Répression et réparation des fautes (ou abus) de gestion
La notion de faute de gestion d’un dirigeant est large. Il s’agit d’un acte ou une omission qui ne s’inscrit pas dans l’intérêt social de l’entreprise. Mais aujourd’hui, une faute de gestion peut aussi bien viser une fraude ou un abus caractérisés, qu’une simple imprudence dans la conduite de l’entreprise.
Les abus de gestion constitue des délits de fonction que certains auteurs considèrent comme des délits aristocratiques et seules des personnes déterminé es de droit ou de fait peuvent les commettre ( directeur adjoint… L241-3) le texte vise les gérants qui sont les personnes pouvant commettre les délits des abus de gestion et les dirigeants de fait peuvent se rendre coupable de l’infraction et ils sont sur le même plan que les dirigeants de droits et dans le domaine des SARL c’est l’article L241-9 du code de commerce qui étend les dispositions qui répriment les abus de gestion aux personnes qui directement ou par personnes interposées aura en fait exercé la gestion d’une SARL a la place de son gérant légal. Et les actes du complice pour être punissables doivent être commis en connaissance de cause des actes commis par l’infracteur principal mais il n’est pas nécessaire que le complice présente la qualité de dirigeant de droit ou de fait et un salarié peut être complice. Pour les personnes qui ne se sont pas rendu coupables mais qui ont eu un avantage à la commission de cet abus de gestion
- 1 L’action publique
- Règles de fond
1) Personnes punissables
- Cours de Droit pénal des affaires
- L’intention frauduleuse, l’élément moral de la faute de gestion
- L’acte du dirigeant contraire à l’intérêt social?
- La sanction et la réparation des fautes de gestion
- Les fautes de gestion des dirigeants contraires à l’intérêt social
- Le caractère trompeur des pratiques commerciales
- Qu’est ce que la pratique commerciale de l’article L121-2 ?
On retrouve une différence entre abus de confiance et abus de gestion.
- Abus de confiance : peut être commis par toute personne.
- Abus de gestion constituent des délits de fonction que certains auteurs désignent comme étant des délits aristocratiques. Seules certaines personnes déterminées peuvent les commettre : les dirigeants de droit ou de fait.
Dirigeant de droit :
- L 242-6 du code de commerce (pour les SA) : le président, les administrateurs, les directeurs généraux de la SA auxquels la jurisprudence a ajouté les directeurs généraux adjoints (Crim, 19 juin 1978)
- L241-3 du code de commerce (pour les sociétés à responsabilité limitée) : le texte vise ici les gérants, BN. Dirigeant de fait :
- Ils peuvent être coupables de ces infractions depuis que la loi du 24 juillet 1966 les a mis sur le même plan que les dirigeants de droit à cet égard. Par exemple, dans le domaine des SARL, article L 241-9 du code de commerce étend les dispositions réprimant les abus de gestion à toute personne qui directement ou par personne interposée aura en fait exercé la gestion d’une société à responsabilité limitée à la place de son gérant lé gal (Crim, 24 septembre 2008, droit pénal 2008, commentaire 156). En matière de société par actions article ( ?), responsabilité des dirigeants de fait.
Qu’en est-il des complices ? Il faut se reporter aux règles générales du code pénal (121-6 et 121-7 du code pénal). La complicité est punissable si les actes du complice ont été accomplis en connaissance de cause des actes commis par l’auteur de l’infraction principale. Mais il est important de préciser qu’il n’est pas nécessaire que le complice présente la qualité de dirigeant de fait ou de droit. Quelque soit sa qualité, une personne pourra être complice de l’auteur d’un dirigeant. Ainsi, un salarié pourra être complice alors même qu’il n’a pas la même qualité que l’auteur de l’infraction principale.
Précision sur ces personnes ayant tiré un avantage de la commission d’un abus de biens sociaux. En effet, des personnes, tiers à la société, ne s’étant pas rendus coupables de l’abus de biens sociaux puissent être déclarés coupable d’une autre infraction, celle de recel, infraction qu’elles auront commise à la suite de l’abus de biens sociaux commis par e dirigeant.
Le recel : article 321-1 du code pénal (5 ans de prison, 375 000 euros d’amende) : quand une personne en connaissance de cause va avoir profité d’avantages accordés par des dirigeants sociaux ayant utilisé à cette fin les biens de la société , cette personne n’est pas coupable elle-même de l’abus de biens sociaux mais est coupable d’u recel (elle doit avoir eu connaissance de l’abus de bien sociaux, infraction préalable) (Crim, 27 octobre 97 : maire de Grenoble coupable de recel d’abus de biens sociaux car c’était fait offrir un appartement par les dirigeants des sociétés qui voulaient la concession des eaux. Crim, 14 janvier 2009 (complicité d’abus de biens sociaux et recel))
2) Peines encourues
Article L 242-6 du code de commerce prévoit une amende de 375 000 euros et une peine d’emprisonnement de 5 ans, peines qui sont également prévues en matière de société à responsabilité limitée (L 241-3 du code de commerce). Peines sont importantes. L’article 314-1 du code pénal punit l’abus de confiance de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Mais il faut préciser que l’article L 314-2 prévoit en matière d’abus de confiance prévoit des peines plus élevé es (7ans prison et 750 000 euros d’amende) lorsque l’abus de confiance sera accompagné d’une cause aggravante (abus de confiance commis au préjudice d’une personne d’une particulière vulnérabilité). Les abus de gestion ne connaissent pas une telle cause d’aggravation de l’infraction.
