La séparation des pouvoirs

La théorie de la séparation des pouvoirs

Les gouvernants, pour éviter les abus de pouvoir, n’ont pas tous les pouvoirs car ils sont séparés.Dans le cadre d’un État pratiquant la séparation des pouvoirs, l’exécutif gouverne et applique les lois, le législatif vote les lois, et le judiciaire rend la justice. Ils sont indépendants les uns des autres, chacun étant le contre-pouvoir des deux autres.

Article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26/08/1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. ».

La séparation des pouvoirs a donc valeur constitutionnelle. Il n’est plus question de traiter de la division verticale des pouvoirs. Mais il s’agit d’une division horizontale.

Cette séparation a pour but la protection des libertés et lutter contre le despotisme et l’hégémonie.

C’est en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis que se développe cette séparation des pouvoirs.

La séparation des pouvoirs



1 – La pensée politique de Montesquieu dans son opposition à celle de Rousseau


Dans L’esprit des lois, de 1748, Montesquieu proclame le principe de la séparation des pouvoirs. Depuis, ce principe est devenu un élément central du credo des démocraties occidentales, qui sont obnubilées par le thème de la limitation du pouvoir. La pensée politique de Rousseau repose sur une logique de confusion des pouvoirs.
Montesquieu est moins le père de ce principe que le père de l’équilibre de la séparation des pouvoirs. En réalité, les pères fondateurs du régime présidentiel américain de 1787, se sont directement inspirés de la pensée de Montesquieu, pour établir leur régime. Celui-ci est centré sur une séparation stricte des pouvoirs : ainsi, il cherche à parvenir à un régime d’équilibre absolu entre les pouvoirs, pour faire en sorte qu’aucun des pouvoirs exécutif et législatif, ne puissent confisquer le pouvoir.

Montesquieu élabore son système après être allé observer le régime britannique : il l’a pris comme un sociologue. Il en tire cette théorie, qui permet aussi de classer les régimes politiques occidentaux.

Quand on cherche à comparer les pensées philosophiques, on fait le constat qu’autant l’influence de Montesquieu sur l’organisation de nos régimes politiques occidentaux est déterminantes, autant celle de Rousseau apparaît comme étant secondaire. Les deux philosophes s’opposent sur leur conception même de la liberté politique et sur le fondement politique de ces sociétés.
Montesquieu est un libéral, mais pas un démocrate, alors que Rousseau n’est pas un libéral, mais il revendique le développement d’une démocratie absolue et rigoureuse. Or, ce n’est pas sur la base de la démocratie, mais du libéralisme que les régimes politiques occidentaux vont à l’origine se construire.
En effet, la Révolution française est profondément bourgeoise, au sens économique du terme : c’est une nouvelle élite qui apparaît, que l’Ancien Régime n’avait pas réussi à absorber et qui repose donc sur l’argent ; c’est donc bien la philosophie du libéralisme économique qui prime. Il sous-tend le libéralisme politique.
La même chosée s’est produite aux Etats-Unis, lors de la guerre d’indépendance les grands marchands, payant trop d’impôts, ont décidé de s’émanciper.
Pour les révolutionnaires français, la participation du peuple au pouvoir politique est secondaire ; ce qui compte, c’est la libéralisation des échanges économiques et du profit, qui doit en découler : de là, en découle la liberté politique.

On a, en Droit, une trace nette de cette technique : c’est la notion de suffrage censitaire. A l’origine, après la Révolution, le suffrage n’était pas universel. Les révolutionnaires n’ont pas livré le pouvoir au peule : le droit de vote est reconnu au profit de ceux qui payent le cens, qui est un impôt et cela jusqu’en 1948 ; c’est la même chose aux Etats-Unis.
La philosophie bourgeoise révolutionnaire postule que « seuls ceux qui sont capables doivent participer à l’exercice du pouvoir » : ce sont ceux qui ont prouvé leur compétence dans leurs affaires personnelles et donc, de ce fait, ont dégagé suffisamment de profits en travaillant, pour payer l’impôt.

