La volonté royale de contrôler la coutume

I – La mise par écrit des coutumes

  • &1. Les motifs de rédaction des coutumes.

Le droit coutumier a 2 avantages incontestables :

  • droit toujours adéquat à la communauté sociale dans laquelle il est appliqué. Approbation par la pratique et droit qui s’adapte.
  • Droit qui est consenti informellement -> il n’est pas imposé.

Droit coutumier ne peut pas être réfuté. Mais inconvénients.

  • Droit incertain : règles courantes appliquées par petite population fréquemment ne posent pas problèmes car elles sont connues (coutumes notoires/notoirement connues). Mais quand il s’agit de cas rares/inédits, la coutume est muette donc sécurité juridique = insuffisante. Droit coutumier = pas très pratique pour régler conflits entre 2 parties. Enquête faite avant de trancher et juge devait établir la règle applicable. Enquête par turbe (groupe d’au moins 10 personnes -> hommes connus pour sagesse et responsabilités [prudhommes] qui discutent et essaient d’établir la règle). Une fois jugement établi, coutume consolidée car précédent.
  • Droit impropre dans une société ouverte : dans une petite communauté avec un contrôle social par les autres, la coutume s’établit facilement. Aux XIIème et XIIIème siècles, il y a accroissement des échanges commerciaux en Europe (vente, partage du sol…)
  • &2. Les modalités de la rédaction privée des coutumes.

Aux XII et XIII siècle, on ressent besoin d’outils jgue vernaculaire (langue qui jaillit spontanément des pratiques sociales) et langue véhiculaire (langue qui permet de se comprendre entre gens de communautés différentes). Au Moyen-âge, langue véhiculaire = latin et langue vernaculaire = patois.

La plupart de ces coutumes = rédigées par personnes privéesuridiques + sûrs, + certains et surtout + exportables. Fin de ces 2 siècles, coutumes rédigées concernent un petit nombre de gens car population majoritairement illettrée, et peu éduquée au langage juridique. Nombre d’exemplaires limités de ces coutumes rédigées. Langue utilisée -> lan(praticiens, utilisateurs du droit) pour raisons pratiques. Rédacteurs de coutumes n’ont pas jugé utile de signer leur travail. 1ères rédactions de coutumes ne sont pas demandées par roi ou seigneur territorial. 1199 : rédaction de la région de Normandie -> au Moyen-âge, région en avance s/ son temps et s/ la monarchie. Avance dur à puissance de son duc et de ses administrateurs. Droit s’applique pour ensemble du duché. Droit remanié (suma deligibus normaniae) au XVIème siècle. Traduite en ancien français -> coutume de Normandie encore en vigueur aujourd’hui (îles de Jersey et de Guernesey). En Bourgogne, au Moyen-âge, 1ère rédaction de la coutume date du milieu XIIème siècle.

  • &3. Objectif de la rédaction privée : clarté et accessibilité des normes.

But = clarifier le droit. Le développement des échanges rend la multiplicité des coutumes particulièrement gênante car nuit au commerce, aux échanges. Abondance de coutumes de villes/rurales -> différentes mais différences pas insurmontables. Idée éclot au XIII siècle qu’il faut rassembler, réunir ces différentes coutumes dans un vaste recueil qui formerait la coutume générale de Bourgogne. Monter volonté des auteurs de réunifier (coutume générale de Bourgogne = 114 articles qui présentent intérêt et originalité de s’appuyer s/ décisions de justice, du parlement ducale de Bonn). Base de travail = décisions de justice et enquêtes menées auparavant par parlement ducal de Bonn. Mouvement de rédaction = initiative privée. Production du droit échappe aux autorités politiques du pays mais règles = approuvées par consensus. Pour gens du Moyen-âge, approbation des coutumes dépend de leur ancienneté car ils ont conviction que tout ce qui a duré à toutes les chances d’être meilleure que les innovations. Temps imprime marque de sagesse et traduit adaptation/modération mais aussi respect pour les anciens. Idée de la justice = immuable et éternelle. Droit vient du fond des âges/pratiques sociales et ce droit auto-généré est certainement meilleur dans pensée Moyen-âge que celui né d’un esprit humain.

II – La volonté royale de contrôler la coutume.