La tentative de l’infraction n’est pas incriminée.
- Prescription
Dans les années 90, scandales politico financiers, l’intérêt pour la prescription a été très fort.
La jurisprudence fait ici œuvre créatrice.
Les abus de gestion sont des délits donc la prescription est de 3 ans. Ce délai peut paraitre très court et ça l’est car les abus de biens sociaux ce sont des délits qui dans l’ensemble sont peu facilement détectables.
Les infractions tels les abus de gestion sont facilement camouflables de sorte qu’il peut être frustrant pour les juges répressifs de constater que la prescription de l’action publique est acquise car le délit a été commis a un moment ou personne ne s’en est rendu compte.
L’abus de biens sociaux c’est une infraction instantanée. Les délits instantanés s’opposent aux délits continus.
Donc en toute rigueur, comme toute infraction instantanée, il doit se prescrire lorsque l’infraction a été commise (articles 7 et 8 du CPC). Donc si on applique cette règle, il se peut fort bien que l’infraction soit prescrite à un moment ou elle n’est pas encore découverte. Et c’est pour cette raison que la jurisprudence a essayé ici de contourner ou du moins d’atténuer les effets de cette prescription acquise au bout de 3 ans.
La jurisprudence ne peut pas modifier les délais de prescription. Mais la jurisprudence joue sur la détermination un point de départ de la prescription. Règle : point de départ de la prescription de l’abus de biens sociaux : au jour ou le délit a pu être constaté ou est apparu (Crim, 7 décembre 67)
Puis dans les années 80, la Cour de Cassation vient apporter une précision à cela : le point de départ de la prescription doit être fixé au jour ou le délit a pu être constaté ou est apparu, dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique (Crim, 10 aout 81)(Crim, 27 juillet 93).
Qu’a voulu dire la Cour de Cassation par cette précision ? Elle a voulu dire que le délai de la prescription ne commençait à courir qu’à compter du jour ou les personnes qui sont habilitées à mettre en œuvre l’action publique ont été en mesure de le faire. Ces personnes ce sont les magistrats membres du MP et également les victimes qui se constituent partie civile (si l’action publique n’avait pas encore été déclenchée). Comme cela pouvait retarder le point de départ de la prescription, les critiques ont fait remarquer que l’abus de biens sociaux devenait quasi imprescriptible. Un député a déposé une proposition de loi pour la prescription en matière d’abus de biens sociaux. La proposition visait à instituer un délai butoir.
La proposition prévoyait que le délit d’abus de biens sociaux se prescrivait par trois ans à compter du jour ou les faits ont été constatés mais dans la limite de 6 ans à compter du jour où ils avaient été commis. Donc cela limitait dans le temps la jurisprudence. Cette proposition de loi n’a pas abouti donc la Cour de Cassation a continué dans de nombreux arrêts à préciser sa jurisprudence.
A la fin des années 90, elle a fait évoluer sa jurisprudence en énonçant que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux coure sauf dissimulation à compter de la présentation des comptes annuels (Crim, 5 mai 97) (Crim, 10 novembre 99). Pourquoi le point de départ est il fixé à la présentation des coptes annuels ? Parce qu’on peut raisonnablement penser que les associés auront la possibilité de faire des vérifications et de vérifier les éventuels abus de la part des dirigeants. Mais la Cour de Cassation précise « sauf dissimulation »
La prescription devait être fixée à la présentation des comptes annuels, sauf dissimulation. Qu’est ce que cela veut dire ? En cas de dissimulation, la prescription va commencer à courir le jour ou l’infraction est apparue dans les conditions permettant l’exercice de l’action publique (Crim, 10 avril 2002).
Que faut il entendre par dissimulation car tout dépend de la portée que la jurisprudence va donner à ce terme. La Cour de Cassation contrôle la prescription de la dissimulation et la jurisprudence la reconnait dans de nombreux cas, mais c’est loin d’être systématique et il y a des arrêts qui l’écartent : « il n’y a pas de dissimulation lorsque les documents remis au CAC étaient suffisamment explicites » (Crim, 19 octobre 99) Donc cela montre que la Cour de Cassation n’admet pas facilement la dissimulation. Dans le même esprit, la Cour de Cassation a estimé qu’il n’y avait pas de dissimulation dans une affaire dans laquelle un cautionnement hypothécaire était constitutif d’un abus de gestion. Ce cautionnement avait fait l’objet d’une mesure de publicité à la conservation des hypothèques donc il a été jugé qu’il n’y avait pas de dissimulation et la Cour de Cassation a précisé que c’était à la date de la publication et non pas à celle de la présentation des comptes sociaux que devait commencer la prescription/ être son point de départ (Crim, 26 février 2007).