La conception de la liberté politique, à la base des sociétés politiques occidentales, repose sur 2 piliers :

• la liberté participation : elle suppose la participation des gouvernés à l’exercice du pouvoir politique ; de cette affirmation découle le principe qu’il doit y avoir une reconnaissance de la liberté de suffrage.
Mais, dans les régimes politiques occidentaux, la liberté de participation est médiatisée, c’est-à-dire qu’elle ne s’exprime pas directement : elle suppose l’élection de représentants, qui vont agir à la place du peuple et en son nom. C’est le principe de représentation ou de régime représentatif

• la liberté autonomie : c’est un complément du principe de liberté participation ; c’est l’idée qu’il est nécessaire de se protéger contre les excès de pouvoir, en respectant l’autonomie de l’individu et en la protégeant contre les abus.
Elle induit 2 principes :
— l’individualisme : c’est la protection de l’autonomie de l’individu, qui est aussi au centre du Code Civil, de 1804
— la limitation du pouvoir

Dans ces deux branches, les régimes politiques, pour garantir cette approche, vont affirmer que la condition de la liberté politique est la séparation des pouvoirs (Art. 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).

Une telle proclamation ne va pas de soi : les démocraties populaires, fondées sur la légalité socialiste ignore cette conception des choses. Ce qui compte, c’est de garantir l’unité du pouvoir, pour en faciliter l’exercice, ce qui se traduit par des constructions constitutionnelles pyramidales : il y a une hiérarchisation entre les pouvoirs.
En revanche, dans nos démocraties, il s’agit de limiter le pouvoir, alors cela se traduit par une construction constitutionnelle horizontale, où les pouvoirs sont séparés et placés sur un même niveau, avec la recherche d’un équilibre. Dans ce contexte-là, on comprend pourquoi c’est la pensée de Montesquieu qui va dominer dans nos démocraties, la pensée de Rousseau s’appliquant plus dans les démocraties populaires.

a) Opposition quant à la conception de la liberté politique

— La liberté autonomie pour Montesquieu

La pensée politique de Montesquieu se situe, philosophiquement, entre le pur empirisme de John Locke et le rationalisme de Rousseau : sa pensée se caractérise par le relativisme ; pour lui, tout excès est mauvais. Il faut constamment relativiser les choses et chercher à nuancer à tempérer, à équilibrer les contraires.
Sur le plan politique, sa pensée le conduit à mettre en avant l’autonomie de l’individu et pour cela, il préconise, dans ses textes, un mécanisme de poids et de contrepoids juridiques et institutionnels, destinés à empêcher les abus du pouvoir.
Ce qui préoccupe Montesquieu, ce n’est pas de permettre la désignation des gouvernants par les gouvernés, mais de protéger l’individu en limitant le pouvoir. Cela se traduit de 2 façons :

• il affirme le principe de limitation des pouvoirs : comme Locke ou Hobbes, il cherche, dans L’esprit des lois, à faire cadrer ce qu’il appelle la « démocratie » avec le régime politique de l’époque, qui est une monarchie

En réalité, quand il utilise le mot « démocratie », il ne renvoie pas à ce qu’on la connaît aujourd’hui, mais plutôt à l’expérience antique de la Cité grecque, décrite par Aristote et Platon : toute la pensée de Montesquieu commence par une analyse de ce nouveau système de gouvernement, symbolisé par Athènes à l’âge classique.
La majorité des cités grecques de l’époque étaient gouvernées, soit par un tyran, soit par une oligarchie, c’est-à-dire par la domination d’un groupe. Seule Athènes s’était dotée d’un régime original et de manière durable : cela réside dans la participation populaire directe aux décisions qui concernent la Cité. Ce qui le marque d’autant plus, c’est qu’Athènes ne revêt pas la forme monarchique, mais républicaine : il confond République et démocratie. Lorsqu’il utilise l’expression « forme démocratique du régime », il faut la traduire par « forme républicaine du régime ». La République a à sa tête un homme élu