Rois étaient désignés par grands seigneurs féodaux et couronne passait d’une grande famille à une autre (familles = branches de la dynastie carolingienne ou du clan Robertien). Hugues Capet = élu et fait partie du clan Robertien. Lui et ses descendants vont imposer couronne héréditaire -> roi désigné par son sang et onction divine (sacrement). Justification du pouvoir politique dans ce système ? Missions particulières qui sont celles du roi. Description de ces missions -> littérature (miroirs des princes) par ministerium regnus.

La théorie du ministère royal.

Théorie s’appuie sur idée que dynastie royale a été choisie par Dieu et que c’est l’Eglise qui doit définir la manière dont roi doit accomplir sa mission particulière car il est roi-chrétien. Idée de littérature : roi = sorte de prêtre qui doit être en quelque sorte le bras armé pour conduire hommes au Seigneur. 3 missions dévolues au roi :

  •  Roi doit régir peuple de Dieu dans équité et justice.
  •  Roi doit favoriser paix et concorde.
  • Roi doit défendre Eglise, serviteurs de Dieu, pauvres, veuves et orphelins.

Théorie chemine du 9ème au 12ème siècle avec modifications. Au 12ème siècle, contenu du ministère royal a déjà un peu évolué : on maintient 3 missions.

  •  Mission de gardien
  •  Mission de protecteur
  •  Mission de juge

A) La mission de gardien.

Gardien du royaume = être garant de la paix à l’intérieur du royaume et de la sécurité du royaume à l’extérieur. Apparaît idée que royaume forme un tout et que son gardien = roi. En cas de conflit avec roi étranger, seigneur-roi a droit de lever le ban (solliciter seigneurs directs) et l’arrière-ban (arrière-vassaux) pour défendre le royaume-> pouvoir exorbitant. Roi peut imposer paix -> interdit dans certaines circonstances la guerre entre seigneurs. Au 10ème siècle, Eglise s’était efforcée de limiter guerres privées (entre seigneurs) en imposant des trêves de Dieu (ex en 1027, un concile réuni à Perpignan interdit guerre pendant certains jours -> Toussaint, Noël, Pâques, les dimanches… puis pendant certaines périodes -> Carême…). Trêves imposées par Eglises et, à partir du 12ème siècle, roi va utiliser qualité de gardien du royaume pour capter pou voir d’imposer la paix -> la «paix du roi». En 1155, roi décide que pour 10 ans, les guerres privées seront interdites. Décision faite ne présence des grands seigneurs et avec leur approbation -> 1ère ordonnance royale (1ère loi du roi) au Moyen-âge.

B) Protecteur de l’Eglise.

Eglise a horreur du sang, des armes… -> clercs ne peuvent pas se battre. Et il y a au Moyen-âge des lieux de paix (monastères, cathédrales…) où il faut déposer els armes avant d’y rentrer -> refuge. Mission du roi = permettre utilisation de la force lorsque lieux de protection = violés. On considère que roi = chargé de la bonne exécution des décisions du pape et des évêques. Profite à la monarchie qui devient par rapport aux autres seigneurs car roi = garant/protecteur de la bonne application du droit canonique.

C) Roi = juge.

Dynastie capétienne a toujours mis en avant rôle du roi comme juge -> H. Capet dit : «la sublimité de notre piété n’a de raison d’être en droit que si nous rendons la justice à tous et par tous les moyens». Successeurs capétiens développent cette argumentation -> roi ≠ seigneur comme les autres -> sacré donc entretient relation différente avec Dieu donc il est «fontaine de justice» puisque désigné par Dieu. Roi = personnage sacré donc au-dessus du commun des mortels et incarne unité du royaume par justice. Dimension divine du jugement s’efface à partir du 12ème siècle -> justifier pouvoir du roi par rapport à celui des seigneurs grâce à cette mission de justicier. Au Moyen-âge, détenir pouvoir politique = détenir pouvoir de justice -> base de la monarchie française.

  • &2. L’approbation royale de la coutume.

A partir de la fin du 12ème siècle, roi parvient à envoyer représentants dans tous le royaume (appelés « baillis » dans le Nord et « sénéchaux » dans le Sud). Ils ont pouvoir de juge au nom du roi -> rendent justice en appliquant coutumes locales rarement écrites (rédactions privées = rares) et pour savoir droit applicable pour cas rare, juge doit mener une enquête. Quand jugement rendu, coutume = cristallisée et devient notoire -> désormais, nul n’est censé l’ignorer. Face à ces coutumes, roi tente prudemment de contrôler ordre juridique qui lui échappe. Roi va essayer d’influencer contenu des coutumes puis de faire en sorte que coutumes soient rédigées avec des retouches.

