La théorie de la séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs constitue l’un des principes essentiels garantissant les libertés individuelles et évitant l’arbitraire des gouvernants. Ce principe repose sur une répartition des fonctions étatiques entre trois organes indépendants :

  • Le pouvoir législatif, chargé de voter les lois ;
  • Le pouvoir exécutif, qui gouverne et applique les lois ;
  • Le pouvoir judiciaire, qui tranche les litiges et rend la justice.

Article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

Ce texte fondamental ancre la séparation des pouvoirs dans le droit constitutionnel français et marque son rôle central dans la protection des libertés, en évitant le despotisme ou l’hégémonie d’un pouvoir unique.

  • L’influence dominante de Montesquieu : Les démocraties libérales se sont construites sur les bases du libéralisme politique et économique, qui privilégie la limitation du pouvoir et la protection des libertés individuelles. La pensée de Montesquieu est ainsi au cœur de ces régimes, qui adoptent la séparation des pouvoirs comme principe fondateur (art. 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).
  • Une influence secondaire pour Rousseau : Rousseau a davantage marqué les régimes autoritaires et les démocraties populaires, où l’unité du pouvoir et la primauté de la législature reflètent sa conception de la souveraineté populaire.

Les tensions entre démocratie et libéralisme :

  • Les régimes libéraux se méfient d’une participation populaire excessive, perçue comme un facteur d’instabilité.
  • Les révolutionnaires français, influencés par le libéralisme économique, ont instauré le suffrage censitaire, excluant les classes populaires du pouvoir jusqu’en 1848.

&1 – La pensée politique de Montesquieu dans son opposition à celle de Rousseau

La pensée de Montesquieu : l’équilibre des pouvoirs comme protection des libertés

Montesquieu élabore sa théorie de la séparation des pouvoirs dans L’Esprit des lois (1748). Inspiré par son observation du régime britannique, il propose un modèle visant à limiter les abus de pouvoir par la division et l’équilibre entre les organes étatiques.

Les principes fondamentaux de Montesquieu :

  1. La limitation du pouvoir :
    « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. »
    Montesquieu propose d’éviter cette dérive en divisant les pouvoirs entre des organes distincts.

  2. Le mécanisme des contrepoids :
    Chaque pouvoir est doté d’une double faculté :

    • Statuer : prendre des décisions dans son domaine de compétence ;
    • Empêcher : limiter l’action des autres pouvoirs en cas de dérives.
  3. Une séparation souple et pragmatique :
    Montesquieu ne prône pas un cloisonnement rigide, mais un système favorisant la collaboration entre les pouvoirs, tout en maintenant un équilibre.

Une influence majeure sur les démocraties libérales :

La théorie de Montesquieu inspire directement la Constitution américaine de 1787, qui établit une séparation stricte des pouvoirs entre le président, le Congrès et la Cour suprême. De même, les régimes parlementaires européens adoptent une séparation plus souple, fondée sur la coopération entre le législatif et l’exécutif.

La pensée de Rousseau : la souveraineté populaire et la confusion des pouvoirs

Contrairement à Montesquieu, Rousseau rejette la séparation des pouvoirs dans Du Contrat Social (1762). Sa théorie repose sur le principe de la souveraineté populaire et l’unité du pouvoir.

Les fondements de la pensée de Rousseau :

  1. La souveraineté indivisible et inaliénable :
    Rousseau estime que le peuple, en tant que souverain collectif, doit exercer directement le pouvoir.

    • « La souveraineté est générale ou elle n’est pas. »
    • « La volonté générale ne peut jamais être représentée. »
  2. Rejet de la représentation :
    Selon Rousseau, la délégation du pouvoir à des représentants éloigne les citoyens de la souveraineté. Il préconise un mandat impératif, où les élus doivent suivre strictement les instructions de leurs électeurs, sous peine d’être révoqués.

  3. Confusion des pouvoirs au service de la volonté générale :

    • La fonction législative prime sur les autres : le gouvernement doit être subordonné à l’assemblée législative, considérée comme l’expression directe de la volonté générale.
    • Cette hiérarchisation conduit à une organisation pyramidale du pouvoir, où l’organe législatif domine.

Une influence limitée mais significative :

Si la pensée de Rousseau a peu marqué les démocraties libérales, elle a influencé les démocraties populaires socialistes, caractérisées par une concentration du pouvoir entre les mains d’un parti unique.

