L’application de la loi pénale dans l’espace

L’application de la loi pénale dans l’espace

Cette application ne pose bien entendu aucun problème lors d’un coupable et d’une victime français, avec une infraction commise sur le territoire français. En revanche, si l’un de ces trois critères n’est pas présent, le problème de l’application de la loi pénale dans l’espace va se poser.

Le principe est qu’en matière pénale, le juge français a une compétence assez large : l’article 113-2 du Code pénal dispose que la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. Cela signifie que dès lors qu’un des éléments de l’infraction est commis sur le territoire français, le juge pénal est compétent.

La jurisprudence a eu l’occasion de définir la notion de territoire : il est composé de l’espace terrestre, lui-même composé de tous les départements métropolitains, mais également tous les départements d’outre-mer. A cet espace terrestre, on ajoute l’espace maritime et l’espace aérien. La jurisprudence a ainsi considéré que la diffusion d’images pédophiles depuis la Suède jusqu’en France était du ressort du juge pénal français.

Pour résoudre la difficulté liée à internet, la jurisprudence a considéré que du moment où le message infractionnel est reçu en France, le juge pénal français est compétent. L’article 113-5 du Code pénal ajoute que la loi française sera applicable à quiconque s’est rendu coupable sur le territoire de la République, comme auteur ou comme complice, d’un délit commis à l’étranger.

 

La jurisprudence, lorsqu’elle met en œuvre ce principe, applique la règle de la double incrimination : cela signifie que pour que cette règle joue le fait doit être puni à la fois par la loi française et la loi étrangère. Il faut également que le fait qualifié crime ou délit ait été constaté par une décision de justice étrangère.

Le droit français a encore vocation à s’appliquer lorsqu’une infraction est commise hors de France, mais par un ressortissant français : l’article 113-6 du Code pénal dispose que la loi pénale française va s’appliquer à tout ressortissant français commettant un crime à l’étranger.

En matière délictuelle, la règle est légèrement différente : lorsque le ressortissant français commet un délit à l’étranger, le juge français ne sera compétent que si le délit est également puni dans le pays dans lequel l’infraction a eue lieu : c’est le principe de réciprocité d’incrimination.

La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a modifié cette règle : en effet, si un Français commet à l’étranger u délit à caractère sexuel ou à l’encontre d’un mineur, le juge pénal français sera compétent, quand bien même l’infraction ne serait pas sanctionnée dans le pays où elle a été commise.

L’article 113-7 du Code pénal prévoit enfin que la loi française va être applicable dès lors qu’un ressortissant français est victime d’un crime commis à l’étranger par un ressortissant étranger. En matière délictuelle, il faut également le respect du principe de réciprocité de l’incrimination.

 

Cass. Crim., 11 juin 2008 : des agents de l’administration des douanes visitent un bateau au large du Touquet, à bord duquel ils trouvent 10 tonnes de cannabis. Ils apprennent par la suite que ce navire provenant du Maroc devait se rendre aux Pays-Bas pour livrer la marchandise, et qu’un mécanicien britannique se trouvait dur le bateau.

Il est poursuivi pour importation en contrebande de produits stupéfiants, et pour association de malfaiteurs. La Cour d’appel condamne le prévenu britannique en estimant que la contrebande et l’association de malfaiteurs ayant été commises en France, le juge pénal est compétent.

La Cour de cassation opère une distinction entre les deux délits : pour la contrebande de produits stupéfiants, elle rejette le pourvoi, et en ce qui concerne l’association de malfaiteurs, la Cour relève que l’association de malfaiteurs est un délit qui a été commis au Maroc, par un étranger. Néanmoins, la Cour de cassation va considérer que le délit d’association de malfaiteurs est indissociable du délit de contrebande commis en France, ce qui justifie la compétence des juridictions françaises.

 

Lorsqu’elle explique le principe d’application du droit pénal dans l’espace, la doctrine parle d’impérialisme du droit français, dans la mesure où il suffit qu’une partie infime de l’infraction ait été commise en France pour justifier la compétence des juridictions pénales françaises.

 

  • Cass. Crim., 26 septembre 2007 : des œuvres d’art sont volées en France mais sont acheminées vers la Belgique et vendues là-bas. Le problème était alors de savoir si on pouvait poursuivre les voleurs belges, et la Cour de cassation a considéré qu’à partir du moment où un des éléments de l’infraction avait eu lieu en France, le droit pénal français avait vocation à s’appliquer
  • Cass. Crim., 29 janvier 2008 : en l’espèce, on a un ressortissant d’origine algérienne interpelé par les services de sécurité algériens sur le territoire algérien. L’épouse de cette personne a porté plainte pour enlèvement, séquestration et complicité de ces infractions en dénonçant l’arrestation dont aurait été victime son mari, en impliquant la DST française.

Le juge d’instruction saisi en France rend une ordonnance de refus d’informer, en estimant qu’il n’est pas compétent, et un pourvoi en cassation a été formé. La Cour de cassation affirme que la loi française est applicable à celui qui se rend complice sur le territoire de la République d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger, à condition que cette infraction ait été constatée par une décision définitive de la juridiction étrangère.

Laisser un commentaire