Crim, 14 janvier 2009 (Droit pénal 2009 commentaire 64) : il y avait dissimulation dans une affaire dans laquelle une convention litigieuse de cession de parts constituait un abus de gestion. Il y avait dissimulation car la convention était restée secret jusqu’à sa saisie qui avait eu lieu lors d’une perquisition faite dans une étude notariale. Le contenu de la convention n’avait pas été communiqué aux administrateurs ni au CA, ni aux actionnaires donc volonté de dissimulation de cette convention. Ici y’avait bien dissimulation justifiant le report du point de départ de la prescription.
Il faut rappeler que même en l’absence de dissimulation, il peut y avoir possibilité de reporter le point de départ de la prescription : cas ou il y a une convention initiale qui donne lieu pour son exécution à des actes réitérés. Exemple d’une convention de travail en vertu duquel des tiers vont être rémunérés en tant que salariés mais sans contrepartie car c’est un travail fictif. Il y a donc la convention initiale, le contrat de travail et en outre vont se succéder divers actes d’application consistant en des versements de salaires. Ici, la Cour de Cassation sans passer par la notion de dissimulation va jouer sur la notion d’usage abusif pour considérer que l’infraction est réitérée à chaque versement indu de salaire de sorte que ça permet d’étirer dans le temps la matérialité de l’usage abusif et la Cour de Cassation considère alors qu’il faut fixer le point de départ de la prescription au jour du dernier versement (Crim, 28 mai 2003)
2) l’action civile
Qu’en est-il de la réparation du préjudice?
Il faut distinguer selon que l’on envisage l’action civile exercée en réparation du dommage causé à la société et alors on parle d’action sociale et il faut voir l’action civile exercée à titre individuel par un actionnaire.
La jurisprudence est ici réticente à l’égard de l’exercice de l’action civile. Elle considère que l’action de la société est recevable et on verra que tel n’est pas le cas de l’action exercée à titre individuel par un associé.
Action sociale : action par laquelle la société demande réparation de la commission des abus de gestion. Cette action vise à protéger les intérêts de la société. La société va se prévaloir d’un préjudice matériel (dissipation des fonds de la société) ou encore préjudice moral (atteinte à son crédit).
On parle d’une part de l’action sociale ut universi : la société se constitue partie civile par l’intermédiaire de son représentant social légal (gérant, PDG).
Il se peut aussi que l’action sociale soit exercée par un actionnaire et il s’agit alors d’une action sociale ut singuli (Prévue à l’article L225-252 du code de commerce). L’actionnaire ici se dévoue car il exerce l’action sociale non pas en son propre nom, mais au nom de la société. Si le juge accorde des dommages-intérêts en réparation du préjudice ce sera le préjudice de la société et donc les dommages-intérêts ne sont pas attribués à cet actionnaire mais le sont à la société.
Donc l’action de la société est recevable.
Mais on pourrait envisager l’action de l’actionnaire qui agit en réparation de son propre préjudice personnel. Sur ce point, la jurisprudence a été évolutive. Elle a admis à une époque cette action civile en réparation du préjudice causé à l’associé puis elle a fini par la considérer irrecevable dans deux arrêts importants : Crim, 13 décembre 2000, Crim, 12 septembre 2001 : « les associés d’une société victime d’abus de biens sociaux, exerçant non l’action sociale mais agissant à titre personnel sont irrecevable à se constituer partie civile sauf à démontrer l’existence d’un préjudice propre distinct du préjudice social découlant directement de l’infraction »
Puis la Cour de Cassation rappelle les conditions d’exercice de l’action civile en référence à l’article 2 du code de procédure pénale : condition que le dommage doit remplir. Cet arrêt écarte l’action civile personnelle des associés sauf à démontrer que cet associé remplit les conditions de l’article 2 du CPC. Puis la Cour de Cassation a précisé dès 2001 que les associés ne subissent jamais un tel dommage : Crim, 3 décembre 2003 —> « le délit d’abus de biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé ». C’est une solution très sévère pour les associés et juridiquement, la solution est contestable.
Cette jurisprudence est sévère.
Sur le plan procédural, la Cour de Cassation a précisé dans la lignée de cette jurisprudence : « même lorsque l’action publique a été engagée, l’actionnaire reste devant une juridiction de jugement irrecevable à demander réparation du chef d’un abus de biens sociaux » (Crim, 20 février 2008)