 

A)    Opposition quant à la conception de la liberté politique

Conceptions divergentes de la liberté politique :

  • Montesquieu : la liberté autonomie.  Montesquieu privilégie la protection de l’individu face aux abus de pouvoir. Pour lui, la liberté repose sur la limitation du pouvoir par des mécanismes institutionnels, assurant un équilibre entre les organes de l’État.

  • Rousseau : la liberté participation. Rousseau met l’accent sur la participation directe des citoyens à l’exercice du pouvoir. Il considère la séparation des pouvoirs comme une entrave à la souveraineté populaire.

Le rôle du peuple dans l’exercice du pouvoir :

  • Montesquieu accepte une participation limitée du peuple, dans un système mixte associant monarchie, aristocratie et représentation populaire.
  • Rousseau exige une implication directe du peuple dans les décisions politiques, mais reconnaît la difficulté de mettre en œuvre cette démocratie pure dans des États de grande taille.

a) La liberté-autonomie selon Montesquieu

Montesquieu adopte une approche libérale centrée sur la protection de l’individu contre les abus de pouvoir, plutôt que sur une participation directe des gouvernés à l’exercice du pouvoir.

1. Un fondement dans le relativisme et l’équilibre

Philosophiquement, Montesquieu se situe entre l’empirisme de Locke et le rationalisme de Rousseau. Il préconise un équilibre des pouvoirs, en évitant les excès. Selon lui, la liberté individuelle ne peut être garantie que par une organisation politique modérée et nuancée.

2. La limitation du pouvoir comme condition première

Pour Montesquieu, la clé de la liberté réside dans la limitation du pouvoir politique. Il s’inspire des régimes monarchiques et des expériences politiques antiques, notamment la Cité grecque d’Athènes, pour en tirer des leçons pratiques.

  • Démocratie et République selon Montesquieu :
    Lorsqu’il parle de « démocratie », il fait référence aux régimes républicains antiques, où les citoyens participaient directement à la prise de décisions. Cependant, il associe cette forme de gouvernement à une utopie difficilement réalisable dans sa pureté. Montesquieu préfère une gouvernance tempérée, intégrant des éléments monarchiques, aristocratiques et populaires.
3. La participation du peuple comme élément secondaire

Montesquieu accepte une participation limitée du peuple à l’exercice du pouvoir, mais uniquement dans le cadre d’un système modéré, évitant toute concentration excessive :

  • Séparation entre souveraineté et autorité :

    • La souveraineté appartient au roi, conformément à la monarchie de l’époque.
    • L’autorité exécutive est déléguée à des administrateurs et exécuteurs.
  • Régime tempéré :
    Montesquieu privilégie des majorités politiques quantitatives (non qualitatives), qui empêchent tout pouvoir absolu, que ce soit monarchique, législatif ou populaire. Sa méfiance envers la démocratie vient de son refus de confier un pouvoir total à la majorité politique, qu’il estime potentiellement dangereuse.
    Exemple : l’élection d’Hitler illustre, selon Montesquieu, le risque des excès démocratiques.

b) La liberté-participation selon Rousseau

Rousseau, en opposition à Montesquieu, conçoit la liberté politique comme reposant sur la participation directe des citoyens à l’exercice du pouvoir, au nom de la souveraineté de la volonté générale.

1. Souveraineté de la volonté générale

Dans Du Contrat Social (1762), Rousseau établit le principe que la souveraineté réside dans la volonté générale, qui doit guider l’organisation politique et sociale.

  • Indivisibilité de la souveraineté :
    « La souveraineté est générale ou elle ne l’est pas. »
    La souveraineté appartient au corps social dans son ensemble et ne peut être fragmentée. Rousseau rejette donc le principe de la séparation des pouvoirs.

  • Inaliénabilité de la souveraineté :
    « La volonté générale ne peut jamais s’aliéner. »
    La représentation, où les citoyens délèguent leur pouvoir à des élus, est également rejetée. Pour Rousseau, le peuple doit directement décider, sans intermédiaires.