• il accepte une certaine participation du peuple au pouvoir : il analyse les différentes formes « pures » de régime et s’intéresse au décalage entre la forme « pure » et sa pratique, ainsi que son évolution : si la monarchie est susceptible de dégénérer en tyrannie, avec un despote, si l’aristocratie est susceptible de dégénérer en oligarchie et si la politie dérive en démagogie, ce serait un peuple aveuglé par le pouvoir politique, c’est parce que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».
Par conséquent, à partir de ce moment, pour remédier à cet inconvénient majeur de la nature humaine, il faut donc encadrer juridiquement le pouvoir politique : il faut le limiter. Cette réflexion reflète le visage d’un aristocrate libéral, qui considère que la démocratie, la politie, est une forme d’utopie, qu’il est illusoire de réaliser dans toute sa pureté.

Ce constat permet de mesurer la portée réelle de la pensée de Montesquieu, sur l’organisation des régimes politiques occidentaux. On doit à Montesquieu le fondement libéral de nos régimes, mais pas son caractère démocratique, car, en effet, les principes de représentation et de participation à fondement démocratique, n’apparaissent que de manière seconde et accessoire dans sa pensée.
Pour Montesquieu, la liberté politique ne peut se développer que dans le cadre des gouvernements mixtes, qui est une forme de gouvernement, qui associe la monarchie, l’aristocratie et une certaine participation du peuple à l’exercice du pouvoir politique. Cette participation ne s’envisage pas par le suffrage universel, mais par le prolongement du principe de séparation des pouvoirs :
— il établit un partage entre la souveraineté et l’autorité : la propriété de la souveraineté revient au Roi, alors que dans nos démocraties, elle revient au peuple ; l’exercice de la souveraineté est déléguée aux tenants de l’autorité, des administrateurs et des exécuteurs
— de tout cela doit émerger « un régime tempéré » : pour Montesquieu, la majorité politique n’a qu’une supériorité quantitative et non qualitative, d’où sa méfiance à l’égard de la démocratie ; il refuse aussi tout pouvoir absolu, que ce soit par le Roi, par le législatif ou par le peuple
Ex : l’élection d’Hitler

— La liberté participation pour Rousseau

Rousseau affirme la souveraineté de la volonté générale, en mettant l’accent sur « la liberté participation », dans Du contrat social, en 1776. Contrairement à Montesquieu, pour Rousseau, la liberté politique repose sur le principe que la souveraineté réside dans la volonté générale, qui doit s’exprimer par la participation la plus directe possible des gouvernés à l’exercice du pouvoir.
Sa théorie repose sur la conceptualisation de la souveraineté de la volonté générale : il s’efforce ainsi, de concrétiser cette volonté. C’est pourquoi, il s’efforce de la caractériser, par 2 aspects :

• la souveraineté est indivisible : Rousseau affirme le caractère indivisible de la société et rejette le principe de la séparation des pouvoirs
« La souveraineté est générale, ou elle ne l’est pas »
• la souveraineté est inaliénable : il rejette le principe de représentation
« La volonté générale ne peut jamais s’aliéner ; le souverain collectif ne peut jamais être représenté »

Or, la séparation des pouvoirs et le principe de représentation sont deux piliers à partir desquels vont se construire les régimes politiques occidentaux. En les rejetant, Rousseau se marginalise et exprime l’originalité de sa pensée.
Il est conscient qu’il ne sert à rien de la conceptualiser et que pour que ce soit opératoire, il faut concrétiser cette souveraineté. Il pose ainsi 2 principes :

• le rassemblement du peuple souverain : cela donne lieu à la théorie de la souveraineté populaire
« Le souverain est dans le corps des citoyens rassemblés »

