La responsabilité du médecin à l’égard du patient

La responsabilité du médecin

L’article 16-1 du Code Civil dispose que « chacun a le droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable ». Cette inviolabilité du corps humain a été réaffirmée par le Conseil Constitutionnel au sein de sa décision du 27 juillet 1994 qui déclare les lois Bioéthiques conformes à la constitution…

Introduction

L’article 16-1 du Code Civil dispose que « chacun a le droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable ». Cette inviolabilité du corps humain a été réaffirmée par le Conseil Constitutionnel au sein de sa décision du 27 juillet 1994 qui déclare les lois Bioéthiques conformes à la constitution. En effet, le CC affirme que l’inviolabilité, l’intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain affirmées par ces lois dites bioethiques tendent à assurer le respect du principe consacré constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Les conséquences pénales de ce principe sont évidentes, à savoir l’interdiction de blesser, de tuer autrui. D’où les difficultés qui peuvent apparaître dès lors que l’on évoque la question de la blessure médicale et donc curative, c’est à dire les opérations chirurgicales mais aussi par exemple, les transfusions sanguines. Ce débat concerne de manière plus vaste, la responsabilité des médecins en général, face à la maîtrise poussée et consciencieuse qu’il doivent avoir de leur art, ainsi que face au consentement qu’il doive, de bonne foi, recueillir de leur patient. Ce débat s’amplifie sous l’influence de la jurisprudence et des lois d’indemnisation des préjudices induits par l’activité du corps médical. Par exemple la loi d’indemnisation en faveur des victimes de transfusion sanguine du 31 décembre 1991. Mais au delà de l’action du législateur, c’est surtout la jurisprudence qui a donné depuis quelques années une impulsion à la diffusion de la responsabilité sans faute dans les secteurs de la santé, compte tenu de l’aspect dramatique des nouveaux préjudices. Plusieurs options sont proposées pour faire face à eux : recours à la médiation comme mode de résolution des conflits, suppression de la faute comme fondement de la responsabilité ou renversement de la charge de la preuve et présomption de faute.

Ainsi, nous verrons que la philosophie personnaliste des articles 16 à 16-3 du Code civil, qui a été réaffirmée récemment par les lois bio-éthiques, imprègne fortement la relation qui lie un médecin et son patient en y enracinant sa préférence pour la conclusion d’un contrat médical, symbole juridique de l’accord interpersonnel, auquel est attachée la médecine libérale; ainsi que sa préférence pour la faute comme mode de mise en jeu de la responsabilité contractuelle du praticien dans la mesure où la faute permet une stigmatisation morale du coupable que ne permet pas une responsabilité objective dénué de faute ou par faute présumée.

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I – L’obligation du médecin à l’égard de son patient est une obligation contractuelle de moyen dont la violation est sanctionnée par une responsabilité de même nature:

A/ L’arrêt Mercier affirme solennellement qu’un contrat caractérise les relations juridiques entre un patient et son médecin, ce dernier n’étant cependant tenu qu’à une obligation de moyens :

Il fut longtemps de règle que la responsabilité du médecin soit une responsabilité délictuelle reposant sur la preuve d’une faute commise dans l’acte médical, jusqu’à la consécration en 1936 d’une responsabilité de nature contractuelle. L’arrêt Mercier du 20 mai 1936 affirme en effet « qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement sinon de guérir le malade, du moins de lui donner des soins… consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ». En conséquence, une action civile peut réaliser une telle responsabilité.

Obligation de moyen vaut responsabilité pour faute du médecin:

