Révision de la Constitution
La révision de la Constitution française, encadrée par l’article 89, se divise en procédure normale et procédure allégée, impliquant l’exécutif, le Parlement, et parfois un référendum. L’article 11, controversé, a été utilisé par De Gaulle pour contourner ces règles. Des limites protègent les principes fondamentaux, comme la République. Les débats actuels interrogent l’absence de contrôle juridictionnel et la souveraineté populaire face à ces révisions.
1) Les 2 procédures de révision de la Constitution sous la Vème République
La révision de la Constitution française est encadrée par l’article 89, qui prévoit deux procédures distinctes : la procédure normale et la procédure allégée. Ces mécanismes permettent d’adapter la Constitution tout en respectant les équilibres institutionnels et les principes fondamentaux.
a. La procédure normale
Cette procédure comporte plusieurs étapes classiques :
Liste des autres articles :
-
Initiative :
- L’initiative appartient concurremment :
- Au Président de la République, sur proposition du Premier ministre.
- Aux membres du Parlement.
- Cette répartition illustre l’équilibre entre le pouvoir exécutif et le législatif.
-
Discussion et vote :
- Le texte proposé est discuté et voté séparément par l’Assemblée nationale et le Sénat, qui doivent l’adopter en termes identiques.
- Une majorité simple des suffrages exprimés suffit dans chaque chambre.
-
Approbation par référendum :
- Une fois le texte adopté par le Parlement, il est soumis à un référendum populaire.
- Si le référendum est favorable, le texte est promulgué par le Président de la République.
b. La procédure allégée
La procédure allégée est conçue pour des révisions moins complexes ou consensuelles, nécessitant une démarche simplifiée.
-
Initiative et décision :
- Seul le Président de la République, après consultation du Premier ministre et des ministres concernés, peut décider de recourir à cette procédure.
- Elle ne s’applique qu’aux projets de révision, non aux propositions d’origine parlementaire.
-
Adoption parlementaire :
- Les deux chambres votent séparément le texte, toujours en termes identiques.
- Une fois approuvé, le Parlement est réuni en Congrès à Versailles, où le texte doit être adopté à une majorité des 3/5 des suffrages exprimés.
-
Promulgation :
- Le texte est ensuite promulgué par le Président de la République, sans passage par un référendum.
2) L’initiative de la révision constitutionnelle
L’initiative de la révision constitutionnelle varie selon les systèmes politiques, reflétant souvent l’équilibre des pouvoirs en vigueur :
Hypothèse 1 : Initiative réservée à l’exécutif
- Lorsque seul le pouvoir exécutif peut proposer une révision constitutionnelle, cela reflète généralement un régime autoritaire ou très centralisé.
- Exemple : Sous l’Empire napoléonien (1804-1818), seul l’empereur pouvait initier des révisions constitutionnelles.
- France sous la Vᵉ République : En pratique, bien que l’initiative soit partagée entre exécutif et législatif, la majorité des révisions sont impulsées par l’exécutif, en particulier par le Président, souvent sur proposition du Premier ministre.
Hypothèse 2 : Initiative réservée au Parlement
- Certains systèmes attribuent exclusivement au Parlement la faculté de réviser la Constitution.
- Exemple : Aux États-Unis, la révision de la Constitution passe par un vote des deux chambres du Congrès ou par une convention convoquée par les États fédérés.
Hypothèse 3 : Initiative partagée entre exécutif et législatif
- Ce modèle favorise la coopération entre les deux pouvoirs pour initier une révision constitutionnelle.
- Exemple : En Italie, la Constitution de 1958 attribue l’initiative à la fois au gouvernement et au Parlement.
Hypothèse 4 : Initiative attribuée aux citoyens
- Rarement utilisée, cette méthode donne directement aux citoyens la possibilité de proposer une révision.
- Exemple : La Constitution montagnarde du 24 juin 1793 reconnaissait l’initiative citoyenne, bien qu’elle n’ait jamais été appliquée.
3) L’adoption de la révision
Une fois l’initiative prise, le processus d’adoption est une étape cruciale où le contenu de la révision est défini et validé.
-
Intervention du Parlement :
- Le Parlement examine et vote la révision. Cela peut se faire :
- Par chambre séparée : Les deux chambres votent le texte indépendamment.
- En congrès : Exceptionnellement, les deux chambres se réunissent pour délibérer et adopter la révision.
-
Assemblée spéciale : Dans certains cas, une assemblée constituante ou une convention spéciale est élue pour réviser la Constitution.
- Exemple : La Convention constitutionnelle américaine de 1787.