• le fractionnement de l’autorité souveraine : il ne doit pas y avoir de décalage entre les citoyens et l’exercice de la souveraineté ; le peuple doit décider de tout puisqu’il est souverain.
Par conséquent, le part de souveraineté que détient chaque citoyen est proportionnée à l’importance quantitative de l’Etat : plus l’Etat dispose d’une population importante, plus le part de souveraineté de chaque individu est réduite ; c’est pour cette raison que Rousseau préconise la construction de petits Etats



b) Approches différentes des conditions de réalisation de la liberté politique

L’opposition entre Rousseau et Montesquieu n’est pas totale. Il existe un point de convergence : c’est l’idée selon laquelle la liberté politique passe par la Loi.

Montesquieu :
« La Liberté c’est la liberté de faire ce que les lois permettent ; pour que la Liberté soit garantie, les lois doivent être pré-établies, pour que le pouvoir souverain soit exercé conformément à des lois fixes et établies »


C’est une approche moderne et capitale du Droit, parce que c’est la seule solution pour éviter l’arbitraire. Le concept que dégage Montesquieu est au cœur de notre système juridique, de l’Etat de Droit : c’est une sécurité juridique.
Ces lois doivent être l’œuvre d’assemblée représentative du corps des nobles, c’est-à-dire de l’aristocratie, et du peuple. C’est une idée qui rappelle la Chambre des Lords anglaise, appelée aussi Chambre Haute, et la Chambre des Communes anglaise.
Ce qui l’importe, c’est que les lois soient conformes à la volonté du corps social dans ses 2 branches : c’est un régime mixte. C’est ainsi l’idée qu’on ne respecte bien les lois, qu’à condition qu’on les accepte.

Rousseau :
« La Loi est l’expression de la volonté générale »

C’est une condition essentielle de la liberté politique. On trouve une trace explicite de la pensée de Rousseau, à l’Art. 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui reprend les mêmes termes que la citation plus haut.

Ce rapprochement des deux points de vue s’explique par le fait que les deux auteurs sont opposés qu pouvoir politique de la France, au XVII° siècle, à savoir une monarchie absolue de droit divin.

Mais, cette convergence est à relativiser, sur le schéma d’organisation du pouvoir politique du régime.

— Le libéralisme politique par l’équilibre des pouvoirs séparés par Montesquieu

Pour Montesquieu, il faut mettre en place des mécanismes qui permettent d’éviter la concentration du pouvoir, en une seule main. Mais, la théorie de la séparation des pouvoirs n’est pas un dogme rigide, c’est d’abord une règle d’art politique concrète de gouvernement, née de l’expérience.
Cette théorie est d’abord conçue comme un mécanisme destiné à garantir la sécurité des individus, contre les excès : c’est la condition pour garantir la liberté politique.
Sur la base de ce postulat, il va proposer un schéma d’organisation constitutionnelle.

Il pose à la base le principe de non-cumul des options :
« Dans un régime politique donné, il faut une fonction et une fonction seulement par organe »

Le Roi aurait le pouvoir exécutif et le Parlement, le pouvoir législatif. Mais, la séparation des pouvoirs qui en résulte n’est pas conçue comme un strict cloisonnement des organes : il ne s’agit pas de neutraliser les organes, mais d’en empêcher les abus, ceci par la recherche d’un équilibre entre ces pouvoirs séparés, dans un but de les forcer à collaborer.
Pour les équilibrer, on va mettre en place un système de poids et de contrepoids juridiques institutionnels, qu’il faut poursuivre par 2 objectifs :

• « Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir » : pour atteindre cet idéal, cela suppose que chaque pouvoir soit doté de deux facultés :
— de statuer : c’est une capacité reconnue à chaque pouvoir d’action politique, matérialisée par l’édiction de normes juridiques ; c’est une capacité décisionnelle
— d’empêcher : c’est une capacité de remise en cause de l’action politique menée par d’autres organes

