La nature juridique de la Ve République suscite des débats et des divergences d’interprétation. En effet, selon les périodes et les circonstances politiques, le régime oscille entre des caractéristiques présidentielles et parlementaires. Cette flexibilité a conduit certains à parler d’un régime parlementaire « présidentialisé » ou d’un régime « semi-présidentiel », termes qui révèlent la complexité de son organisation constitutionnelle.
1. Une évolution entre régime parlementaire et présidentialisation progressive
2. Régime dualiste ou moniste selon les périodes : la géométrie variable de la Ve République
En pratique, la Ve République fonctionne différemment selon que le président et l’Assemblée nationale partagent ou non une même majorité politique.
3. Régime semi-présidentiel ou présidentialisme à la française ?
En pratique, les frictions entre le président et le Premier ministre deviennent rares (sauf en cas de cohabitation), le Premier ministre appliquant une politique définie par le président. Ainsi, la Ve République, bien que toujours parlementaire, présente un visage très présidentialisé, avec un chef de l’État qui joue un rôle prépondérant, y compris en politique intérieure.
La loi du 3 juin 1958 imposait au gouvernement de la Ve République de respecter des principes fondamentaux, notamment la séparation des pouvoirs et la responsabilité gouvernementale. Ces principes sont les caractéristiques dominantes d’un régime parlementaire. Cependant, le caractère du régime n’était pas défini de façon stricte en 1958. Dans une célèbre conférence, le général de Gaulle déclarait en 1961 qu’il n’y avait pas de raison de choisir entre un régime parlementaire et un régime présidentiel. Michel Debré, devant le Conseil d’État, soulignait lui aussi : « Il faut donner à la France un régime parlementaire. »
Les caractéristiques parlementaires
La Ve République est dotée d’éléments fondamentaux d’un régime parlementaire :
La France ne peut donc pas être considérée comme un régime présidentiel, dans lequel la responsabilité gouvernementale serait absente. Cependant, la spécificité de la Ve République réside dans le rôle central conféré au président de la République et dans le renforcement de ses pouvoirs dans le texte même de la Constitution.
Vers un modèle parlementaire hybride
La Ve République peut être considérée comme un régime parlementaire, mais elle introduit aussi des éléments d’inspiration présidentielle, dans un modèle unique. En effet, le rôle du président est influencé par la configuration politique issue des élections. La Constitution permet différentes interprétations selon les résultats des élections législatives et présidentielles, et l’opinion publique joue un rôle central dans l’exercice du pouvoir.
Ce régime peut être décrit comme un « gouvernement d’opinion rationalisée » à option présidentielle. La Ve République adopte un modèle dualiste : le Premier ministre doit à la fois obtenir la confiance du Parlement et être en accord avec le chef de l’État pour gouverner. En cas de cohabitation, c’est-à-dire lorsque les majorités présidentielle et parlementaire ne coïncident pas, le régime bascule vers un modèle parlementaire moniste, où le gouvernement est responsable devant le Parlement.
Trois scénarios selon la majorité parlementaire
L’ampleur de la majorité parlementaire influence le rôle des institutions et l’étendue des pouvoirs du président :
1. Hypertrophie de la fonction présidentielle en cas de coïncidence totale
Entre 1959 et 1986, c’est une présidentialisation du régime qui s’installe progressivement, renforcée par l’élection présidentielle au suffrage universel direct instaurée en 1962. Cette élection confère au président une légitimité populaire forte, le plaçant au-dessus du Premier ministre, qui est nommé et non élu, et du Parlement.
Cependant, la Ve République n’est pas un régime présidentiel comme aux États-Unis. Cinq éléments fondamentaux distinguent le régime français du modèle américain :
2. En cas de coexistence relative entre les majorités
Quand les titulaires des fonctions exécutives sont du même bord politique mais sans adéquation parfaite, on observe un « recentrage » des pouvoirs présidentiels. Par exemple, sous Mitterrand, les relations entre le président et Michel Rocard, Premier ministre, étaient marquées par cette coexistence relative. Le président ne pouvait imposer totalement sa vision, et devait composer avec son Premier ministre. Ce genre de configuration favorise une lecture littérale de la Constitution, et le rôle d’arbitre du président revient au centre de l’exercice présidentiel.
En conclusion, la Ve République est un régime parlementaire hybride, caractérisé par une présidentialisation modulée par les résultats électoraux et la configuration politique.
Avec la Ve République, le système politique français est devenu davantage moniste, c’est-à-dire que le gouvernement n’est plus responsable que devant le Parlement, ce qui écarte le Président de toute autorité directe en cas de cohabitation. Les périodes de cohabitation ont mis en lumière une dualité des pouvoirs, mais aussi des adaptations permettant à la Constitution d’être appliquée dans un esprit plus parlementaire. Voici comment le pouvoir du Président s’est exprimé et ajusté selon deux dynamiques distinctes durant ces périodes de cohabitation.
Sous la présidence de François Mitterrand, la cohabitation avec Jacques Chirac a illustré une phase où le Président a interprété de manière extensive certains de ses pouvoirs. Mitterrand a exercé ce que l’on pourrait appeler un « reflux actif », en revendiquant un rôle important dans des domaines traditionnellement réservés au gouvernement en période de cohabitation. Cela s’est traduit par plusieurs pratiques :
Cette période de cohabitation est souvent considérée comme ayant instauré un système de partage des pouvoirs, avec un Président jouant un rôle de contrepoids face au gouvernement, tout en imposant une certaine autorité en matière de diplomatie.
La deuxième cohabitation, entre Mitterrand et le Premier ministre Édouard Balladur, s’est déroulée dans un contexte différent. Mitterrand, en fin de mandat, a adopté une position de « reflux passif », s’éloignant davantage des affaires intérieures et extérieures. Cette cohabitation est caractérisée par une plus grande harmonisation entre les pouvoirs exécutif et législatif :
Depuis l’instauration du quinquennat en 2000 et la synchronisation des élections présidentielles et législatives, on uarait pu croire que les périodes de cohabitation seraient devenues improbables. Toutefois, les dernières décennies montrent que des frictions peuvent subsister entre le Président et le Premier ministre, même en dehors d’une cohabitation classique, comme lors des premiers mois de collaboration entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe.
Exercice renforcé de la présidence : Avec le quinquennat, le Président est de facto assuré d’une majorité parlementaire. Cela a réduit l’autonomie du Premier ministre, rapprochant le régime d’un modèle présidentialiste. Sous Emmanuel Macron, la forte centralisation des décisions au niveau présidentiel a renforcé l’image d’un Président actif, surtout en matière de gestion de crise, comme la pandémie de COVID-19. Le rôle du Premier ministre, notamment Jean Castex puis Élisabeth Borne, puis Gabriel Attal, est souvent perçu comme une extension de la présidence, ce qui limite les conflits institutionnels.
Rapport de force atténué : Avec l’absence de cohabitation, la séparation des fonctions n’est plus une question majeure. Le Président garde une autorité renforcée, assumant des rôles étendus en politique intérieure et extérieure, tandis que le Premier ministre applique la politique définie par le Président, sans intervention marquée en matière de gouvernance indépendante.
Toutefois, ceci est remis en cause par la dissolution de 2024 : la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président Macron a conduit à des élections législatives anticipées. En conséquence, les élections présidentielles et législatives ne sont plus synchronisées.
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