La restructuration de la société (fusion, scission…)

La restructuration de la société

                 La restructuration est un terme générique qui regroupe toutes les opérations portant atteinte à la structure de la société, hormis l’augmentation du capital dans la société anonyme. Certaines se traduisent, comme la dissolution, par la disparition de la personne morale concernée : ce sont les fusions et les scissions. Certaines ont un effet moindre, comme la transformation et l’apport partiel d’actifs.

 Section I – Les opérations de restructuration affectant la personnalité morale de la société

                 La fusion et la scission sont économiquement différentes mais juridiquement identiques.

 I – La fusion

                 Elle suppose que deux sociétés se réunissent pour n’en former plus qu’une seule. Elle comporte deux variantes :

  • la fusion-absorption : une société disparait, c’est la société absorbée ; son patrimoine est intégralement et instantanément transmis à la société absorbante, celle-ci s’enrichit et bénéficie donc d’un apport, elle procède donc à une augmentation du capital, ce qui conduit à l’émission de parts sociales, qu’elle attribue aux associés de la société absorbée ; il n’y a plus qu’une seule société, la société absorbante, elle a englobé le patrimoine de la société absorbée, et tous les associés sont encore là.
  • la fusion-réunion : deux sociétés disparaissent, leur patrimoine est apporté à une troisième société, nouvelle, créée pour l’occasion ; elle émet des parts sociales, lesquelles vont être attribuées aux associés des sociétés ayant disparu à proportion de leurs parts initiales.

                 Ces deux opérations sont jumelles car elles ont trois caractéristiques cumulatives qui permettent de les identifier présentes à l’article L.236-3 du Code de commerce qui dispose que «la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires […]. Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés  bénéficiaires» :

  • une société disparaît par l’effet d’une dissolution sans liquidation.
  • le patrimoine de la société disparue fait l’objet d’une transmission universelle du patrimoine ; celle-ci n’existe que dans les cas où la loi le prévoit (les créanciers de la société absorbée vont se retrouver créanciers de la société absorbante, alors que normalement la cession de créances n’est pas possible sans l’accord des créanciers).
  • il y a un échange de droits sociaux ; les associés recevront des parts de la société nouvelle en contrepartie de la perte de leurs parts de la société absorbée.

                 Pendant longtemps, la fusion n’était pas réglementée, elle est née de la pratique et la législation a suivi ultérieurement.

  • Il y a des règles générales valables pour toutes les sociétés, à l’article 1844-4 du Code civil qui dispose que «une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion».
  • Il y a des règles plus précises aux articles L.236-1 et suivants du Code de commerce :

                 ■ Il y a d’abord des dispositions générales valables pour toute société commerciale.

                ■ Puis un corps de dispositions réservées aux sociétés anonymes.

                ■ Et il y a enfin des dispositions propres aux fusions concernant les SARL.

 A – Les conditions de la fusion-absorption

                 Une fusion commence par un protocole conclu par les dirigeants sociaux. La loi a ratifié cette pratique, elle organise ce protocole, l’appelle le projet de fusion, lequel doit comporter des mentions obligatoires et doit faire l’objet d’une publicité légale (extrait publié dans un journal d’annonce légale, projet déposé au greffe du tribunal de commerce et mentionné au RCS). Le point le plus délicat est le rapport d’échange des parts sociales.

 Ce projet de fusion doit être ratifié :

  • la ratification incombe dans les deux sociétés aux associés se prononçant dans le cadre d’une décision votée par l’assemblée générale extraordinaire (il y a modification des statuts donc majorité qualifiée) ; il y aura naturellement publicité (journal d’annonce légale, dépôt au greffe, modification au RCS, publication au BODACC).
  • cette décision des associés est très grave et comporte des risques (associés de la société absorbée favorisés) ; la loi oblige à faire désigner en justice un commissaire à la fusion (qui ressemble au commissaire aux apports) dans les SARL et les SA, qui a un double rôle :

                 ■ Il va se substituer au commissaire aux apports dans la société absorbante.

                ■ Il doit donner un avis aux associés sur le rapport d’échange, il doit vérifier que les valeurs retenues pour les deux sociétés sont pertinentes, et que le rapport d’échange est équitable.