• « Il faut que les pouvoirs aillent de concert » : c’est l’idée que la dépendance mutuelle, qui existe entre les pouvoirs et qui résulté de ce jeu de facultés, oblige les pouvoirs à collaborer et à réaliser des compromis

— L’institutionnalisation de la souveraineté de la volonté générale pour Rousseau

Rousseau procède à l’institutionnalisation de la souveraineté de la volonté générale, qui repose sur une distinction, entre :

• la légitimité doit être homogène : le souverain tout comme le Gouvernement sont fondés sur la démocratie, mais une démocratie parce que la légitimité doit être homogène ; le peuple doit donc le plus souvent possible, s’identifier aux gouvernants : on nage en pleine utopie.
Cette idée lui vient de son voyage en Suisse, pays dans lequel, il existe une organisation en cantons, où l’on rassemble le peuple sur la place du marché et on fait voter le peuple à main levée pour prendre des décisions.




Il n’exclue pas totalement l’idée d’une désignation de représentants par le peuple ; il préconise même, le mandat impératif, qui met en place un élu, mais qui est dépendant de ses électeurs : il oblige l’élu à se conformer aux instructions, pour lesquelles il a été élu ; on peut le révoquer s’il écarte de la mission qui lui a été donnée.
Mais, le mandat impératif est totalement contraire au système démocratique occidental et est même prohibé dans la plupart des régimes politiques (Art. 27 de la Constitution)

• l’autorité doit être hiérarchisée : Rousseau procède dans son schéma à la hiérarchisation des fonctions.
« La volonté qui détermine l’acte est supérieure à la puissance qui l’exécute »
La fonction législative est supérieure à la fonction exécutive. La Gouvernement doit être ministre du souverain, pour être légitime ; cette idée de supériorité conduit à la construction de systèmes constitutionnels verticaux et pyramidaux du régime politique.
La séparation des pouvoirs n’est qu’apparente : l’organe législatif, parce qu’il est l’organe souverain, exerce son autorité sur le Gouvernement

C’est ce qui donne lieu aux constitutions soviétiques.

2 – La séparation des pouvoirs comme critère de classification des régimes politiques occidentaux

Il existe une pluralité de régimes politiques. Si on veut rendre compte de ces expériences, on est amené à les comparer, à en identifier ce qui les caractérise et à opérer des classifications, des typologies.
Il y a 3 approches pour ces typologies :

• sur le fondement philosophique, économique et politique du régime : on distingue deux masses :
— les régimes politiques communistes : ils reposent sur la philosophie marxiste-léniniste, ce qui se traduit par des démocraties populaires
— les régimes politiques occidentaux : ils renvoient à la philosophie démocratique et libérale

• en fonction du système juridique, auquel le régime politique renvoie : il existe 3 grandes familles de Droit :
— romano-germanique
— anglo-saxon avec la Common Law

— marxiste-léniniste, appelé aussi socialiste

• en fonction de l’agencement du pouvoir politique : on caste que les démocraties libérales reposent toutes sur le principe de la séparation des pouvoirs et qu’à l’intérieur de ces démocraties, toutes ne le mettent pas en œuvre de la même manière
a) Les régimes de confusion des pouvoirs

On peut établir des sous-catégories, entre les régimes, en fonction de l’organe qui va bénéficier de la confusion du pouvoir.

— Confusion au profit de l’exécutif : régime autoritaire

Dans les régimes autoritaires, les trois fonctions sont sous la coupe de l’autorité despotique, d’un seul homme, l’exécutif. Le Roi n’était pas forcément conscient de cette confusion, car tous ces pouvoirs formaient un tout.
Il y a aussi les monocraties, dans lesquelles le pouvoir est confisqué par un homme, comme Napoléon, le régime de Vichy, l’Allemagne nazie, l’Espagne franquiste, l’Italie de Mussolini, le régime de Cuba, l’ancien régime Irakien, … : on les qualifie aussi de dictature.

