La société féodale

La société féodale

D’un point de vu juridique la société féodale se caractérise par l’idée de liens personnels entre les hommes libres (vassalités) c’est-à-dire le rapport entre un vassal et un suzerain (suzeraineté). Ce lien qui unit les personnes libres a des causes diverses :

-Recherche de la protection.

-Jeune aristocrate qui cherche à se faire connaître.

-Raisons économiques.

-Désir de posséder un fief.

Le mot féodalité désigne l’ensemble des liens qui unissent des seigneurs à leurs vassaux, ces liens créant un certains nombres de droits et devoirs. La féodalité se définit comme le système de possession et d’exploitation de la terre au profit des classes supérieurs. C’est un système de propriété simultanée c’est-à-dire que la terre a toujours deux propriétaires :

-L’éminent, le seigneur, celui qui possède la terre.

-L’utile, le tenancier, celui qui la travaille.

Section I : La condition des personnes.

Vers l’an 1000 une nouvelle théorie sociale dut à l’Eglise se développe. L’église va être en rupture avec la théorie ancienne, elle prône la théorie fonctionnelle ou chaque individu est affecté à un ordre en fonction de son utilité sociale donc en fonction de la mission qu’il occupe. C’est Dieu qui donne sa place dans la société dès la naissance. Dieu organise la société et c’est l’Eglise qui se reconnaît le pouvoir de contrôler la société, c’est la théorie des trois ordres :

-Clergé (ceux qui prient, fonction sacrée).

-Noblesse (ceux qui combattent, Fonction guerrière).

-1/3 Etats (ceux qui travaillent, Fonction productive).

On a un monde occidental qui va s’organiser de cette manière.

I/ Le clergé.

Les clercs sont très nombreux du fait de l’importance de la religion. Il existe des status différents répartis en deux grandes catégories :

-Le clergé séculier.

-Le clergé régulier.

  1. A) Les clercs séculiers.

Ce sont les prêtres, les curés, les évêques, etc. Ils ont des privilèges et des incapacités.

1) Les privilèges.

Ils ont un privilège du For (judiciaire), un clerc défendeur ne peut être jugé que devant la juridiction de l’Eglise, c’est l’officialité. Il y a aussi des privilèges fiscaux car ils ne payent pas d’impôts et un privilège militaire car ils sont exemptés de service militaire.

2) Les incapacités.

Ils ne peuvent pas se livrer à la simonie (activité lucrative). Ils ne peuvent pas se marier ou avoir une concubine (nicolaïsme) mais il y a une tolérance si la concubine a plus de 40 ans (âge canonique).

  1. B) Les clercs réguliers.

Ils prononcent trois vœux :

-Pauvreté.

-Chasteté.

-Obéissance.

Ils sont frappés d’incapacité propre en raison du vœu de pauvreté, ils sont frappés de mort civil. Pour certains la conséquence de cette mort est que le patrimoine de l’individu doit aller au monastère. Pour les juristes laïques le patrimoine doit aller à ses héritiers légitimes. Ainsi, en France, on aura un partage géographique. Au sud on va suivre la règle canonique et au nord la règle laïque.

Le clergé est l’ordre sacré, c’est la fonction la plus important. C’est un ordre nombreux qui prie pour ceux qui n’ont pas le temps de prier.

II/ La noblesse.

C’est l’ordre guerrier, cette noblesse est issue de l’ancienne aristocratie. Cet ordre va s’agrandir avec l’arrivée des chevaliers.

  1. A) Le titre nobiliaire.

La noblesse s’acquiert à la naissance et part le père. On peut aussi l’acquérir par le mariage, une roturière qui épouse un noble devient noble, une serve qui épouse un noble devient noble à condition que celui-ci soit son maitre. On devient noble par la chevalerie ce qui permit a beaucoup de roturier de devenir noble.

On va avoir un esprit de caste. Au XIII° siècle l’accès à la chevalerie devient réservé au seuls fils des nobles et seul le roi peut conférer la noblesse à des roturiers par la chevalerie. L’acquisition d’un fief donc le fait d’entrer en vassalité est aussi un moyen d’acquérir la noblesse. Cet accès fonctionne jusqu’à la fin du XIII° siècle, moment où le Roi va dissocier le fief de la noblesse. La particule « de » n’a jamais joui de règle dans la noblesse, c’est juste l’origine territorial d’une personne. Il existe les lettres d’anoblissement du roi, il existe aussi l’exercice de certaines fonctions publiques qui permet de devenir noble (noblesse de robe).

