La saisine des héritiers

LA SAISINE

            La saisine, c’est le pouvoir pour les successeurs les plus proches du défunt de s’occuper du patrimoine successoral en attendant le partage.

Section 1 : La notion de saisine

                        I : Définition négative 

            La saisine, ce n’est pas le droit de propriété. En vertu du principe de continuation de la personne du défunt, tous les successeurs sont censés acquérir les biens au décès automatiquement. Ce principe est une fiction juridique : il faut attendre que l’option soit exercée et que le partage soit réalisé. En attendant, il faut désigner quelqu’un pour s’occuper des biens successoraux si nécessaire. La loi a donc prévu depuis toujours, la saisine pour combler le manque durant cette situation provisoire qui sépare le décès du partage réalisé. Les biens vont être gérés par les successeurs saisis : ce sont ceux auxquels la loi fait confiance. Ces successeurs ne sont pas nécessairement propriétaires des biens en question. Ils ne peuvent les aliéner… La saisine, ce n’est pas le droit de propriété.

            La saisine, ce n’est pas la possession. La possession, c’est le pouvoir de fait qui réunit le corpus et l’animus. Pour être possesseur, il faut avoir le bien entre les mains et vouloir se comporter comme propriétaire. Pour la saisine, cela n’est pas nécessaire.

                        II : Définition positive 

            La saisine, c’est la faculté de se mettre en possession. Le saisi n’a pas besoin d’être en possession effective. Ce qui importe, c’est que grâce à la saisine, il puisse appréhender les biens successoraux sans que cela soit obligatoire. Par ailleurs, il faut préciser qu’il peut appréhender les biens successoraux pour toute la succession mais il peut n’appréhender que sur certains biens de son choix. Même s’il n’a pas l’animus, il a les pouvoirs d’un possesseur. Il peut appréhender matériellement le bien  (acte matériel d’usage, utiliser la voiture, acte juridique d’administration, percevoir les fruits) et ce sans indemniser les autres héritiers.

            La saisine, c’est aussi la faculté de représenter la succession. Le saisi va pouvoir exercer en justice, les actions que le défunt avait entamées. Le saisi peut également défendre le défunt dans ses mêmes actions. Il peut agir seul alors même qu’il y a plusieurs cohéritiers si les autres sont inactifs. La saisine, c’est une faculté de plein droit : elle est attribuée automatiquement par la loi aux personnes que la loi désigne. Cette saisine est d’ordre public : elle est impérative.

Section 2 : Les successeurs saisis et non saisis

                        I : Les successeurs saisis 

                                   A: Détermination des successeurs saisis 

            La saisine est réservée aux proches du défunt.

  1. Les héritiers ab intestat venant à la succession

            L’article 724 du Code civil vise les héritiers désignés par la loi qui sont saisis de plein droit. Ce sont tous les successeurs ab intestat mais pas l’Etat et il faut venir à la succession. Seuls ceux qui ont vocation a hériter effectivement ont la saisine : enfants du de cujus, le conjoint survivant. En cas d’inertie des héritiers saisis va se poser un problème, les héritiers de rang subséquents peuvent prendre quelques mesures conservatoires : certains auteurs parlent de « saisine virtuelle ». Si les premiers héritiers appelés renoncent à la succession, ils perdent la saisine. S’ils renoncent tous, ce sont les suivants qui l’ont : on parle de saisine successive. La saisine successive est rétroactive.

  1. Les légataires universels

En présence d’héritier réservataire:  

            Il n’a pas la saisine. Il doit faire une demande en délivrance : il demande la délivrance de son legs aux héritiers réservataires : article 1400 du Code civil. Si le légataire universel est en même temps héritier ab intestat : deux textes sont en concurrence : article 1004 du Code civil et article 724 du Code civil : la jurisprudence décide que l’article 724 l’emporte : lorsque le légataire universel et qu’il est héritier ab intestat, il va être saisi.

En l’absence d’héritier réservataire:  

            Article 1006 du Code civil : le légataire universel a la saisine.

  1. Le cas de pluralité d’héritiers saisis

            On dit que la saisine est indivisible. N’importe quel héritier saisi peut s’occuper de toute la succession. Il y aura des hypothèses où cette indivisibilité va connaître des limites : hypothèses où plusieurs cohéritiers vont vouloir s’occuper de toute la succession. Il va falloir mettre en parenthèse l’indivisibilité.

                                   B: Les obstacles aux effets de la saisine

            L’apposition de scellés sur les biens successoraux qui peut être demandée par toute personne intéressée ou par le Ministère public. Le successeur saisi va être empêché de saisir les biens successoraux.

            Un autre obstacle existe : le successeur sera freiné par la contestation de sa qualité dans deux hypothèses :

          un tiers détenteur accepte de remettre les biens successoraux à l’héritier saisi que si ce dernier prouve sa qualité. Le contenu de l’acte de notoriété est prévu aux articles 630-1 du Code civil. On peut demander de présenter un inventaire ou certificat de propriété.

          hypothèse où l’héritier saisi veut appréhender des biens successoraux mais une autre personne prétend avoir également des droits sur toute la succession : chacun doit prouver qu’il a seul la qualité d’héritier saisi. Preuve contentieuse à rapporter le plus souvent.

          hypothèse d’un testament olographe : la loi dit qu’il faut vérifier que le testament n’a pas été falsifié, c’est l’envoi en possession : article 1008 du Code civil. Il doit être demandé par le légataire au Président du TGI qui procède à un contrôle minimum. Cette formalité n’est exigée que pour donner une force exécutoire à ce titre.

                        II : La situation des successeurs non saisis 

                                   A: Les légataires 

            Les légataires ne sont pas des successeurs saisis. Article 1006 du Code civil : il ne sont pas saisis sauf légataire réservataire. Ils ne peuvent de plein droit appréhender les biens successoraux. Il faut qu’ils en demandent la délivrance aux successeurs saisis. Cette demande peut être expresse ou tacite. Lorsque le legs porte sur un immeuble la délivrance devra se faire par acte authentique pour être délivré.

            Si les héritiers saisi refusent d’apporter au légataire la délivrance de son legs : il va saisir le tribunal qui pourra accorder la délivrance si les héritiers saisis ont refusé la délivrance du legs.

                                   B: L’Etat 

            Si l’Etat recueille la succession, il n’y pas d’héritiers saisis. Il n’a pas à demander la délivrance. Une formalité va tout de même lui être imposée : article 724 du Code civil : l’envoi en possession. Il fait devant le Tribunal une demande d’envoi en possession. L’Etat aura la charge d’établir qu’il n’y pas d’héritier. Une fois envoyé en possession, l’Etat va se trouver dans la situation d’un successeur saisi, il va être considéré rétroactivement comme ayant droit aux fruits. Il va pouvoir appréhender les biens successoraux : il n’acquiert pas la qualité d’héritier.

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