-
Droit de veto : Chaque chambre peut bloquer le processus en exerçant un droit de veto, ce qui entraîne l’abandon de la révision.
-
Majorités variables : Les seuils d’adoption diffèrent selon les systèmes :
-
- Une simple majorité peut suffire.
- Dans d’autres cas, une majorité qualifiée est requise (par exemple, les 3/5 au Congrès français en cas de procédure allégée).
3) L’approbation ou la ratification de la révision
Une fois le texte adopté par les chambres, il doit être ratifié pour entrer en vigueur. Les mécanismes de ratification varient :
-
Ratification populaire : Dans certains systèmes, la révision est soumise à un référendum populaire.
- Exemple sous la Vᵉ République : La réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans (2000) a été ratifiée directement par les citoyens via un référendum.
-
Ratification parlementaire : Certaines révisions sont ratifiées uniquement par le Parlement.
-
- Exemple : En mars 2005, la Charte de l’environnement a été intégrée à la Constitution française après un vote des deux chambres réunies en Congrès à Versailles.
4) Le problème fondamental : la limitation du pouvoir de révision
Les constitutions démocratiques établissent souvent des limites à leur propre révision pour protéger leurs principes fondamentaux. Ces restrictions visent à garantir la stabilité des institutions tout en évitant les dérives autoritaires.
a) Les limitations matérielles
Certaines constitutions précisent explicitement les domaines qu’aucune révision ne peut modifier :
- États-Unis :
La Constitution interdit de porter atteinte à l’égalité de représentation des États fédérés au Sénat. Cette protection garantit l’équilibre entre les petits et les grands États dans la fédération. - Allemagne :
La Loi fondamentale de 1949 interdit toute modification portant atteinte : - Aux droits fondamentaux inscrits dans les articles 1 et 20.
- Au caractère démocratique et fédéral de l’État. Ces principes sont protégés par la clause d’éternité.
- France :
L’article 89 de la Constitution empêche toute révision remettant en cause la forme républicaine du gouvernement. Cette disposition garantit que la République reste inaltérable, quelle que soit la majorité en place.
b) La supra-constitutionnalité en France : un débat toujours d’actualité
La notion de supra-constitutionnalité — un bloc de principes intangibles que même le pouvoir constituant ne pourrait réviser — reste floue en France.
-
Jurisprudence du Conseil constitutionnel (1992) :
Lors de l’examen du traité de Maastricht, le Conseil constitutionnel a affirmé que le pouvoir constituant est souverain, mais a laissé entendre que certaines limites implicites pourraient exister :
« Le pouvoir constituant est souverain sous réserve de… »
Cette réserve n’a pas été clairement définie mais a été interprétée comme une reconnaissance implicite de principes intangibles.
-
Décision du Conseil constitutionnel (2003) :
Le Conseil a précisé qu’il n’a pas compétence pour contrôler une révision constitutionnelle :
« Ni l’article 61, ni l’article 89, ni aucune autre disposition de la Constitution ne permettent au Conseil de statuer sur une révision constitutionnelle. »
Cette position signifie que le pouvoir constituant dérivé, qui procède aux révisions, est libre de modifier la Constitution dans les limites qu’elle fixe elle-même.
c) Les implications actuelles
L’absence de contrôle du Conseil constitutionnel sur les révisions pose plusieurs questions fondamentales :
- Quelles sont les limites effectives ?
- Si la forme républicaine est explicitement protégée, qu’en est-il des autres principes, comme la souveraineté populaire ou la laïcité ?
- Comment garantir ces limites ?
- En l’absence de contrôle juridictionnel, la protection des principes intangibles repose uniquement sur les acteurs politiques et la culture démocratique.
Comparaison internationale :
- En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale peut censurer une révision non conforme aux principes fondamentaux.
- En France, aucune instance ne peut intervenir pour garantir le respect des limites inscrites dans l’article 89.
5) Le mécanisme de révision de la constitution sous la Vème République
La révision de la Constitution française est encadrée principalement par l’article 89, qui constitue la voie normale, mais des débats ont émergé suite à l’utilisation controversée de l’article 11 par le général de Gaulle.
La procédure normale : l’article 89
L’article 89 définit un processus précis et structuré pour modifier la Constitution :
-
L’initiative de la révision
- Elle appartient au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, ou aux membres du Parlement.
- Cette double origine reflète un équilibre entre l’exécutif et le législatif.
-
L’adoption par le Parlement
- Les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) doivent examiner et voter le texte en termes identiques.