2. Concrétisation de la volonté générale

Pour rendre la souveraineté effective, Rousseau propose deux principes :

  • Rassemblement du peuple souverain :
    La souveraineté populaire repose sur la participation directe des citoyens réunis en assemblée, où ils prennent des décisions collectives. Cela donne lieu à une démocratie directe, inspirée des petites républiques suisses qu’il a observées.

  • Fractionnement de l’autorité souveraine :
    Chaque citoyen détient une part de la souveraineté. Cependant, dans les grands États, cette part devient insignifiante, ce qui rend la participation directe inefficace. Rousseau préconise donc la construction de petits États, favorables à une gestion démocratique directe.

3. Une critique des régimes modernes

En rejetant la séparation des pouvoirs et la représentation, Rousseau marginalise sa pensée vis-à-vis des régimes politiques modernes. Cependant, sa vision a influencé des modèles alternatifs, notamment les constitutions soviétiques, où le législatif prédomine.

c) Comparaison des conceptions de la liberté politique

Critères Montesquieu : Liberté-autonomie Rousseau : Liberté-participation
Conception de la liberté Garantir la liberté individuelle par la limitation et l’équilibre des pouvoirs. Assurer la souveraineté populaire par la participation directe des citoyens.
Rôle de la loi Instrument de modération et de sécurité juridique, établi par une représentation équilibrée. Expression directe de la volonté générale, indispensable à la souveraineté populaire.
Organisation politique Régime mixte combinant monarchie, aristocratie et une participation limitée du peuple. Démocratie directe, où le peuple souverain décide sans intermédiaires.
Vision de la souveraineté Partagée entre souveraineté royale et autorité exécutive, dans un cadre modéré. Indivisible et inaliénable : la souveraineté appartient exclusivement au peuple et ne peut être déléguée.
Principe des pouvoirs Séparation des pouvoirs pour prévenir les abus et garantir l’équilibre. Rejet de la séparation des pouvoirs, qui doit être remplacée par une autorité législative dominante.
Vision de la démocratie Méfiance envers la démocratie pure, perçue comme instable et risquée. Promotion d’une démocratie directe, fondée sur de petits États pour faciliter la participation collective.


B)  Approches différentes des conditions de réalisation de la liberté politique

Malgré leurs divergences, Rousseau et Montesquieu partagent une conviction : la liberté politique repose sur la loi. Toutefois, leurs interprétations diffèrent profondément.

  • Montesquieu : « La liberté, c’est le droit de faire tout ce que les lois permettent. »
    Montesquieu considère la loi comme un outil essentiel pour éviter l’arbitraire du pouvoir. Pour lui, la sécurité juridique passe par des lois fixes et préétablies, issues d’assemblées représentatives combinant l’aristocratie et le peuple. Ce régime mixte, inspiré du modèle britannique, repose sur l’idée que la loi ne sera respectée que si elle est acceptée par toutes les composantes sociales.

  • Rousseau : « La loi est l’expression de la volonté générale. »
    Rousseau fait de la loi le reflet direct de la souveraineté populaire. Cette pensée se retrouve dans l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, où la loi est présentée comme issue de la volonté générale.

Malgré cet accord sur l’importance de la loi, leurs visions s’opposent quant à l’organisation du pouvoir et les moyens de garantir la liberté.

1. Montesquieu : le libéralisme politique et l’équilibre des pouvoirs

Pour Montesquieu, la liberté politique repose sur la séparation des pouvoirs, non comme un dogme, mais comme une règle pragmatique. Cette séparation permet d’empêcher la concentration du pouvoir, source de despotisme, tout en garantissant la sécurité des individus.

Les principes de Montesquieu :

  1. Non-cumul des fonctions : une fonction par organe
    Montesquieu attribue :

    • Le pouvoir exécutif au roi ;
    • Le pouvoir législatif à un Parlement bicaméral (chambre des nobles et chambre du peuple).
      Cette spécialisation évite les abus tout en forçant les pouvoirs à collaborer.
  2. Équilibre des pouvoirs : un système de poids et contrepoids

    • « Le pouvoir arrête le pouvoir. » Chaque pouvoir doit avoir :
      • Une faculté de statuer : agir dans son domaine (édiction de normes, décisions politiques).
      • Une faculté d’empêcher : limiter les excès des autres pouvoirs (veto, contrôle).
    • « Les pouvoirs doivent aller de concert. » Cette interdépendance favorise la modération et les compromis.
  3. L’objectif : protéger l’individu contre les excès de l’État
    Montesquieu vise une liberté autonomie, où l’individu peut jouir de ses droits sans craindre l’oppression. La séparation des pouvoirs garantit cette autonomie en limitant les prérogatives de chaque organe.

