La sanction civile et pénale de la contrefaçon
La contrefaçon est le fait pour un autre que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle ou son licencié d’exploiter ce monopole, portant ainsi atteinte aux droits de son titulaire (définition de la contrefaçon issue du « lexique des termes juridiques » DALLOZ).
La contrefaçon est pénalement et civilement condamnée (l’une ou l’autre, l’une et l’autre). C’est un délit correctionnel qui est aussi un fait générateur de responsabilité.
Quelle est la compétence matérielle et territoriale en cas de contrefaçon ?
L’article l615-17 du CPI donne une compétence matérielle au Tribunal de Grande Instance de Paris exclusive. Ce Tribunal de Grande Instance a également compétence pour connaître des faits de concurrence déloyale connexe aux faits de contrefaçon. Il est très fréquent qu’en cas d’action en contrefaçon on agisse en concurrence déloyale à titre subsidiaire.
Attention : Cet article n’exclut pas la possibilité d’arbitrage.
- Le droit des brevets
- Les exclusions du domaine de la brevetabilité
- L’exigence d’une activité inventive, critère de brevetabilité
- L’exigence de nouveauté et du caractère industriel de l’invention
- Les personnes pouvant faire une demande de brevet
- Les conditions de forme de la demande de brevet
- Le rejet ou la délivrance du brevet (examen, publication, recours)
L’auteur de l’action en contrefaçon
L’article L615-2 du CPI : L’action en contrefaçon peut être exercée par
• Le titulaire du brevet
• Le licencié exclusif : après avoir vainement mis en demeure le titulaire d’agir, sauf stipulations contraires. En effet, il se peut que le contrat de licence interdise le licencié exclusif d’agir, soit il peut être contractuellement dispenser de mettre en demeure le titulaire d’agir avant de pouvoir lui-même agir. Si le licencié agit, cela n’exclut pas l’action du titulaire du brevet à l’isntance.
• Les licenciés non exclusif :
▪ de licence légale (obligatoire ou d’office) : peuvent agir après avoir vainement mis en demeure le titulaire d’agir
▪ de licence conventionnelle : ne peuvent pas agir en contrefaçon
Paragraphe 1 : Les sanctions en matière pénale
Ces sanctions sont prévues par l’article L615-14 du Code de la Propriété Intellectuelle contre « toute personne qui sciemment commet une contrefaçon. »
A.Les peines contre les physiques
La contrefaçon est un délit pénal punit de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende. Il y a des circonstances aggravantes :
• Lorsque la contrefaçon est le fait d’une bande organisée ou
• Lorsque la contrefaçon est commise sur un réseau de communication au public en ligne ou
• Lorsque les faits portent sur une marchandise dangereuse pour la sécurité et la santé de l’homme ou de l’animal.
Ces circonstances aggravantes font que la sanction passe à 5 ans d’emprisonnement et 500 000€ d’amende. Cet article prévoit un doublement de ces peines en cas de récidives ou si le contrefacteur était lié conventionnellement au titulaire du brevet. Il existe également des peines complémentaires pour les personnes physiques :
• Privations des droits d’élection ou d’éligibilité pour certaines tribunaux
• Le retrait des circuits commerciaux au frais du coupable des objets jugés contrefaisants et de toute chose qui a servi ou qui été destinée à commettre une infraction
• Destruction aux frais du condamnés ou remise à la partie lésée
• Diffusion du jugement aux frais du condamné
B. Les peines contre les personnes morales
Pour les peines prononcées contre les personnes morales : une peine d’amende qui est portée au quintuple de ce qui est prévu (5 x 300 000€ ou 3 x 300 000€). Cet article renvoie également à une liste de peine principale : exemple la dissolution, l’interdiction d’exercer une activité, la fermeture définitive de l’établissement…
Pour les peins complémentaires : destruction, publication du jugement, remise à la partie lésée…
—> mêmes peines que pour les personnes physiques.
Paragraphe 2 : Les sanctions en matière civile
A.Le principe et l’exception de l’engagement de la responsabilité de l’auteur de la contrefaçon
L615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle : « Toute atteinte au droit du propriétaire du brevet constitue une contrefaçon de nature à engager la responsabilité de son auteur. » En principe l’acte de contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur peut importe qu’il soit de bonne ou mauvaise foi.
Par exception l’article L613*3 réserve le cas particulier du contrefacteur qui n’a pas fabriqué le produit contrefaisant : celui qui offre, qui met dans le commerce, qui exporte, qui détient à ses fins… Celui-ci n’engage sa responsabilité que si il a commis ces faits en connaissance de cause.