L’arrêt Mercier définit très précisément le contenu de l’obligation contractuelle du médecin. Ce dernier ne s’engage pas à guérir le malade, mais seulement à se donner les moyens de le guérir. En effet, compte tenu de l’existence de l’aléa thérapeutique inhérent à toute maladie et des prédispositions du malade à supporter physiologiquement les soins, le médecin ne peut jamais être certain d’obtenir un tel résultat, celui de guérir son patient. Ce qui permet de classer l’obligation médicale dans les obligations de moyens ou de diligence, classiquement opposées aux obligations de résultat. De cette jurisprudence découle le fait que la responsabilité médicale est une responsabilité pour faute prouvée du praticien. Ainsi, le recours inévitable à d’autre médecins pour expertise contribue souvent à envelopper l’instruction de ces procès d’un nuage d’incompréhension voire de suspicion. Parallèlement la recherche de la faute impose aux médecins une sorte de harcèlement psychologique qui se dramatise pour peu que les intéressés portent leur vindicte au pénal (homicide ou blessures par imprudence). Un consensus pourrait il se former sur la ligne d’une responsabilité objective qui fixerait de manière nuancée des limites à la faute médicale et permettrait au juge de mettre en jeu la responsabilité des médecins sans porter de jugement de valeur sur les qualités de leur action ? Les tribunaux administratifs se proposent en exemple : c’est un fait que soignés (mal) dans un hôpital public, les malades pourront faire valoir contre l’établissement une responsabilité détachée de la faute. Le Conseil d’Etat à travers sa décision du 9 avril 1993, Bianchi, a jugé qu’il y a responsabilité sans faute de l’hôpital et donc obligation de résultat si l’acte présente un risque dont l’existence est connu, mais la réalisation exceptionnelle, qu’il n’y ait aucune raison que le patient soit particulièrement exposé à ce risque, que l’exécution de cet acte soit à l’origine directe de dommages d’une extrême gravité, sans rapport avec l’état du patient.

Obligation de sécurité résultat et responsabilité sans faute :

L’idée d’un infléchissement de la jurisprudence du juge judiciaire vers une obligation de sécurité et non plus seulement de moyen semble cependant s’être formée à travers la décision du TGI de Paris du 15 janvier 1999 : en effet, accessoirement à l’obligation de moyens, le chirurgien a une obligation de sécurité qui l’oblige à réparer le dommage causé à son patient par un acte chirurgical nécessaire au traitement, même en l’absence de faute, lorsque le dommage est sans rapport avec l’état antérieur du patient ni avec l’évolution prévisible de cet état ( ce qui n’est pas sans rappeler l’arrêt Bianchi de 1993 du CE). En deçà de cette avancée jurisprudentielle dont la portée normative est encore incertaine, il faut cependant rappeler que la jurisprudence a depuis longtemps affirmé que le médecin, au sein de la relation contractuelle qui le lie à son patient, est tenu dans certains cas très encadrés à une obligation de résultat. Ces cas tiennent à la réunion de circonstances exceptionnelles, c’est à dire dès lors que les justifications essentielles de l’obligation de moyen sont absentes du fait de la particularité des soins à fournir : soins non urgents, non curatifs, exclusifs d’aléas. Dans ce cadre, la responsabilité médicale peut être engagée sans faute par les victimes. Il en va ainsi pour l’exécution des travaux de laboratoire.

Cependant il subsiste même dans ce cadre restreint d’obligation de sécurité résultat, des dualités d’obligations et donc de nature de la responsabilité médicale:

Et ce selon que l’on est en présence d’un acte technique sans aléa ou bien d’un acte médical. Tout d’abord en matière de transfusion sanguine, vis à vis des donneurs le centre assume une obligation de résultat (Paris, 12 mai 1959) car ainsi que le souligne une décision « le donneur agit dans un but altruiste et il est en droit de voir sa sécurité parfaitement garantie tant à l’occasion du prélèvement que de ses suites » (Rennes, 14 avril 1977). Pour ce qui est de la nature de l’obligation à l’égard des receveurs, elle a fait l’objet de nombreuses décisions liées à l’apparition du SIDA. Antérieurement, après quelques décisions consacrant le principe d’une obligation de moyens des centres (Paris, 25 avril 1945) la Cour de Cassation avait affirmé dès 1954, qu’en ce qui concerne la qualité du sang fourni, les centres étaient tenus d’une obligation de garantie envers le receveur. Cette jurisprudence a été appliquée à la contamination post-transfusionnelle par le VIH des receveurs de produits sanguins et la responsabilité sans faute des centres de transfusion vis à vis des receveurs a été consacré en 1995 à la fois par la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat (CE, 26 avril 1995, NGUYEN). Mais l’obligation de résultat ne pèse que sur le centre et non sur les médecins pratiquant des transfusions, toujours soumis à une obligation de moyen et donc à une mise en jeu de leur responsabilité uniquement pour faute (TGI Limoges, 31 juillet 1991)..

En matière de chirurgie esthétique, l’obligation de moyen demeure la règle, le praticien ne pouvant jamais garantir les réactions des tissus vivants sur lesquels il opère. Mais une certaine tendance à l’obligation de résultat apparaît, du moins dans la chirurgie de convenance opposée à la chirurgie réparatrice, compte tenu de l’absence d’urgence et de but curatif (TGI Paris 7 novembre 1972). Dans certains cas, le seul fait de l’intervention peut constituer une faute du chirurgien plastique.