Une influence durable :

La pensée de Montesquieu a inspiré les démocraties libérales modernes, notamment les États-Unis, avec leur séparation stricte des pouvoirs (Constitution de 1787), et les régimes parlementaires européens, qui adoptent une séparation souple favorisant la collaboration.

2. Rousseau : la souveraineté populaire et la confusion des pouvoirs

Rousseau s’oppose à la séparation des pouvoirs, qu’il perçoit comme un obstacle à la souveraineté populaire. Pour lui, la volonté générale est indivisible et doit être exercée directement par le peuple.

Les principes de Rousseau :

  1. La souveraineté est indivisible et inaliénable

    • « La souveraineté est générale ou elle n’est pas. »
      Toute fragmentation du pouvoir compromet la souveraineté. La représentation est également rejetée :
    • « La volonté générale ne peut être représentée. »
  2. Le peuple comme détenteur direct de la souveraineté
    Rousseau préconise des petits États où les citoyens peuvent se rassembler et voter directement. Lorsqu’une délégation est inévitable, il propose le mandat impératif, obligeant les élus à respecter strictement les instructions de leurs électeurs. Ce mandat, pourtant contraire aux démocraties modernes (interdit en France par l’article 27 de la Constitution), traduit la volonté de Rousseau de minimiser l’écart entre le peuple et l’exercice du pouvoir.

  3. Une hiérarchisation des fonctions

    • « La volonté qui détermine l’acte est supérieure à la puissance qui l’exécute. »
      La fonction législative, expression directe de la souveraineté, prime sur l’exécutif, qui doit se limiter à l’application des décisions populaires.

Une influence limitée mais significative :

La pensée de Rousseau a influencé les démocraties directes (comme certains cantons suisses) et les régimes autoritaires ou collectivistes (constitutions soviétiques), où la souveraineté populaire justifie une concentration du pouvoir.

3. Divergences entre Montesquieu et Rousseau : deux visions de la liberté politique

Montesquieu Rousseau
Liberté autonomie : protéger l’individu contre les excès de pouvoir par la limitation et l’équilibre. Liberté participation : impliquer directement les citoyens dans l’exercice de la souveraineté.
Séparation des pouvoirs pour éviter la concentration et garantir l’équilibre. Confusion des pouvoirs pour respecter l’unité de la souveraineté populaire.
Représentation : le peuple délègue le pouvoir à des organes spécialisés. Souveraineté directe : le peuple doit décider lui-même des affaires publiques.
Modèle appliqué dans les démocraties libérales (États-Unis, Europe). Modèle inspirant les démocraties directes ou populaires.

4. Une opposition influencée par leur contexte historique

  • Montesquieu :
    Contre l’absolutisme monarchique, Montesquieu cherche à limiter le pouvoir royal en fragmentant ses prérogatives. Sa pensée s’inscrit dans une logique libérale, visant à protéger les libertés individuelles.

  • Rousseau :
    Rousseau s’oppose à une monarchie absolue déconnectée du peuple. Son idéal, influencé par son expérience des cantons suisses, est celui d’une démocratie directe, où les citoyens participent activement aux décisions.

5. Une influence asymétrique sur les régimes politiques modernes

  • La prédominance de Montesquieu :
    Les démocraties libérales se sont construites sur les bases du libéralisme, qui privilégie la protection des libertés par la limitation du pouvoir (séparation des pouvoirs, État de droit). Montesquieu reste une référence majeure dans l’organisation constitutionnelle moderne.

  • L’héritage marginal de Rousseau :
    Si Rousseau a marqué certaines expériences de démocratie directe, sa vision d’une souveraineté populaire indivisible reste incompatible avec les régimes représentatifs contemporains.

En conclusion, les approches de Montesquieu et Rousseau, bien que divergentes, partagent une ambition commune : garantir la liberté politique par la loi. Cependant, Montesquieu privilégie une organisation équilibrée et libérale, tandis que Rousseau rêve d’une souveraineté populaire directe, souvent irréalisable dans les grandes nations modernes.


