La responsabilité du transporteur

La responsabilité du transporteur

Lorsque le transporteur n’exécute pas ou exécute mal son obligation, il sera déclaré contractuellement responsable du dommage en résultant pour son cocontractant. En principe on devrait également raisonner en termes de faute, dommage et lien de causalité mais le transporteur de marchandises est soumis à un régime de responsabilité plus sévère qui s’explique par son professionnalisme. Le Code de commerce le déclare garant de la perte et des avaries sauf force majeure ou vice de la chose. De plus, il n’est pas exonéré en cas de retard car il devra justifier d’un évènement assimilable à la force majeure.

1) L’existence d’une présomption de responsabilité

Cette présomption résulte du fait que les textes prévoient la garantie de la marchandise transportée. L’adjectif « garant » est important car il permet d’aller au-delà d’une responsabilité classique. La seule survenance d’une perte ou avarie durant le transport fait naître à la charge du transporteur une obligation de réparer.

Pour la même raison, seule la force majeure est tolérée à titre de tempérament. Certains auteurs ont fait valoir que le terme « garant » est une élégance de langage puisque dans les textes internationaux est utilisé l’adjectif « responsable » mais le législateur n’était pas d’accord avec la doctrine et lors de la réforme du Code de commerce, a été maintenu l’adjectif garant et donc la présomption de responsabilité.

D’ailleurs, cette présomption de responsabilité s’accompagne d’une présomption de lien de causalité. Le voiturier est tenu de réparer le dommage du seul fait que la perte ou l’avarie a été constatée à l’arrivée. Le transporteur peut rapporter la preuve contraire par tout moyen mais cette preuve est très difficile.

De surcroit, ce régime de responsabilité a un caractère impératif puisque la loi de 1905 a interdit les clauses de non responsabilité dans les contrats de transport terrestre de marchandise et jusqu’à ce jour, cette règle du Code de commerce n’a jamais été modifiée.

2) La mise en jeu de la responsabilité du transporteur

Les textes ont été considérés par la jurisprudence comme faisant peser sur le transporteur une obligation de résultat, ceci toujours dans la lignée du caractère professionnel de l’activité de transport. Il en résulte que la mise en jeu de la responsabilité est facilitée pour le demandeur. Finalement, le demandeur doit simplement apporter la preuve de l’existence du dommage à l’arrivée. Cette preuve étant faite, à priori le transporteur est responsable mais il a la possibilité d’invoquer des causes d’exonération.

  • A) La preuve du dommage

Le demandeur peut faire la preuve du dommage par tout moyen. Dans la plupart des cas, il fera appel au témoignage de personnes qui ont assisté au déballage de la marchandise. De plus, en cas de problème, on va souvent recourir au constat d’huissier mais l’huissier n’est pas un professionnel du transport, n’est pas un expert du transport. Finalement, l’huissier va simplement enregistrer les faits matériels vérifiables. Ce n’est qu’un élément de preuve car le constat d’huissier n’est pas forcément établi de manière contradictoire mais c’est une précaution procédurale qui a plus de foi qu’un simple témoignage d’un salarié ayant réceptionné la marchandise.

Lorsque le destinataire reçoit la marchandise, il doit accomplir des formalités particulières si l’on veut ultérieurement agir contre le transporteur. Il doit ménager les preuves sur place et notamment faire les réserves avant que le camion ne quitte les lieux. Si ce n’est pas le cas, il peut toujours y avoir fin de non-recevoir. La preuve est plus difficile en matière d’avarie alors qu’elle est évidente en cas de perte totale ou en cas de retard.

Les protestations doivent être notifiées aux transporteurs par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée, dans le cas contraire la demande ne peut aboutir. Il faut régir dans les 3 jours et dans certains cas l’exploit d’huissier est préférable car la Cour de cassation estime qu’une grève de la Poste n’est pas un cas de force majeure.

En principe, la protestation émane du destinataire car c’est lui qui est le mieux placé pour apprécier la situation à l’arrivée mais elle peut également émaner d’un mandataire du destinataire (ex: son assureur). Elle peut aussi émaner de l’expéditeur ou du commissionnaire, bref, de toutes les personnes parties au contrat.

En pratique, l’expéditeur agit lorsque la marchandise refusée par le destinataire lui a été rapportée. Les tribunaux exigent que la marchandise soit rapportée en totalité. Si le destinataire accepte une partie de la livraison, c’est lui qui doit protester. Cette protestation doit être motivée, elle doit donc contenir en détail les griefs adressés au transporteur. Le fait de se plaindre par téléphone et d’indiquer dans un courrier recommandé que l’on conteste la livraison pour les raisons développées à l’oral ne vaut pas protestation régulière.

Les griefs doivent également être précis. Il ne suffit pas de viser la température intérieure d’un véhicule, même si elle est manifestement excessive, il faut indiquer que cette température excessive a eu une incidence sur la marchandise. Tout ceci doit être envoyé au transporteur dans les 3 jours, dimanches et jours fériés non compris. Il s’agit des 3 jours à compter de la réception, le délai commence donc à courir le lendemain à 0 heure (le jour même à minuit). La lettre recommandée postée le jour même de la livraison est intervenue dans les délais. Ce délai est préfix i.e. il n’est donc pas susceptible de modification (allongement, suspension, rétrécissement). Si le dernier jour est un dimanche ou un jour férié, les règles générales de la procédure civile s’appliquent, l’échéance est reportée au lendemain.