B/ Des limites subsistent cependant qui viennent atténuer le caractère contractuel de la responsabilité médicale mais préservent la faute comme mode de mise en jeu de la responsabilité médicale :

En l’absence de contrat la responsabilité du médecin est de nature délictuelle:

Il en va tout d’abord ainsi lorsque le malade n’a pu exprimer un consentement valable à l’acte médical parce qu’il était inconscient, inerte et qu’aucun proche n’était en mesure de consentir pour lui (article 16-1 du CC : nécessité de recueillir le consentement pour porter atteinte à l’intégrité du corps humain). Il s’agit là de relations para-contractuelles et dans ce cas ce n’est qu’après ratification par le malade qu’un contrat pourra exister entre lui et le médecin qui l’a soigné. De même lorsqu’un malade est soigné par un médecin qu’il n’a pas choisi au sein d’un établissement de soins, il n’existe pas en principe de relation contractuelle entre ce médecin et le malade qui ne le connaît pas, à moins que le malade n’ait ratifié ce choix par exemple en rencontrant ce médecin préalablement lors d’un examen. Par ailleurs, la responsabilité du médecin est également de nature délictuelle ou quasi-délictuelle lorsque la faute se situe hors contrat dans une période pré-contractuelle – par exemple si les conditions légales de l’acte n’ont pas été recherchée préalablement : TGI Bobigny, 1976 une demande d’IVG formulée par une étrangère – ou même postcontractuelle – chute d’un malade sortant du cabinet médical. Enfin certains actes médicaux imposés par la loi ne relèvent pas de relations contractuelles, un certificat d’internement par exemple.

L’influence sous-jacente d’une responsabilité du fait des choses dans la nature de la mise en jeu de le responsabilité contractuelle du médecin :

Avant 1936 et la jurisprudence Mercier, la responsabilité du fait des choses (que le médecin utilise) facilitait l’action en responsabilité exercée par une victime. Elle ne peut plus aujourd’hui être invoquée, en raison du principe de non-cumul de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle. Le malade ayant subi un dommage du fait d’une chose utilisée par le médecin doit donc fonder son action sur la violation d’une obligation contractuelle. Cependant bien que le médecin ne réponde pas de plein droit des dommages causés par les choses qu’il utilise, la jurisprudence tend à faire peser sur lui dans de telles circonstances une responsabilité plus lourde que celle résultant de l’obligation de moyens, une quasi responsabilité sans faute. En effet, lorsqu’un instrument est à l’origine d’une faute, le dommage est lié à son mauvais fonctionnement, ce dont le médecin doit répondre quoiqu’aucune faute n’ait été prouvée. Il s’agit dans certains arrêts d’une obligation de sécurité résultat (Paris 12 janvier 1989) dès lors que le patient est en droit d’attendre que la matériel utilisé par le médecin ne soit pas défectueux.

effet relatif des contrats et fautes pénales : deux situations dans lesquelles la responsabilité contractuelle peut ou doit être écartée :

Par ailleurs, lorsque les conditions du non-cumul ne sont pas réunies, l’article 1384 alinéa 1 redevient applicable lorsque celui qui agit est totalement étranger au contrat – le médecin étant considéré comme le gardien de la chose même si cette dernière lui a été confiée par la clinique. C’est le cas du collaborateur du médecin blessé par ce dernier au cours d’une intervention qui ne peut fonder son action en réparation sur la violation d’une obligation contractuelle mais peut invoquer l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil. De même l’action en réparation du préjudice personnel subi par l’héritier d’un patient défunt doit, le cas échéant, pouvoir se fonder sur ce même article. Il y a dans ces deux cas un effet relatif du contrat qui implique que tout dommage subi personnellement par un tiers au contrat, ne puisse être évoquée que dans le cadre d’une responsabilité délictuelle.

Enfin, à plusieurs reprises, la jurisprudence a considéré que lorsque la faute du médecin constituait également une faute pénale, la responsabilité contractuelle pouvait être écartée dès lors que la victime choisissait de porter son recours devant la juridiction pénale (chambre criminelle, 12 décembre 1946). Le fait est qu’avant 1980, la victime d’un délit avait intérêt à opter pour la responsabilité contractuelle soumise au régime de la prescription trentenaire. Depuis la loi du 3 décembre 1980, cette motivation, avec la règle de l’unité des prescriptions, n’a plus de raison d’intervenir dans le choix de la victime.

