La théorie libertarienne et la théorie interventionniste de Rawls

La place de l’État dans l’économie : les différentes théories.

L’Etat occupe une place importante dans nos économies contemporaines.

Pour juger du bon niveau d’intervention publique, il faut d’abord définir quelle est la conception de la justice sociale que la société souhaite mettre en œuvre.

  • Souhaite-t-on atteindre une société égalitariste ? Ce qui nécessite un fort interventionnisme public.
  • Souhaite-t-on atteindre une société plus libre ? Ce qui nécessite que l’Etat intervienne moins.

Deux points de vues très divergeant quant à l’intérêt et à la justification éthique de l’intervention publique.

  • 1. Les théories libertariennes refusant la mainmise de l’Etat sur la société.
  • 2. Les théories interventionnistes de John Rawls.

D’autres positions existent ; marxistes ou utilitaristes notamment.

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Les théories libertariennes

Cette conception accorde un poids déterminant à l’individu et à ses actions (individualisme méthodologique versus holisme).

Elle attribue surtout un rôle à la liberté individuelle, au droit de propriété ainsi qu’à la responsabilité.

La légitimité de l’Etat est très réduite.

Nous présentons les idées de libertariens empiriques, Friedrich VON HAYEK et Milton FRIEDMAN et le philosophe Robert NOZICK.

Ces auteurs ont eu une grande influence sur la politique économique des Etats-Unis mais surtout de l’Angleterre dans les années 80.

L’affirmation de la primauté de la liberté individuelle.

Il n’y a pas de raison morale de mettre en place des mecanismes de contrainte.

Le seul cas où la coercition est justifiée, c’est justement pour défendre la liberté individuelle.

L’impôt est considéré comme un vol issu de la contrainte légale imposée par l’Etat.

Seuls les échanges non contraints sont légitimes.

La confiance dans le marché et son fonctionnement.

Les libertariens ne pensent pas forcément que le marché soit parfait.

Le marché constitue un mécanisme plus efficace d’allocation des ressources que l’Etat.

En cela, ils reprennent les éléments de la tradition libérale, en mettant en avant l’efficacité des marchés, celui-ci permettant une décentralisation de l’information (main invisible).

Le principe de propriété de soi

Cette théorie de la justice attribue à chacun un plein droit de propriété sur lui-même. (Propriétaire de son corps et de son esprit.)

Restrictions : Les individus n’ont pas le droit de se vendre en esclavage : pas le droit d’aliéner durablement l’usage de mon corps à quelqu’un d’autre.
On peut passer outre la volonté des individus, et la liberté de soi : les enfants.

On leur impose des restrictions dans le but qu’ils deviennent plus tard des personnes responsables → le paternalisme est acceptable quand il s’agit d’enfants : on en restreint la liberté individuelle dans la mesure où cela contribue à les mettre dès que possible d’exercer eux même leur liberté.
La restriction de liberté est nécessaire pour ceux qui menacent celle des autres.
Indépendamment de ces restrictions, le principe social de base est qu’un individu peut faire ce qu’il veut.
Les libertariens ne prétendent pas fournir une théorie morale complète : elle ne dit pas comment se compter en société.



Le principe de juste circulation

Principe qui régit les droits de propriété sur les objets extérieurs.
La circulation des droits de propriété : on peut devenir le légitime propriétaire d’un bien en l’acquérant grâce à une transaction volontaire ou en le créant.

Restrictions : Une femme qui « produit » un enfant n’en est pas pour autant propriétaire.

Le principe de propriété universelle de soi prime.
La transaction volontaire exclut la fraude ou la coercition, mais pas l’absence d’information parfaite :

si on vend un bien défectueux sans dire qu’il est défectueux, les libertariens considère que l’échange a été réalisé en toute légalité mais si on a été contraint de le vendre, le principe de juste circulation n’est pas respecté.


Le principe d’appropriation originelle

Le principe de juste circulation doit s’appliquer pour tous les échanges volontaires antérieurs aux échanges contemporains.
Mais comment fait-on pour établir la légitimité du droit de propriété sur un objet ou une ressource par son titulaire initial ?
Si une ressource naturelle ou un bien n’a encore fait l’objet d’aucune appropriation, le premier qui en revendique la propriété en devient le propriétaire légitime.

Restrictions : La clause Lockéenne : Robert NOZICK (1974) : une personne ne peut prendre possession d’une part de la nature que si elle laisse « enough and as good », une quantité suffisante et de qualité équivalente aux autres présents et à venir.
Peter VALLENTYNE (1998) : tout être humain possède un droit égal aux richesses de la terre. Pour être un propriétaire légitime, il doit s’acquitter d’une taxe dont le montant reflète la valeur des ressources naturelles dont il s’arroge la propriété.


Une conception procédurale de la justice

Cette théorie libertariennes est procédurale : elle ne s’intéresse qu’au respect de la liberté.