&2 – La séparation des pouvoirs comme critère de classification des régimes politiques occidentaux

L’analyse des régimes politiques passe par l’établissement de typologies permettant de comprendre leurs fondements, leur organisation et leur fonctionnement. On peut adopter trois approches principales pour classifier les régimes politiques :

1. Sur le fondement philosophique, économique et politique

Cette approche distingue les régimes selon leur idéologie dominante et leur modèle économique et politique. Deux grandes catégories se dégagent :

  • Les régimes politiques communistes
    Ces régimes reposent sur les idées marxistes-léninistes. Leur objectif est la suppression des classes sociales et la collectivisation des moyens de production. Ils s’appuient sur un parti unique qui contrôle tous les aspects de la vie politique et sociale.
    Exemples :

    • L’Union soviétique (1917-1991).
    • La Chine maoïste (jusqu’à l’ouverture économique initiée par Deng Xiaoping).
    • La Corée du Nord contemporaine.

    Caractéristiques principales :

    • Absence de pluralisme politique.
    • Économie centralisée et dirigée par l’État.
    • Démocratie dite « populaire » avec des institutions formelles contrôlées par le parti unique.
  • Les régimes politiques occidentaux
    Ces régimes se fondent sur les principes de la démocratie libérale et de l’économie de marché. Ils mettent l’accent sur la séparation des pouvoirs, la souveraineté populaire et la protection des libertés individuelles.
    Exemples :

    • Les démocraties européennes (France, Allemagne, Royaume-Uni).
    • Les États-Unis.

    Caractéristiques principales :

    • Pluralisme politique et élections libres.
    • Liberté économique encadrée par des régulations.
    • Droits fondamentaux garantis par la Constitution et les institutions.

2. En fonction des systèmes juridiques

Les régimes politiques peuvent être classés selon les traditions juridiques qui structurent leur fonctionnement. Trois grandes familles de droit se distinguent :

  • Le système romano-germanique
    Fondé sur le droit écrit et codifié, il trouve ses racines dans le droit romain. Les lois adoptées par le législateur sont la principale source de droit, et les juges interprètent la loi sans la créer.
    Exemples : France, Allemagne, Italie.

  • Le système anglo-saxon (Common Law)
    Ce système repose principalement sur la jurisprudence, c’est-à-dire les décisions des tribunaux, et sur des précédents judiciaires. La loi écrite joue un rôle secondaire.
    Exemples : Royaume-Uni, États-Unis, Canada.

  • Le système marxiste-léniniste (ou socialiste)
    Inspiré par la philosophie marxiste, ce système rejette la propriété privée des moyens de production. Le droit est perçu comme un outil au service de l’État pour encadrer la transition vers une société sans classes.
    Exemples : L’URSS, Cuba, Chine sous Mao.

3. En fonction de l’agencement du pouvoir politique

Cette typologie repose sur la manière dont le pouvoir politique est organisé et exercé. Les démocraties libérales, par exemple, mettent en œuvre le principe de séparation des pouvoirs, mais cette mise en œuvre varie considérablement :

  • Les régimes de séparation des pouvoirs :
    • Séparation stricte des pouvoir, le régime présidentiel :  Dans ce type de régime, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont nettement séparés et indépendants (exemple : États-Unis)
    • Les régimes de séparation souple des pouvoirs : régime parlementaire
      Dans ce type de régime, il existe une collaboration entre l’exécutif et le législatif, bien que chacun conserve son autonomie. Exemple : Royaume-Uni, Allemagne.
  • Les régimes de confusion des pouvoirs : Dans ces régimes, les pouvoirs ne sont pas distinctement séparés.


a)    Les régimes de confusion des pouvoirs

La confusion des pouvoirs désigne une situation dans laquelle les trois fonctions étatiques principales (législative, exécutive et judiciaire) ne sont pas strictement séparées mais concentrées au sein d’un même organe ou dominées par l’un des pouvoirs. Ces régimes se distinguent selon l’organe qui bénéficie de cette concentration.