A) Abolition des mauvaises coutumes.

Jusqu’au règne de St Louis, principe selon lequel roi doit respecter coutumes gouverne parce qu’il y a convictions qu’on trouve en droits canonique et romain qui indique que lorsque coutume = raisonnable et approuvée, roi doit les respecter. Principe lie le roi aux coutumes raisonnables et approuvée mais si elles ne répondent pas à ces critères, alors le roi peut intervenir et il va s’introduire dans cette brèche pour abolir mauvaises coutumes. Pourquoi le roi peut-il faire ça ? Parce que le roi est sacré et si la coutume comporte des règles en relation avec la morale chrétienne, il appartient au roi d’intervenir. S’il n’abolit pas une coutume, c’est qu’implicitement, il l’approuve -> il n’est pas totalement législateur dans ce cas car il agit en gardien/garant de la justice.

Qu’est-ce qu’une mauvaise coutume ? Coutume >< équité et justice mais aussi principes chrétiens (ex exhérédation [déshériter]…).

Abolition des mauvaises coutumes est justifiée parfois par rôle de justicier du roi et de protecteur des plus faibles. Lorsqu’une coutume = trop injuste socialement, trop dégradante…, le roi va dire qu’il est défenseur des faibles et va abolir coutumes ainsi.

B) De la confirmation à la concession des coutumes.

Au 13ème siècle, on constate dans actes de chancellerie royale une évolution terminologique. Lorsque roi donne appui à coutume, on ne dit plus « confirmare » mais « concedere ». Evolution syntaxique traduit une évolution dans volonté royale de s’affirmer vis-à-vis de l’ordre juridique -> confirmer = juste prendre acte et protéger sans intervenir tandis que confirmer = roi # lié par droit existant mais par sa grande sagesse, il accepte que règle soit appliquée. Rois successifs prennent acte particulier pour maintenir concessions des coutumes faites par leurs prédécesseurs. Particulièrement marquant s/s règne du roi Philippe le Bel qui, à peine arrivé au pouvoir, confirme coutumes, franchises, libertés, immunités des Eglises comme au temps de St Louis. Pour coutumes urbaines, roi a politique cohérente -> idée qu’il y ait, par-delà diversité des coutumes, un tronc commun du droit urbain -> # pouvoir législatif. Roi homogénéise droit urbain pour unifier royaume par sa personne. Période intermédiaire -> rédacteurs privés non-officiels mais qui agissent à l’initiative du roi (personnages proches de la royauté). Rédaction de la 2° moitié du 13ème siècle et au 14ème siècle, coutumes rédigées par agents du roi -> coutumes influencées par doctrines favorables au roi et à sa puissance. Rédacteurs vont essayer de peser sur la coutume pour unifier le plus possible le droit privé en France. La plupart de ces rédactions se trouvent en IDF (zones proches de Paris = zones où influence du roi = la + forte). Rédaction de coutume # à droit constant (textes existants juste rédigés/assemblés/compilés dans des codes sans aucune modification). En réalité, coutumiers du 13ème siècle ont introduite innovations qui sont des importations de droit romain considérées comme plus modernes, plus adaptées à société commerçante etc.… Conseil à un ami rédigé entre 1250-1260 par le coutumier du Vermandois (région située dans le nord du bassin parisien) Pierre Fontaines (bailli du Vermandois). Bailli rédige coutume à partir de laquelle il sera amené à juger. P. Fontaines intègre des formules toutes faites du droit romain à des domaines de droit privé. Livre de jeustice et de plet (coutume d’Orléans) : règles tirées des usages orléanais et des innovations tirées du droit romain. Coutumes de Clermont en Beauvaisis par Philippe de Beaumanoir (proche de saint Louis) -> pensée sur le droit qui est déjà cohérente/intellectuelle. Beaumanoir s’appuie par fois sur droit romain déjà bien intégré au droit coutumier auquel il ajoute droit canonique -> œuvre réformatrice du droit. Idée de la loi = tout à fait aboutie. Les établissements de Saint Louis (1270) écrit par un auteur inconnu -> coutumier de la région Anjou et Touraine. On en rédige moins au 14ème siècle car siècle agité par les guerres et les épidémies (Europe entière perd 1/3 de sa population). Fin de la période médiévale.