- Chaque chambre dispose d’un droit de veto qui peut bloquer la révision : Aucune révision ne peut être adoptée sans l’accord du Sénat. Contrairement à l’Assemblée nationale, le gouvernement n’a pas de moyens de pression sur le Sénat, ce qui peut poser problème en cas de divergence politique entre le Sénat et le Président de la République.
-
L’approbation finale
- Une fois adopté par le Parlement, le texte est soumis à :
- Un référendum, pour une approbation par les citoyens.
- Ou au Congrès (réunion des deux chambres à Versailles), qui doit l’adopter à une majorité des 3/5 des suffrages exprimés. Cette option est choisie pour des révisions moins clivantes ou techniques.
La procédure exceptionnelle : l’article 11
L’article 11 est normalement réservé aux référendums législatifs. Cependant, le général de Gaulle l’a utilisé à deux reprises pour des révisions constitutionnelles, déclenchant une controverse juridique et politique.
-
Utilisation en 1962 :
- De Gaulle a employé l’article 11 pour instaurer l’élection du Président au suffrage universel direct.
- Le référendum a été approuvé par 62 % des votants, mais cette méthode a été critiquée, car elle contournait l’article 89.
-
Utilisation en 1969 :
- Une tentative de réforme du Sénat par la même procédure a été rejetée par le peuple. Ce revers a conduit à la démission de De Gaulle.
Arguments des juristes :
- L’article 89 est le seul article dédié à la révision constitutionnelle, et son contournement par l’article 11 est jugé contraire à la logique constitutionnelle.
- D’autres défendent son usage en s’appuyant sur l’article 3 :
« La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Controverse sur l’article 11 :
- L’article 11, conçu pour les référendums législatifs, a été utilisé par le général de Gaulle pour contourner l’article 89.
- Exemple de 1962 : De Gaulle a utilisé l’article 11 pour instaurer l’élection du Président au suffrage universel direct. Bien que cette révision ait été adoptée par référendum, son usage a été critiqué comme contraire à la Constitution.
- Exemple de 1969 : Une tentative de réforme du Sénat par la même procédure a été rejetée par les citoyens, conduisant à la démission de De Gaulle.
Les révisions constitutionnelles notables depuis 1958
La Cinquième République a connu plusieurs révisions importantes, reflétant les évolutions politiques et sociales de la France :
-
Adoptées par la procédure normale (article 89) :
- 1960 : Création de la Communauté entre la France et ses anciennes colonies.
- 1974 : Extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel à 60 députés ou sénateurs.
- 1995 : Élargissement des domaines soumis à référendum.
- 2003 : Renforcement de la décentralisation.
- 2005 : Introduction de la Charte de l’environnement.
- 2008 : Une réforme majeure a été adoptée pour moderniser les institutions de la Ve République, renforçant les pouvoirs du Parlement et introduisant de nouveaux droits pour les citoyens.
-
Adoptées par référendum (article 11 ou 89) :
- 1962 : Élection du Président au suffrage universel direct (article 11).
- 2000 : Réduction du mandat présidentiel de 7 ans à 5 ans, approuvée par référendum (article 89).
Les limites et débats autour de la révision
-
Obstacles au processus :
- Certaines révisions n’ont pas abouti faute d’accord politique.
- Exemple : En 1973, Georges Pompidou voulait réduire le mandat présidentiel, mais craignait que le texte soit rejeté au Parlement.
-
La controverse sur l’article 11 :
- Les juristes critiquent l’usage de l’article 11 pour réviser la Constitution, car :
- L’article 89 est conçu spécifiquement pour cette fonction.
- Aucune disposition constitutionnelle ne permet de relier les deux articles.
- Les partisans invoquent toutefois la souveraineté populaire pour justifier son utilisation.
-
La question de l’abstention :
- Lors du référendum de 2000 sur la réduction du mandat présidentiel, le fort taux d’abstention (près de 70 %) a suscité des critiques sur l’efficacité de la consultation populaire.
Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches (histoire, institutions, constitution, état, démocratie…)
Cours de droit constitutionnel (histoire, institutions…) – Histoire de la IVème et Vème République – L’État : Éléments constitutifs, caractère, origine, forme – La Constitution : définition, élaboration, révision – Le régime démocratique – Les grands systèmes politiques contemporains – Président de la République : statut, élection, pouvoirs, rôle La révision de la Constitution – Démocratie, élections, scrutin et référendum – Président de la République et gouvernement sous la Vème République – Le parlement : organisation et dissolution – Le Conseil Constitutionnel : composition, organisation, rôle