II – La mise en jeu de la responsabilité contractuelle du médecin, comme dans le cadre de la responsabilité délictuelle, nécessite la démonstration d’un lien de causalité entre une faute médicale et un préjudice :

/ La faute médicale ne peut être établie que si la victime apporte la preuve que le médecin a dérogé à son obligation contractuelle de moyen ou de résultat selon les cas :

On l’a dit, le médecin commet une faute dès lors qu’il ne respecte pas son obligation de se donner les moyens de fournir des soins non pas quelconque, mais consciencieux, attentifs et réserve faite des circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. D’autres arrêts substituent à ce dernier critère celui de données actuelles de la science, chacun ayant semble-t-il son domaine propre dans l’étendue des fautes médicales. La faute doit cependant être caractérisée, une simple erreur ne saurait être suffisantes pour engager la responsabilité contractuelle du médecin.

Caractères généraux de la faute médicale :

Tout d’abord, on peut remarquer que le caractère de gravité n’intervient pas dans l’appréciation de la faute ce qui marque une rupture avec la période où la responsabilité médicale était de nature délictuelle. En effet, avant l’arrêt Mercier de 1936, les juges se servaient de la faute lourde en sorte de ne pas avoir à s’immiscer dans des discussions scientifiques complexes. Aujourd’hui le droit est tributaire des progrès de la science médicale (que l’on songe à la question délicate de la détermination juridique de la mort face aux différents types de coma). En conséquence, la jurisprudence a depuis 1936, abandonné la faute lourde, et ce d’autant plus aisément que s’il est pénible pour une victime de se voir opposer par le juge qu’il n’y a pas eu de faute, il l’est encore davantage de se voir dire qu’il y a bien eu faute mais qu’elle n’est pas assez grave pour engager la responsabilité du médecin. Ainsi comme l’affirme très nettement l’arrêt de la Cour de Cassation du 30 octobre 1963 « toute faute du médecin engage sa responsabilité en vertu de l’article 1147 du Code Civil ». En revanche, ce n’est que tardivement que la juridiction administrative a opté pour la faute simple en matière d’actes médicaux hospitaliers, c’est à dire depuis l’arrêt M. et Mme V du 10 avril 1992.

Par ailleurs, si le caractère de gravité n’importe pas en ce qui concerne la faute, l’intention n’intervient pas non plus dans son appréciation. Cependant si la faute est constitutive de dol, ce caractère peut être de nature à augmenter l’importance de la réparation due.

On distingue traditionnellement 3 différents types de fautes médicales qui s’apprécient in abstracto en fonction du critère du bon professionnel ( Paris 18 octobre 1949 ) :

Il y a tout d’abord les fautes techniques. Il s’agit de fautes commises dans la pratique de la médecine. Certaines concernent des actes préjudiciables qui peuvent être commis par tout médecin quelle que soit sa spécialité. D’autres sont plus spécifiques d’une spécialité déterminée. Lorsqu’il s’agit d’établir une faute technique, c’est à dire un comportement du médecin non conforme aux données de la science, il est généralement fait appel aux experts.

Il y a ensuite les fautes contre l’humanisme qui ne revêtent pas de caractère technique mais sont le résultat de la violation par un médecin de ses obligations déontologiques essentiellement orientées vers le respect de la personne du malade. On retrouve ici le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. D’où la composante pénale forte de ces fautes. Cependant elles ont également une dimension morale incontournable. Ainsi, ces fautes sont appréciées par les tribunaux sans recours à l’expertise, par application des règles de droit commun prévues, soit par le code pénal, soit par le code de déontologie ou en référence aux principes du droit civil.

Puis vient la faute d’imprudence. Il s’agit de « fautes étrangères à l’art médical résultant de l’inobservation d’une règle commune d’attention et de prudence » (Paris, 16 janvier 1950). Ces fautes non techniques peuvent donc s’apprécier par référence aux simple règles de bons sens (auxquelles se conforment le bon père de famille qui n’est plus ici le bon professionnel) et sans recours à des rapports d’expertise. Commet ainsi, à titre d’exemple, une faute d’imprudence, le médecin qui procède à une intervention malgré son impotence (Douai, janv 1931), le chirurgien qui opère la jambe droite au lieu de la jambe gauche ou qui remet à son malade un boite d’ampoules vieilles de 12 ans.