B. L’allocation de Dommages & Intérets
L’élément essentiel de la sanction de la contrefaçon sont les DOMMAGES & INTÉRÊTS . L615-7 du Code de la Propriété Intellectuelle « pour fixer les DOMMAGES & INTÉRÊTS la juridiction doit prendre en considération distinctement trois éléments :
• Les conséquences économiques négatives subies par la partie lésée dont le manque à gagner et la perte subie
• Le préjudice moral causé à la partie lésée
• Les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d’investissement intellectuel, matériel et promotionnel que celui-ci a retiré de la contrefaçon. »
Les bénéfices réalisés par le contrefacteur n’est pas forcément le préjudice subi par le titulaire du droit de propriété industrielle, en effet parfois le contrefacteur exploite mieux le produit que le breveté. Ainsi parfois le contrefacteur vendu plus de biens que le breveté.
Il ne s’agit pas d’introduire la pratique des « punitive damages ». En revanche cette prise en considération des bénéfices du contrefacteur a pour objectif de dissuader le contrefacteur en retirant tout intérêt dans la contrefaçon (car on le prive de tout bénéfice). Les juridictions françaises par rapport à cette évolution sont restées relativement prudentes en continuant à appliquer les solutions traditionnelles ( : réparation du préjudice) mais de plus en plus elles attribuent tout ou partie des bénéfices du contrefacteur dans les DOMMAGES & INTÉRÊTS alloués.
Il est prévu dans l’article L615-7 qu’à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée la juridiction peut allouer à titre de DOMMAGES & INTÉRÊTS une somme forfaitaire (lorsque la partie lésée ne peut pas révéler ses bénéfices ou lorsque l’on ne peut pas apprécier les bénéfices du contrefacteur) qui doit être supérieure au montant des redevances qui auraient été dues par le contrefacteur si il avait été licencié. Cette somme forfaitaire n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
C. Les autres sanctions
Au civil est également possible le rappel ou le retrait des circuits commerciaux : « en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner que les produits reconnus comme contrefaisants et les matériaux ou instruments qui ont servi à leur fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement des circuits commerciaux détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. »
La juridiction peut aussi ordonner aux frais du contrefacteur toute mesure appropriée de publicité du jugement.
Délai de prescription : L615-8 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que « Les actions en contrefaçon prévues par le présent chapitre sont prescrites par 5 ans à compter des faits qui en sont la cause. » Le chapitre en question (chapitre 5) concerne les actions civiles et pénales donc il semble qu’en droit des brevets le délai de prescription quinquennal s’applique aussi bien aux actions civiles que pénales en contrefaçon. Au plan pénal la contrefaçon est un délit or le délai de prescription des délits est de 3 ans, ainsi on a un délai dérogatoire au délai de droit commun.
D.Le système d’injonction préalable
1. La procédure de l’injonction préalable
En attendant d’obtenir une décision sur l’action en contrefaçon (délai long) on a mis en place un système d’injonction préalable. L615-3 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner au besoin sous astreinte à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente au droit conféré par le brevet ou à empêcher la poursuite d’acte argué de contrefaçon. »
Dans la pratique c’est une demande en référé mais il est possible de demander ses mesures sur requête (non contradictoire) mais c’est très rare. Les juridictions ne s’y aventurent que lorsque l’on peut atteindre un contrefacteur que dans certaines situations (exemple des contrefacteurs étrangers qui ne sont présents qu’à un moment donné et sans être prévenu pour éviter qu’ils ne fassent disparaître les preuves).
La juridiction ne va effectivement donner une mesure que si les éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur rendent vraisemblables qu’il y a atteinte au brevet ou qu’une atteinte est imminente. La juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution de garanties par le demandeur.
2. Les mesures ordonnées
L’article L615-3 du CPI prévoit que la juridiction peut :
• Interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon
• Subordonner la poursuite des actes à la constitution de garanties par le contrefacteur présumé
• Prévoir la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte au droit du brevet afin d’empêcher leur mise dans le marché
• Ordonner la saisie-conservatoire des biens (mobiliers et immobiliers) si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement de DOMMAGES & INTÉRÊTS .
• Ordonner la communication des documents banquiers, comptables, commerciaux ou autres informations pertinentes pour déterminer les biens objets de la saisie
• Accorder une provision au demandeur lorsque l’existence du préjudice du demandeur n’est pas sérieusement contestable.
Ces mesures si elles sont ordonnées avant une action au fond doivent être confirmées par une action au fond au civil ou au pénal ou par un dépôt de plainte au Procureur de la République dans un délai de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils à compter de la date de l’ordonnance, à peine de nullité de l’ordonnance.