On trouve 2 caractéristiques :
– la concentration du pouvoir est plus ou moins intense et dans les mains de l’exécutif
– les Parlements sont inféodés à l’exécutif

— Confusion au profit du législatif : régime conventionnel

La confusion du pouvoir se fait au profit du législatif : ce type d’organisation constitutionnelle est aussi appelée « régime d’assemblée » ou « régime directorial », car cela fait référence à la Constitution français de l’An II (1795), qui met en place le Directoire.
Elle attribuait le pouvoir exécutif à un Directoire, composé de 5 membres, nommés par le pouvoir législatif et dont on en renouvelait un tous les 5 ans, et ceci dans un but de fragiliser l’exécutif, ce qui compose un exécutif collégial.
Le régime conventionnel est surtout caractérisé par la stricte subordination de l’exécutif au législatif.

Dans ce système, la quasi-totalité du pouvoir est confiée à une assemblée unique : c’est un système monocaméraliste : l’exécutif est réduit à sa plus simple expression, puisque c’est un commis du législatif. Il ne sert qu’à exécuter les décisions du Parlement. Ce système a été fabriqué à partir de la pensée de Rousseau.

b) Les régimes de séparation des pouvoirs
Les démocraties libérales reposent sur l’affirmation du principe de la séparation des pouvoirs. Ces démocraties mettent en œuvre de manières différentes ce principe ; cela permet de faire apparaître deux formes de régimes politiques, que l’on trouve dans les démocraties occidentales :

• le régime présidentiel : c’est un régime ayant adopté une séparation stricte des pouvoirs ; dans la mesure où le Parlement et l’exécutif sont séparés, théoriquement sans prise l’une sur l’autre, on se trouve en présence de ce régime, représenté par les Etats-Unis.
Il a deux caractéristiques :
– le président est détenteur du pouvoir exécutif et irresponsable politiquement devant le Congrès : il ne peut pas être renversé
– le Congrès ne peut pas être dissout par le président
Voir schéma
• le régime parlementaire : c’est un régime ayant adopté une séparation souple des pouvoirs ; quand le législatif et l’exécutif, tout en ne se confondant pas, sont appelés à régner, à collaborer, on se trouve en présence de ce régime, représenté par la Grande-Bretagne.
Il a deux caractéristiques :
– le chef du Gouvernement peut prononcer la dissolution du Parlement
– le Parlement peut renverser l’exécutif
Voir schéma

Les pratiques sont différenciées, d’où la notion de parlementarisme : c’est un modèle théorique, qui va ouvrir sur une pluralité de parlementarisme, vu les pratiques différenciées.
– Le régime parlementaire

Le régime parlementaire est un régime de collaboration, destiné à assurer l’équilibre des pouvoirs. Cela s’exprime par le fait que :

• les pouvoirs législatifs et exécutifs découlent l’un de l’autre : le Gouvernement est l’expression de la majorité parlementaire, telle qu’elle résulte des élections législatives ; le Premier Ministre est nécessairement le leader de la majorité au Parlement

• les pouvoirs législatifs et exécutifs ont des domaines d’action communs : par exemple, l’initiative des lois appartient au Gouvernement et au Parlement ; quand une loi est d’origine gouvernementale, on parle de projet de loi, et quand elle vient du Parlement, on parle de proposition de loi

Le critère du régime parlementaire est la notion de responsabilité puisque le Gouvernement peut voir sa politique engagée devant le Parlement ; s’il n’a plus la confiance du Parlement, le Gouvernement doit se retirer.
La responsabilité politique peut être engagée de 2 façons :

• à l’initiative du chef du Gouvernement : le chef du Gouvernement cherche à s’assurer qu’il bénéficie toujours du soutien de sa majorité parlementaire, alors il leur pose la question de confiance ; les parlementaires votent et q’il y a une absence de majorité, le Gouvernement est renversé mais si la majorité se dégage, le Gouvernement reste en place, fort du soutien parlementaire