Le médecin étant généralement tenu d’une obligation de moyen, c’est au malade qu’incombe la charge de la preuve d’une faute médicale:

C’est une preuve difficile dès lors que le préjudice qui peut découler d’un acte médical est présumé découler du risque et de l’aléa lié à l’état actuel de la science et non d’une faute du médecin : il faut ainsi prouver l’absence d’aléa et la non conformité de l’acte à l’état actuel de la science. A l’inverse, dans les cas exceptionnels où l’obligation du médecin est de résultat, la faute est présumée et le médecin ne peut écarter cette responsabilité que par la preuve d’une cause étrangère. Ainsi, un arrêt de la 1° chambre Civile de la Cour de Cassation, en date du 29 juin 1999, affirme que le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé, met à la charge de ce dernier en matière d’infection nosocomiales, une obligation de sécurité résultat qui inverse la charge de la preuve. Pour ce qui est de la responsabilité de l’administration de la santé publique, les cas de responsabilité présumée sont rares, seulement pour les dommages qui découlent d’une faute commise dans « l’organisation ou le fonctionnement du service ». Ce type de faute présumée a été admis pour les conséquences inattendues des actes médicaux bénins (CE, 23 février 1962, Meier), mais aussi pour les actes non strictement médicaux mais se trouvant dans leur contexte immédiat (CE, 1989, Bailly : introduction d’un germe microbien lors d’une intervention).

B/ Le lien de causalité entre la faute et le préjudice est reconnu par le juge généralement au terme de raisonnement favorable aux victimes…

La question de l’existence ou non de ce lien de causalité :

Outre la faute et le préjudice, la troisième condition de mise en jeu de la responsabilité médicale tient dans l’existence d’un lien de causalité entre la faute commise par le médecin et le préjudice subi par la victime. Il appartient à la victime demanderesse au procès de prouver l’existence d’un lien de causalité. Toutefois, la cour de cassation admet que les juges déduisent l’existence d’un lien de causalité à partir de « présomptions graves précises et concordantes » (Civil, 1°, 14 décembre 1965). A l’inverse, le rapport de causalité est écarté par les juges dès lors que l’on peut considérer que même en l’absence de faute médicale, le dommage se serait produit. Ainsi dans le domaine des actions en réparation exercées à la suite de l’échec d’une IVG, il a été jugé que la naissance et la détresse qui en découlaient étaient essentiellement liées aux rapports sexuels initiaux (TGI Bobigny, 15 décembre 1976). Par ailleurs, la faute de la victime atténue ou rompt le lien de causalité : c’est le cas notamment lorsque le patient dissimule ou omet de préciser au médecin un élément relatif à sa santé que le praticien aurait intérêt à connaître (Poitiers, 30 janvier 1963). Cependant le médecin étant un professionnel, pour être de bonne foi il se doit d’être actif et de provoquer lui-même les confidences.

Le rapport de causalité doit être direct et certain ?

Vers 1965, la notion de perte de chance permet aux tribunaux d’indemniser partiellement les victimes, même en l’absence de preuve d’un lien de causalité direct et certain entre la faute et le dommage. Cependant sa transposition dans le domaine de la responsabilité médicale est très critiquée. R. Savatier se demande ainsi : Une faute peut elle engendrer la responsabilité d’un dommage sans l’avoir causé ? Selon lui, ou le rapport de causalité existe et le préjudice doit être entièrement réparé ou bien il n’existe pas et l’action en réparation doit être rejetée. En outre, l’admission de la perte de chances sur le terrain de la causalité aurait pour effet de substituer une obligation de résultat à une obligations de moyens dans la mesure où n’importe quelle concrétisation d’un risque thérapeutique peut engendrer une perte de chances. D’où un arrêt de la 1° chambre civile de la Cour de Cassation, du 18 novembre 1997, qui affirme qu’une faute contractuelle n’implique pas forcément par elle-même l’existence d’un dommage en relation de cause à effet avec cette faute et limite ainsi la portée de la notion de perte d’une chance.

C/ …ce qui se justifie par l’aspect parfois dramatique des Préjudices subis, d’autant que de nouveaux types sont apparus.

L’existence des préjudices traditionnels passe par la démonstration de leur caractère direct et certain.

