L’action en réduction des libéralités : exercice de l’action, modalités…
Pour rappel, une personne a la liberté de conclure, de son vivant, plusieurs donations au profit de membre de sa famille, des amis ou des tiers. Elle peut aussi rédiger un testament qui instaure une personne en tant que légataire .
Cependant, cette personne ne peut disposer de son patrimoine comme elle l’entend. En effet, si elle a donné ses biens de façon trop importante au profit d’autres personnes, ces libéralités (donation et/ou legs) seront soumises à une action en réduction engagée par les héritiers. Autrement dit, les donations et les legs conclus par le défunt pourront être soumis à une réduction de leur montant s’ils dépassent une certaine somme.
I ) L’EXERCICE DE LA REDUCTION
- Droit des Successions et des libéralités
- L’action en réduction des libéralités
- Les conditions de la réduction en cas de libéralité
- La réalisation du partage de la succesion
- La détermination de la masse partageable en cas de libéralités partageables
- La masse partageable en l’absence de libéralité rapportable
- Liquidation de succession : le règlement du passif
Les libéralités ne sont pas réduites de plein droit les héritiers doivent demander la réduction.
§1 : L’action en réduction
A. Les titulaires de l’action
Article 921 : « La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter. / Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ».
Seuls les héritiers peuvent agir en réduction à l’exclusion des créanciers. Mais la loi admet aussi que les créanciers puissent demander la réduction par le jeu de l’action oblique. La loi précise aussi que les titulaires de l’action en réduction sont plus spécialement les héritiers qui ont vocation à la réserve héréditaire.
En principe donc, ni les créanciers de la succession, ni les héritiers non réservataires ne peuvent exercer l’action.
B. Depuis 2006, les héritiers peuvent renoncer par anticipation à l’action en réduction
Articles 929 et suivants du Code civil.
Les héritiers doivent agir en réduction et peuvent ne pas agir.
La loi de 2006 a augmenté cette possibilité : à l’avance, les héritiers peuvent s’entendre pour ne pas agir en réduction. C’est un pacte sur succession future qui est aujourd’hui admis. A l’avance, les héritiers vont renoncer à leur réserve.
Les modalités de cette renonciation :
C’est un contrat signé entre le DC et les héritiers présomptifs, qui doit faire mention du bénéficiaire de la renonciation.
Ce contrat doit nécessairement être passé en la forme authentique.
Ce contrat peut être révoqué (article 930-3) dans 2 cas : lorsqu’il y a inexécution des obligations alimentaires du disposant, et lorsqu’il y a état de besoin du renonçant.
Ce pacte a été parmi les dispositions les plus commentées de la loi de 2006 : c’est un pacte sur succession future et on porte atteinte à la réserve héréditaire.
§2 : La prescription de l’action en réduction
L’article 921 énonce que l’action en réduction se prescrit par 5 ans à compter du décès. Avant, c’était 30 ans.
II) LES MODALITES DE LA REDUCTION
§1 : Le principe de la réduction en valeur
A. Les solutions antérieures à 2006
Avant 2006, le Code civil faisait place à deux systèmes. Le principe était que la réduction en nature était la règle pour une libéralité faite à un non successible. L’idée était alors d’assurer la conservation des biens dans la famille.
A l’inverse, la réduction en valeur était la règle pour les libéralités faites à un héritier.
B. Depuis 2006, le principe est généralisé : la réduction en valeur
L’article 924 pose le principe d’une réduction en valeur. Le texte nouveau prévoit que la réduction se fera en valeur, que le gratifié soit ou non un successible.
L’article 924-1 prévoit une exception : la réduction peut avoir lieu en nature par exception si le gratifié le choisit et que le bien lui appartient encore en nature.
L’article 924-4 du Code civil prévoit que si l’héritier est insolvable, la réduction ne peut pas se faire en nature.
Article 924 : « Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. / Le paiement de l’indemnité par l’héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d’imputation sur ses droits dans la réserve ».
Article 924-1 : « Le gratifié peut exécuter la réduction en nature, par dérogation à l’article 924, lorsque le bien donné ou légué lui appartient encore et qu’il est libre de toute charge dont il n’aurait pas déjà été grevé à la date de la libéralité, ainsi que de toute occupation dont il n’aurait pas déjà fait l’objet à cette même date. / Cette faculté s’éteint s’il n’exprime pas son choix pour cette modalité de réduction dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle un héritier réservataire l’a mis en demeure de prendre parti ».
Article 924-4 : « Après discussion préalable des biens du débiteur de l’indemnité en réduction et en cas d’insolvabilité de ce dernier, les héritiers réservataires peuvent exercer l’action en réduction ou revendication contre les tiers détenteurs des immeubles faisant partie des libéralités et aliénés par le gratifié. L’action est exercée de la même manière que contre les gratifiés eux-mêmes et suivant l’ordre des dates des aliénations, en commençant par la plus récente. Elle peut être exercée contre les tiers détenteurs de meubles lorsque l’article 2279 ne peut être invoqué. / Lorsque, au jour de la donation ou postérieurement, le donateur et tous les héritiers réservataires présomptifs ont consenti à l’aliénation du bien donné, aucun héritier réservataire, même né après que le consentement de tous les héritiers intéressés a été recueilli, ne peut exercer l’action contre les tiers détenteurs. S’agissant des biens légués, cette action ne peut plus être exercée lorsque les héritiers réservataires ont consenti à l’aliénation ».
§2 : Le calcul de l’indemnité
L’article 924-2 précise les modalités de calcul qui sont les mêmes que celles déjà exposées.
Le principe est que l’indemnité se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage, ou s’il y a aliénation, d’après la valeur des biens au jour de l’aliénation.
En cas de remploi, même règle s’applique que précédemment.
Article 924-2 : « Le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. S’il y a eu subrogation, le calcul de l’indemnité de réduction tient compte de la valeur des nouveaux biens à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation ».
§3 : Le paiement de l’indemnité de réduction
Le principe est énoncé à l’article 924 alinéa 2.
C’est celui du règlement en moins prenant.
L’héritier réservataire qui doit une indemnité de réduction :
Dans la masse à partager, il devra cette indemnité en moins prenant.
Ex : Le DC a deux enfants. Les BE sont de 100. Il a fait une libéralité à E1 de 300.
Masse de calcul : 400
R = 2/3 * 400 = 266, 67.
Quotité disponible = 133, 33.
Réserve individuelle : 133, 33.
La donation peut être exécutée à hauteur de 266, 67.
Il va y avoir une indemnité de réduction à hauteur de 33, 33.
Partage :
BE + LR (indemnité de rapport) + Indemnité de réduction = 100 + 300 + 33, 33 = 433,33.
433, 33 / 2 = 217.
Dans son lot, la donation est déjà placée et l’indemnité sera donnée à son frère par soucis d’égalité.