La protestation doit être envoyée au voiturier et en pratique, beaucoup de demandes sont mal dirigées, le destinataire a tendance à écrire à l’expéditeur. En cas de pluralité de transporteurs, il faut écrire au dernier, il faut toujours écrire au transporteur qui a fait la livraison.

Lorsqu’il y a un commissionnaire, c’est le commissionnaire qui doit rédiger la protestation et si le destinataire se trompe, s’il proteste auprès du commissionnaire au lieu de le faire auprès du transporteur, le commissionnaire doit réagir très vite, il doit garantir les recours de son mandant et il n’a que 3 jours pour intervenir.

En cas de contestation, il est toujours possible de solliciter une expertise, il s’agit d’une expertise judiciaire et contradictoire, elle nécessite l’intervention d’un juge pour la désignation d’un expert. Devant un tribunal, c’est cette expertise qui fait foi, une expertise contractuelle qui serait diligenté par des assurances vaudra comme simple document de travail. Comme il s’agit d’un acte judiciaire, la demande est faite par toute personne y ayant intérêt i.e. par toutes les parties au contrat, y compris le transporteur. Cette demande doit être faite dans les 3 jours de la livraison. L’expert va constater et préciser les dommages mais le CODE DE PROCÉDURE CIVILE lui interdit de déterminer les responsabilités (c’est le rôle du juge).

Tout le monde peut également solliciter une contre-expertise. Les textes prévoient une seule contre-expertise (il faut que ce soit jugé assez vite). Il n’y a pas de délai précis mais la demande se fera par référé justifié par l’urgence puisque les marchandises sont en état de souffrance.

Les réserves doivent être complètes, précises et motivées. Les réserves sont très fiables et la gestion du contentieux rapide lorsque le transporteur accepte les réserves mais en cas de refus le contentieux s’enlisera, il est donc préférable de recourir à l’expertise dès qu’est constatée une réticence du transporteur à accepter les réserves.

Lorsque le dommage résulte d’un retard, les réserves sont toujours possibles. Mais en cas d’inexécution totale ou grave, le meilleur moyen réside en la mise en demeure du transporteur. Cette mise en demeure permettra la mise en œuvre de Code Civil Article1146 qui précise que les dommages ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation. Cette mise en demeure souligne la nécessité d’un certain délai, d’une certaine durée pour le retard. Le simple dépassement n’est pas constitutif d’un dommage (les textes eux-mêmes) laissent une franchise de 2 heures. Il faut que le retard soit préjudiciable. Ce sera surtout le cas lorsque la marchandise est avariée du fait du retard.

  • B) Les moyens d’exonération du transporteur fautif

Le transporteur routier peut s’exonérer s’il prouve l’existence d’une cause étrangère, cette cause étrangère ayant influé sur le dommage. En matière de transport, la loi détermine les faits susceptibles d’être considérés comme des causes étrangères libérant le voiturier. Code Civil Article1784 vise le cas fortuit et la force majeure. Le Code de commerce ajoute le vice propre de la chose. La jurisprudence a ajouté la faute de l’usager. Ces éléments doivent résulter de constations matérielles certaines et évidentes, il ne doit y avoir aucun doute pour l’appréciation de cette cause étrangère. Dans la plupart des cas, la preuve va résulter d’une expertise qui aura été demandée par le transporteur. Mais l’expertise ne va pas suffire car l’expert n’a pas le droit de déterminer les responsabilités, il doit seulement donner les éléments permettant d’apprécier le lien entre la cause étrangère et le dommage. Ces éléments de preuve doivent être indiscutables. En pratique, il est souvent difficile de démontrer ce lien.

La Cour de cassation contrôle très strictement la bonne application des règles de preuve. Par exemple, elle rejette un motif alternatif, une Cour d’appel avait estimé que le dommage pouvait avoir pour origine un vice propre de la chose ou un évènement imprévisible. Pour la Cour de cassation, le motif n’est pas correct ce doit être soit l’un soit l’autre mais pas l’un ou l’autre.

Enfin, on découvre l’existence de dommages d’origine inconnue, la seule chose qui soit certaine est l’existence du dommage mais son origine. C’est le cas en cas de contradiction d’expertise. Le dommage d’origine inconnue va permettre au transporteur de s’exonérer. Dans cette hypothèse, l’octroi de dommage et intérêt est rare.

De manière classique, la clause étrangère est tous les évènements imprévisibles et surtout irrésistibles. Ici encore la Cour de cassation contrôle l’appréciation de l’irrésistibilité. Ainsi, le vol du véhicule n’est pas un cas de force majeure mais le vol à main armée est un cas de force majeure, « on ne saurait contraindre le transporteur à l’héroïsme ». Le fait que le camion ne passe pas sous un pont n’est pas un cas de force majeure, il faut démontrer qu’il ne passe pas même en dégonflant un peu les pneus.

Parmi ces causes étrangères, il peut y avoir le fait du principe i.e. l’Etat par ses règlements peut empêcher un transport d’arriver à destination dans les délais (ex: pic de pollution, réduction de la vitesse etc.).

Le vice propre de la chose (marchandise) s’analyse comme en matière de vice caché. Le vice propre peut aussi affecter le véhicule (ex: les freins lâchent en haut d’une côte).

Dans tous les cas, il faudra que le transporteur démontrer cette irrésistibilité et cela pourra entraîner, comme dans les autres cas, la réparation du dommage car en matière de transport, même si le transporteur est exonéré, il y a des plafonds d’indemnisation et le transporteur ne paiera rien mais son assureur paiera.