Les régimes de confusion des pouvoirs reflètent deux types d’excès :

  • Confusion au profit de l’exécutif : régime autoritaire. Exemple : Régime de Franco en Espagne. ( le pouvoir est concentré dans l’exécutif, favorisent le despotisme et l’oppression).
  • Confusion au profit du législatif : régime d’assemblée. Exemple : La France sous la Convention nationale (1792-1795). Le pouvoir est concentré dans le législatif, engendrent souvent une instabilité institutionnelle.
1. Confusion au profit de l’exécutif : les régimes autoritaires

Dans les régimes autoritaires, l’exécutif domine entièrement les autres pouvoirs. Les trois fonctions étatiques se retrouvent sous l’autorité d’un seul individu ou d’un groupe restreint, sans contrôle démocratique ou contre-pouvoirs effectifs.

Caractéristiques principales :

  • Concentration intense du pouvoir : toutes les décisions majeures (législation, application des lois et jugements) sont prises ou influencées par l’exécutif.
  • Inféodation des Parlements : s’ils existent, les Parlements ne sont que des chambres d’enregistrement des décisions de l’exécutif.
  • Absence d’indépendance judiciaire : les tribunaux sont contrôlés directement ou indirectement par le pouvoir exécutif.

Exemples historiques et contemporains :

  • Régimes historiques :

    • La France sous Napoléon Bonaparte, où l’exécutif centralisait tout le pouvoir après la Révolution.
    • L’Allemagne nazie, où Hitler cumulait les fonctions législatives et exécutives.
    • L’Italie fasciste de Mussolini.
    • L’Espagne franquiste, où Franco détenait une autorité absolue.
  • Régimes contemporains :

    • La Corée du Nord, avec une centralisation extrême autour de la dynastie Kim.
    • Cuba sous Fidel Castro, où l’exécutif contrôlait le parti unique et l’ensemble des institutions.
    • L’Irak sous Saddam Hussein, où toutes les décisions d’État étaient concentrées entre les mains du dictateur.

Particularités :
Les régimes autoritaires varient dans leur degré de concentration. Certains permettent une faible autonomie locale ou institutionnelle, mais toujours sous contrôle strict. Par exemple, les régimes autoritaires modernes peuvent tolérer des élections symboliques sans réel pluralisme.

2. Confusion au profit du législatif : les régimes conventionnels

Dans un régime conventionnel ou d’assemblée, la concentration du pouvoir se fait au profit du législatif. L’exécutif est entièrement subordonné au Parlement, qui contrôle toutes les décisions majeures. L’objectif est de réduire le rôle de l’exécutif à une simple fonction d’exécution.

Caractéristiques principales :

  • Dominance du législatif : le Parlement détient le pouvoir législatif, exécutif et, dans certains cas, des prérogatives judiciaires.
  • Exécutif affaibli : dans ce régime, l’exécutif est réduit à une autorité administrative dépendante des décisions de l’assemblée législative.
  • Monocaméralisme : souvent, il n’existe qu’une seule chambre parlementaire qui exerce tous les pouvoirs.

Exemples historiques :

  • La Convention nationale en France (1792-1795) :
    Après l’abolition de la monarchie, la Convention s’attribue tous les pouvoirs pour gouverner la République naissante. L’exécutif devient un simple instrument au service de l’Assemblée.
  • La Constitution de l’An II (1795) :
    Sous le Directoire, le pouvoir exécutif est confié à un organe collégial de cinq directeurs, eux-mêmes subordonnés au pouvoir législatif. Ce système visait à éviter toute concentration du pouvoir, mais a engendré une forte instabilité politique.

Inspirations philosophiques :
La pensée de Jean-Jacques Rousseau, qui valorisait la souveraineté directe et collective du peuple, a influencé ces régimes. Selon Rousseau, la volonté générale doit s’exprimer directement ou par l’intermédiaire d’une assemblée souveraine, ce qui limite le rôle de l’exécutif.

Limites :
Ce système peut engendrer :

  • Une instabilité chronique, due à l’absence d’un exécutif fort pour arbitrer les crises.
  • Une inefficacité décisionnelle, les débats parlementaires interminables retardant les actions nécessaires.
  • Une fragmentation du pouvoir dans des systèmes collégiaux, comme le Directoire.

b)    Les régimes de séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs constitue un critère central pour classer et analyser les régimes politiques. Les différentes configurations institutionnelles reposent sur trois grandes lignes directrices :

  1. Aucun régime démocratique ne peut fonctionner sans séparation des pouvoirs.
  2. Les distinctions entre régimes se fondent sur le choix d’un équilibre parfait ou d’un déséquilibre des pouvoirs (en faveur de l’exécutif ou du législatif).
  3. Certains régimes inscrivent explicitement des relations entre les pouvoirs dans leur Constitution, tandis que d’autres les excluent.