• à l’initiative des membres de l’Assemblée : une partie de l’Assemblée conteste la politique du Gouvernement et dépose donc une motion de censure, pour manifester leur volonté de ne plus soutenir le Gouvernement ; un vote est effectué et si une majorité se dégage en faveur de la motion, le Gouvernement est renversé et si elle est rejetée, le Gouvernement reste en place, fort du soutien parlementaire

En contrepartie, le Gouvernement peut dissoudre le Parlement, mais les modalités d’organisation de ce droit de dissolution varient d’un régime parlementaire à l’autre :

• en Grande-Bretagne : seule la Chambre Basse, ou des Communes, peut être dissoute et donc elle seule peut renverser le Gouvernement
• en Italie : les deux Chambres peuvent être dissoutes et donc elles deux peuvent renverser le Gouvernement ; néanmoins, ce système est fragile car il y a deux Chambres et donc plus de possibilité d’instabilité ministérielle

A la différence de la Grande-Bretagne, en France, c’est le président de la République qui peut dissoudre l’Assemblée Nationale et non le Premier Ministre. C’est la différence que l’on fait entre :

• un régime parlementaire moniste : le chef de l’Etat s’est politiquement effacé au fil de l’histoire et donc le cabinet, ou Gouvernement, n’est responsable que devant l’Assemblée ; il n’a pas besoin du soutien du monarque (Allemagne, Grande-Bretagne)

• un régime parlementaire dualiste : le Gouvernement est responsable politiquement, à la fois devant le Parlement et devant le chef d’Etat ; aucun des deux ne s’efface politiquement, sauf que le chef d’Etat n’est pas responsable politiquement devant le Parlement et qu’il ne peut donc pas être renversé ; le président nomme le Premier Ministre et parfois même les ministres et il peut les révoquer, dans certaines conditions

Il faut prendre en considération le caractère moniste ou dualiste d’un régime, pour pouvoir analyser la répartition des pouvoirs, au cœur même de l’exécutif. Cependant, il ne faut pas confondre « répartition des fonctions » et « répartition des pouvoirs » au sein de l’exécutif, ainsi que « dualisme de l’exécutif » et « bicéphalisme de l’exécutif ».

– La notion de bicéphalisme

En effet, le bicéphalisme renvoie à bicéphale, qui signifie deux têtes : c’est donc un exécutif à deux têtes. La répartition des fonctions au sein de l’exécutif se fait entre deux personnes, le chef de l’Etat et le chef du Gouvernement. Or dans de nombreux régimes parlementaires, le bicéphalisme de l’exécutif est théorique.
En Allemagne, tout comme en Grande-Bretagne, le Premier Ministre ou le chancelier concentrent sur l’exécutif sur leur tête car le chef du Gouvernement n’a pas besoin de la confiance du chef de l’Etat mais de celle du Parlement.
Au bicéphalisme de l’exécutif ne correspond pas forcément le dualisme de l’exécutif.

Dans le cas français, la répartition des pouvoirs peut, dans certains cas, varier dans le temps, en fonction des changements de majorité politique : c’est l’hypothèse de la cohabitation qui est exclue en Allemagne et en Grande-Bretagne.
C’est un exécutif bicéphale et dans la Constitution donne des pouvoirs importants au président de la République et au Premier Ministre. On est également en présence d’un exécutif dualiste, car en raison des pouvoirs importants confiés au président, le Premier Ministre doit, pour gouverner, avoir la confiance du Parlement et du chef de l’Etat. Cela ne vaut que lorsque le président et le Premier Ministre sont de la même couleur politique.
En période de cohabitation, l’exécutif reste bicéphale mais le régime devient moniste, car le Premier Ministre n’a pas besoin de la confiance du président de la République.