  1. B) Les privilèges.

Seuls les nobles peuvent porter les armes, le noble a le droit d’être jugé par ses pairs et ils sont, en cas de peine de mort, décapités (contrairement aux autres qui sont pendues). Ils ne payent pas d’impôts car ils payent déjà l’impôt du sang. Les nobles ont le droit de posséder un sceau pour authentifier leurs actes. Ils ont aussi le Droit d’ainesse qui permet de transmettre le patrimoine à l’aine des fils à hauteur de 50%.

Sur le plan social le noble doit faire honneur à son rang, il ne doit pas avoir d’activité ignoble (commerces, finances, artisanats), il a juste le droit de cultiver sa terre. Il peut-être jugé par les nobles et déchut de son rang, on lui brise son épée debout sur un tas de fumier.

III/ Les humbles (tiers-états).

On parle de tiers-états à partir du XV° siècle. La mutation féodale va être à l’origine d’une révolution sociale à partir des XI° et XII° siècles ce qui entraine la mise en place d’une nouvelle société. L’esclavage c’est mué en servage. L’esclavage ne concernait qu’une minorité. La mise en servage concerne pratiquement tous les paysans. Il faut attendre le XII° siècle pour une amélioration de la condition des travailleurs, elle va de paire avec la situation politique et économique. Certains roturiers vont se distinguer des serfs. On va avoir une nouvelle catégorie sociale qui reste sous la dépendance des seigneurs mais qui va être dispensée de servage. C’est la ville qui permet ce passage. Le servage demeure officiellement jusqu’en 1789 mais en réalité il ne reste que quelque ilots de servage à cette époque. La condition des personnes est liée à la condition de la terre.

  1. A) Les sources de servage.

La qualité de serf est héréditaire. En cas de mariage l’enfant suit la condition de sa mère sauf en Bourgogne. Il y a l’entrée volontaire en servage qui s’applique surtout quand on rentre dans un établissement ecclésiastique (oblation). C’est aussi le fait de s’établir sur une terre servile, celui qui s’y installe est présumé serf. Autour de l’an 1000 l’on a une grande insécurité qui a pour effet de voir un nombre important de personnes qui décident de rentrer en servage pour avoir une protection. Ceux qui vont participer aux défrichements vont devenir, dans la plus part des cas, des hommes libres.

  1. B) Le statut juridique.

Sous l’influence de l’Eglise le serf devient une personne avec des droits :

-Famille (mariage, avoir des enfants et les élever).

-Patrimoine.

-Peuvent devenir libre s’il n’y a plus de maitre.

Le serf est attaché à la terre, en cas de fuite le maitre peut le poursuivre et le reprendre avec, si besoin est, la force publique. Le serf est justiciable de son seigneur au civil et au criminel mais il n’a aucun recours sur la décision du seigneur. Les serfs on plusieurs incapacités :

-Le Formariage joue au cas où un serf se mari avec une serve étrangère à la seigneurie. Il faut l’autorisation du seigneur qui va imposer une amende qu’on appel le formariage. Le droit de cuissage n’a, en revanche, jamais existé.

-Il y a aussi le principe de la mainmorte qui intervient au décès du serf, en théorie c’est le seigneur qui hérite. A partir du XII° siècle il y a une atténuation, quand les enfants sont nés dans le mariage ils vont hériter. Le serf peut aussi racheter cette incapacité.

-La corvée. C’est une prestation gratuite de travail faite au seigneur. Elle se fait dans la réserve, le nombre de jour corvéable est très variable (au plus fort cela montait jusqu’à 150 jours) mais cela va diminuer et se fixer à 40 jours.

Le serf doit payer des redevances :

-Chevage, taxe annuelle, il est de 4 deniers et ce jusqu’à la révolution.

-La taille qui est le principal impôt régulier.

  1. C) Les modes d’accession à la liberté.

Il y a l’affranchissement, le maitre libère son serf. L’Eglise pousse à l’affranchissement. Le seigneur va accorder la liberté en échange du versement d’une somme. Avec la guerre de 100 ans de nombreux seigneurs vont affranchir pour faire rentrer de l’argent. Il y a d’autres moyens :

-Le mariage avec un homme libre.

-L’entrée dans les ordres.