L’évaluation libertariennes des institutions d’une société ne repose en rien sur l’anticipation de leurs conséquences pour le bien-être de la population.
Pas de nécessité d’allouer les ressources d’une manière Pareto-optimale.
Il n’est pas nécessaire de satisfaire le bien-être individuel tant que les principes de libertés prévalent.
L’approche libertarienne est historique (obligation de regarder l’intégralité des transactions effectués), rétrospective, et procédurale.
Pour mesurer si une situation est juste, il suffit de se tourner vers le passé : si elle respecte bien les trois principes de propriété, de libre circulation et d’appropriation originelle, alors elle est juste.


Comment appliquer la justice libertarienne ?

Il faudrait évaluer si pour chaque bien, ses propriétaires antérieurs l’ont acquis suivant les principes précédents. C’est peu probable.
NOZICK : un principe de rectification. On va corriger les droits de propriétés qui ont été mal acquis.
La façon la moins inadéquate de procéder : la mise à plat.
Une répartition égalitaire de toute la richesse matérielle avant de prendre un nouveau départ et de laisser jouer le marché dans tous les domaines : éducation, santé, environnement…


Critiques du libertarisme

Quelles objections éthiques :

1. En récusant tout conséquentialisme, on se prive de toute considération touchant à la recherche de l’efficacité dans l’allocation des ressources
Exemple : pas de politique anti-trust au service de la concurrence

2. La seule justice sociale est le respect d’un principe de liberté ; la seule égalité qui compte est celle des droits.
Cela va à l’encontre du sens commun : une société ne peut être juste si les individus sont libres mais si toutes les richesses sont concentrées entre quelques mains.

3. De quelle liberté parle-t-on ? Il s’agit d’une liberté purement formelle.

Si les gens font ce qu’ils veulent mais qu’ils ne possèdent rien, ils ne peuvent rien faire.

Sans accorder de moyens à l’exercice de la liberté, il s’agit d’un droit sans portée réelle.
C’est ce que certains appellent la fétichisation des droits naturels.


La théorie de la justice sociale de RAWLS


A Theory of Justice (1971)
Pour RAWLS, la justice est désirable pour des raisons morales.

Il introduit un respect de certaines valeurs morales.
Seules les institutions qui sont perçues comme justes peuvent survivre.
Il existe une définition de la justice qui est général (autrement dit qui ne dépend pas d’une histoire ou d’une culture particulière).
Dans la société, il existe des biens premiers qui garantissent que la société soit juste.


Les biens premiers

RAWLS formule les exigences de la justice en termes de biens premiers :
Ce sont des moyens généraux requis pour se forger une conception de la vie bonne et en poursuivre la réalisation.

Les biens premiers naturels : la santé, le talent.

Les biens premiers sociaux : les libertés fondamentales, l’accès aux positions sociales, les avantages liés à ces positions (le revenu, les bases sociales du respect de soi).

Une société juste répartit les biens premiers de manière équitable entre ses membres.

Les principes de justice de RAWLS


1. Le principe d’égale liberté :
Il garantit à tous les citoyens le respect des libertés fondamentales.

2. Le principe d’égalité équitable des chances :
Les personnes ayant les mêmes talents doivent avoir la même possibilité d’accès aux positions sociales.

3. Le principe de différence :
Les inégalités sociales doivent être au bénéfice des membres les moins avantages de la société.
En admettant comme justes certaines inégalités, le principe de différence cherche à concilier égalité et efficacité.
Ce principe impose de sélectionner le Maximin.
Choisir parmi les différents états sociaux, celui qui rend aussi élevé que possible l’indice des avantages sociaux économiques que peuvent espérer ceux dont l’indice est le plus faible.
Exemple : on répartit un gâteau entre Ernest, Célestine et Barnabé. On maximise la plus petite part.

Comment justifier le recourt au Maximin ?

Les citoyens ont des conceptions différentes de la justice car ils ont des positions sociales e des biens premiers différents.

La position originelle : l’idéal d’une société libre et égale inhérente aux sociétés démocratiques. Avant d’appartenir à la société, on pourrait tous se mette d’accord sur ce qu’est un bon critère social.

Les citoyens doivent se placer derrière un voile d’ignorance càd temporairement je vais m’abstraire de mes caractéristiques purement individuel (beau, musclé, riche…) et à partir de là, on va se mettre d’accord sur le principe de Maximin.

Les individus vont se proteger au maximum contre la situation qui peut leur arriver : aversion au risque.

Derrière le voile d’ignorance, les citoyens doivent aie abstraction de leur positions sociales de leurs préférences particulières.

Et cette position derrière le voile d’ignorance/cette posture permet de définir des principes de justice qui seront universellement acceptés.

Ces principes, selon Rawls, conduisent à établir un contrat social qui tend vers les trois principes : d’égale liberté, d’égalité équitable des chances et de différence.

Quel type de société respecterait les principes rawlsiens de la justice ?

Certainement pas la société capitaliste de laisser-faire, ni un régime de planification autoritaire.

Une démocratie des propriétaires : une société qui combine la propriété privé des moyens de production avec une diffusion large du capital physique et humain.

Dans cette société les mesures correctrices de l’Etat providence corrigent les handicaps naturels uniquement.