La séparation des pouvoirs est un outil de classification des régimes politiques, mais elle n’est jamais totalement rigide. Chaque régime s’adapte à son histoire, sa culture politique et ses besoins. Les évolutions de la Vᵉ République française ou du régime présidentiel américain illustrent les limites des modèles théoriques

1. Les types de régimes et leur rapport à la séparation des pouvoirs

Régime parlementaire

  • Caractéristique principale : il repose sur une séparation souple des pouvoirs.

    • Des relations institutionnalisées existent entre les pouvoirs législatif et exécutif, inscrites dans la Constitution.
    • Exemple : la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement et la possibilité pour l’exécutif de dissoudre l’Assemblée.
  • Équilibre des pouvoirs : le Parlement et l’exécutif coexistent avec un certain équilibre, bien que la majorité parlementaire joue souvent un rôle clé dans la stabilité politique.

    • Exemple : la Grande-Bretagne (modèle historique du régime parlementaire) ou l’Allemagne.
  • Répartition géographique : le régime parlementaire est le plus répandu au monde, notamment en Europe et dans les anciennes colonies britanniques.

Régime présidentiel

  • Caractéristique principale : il repose sur une séparation stricte des pouvoirs.

    • Aucune relation constitutionnalisée ne permet à l’un des pouvoirs d’agir sur l’autre (pas de dissolution du Parlement par l’exécutif, pas de responsabilité politique du président devant le Parlement).
  • Equilibre des pouvoirs : les trois pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) sont conçus pour fonctionner indépendamment, sans interférence directe.

    • Exemple : les États-Unis, modèle emblématique du régime présidentiel.
  • Particularité : malgré la séparation stricte prévue par la Constitution, des relations informelles, comme le parlementarisme de couloir, se développent. Ces interactions hors cadre constitutionnel illustrent les limites de la stricte séparation dans la pratique.

Régime d’assemblée

  • Caractéristique principale : déséquilibre au profit du pouvoir législatif.

    • Le Parlement concentre une grande partie des pouvoirs, réduisant l’exécutif à un rôle subordonné.
  • Problème principal : ce régime mène souvent à une instabilité politique en raison d’une concentration excessive des pouvoirs.

    • Exemple historique : la France sous la IIIᵉ et IVᵉ République, marquées par l’instabilité ministérielle.

Régime présidentialiste

  • Caractéristique principale : déséquilibre au profit du pouvoir exécutif.

    • L’exécutif dispose d’un pouvoir étendu, souvent au détriment du contrôle parlementaire.
    • Exemple : certaines dictatures ou régimes autoritaires camouflés sous des formes présidentielles.
  • Particularité : aucun régime ne se revendique ouvertement comme présidentialiste en raison de la crainte de dérives autoritaires.

2. L’évolution des régimes politiques et leurs nuances

Cas de la France

  • Régime parlementaire originel : La France a connu un régime parlementaire depuis le XIXᵉ siècle, mais avec des variations.
    • Sous la IIIᵉ et IVᵉ République : elle a dérivé vers un régime d’assemblée, où le pouvoir législatif dominait largement.
    • Sous la Vᵉ République (1958) : un rééquilibrage des pouvoirs s’est opéré au profit de l’exécutif, créant un régime parlementaire avec des caractéristiques présidentialistes, notamment en période de majorité présidentielle.

Régime présidentiel américain

  • Modèle de séparation stricte des pouvoirs dans la théorie, mais dans la pratique, des interactions significatives se développent entre les pouvoirs :
    • Parlementarisme de couloir : négociations fréquentes entre le président et les membres du Congrès pour faire avancer des projets législatifs.
    • Exemple : le blocage législatif en cas de « government shutdown » illustre les tensions et compromis nécessaires entre pouvoirs.

Aucune pureté théorique

Dans tous les cas, aucun régime ne correspond parfaitement à son modèle théorique. En pratique, les relations entre pouvoirs évoluent constamment, influencées par les contextes politiques, les acteurs et les partis.

Le cours de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches

 

 

 

Isa Germain

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