La sanction et la preuve de l’erreur en droit des contrats

La mise en œuvre de la sanction de l’erreur en droit des contrat.

L’article 1110 du Code civil n’énonce aucun autre condition dont pourrait dépendre l’anéantissement du contrat par nullité.

  • La preuve de l’erreur.

Elle incombe au demandeur en nullité, qui doit établir non seulement que sa croyance est contraire à la réalité, mais que cette croyance a déterminé son consentement.

Par exemple, la vente d’un terrain inconstructible sera maintenue si l’acheteur le savait inconstructible, mais également si, ne le sachant pas, il ne parvient pas à faire la preuve qu’il l’avait acheté pour faire construire.

L’appréciation doit-elle être portée in concreto ou in abstracto? L’interprétation subjective de l’erreur peut se traduire par deux manières d’apprécier l’erreur : in abstracto c’est-à-dire par référence à ce que serait dans une opinion commune une erreur déterminante, la recherche est appliquée à la moyenne des individus ; in concreto, c’est-à-dire par référence à la situation personnelle de celui qui se prétend victime de l’erreur, la recherche est appliquée à un individu particulier.

Avec la théorie subjective, on retient l’appréciation in concreto, la jurisprudence est en ce sens : les juges doivent rechercher si l’erreur a déterminé le consentement de celui-là même qui l’invoque, et non pas s’il était normal qu’elle le déterminât compte tenu des usages, de l’opinion commune ; «il appartient à l’acheteur arguant de son erreur d’établir le caractère pour lui substantiel des qualités qu’il n’a pas trouvé dans l’objet acheté» (Civ. 1, 26 janvier 1972, B. n°32, D. 1972 p517 : vente de tableau).

  • B) La connaissance par les deux parties de la qualité substantielle de la qualité considérée : la question de l’erreur commune.

L’erreur unilatérale suffit-elle pour entraîner la nullité du contrat, ou au contraire l’erreur ne vicie-t-elle le consentement que si elle est commune aux deux parties ? Je crois acheter un objet ancien qui est une copie récente, pour obtenir l’annulation faut-il prouver que le vendeur a commis la même erreur ?

L’erreur commise par une seule des parties suffit, il suffit qu’un consentement soit vicié pour que l’accord de volontés ne présente pas la condition nécessaire à sa validité. Selon l’article 1108 du Code civil (quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige…), l’erreur dont la loi se contente est celle de la partie qui s’oblige. Cependant, l’erreur doit porter sur une qualité dont l’une des parties savait qu’elle présentait un caractère substantiel pour l’autre partie, sinon l’erreur porterait sur un simple motif.

Un problème de preuve va se poser : il n’est pas toujours aisé pour le demandeur d’établir que le cocontractant savait que telle qualité était tenue pour substantielle pour lui. Si le contrat n’est pas précis, il sera nécessaire de recourir à une présomption de fait reposant sur la nature de la qualité considérée et sur les circonstances dans lesquelles a été conclu le contrat.

  • C) L’erreur inexcusable.

Elle découle d’une négligence ou d’une légèreté excessive chez le contractant qui invoque l’erreur, elle ne pourra pas se traduire par la nullité du contrat. Le caractère inexcusable de l’erreur s’apprécie in concreto (expérience, profession du demandeur en nullité) : l’acheteur (architecte) d’un terrain, impropre à l’édification d’un immeuble, a la possibilité de s’informer de l’existence d’un plan d’urbanisme signalé par le vendeur (Civ. 1, 2 mars 1964, B. n°122 ; RTDCiv. 1965 p112 obs. Mestre) ; l’amateur d’art qui s’en tient à la mention «attribué à» pour croire à l’authenticité de la signature commet une erreur inexcusable (Civ. 1, 16 déc. 1964, D. 1965 p136).

«En vendant et en achetant un tableau « attribué à », les contractants ont accepté un aléa sur l’authenticité de l’œuvre, aléa qui a été dans le champ contractuel. Aucun d’entre eux ne peut alléguer l’erreur en cas de dissipation de l’aléa, en cas d’authenticité devenue certaine» (Civ. 1, 24 mars 1987 ; D. 1987 p489 note Aubert ; JCP 1989 II 21300 note Vieville). «La mise en vente sans réserve d’une œuvre d’art portant une signature constitue une affirmation d’authenticité, ce qui exclut le caractère aléatoire » (Civ. 1, 7 novembre 1995, B. n°401 ; RTDCiv. 1997 p113 note Mestre).

La réticence dolosive (dol par silence), à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée (Civ. 3, 21 février 2001 ; D. 2001 p2702 note Mazeaud ; RTDCiv. 2001 p353 observation Mestre ; JCP 2002 II 10027 note Jamain ; Defresnois 2001 p703 note Liebchabert).