  • les deux règles précédentes trouvent exception dans l’hypothèse classique de l’absorption d’une filiale à 100% ; dans ce cas, l’article L.236-11 du Code de commerce prévoit «lorsque, depuis le dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet de fusion et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société absorbante détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital des sociétés absorbées, il n’y a lieu ni à approbation de la fusion par l’assemblée générale extraordinaire des sociétés absorbées ni à l’établissement des rapports mentionnés au dernier alinéa de l’article L.236-9, et à l’article L.236-10» ; les parts sociales de l’absorbée sont annulées et il n’y a pas d’échange (la société ne va pas s’auto-distribuer ses propres parts) ; on retrouve ce mécanisme dans les groupes de société.

Dans ce système, il n’y a pas de commissaire à la fusion ni d’assemblée générale de l’absorbée, mais il y a quand même un projet de fusion : il est possible d’agir plus simplement et de recourir à la dissolution sans liquidation des entreprises unipersonnelles ; il y aura alors transmission universelle du patrimoine à l’associé unique, et par application de l’article 1844-5 du Code civil, il recevra le patrimoine de la société entre ses mains.

 B – Les effets de la fusion-absorption

                L’opération va entraîner une transmission unipersonnelle du patrimoine : tous les actifs de l’absorbée vont être globalement transférés à l’absorbante. S’agissant justement d’une transmission unipersonnelle du patrimoine, on est dispensé de certaines modalités :

  • les créances de l’absorbée passent directement à l’absorbante sans respecter les modalités de la cession de créances (pas d’huissier ni de notaire).
  • le fonds de commerce passe directement de l’absorbée à l’absorbante sans respecter les modalités de publicité ni devoir tenir compte de faculté d’opposition spécifique des créanciers.

                 Le transfert a lieu également pour les dettes : il y a des cessions de dettes globales (c’est un des rares cas en droit français), qui auront lieu contre le gré des créanciers, leur consentement n’est pas requis.

 II – La scission

 C’est l’opération par laquelle le patrimoine d’une société va être divisé en plusieurs fractions qui vont revenir à plusieurs sociétés. C’est l’inverse de la fusion. On retrouve dans cette opération les trois éléments de la fusion :

  • il y a disparition d’une société au moins ;
  • il y a deux transmissions universelles du patrimoine ;
  • il y a échange des parts sociales, tous les associés reçoivent des parts sociales des sociétés ayant reçu une partie du patrimoine de la société scindée.

                 À quoi cela sert ? Pour séparer des activités différentes qui pourraient être exercées par une même société ou par un même groupement de sociétés.

                 Le régime est celui de la fusion ; la seule particularité réside dans ce partage des dettes qui est opposable aux tiers ; la solution jurisprudentielle est de dire peu importe la liste des dettes prévues, il y a une logique dans la répartition des dettes, les dettes qui ne figurent pas sur la liste reviendront à la société qui exerce l’activité à laquelle elles sont rattachées.

 

Section II – Les opérations de restructuration n’affectant pas la personnalité morale de la société

 I – La transformation

                 La transformation est le changement de forme juridique (une SARL devient un SA). À quoi cela sert ? À adapter la société à une nouvelle situation :

  • la transformation de la SARL en SA correspond à l’hypothèse répandue de la petite société qui grossit
  • cela peut être l’hypothèse d’une société qui cesse son activité mais qui conserve ses immeubles (SA qui devient une SCI).

 A – La transformation n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle

                 Cette règle est énoncée à l’article 1844-3 du Code civil. Cette transformation n’affecte ni le patrimoine, ni les contrats, ni les éventuels procès en cours.

Les conséquences fiscales sont aussi atténuées : si ce mécanisme n’existait pas, il y aurait dissolution puis création d’une nouvelle société, ce qui serait très coûteux.

 B – La transformation entraîne une modification statutaire

Cela implique une décision extraordinaire et une publicité.

 II – L’apport partiel d’actifs

 On pourrait dire qu’il s’agit d’un apport en nature, mais il a deux particularités :

  • il est fait par une société à une autre, ce n’est pas un apport fait par n’importe qui.
  • il a pour objet une branche autonome d’activité, soit un ensemble d’actifs homogènes dont la réunion permet de développer une activité économique précise.

 

Isa Germain

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Isa Germain

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