a donc une obligation d’information quant aux choses dangereuses.

 

Acceptation des risques : à partir du moment où ce n’est pas une compétition sportive mais un jeu improvisé, l’acceptation des risques ne peut pas jouer (docs 21 et 23).

 

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