-La résidence dans une ville de liberté. Celles-ci apparaissent à la fin du XI°, début du XII° siècle. De nombreuses villes s’émancipent de la tutelle seigneuriale. De nombreux textes, les chartes de franchises, sont négociés entre les villes et les seigneurs. L’établissement intra-muros confère la liberté 1 an après l’établissement dans la ville ou 10 ans comme à Lyon. Les serfs avaient la capacité de déguerpir en abandonnant tous et s’ils n’étaient pas recherchés ils accédaient à la liberté. Les villes vont s’ouvrir et se créent avec le développement économique, elles vont se remplir d’artisans et de commerçants qui vont devenir les bourgeois et qui vont détenir une certaines puissance économique et numérique. Ainsi ils vont s’opposer au seigneur. Ces villes donnent naissances :

-Aux communes (dans le nord) qui ont une grande autonomie dans l’administration de la cité.

-Aux consulats (dans le sud).

-Aux villes de franchises qui restent sous la tutelle du seigneur.

Les citadins sont des hommes libres même s’ils sont astreints aux droits seigneuriaux.

Il existe d’autres groupes sociaux théoriquement libres mais qui vont se trouver frappés d’incapacité :

-Aubains (étrangers).

-Forains.

-Juifs.

-Bâtards.

Section II : La condition des terres.

La pleine propriété existe (Alleu) mais est une exception.

Le régime le plus courant est la tenure, les attributs juridiques de la propriété sont partagés entre deux personnes :

-Eminent.

-Le tenancier.

La tenure est une concession à charge de services faite par le seigneur (ou propriétaire ou suzerain) au tenancier (vassal). La tenure est une catégorie de droit réel. Cette concession a des conséquences sur les droits personnels, elle va entrainer une dépendance d’une personne envers une autre. Cela relève du contrat de vassalité. Il y a deux catégories de tenures :

-La noble (Vassal-suzerain).

-La non-noble (tenancier-seigneur).

I/ La tenure noble (fief).

Il y a deux grandes périodes, l’une avant le XII° siècle et l’autre après.

  1. A) Avant le XII° siècle.

Le fief est toujours constitué par une terre. La concession de la terre se déroule en deux phases :

L’hommage, dans la grande salle du château le vassal se met à genoux devant le suzerain et il va placer ses mains dans celle du suzerain. Il va ensuite déclarer « Je suis ton homme » et le suzerain, en le relevant, répondra « Je te veux et prends pour homme » et lui donnera l’occilum facis.

La Foi, le vassal prête serment sur les évangiles et jure de rester fidèle.

Ensuite c’est l’investiture, le souverain concède un lopin de terre. Elle se fait soit de manière symbolique par la remise d’une motte de terre, soit à cheval c’est-à-dire que le suzerain fait visiter le domaine du vassal à cheval.

Le suzerain et le vassal se doivent fidélité, loyauté et assistance. Le suzerain doit caser son vassal, le protéger. Le vassal doit l’auxilium (aide financière et militaire) et le consilium (conseil). Si le suzerain manque à ses devoirs le vassal est délié de son serment et il devient vassal du suzerain de son ancien suzerain. Si c’est le vassal qui trahit le suzerain peut reprendre le fief (commise). A la mort le successeur n’est pas engagé par les décisions du prédécesseur. Quand le suzerain meurt l’héritier garde le vassal (mais il peut s’en défaire aussi) mais celui-ci doit de nouveau prêter serment. Si le vassal meurt il n’y a, logiquement, pas hérédité du fief.

  1. B) Après le XII° siècle.

Les règles juridiques sont de plus en plus écrites. Le fief devient un droit, celui de lever un impôt, de rendre la justice. La cérémonie perd de son importance, ce qui compte c’est l’investiture, la procédure d’avoir et démembrement. On rédige un procès verbal avec les termes du contrat. Les obligations du vassal sont délimitées par écrit. L’aide militaire se limite à 40 jours par an. L’aide financière est limitée au Quatre quart :

-Quand le suzerain est fait prisonnier.

-Quand il mari sa fille.

-Quand son fils est fait chevalier.

-Pour les croisades.

On assiste à une patrimonialisation du fief qui se déroule en deux étapes :

-L’hérédité.

-L’aliénabilité qui permet de vendre ou de concéder une petite partie du fief.

II/ La tenure non-noble.

Il y a deux catégories :

-Censive (roturière). C’est une concession faite à un tenancier libre qui va payer une redevance (le cens). L’hérédité est acquise et l’aliénation aussi.

-Servile qui se transmet par l’hérédité, le responsable verse des redevances et des corvées. Elle est concédée à un serf.

III/ L’alleu.

C’est une terre en pleine propriété en dehors de l’organisation féodale. Le propriétaire n’a pas de suzerain.