Le préjudice matériel susceptible d’être réparé peut être constitué par le coût des soins médicaux ou hospitaliers, toute perte de revenus, perte d’emplois notamment par suite d’une mauvaise appréciation par le médecin de l’état de santé du salarié. De même le préjudice moral n’a pas de spécificité et peut être réparé conformément aux principes du droit commun. Mais il est généralement inclus dans le préjudice corporel, préjudice le plus fréquemment invoqué par la victime d’une faute médicale. Il comprend outre l’indemnisation pour les souffrances endurées, le préjudice entraîné par le port d’une prothèse, les souffrances endurées à la suite d’un internement abusif. La question en ce qui concerne le préjudice de « vie », un coma en état végétatif, fut longtemps de savoir si ce maintien au bord de la vie par le fait médical allait constituer une injustice, si le préjudice moral de ces personnes allait être indemnisé bien qu’elles n’aient plus qu’une conscience hypothétique du réel et donc de leur souffrance. La Cour de cassation a finalement décidé avec fermeté qu’ils ont droit à réparation intégrale – (ex. Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, 22 février 1995).

Dans le cas où la victime invoque l’absence invoque l’absence de consentement ou d’information en tant que faute du médecin, la réalité du préjudice qui en découle a suscité une controverse. Certains auteurs considèrent cependant que le préjudice peut exister si le patient a subi, même avec succès, une intervention n’ayant pas de raison d’être : il s’agit alors d’indemniser la perte de chances d’avoir pu refuser une intervention inutile. En outre, depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 1997, le devoir d’information devient essentiel sur le plan médical : désormais c’est au professionnel d’apporter la preuve de l’exécution de cette obligation et non plus au patient.

En dehors de ces préjudices classiques, de nouveaux font leur apparition.

Tout d’abord, depuis 1975, ceux liés à l’IVG. Nous l’avons vu, entre l’échec d’un IVG ne constitue pas un préjudice de nature à engager la responsabilité médicale d’un chirurgien. Toutefois des naissances ont pu donner lieu à indemnisation dès lors tout d’abord que le médecin a commis une faute et qu’un préjudice autre que la naissance de l’enfant en découle : difficultés matérielles et de santé pour la mère ainsi que d’ordre psychologique et relationnel. Par ailleurs, l’arrêt Perruche de la Cour de Cassation rendu en novembre 2000, ouvre la possibilité de réparation du préjudice subi par l’enfant né handicapé : la naissance peut donc désormais constituer un préjudice suscité par les fautes commises par un médecin et un laboratoire d’analyse.

Par ailleurs, un préjudice nouveau a été généré par la contamination post-transfusionnel par le virus HIV et les premières décisions accordant réparation ont longuement motivé l’importance des sommes allouées eu égard à son caractère dramatique bien distinct d’un classique préjudice moral. La prise de conscience par le malade contaminé de son état sans espoir de guérison a des retentissements psycho-affectif sans équivalent. Cependant, le Conseil d’Etat pour ce qui est de la contamination au sein d’établissements publics de santé, n’a pas accepté la responsabilité sans faute s’agissant de la contamination par le virus du Sida (CE, 1995, NGUYEN. Faute simple pour l’utilisation des produits non chauffés ). Cependant le législateur a choisi en faveur des victimes, d’unifier la compétence en matière de fonds d’indemnisation au sein de la juridiction judiciaire (loi du 31 décembre 1991) . Les victimes peuvent saisir le fonds d’indemnisation de leur demande.

Conclusion

La responsabilité médicale en France est donc marquée par le contrat entre le patient et son médecin ainsi que par la recherche, à travers la faute, d’une stigmatisation morale du médecin qui contrevient à ses obligations contractuelles. Ce qui peut paradoxalement poser des problèmes aux victimes pour leur indemnisation dès lors que l’obligation de sécurité et la responsabilité sans faute, en regard de la faute, souffriront toujours d’une sorte de pesanteur matérialiste et que de ce fait aux victimes revient la difficile charge de la preuve. D’où le fait que les raisonnements du juge en matière de faute et de lien de causalité entre la faute et le préjudice soient assouplis pour être favorables aux victimes. Cependant, d’un autre point de vue de telles avancées en faveur des victimes ont leur contrepoint négatif : les risques des médecins à exercer deviennent si grands que les centres médicaux ne pourront bientôt plus s’assurer, ce qui au final peut devenir préjudiciable à leur indemnisation.

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