L’autonomie administrative et financière
Depuis 1982, les transferts de compétences visent à renforcer l’autonomie des collectivités en rapprochant les décisions locales des citoyens. Réglementés par la loi, ces transferts incluent des domaines comme l’éducation et les transports, et garantissent un financement par l’État. Le processus vise à clarifier les compétences par le biais de lois comme NOTRe (2015), en renforçant l’efficacité et la cohérence des services publics locaux.
Synthèse des transferts et moyens des collectivités territoriales
Thème | Description |
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Transferts de compétences | Depuis 1982, les compétences de l’État sont transférées aux collectivités pour autonomiser la gestion locale. |
Cadre juridique | Les compétences sont définies par des lois et renforcées par la Constitution, garantissant l’autonomie et la libre gestion. |
Vagues de transfert | Trois vagues majeures : 1982, 2003-2004, et 2015, incluant éducation, transport, aides sociales et développement économique. |
Autonomie et limites | Les collectivités doivent exercer les compétences confiées, avec des financements garantis et une coordination renforcée. |
Moyens d’action | Comprennent pouvoir réglementaire, droit à l’expérimentation, contrats publics et coopération internationale. |
Moyens financiers | Principales ressources : endettement, dotations de l’État et impôts locaux, assurant leur autonomie financière. |
Moyens humains | Fonctionnaires territoriaux et agents contractuels, encadrés par la loi pour garantir l’efficacité des services publics. |
Contrôles de l’État | Contrôles de légalité, financier et technique pour assurer la conformité et la bonne gestion des fonds publics. |
Clause générale de compétence | Supprimée en 2015 pour départements et régions, recentrant leur intervention sur des domaines spécifiques. |
Reprise des compétences | L’État peut reprendre une compétence pour des raisons impérieuses, dans le respect de l’autonomie locale. |
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Section 1 : Les transferts de compétences
Depuis les premières lois de décentralisation en 1982, la France a progressivement transféré des compétences de l’État vers les collectivités territoriales (communes, départements, régions). Ce processus vise à rapprocher les décisions des citoyens, à renforcer l’autonomie locale, et à adapter les politiques publiques aux spécificités des territoires. Ce cours explore le cadre, les mécanismes, et les enjeux des transferts de compétences.
I. Le cadre des transferts de compétences
Les transferts de compétences consistent à attribuer aux collectivités des missions jusque-là assurées par l’État. Ce transfert, encadré par des lois, vise à donner aux collectivités plus de responsabilité et de pouvoir d’action pour gérer leurs affaires locales.
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Origine des compétences locales
- Le législateur : Les compétences sont attribuées aux collectivités par des lois votées par le Parlement. Ces transferts permettent aux collectivités d’agir dans des domaines comme l’éducation, les transports, l’aménagement du territoire, etc.
- Le rôle de la Constitution : La révision constitutionnelle de 2003 a renforcé le cadre de la décentralisation en inscrivant la notion de libre administration des collectivités (article 72), leur autonomie financière et le droit de s’organiser pour mieux gérer les services publics locaux.
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Les vagues de transferts de compétences
- Première vague (1982) : Les premières lois de décentralisation sous le gouvernement Mauroy transfèrent des compétences en matière de gestion scolaire, de transports et d’urbanisme.
- Révision de 2003 et loi du 13 août 2004 : Cette réforme marque un tournant en décentralisant des compétences telles que les aides sociales, la gestion des collèges et lycées, et les infrastructures de transport. En 2004, ces transferts représentaient 13 milliards d’euros et mobilisaient environ 130 000 agents.
- Loi NOTRe de 2015 : La loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) clarifie les compétences et retire aux départements et régions la clause générale de compétence, concentrant leurs missions sur des domaines précis.
II. Les garanties et les limites du transfert de compétences
Bien que les collectivités territoriales soient autonomes, l’État encadre ces transferts pour garantir leur efficacité et éviter les dérives.
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Le principe d’autonomie et les obligations de l’État
- Autonomie des collectivités : Les collectivités ne peuvent pas refuser une compétence transférée par la loi ; elles doivent l’exercer dans le cadre défini par le législateur.
- Garantie de financement : L’État est tenu de transférer les ressources nécessaires en même temps que la compétence. Cette garantie financière vise à ce que la collectivité puisse assumer ses nouvelles responsabilités.
- Justification du transfert : L’État doit fournir un motif légitime pour chaque transfert de compétence, que le Conseil constitutionnel peut être amené à contrôler.
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Limites des transferts : complexité et enchevêtrement des compétences
- Complexité et chevauchement : Les transferts de compétences se sont souvent accompagnés de chevauchements, avec plusieurs niveaux de collectivités intervenant dans des domaines similaires (par exemple, la voirie, le transport, la culture).
- Clarification des compétences : Pour éviter ces enchevêtrements, la loi NOTRe a introduit des compétences exclusives pour certaines collectivités, et des collectivités chefs de file, qui assurent la coordination de certaines actions sans imposer une tutelle aux autres collectivités.
III. Les outils pour une meilleure gestion des compétences locales
Pour simplifier et organiser l’exercice des compétences, deux approches principales ont été introduites.
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Le principe de subsidiarité
- Ce principe, présent de manière implicite dans l’article 72 de la Constitution, consiste à exercer les compétences au niveau le plus proche des citoyens dès que possible. Bien qu’il ne soit pas formellement détaillé, il oriente les décisions de transfert de compétences pour favoriser une administration efficace et adaptée aux besoins locaux.
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Les collectivités « chefs de file »
- La loi a désigné certaines collectivités comme chefs de file pour certaines compétences partagées, afin de coordonner les actions. Par exemple :
- La Région est chef de file pour le développement économique et la formation professionnelle.
- Le Département coordonne l’action sociale et les services aux personnes âgées.
- La Commune est chef de file pour les politiques de proximité et les services de base.
Ces coordinations entre collectivités se font généralement par contrats de coopération, dans le respect de l’autonomie de chaque collectivité.
- La loi a désigné certaines collectivités comme chefs de file pour certaines compétences partagées, afin de coordonner les actions. Par exemple :
IV. La suppression de la clause générale de compétence
Avant la réforme de 2015, toutes les collectivités disposaient d’une clause générale de compétence, leur permettant d’intervenir librement dans tous les domaines d’intérêt local non spécifiquement attribués à une autre entité. La loi NOTRe a supprimé cette clause pour les départements et les régions :
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Effets de la suppression
- Communes : Les communes conservent cette clause générale de compétence, leur permettant d’intervenir dans les domaines d’intérêt communal.
- Départements et Régions : La clause est supprimée, ce qui signifie que ces collectivités ne peuvent intervenir que dans les domaines expressément prévus par la loi. Pour les Régions, cela inclut principalement le développement économique, les transports, et la formation. Les Départements se concentrent sur l’aide sociale, la voirie départementale et les collèges.
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Objectif de la suppression
- La suppression de la clause vise à clarifier et limiter les compétences des départements et des régions pour éviter les doublons et renforcer l’efficacité de l’action publique locale. En recentrant les compétences, le législateur espère une meilleure allocation des ressources et un fonctionnement plus cohérent des services publics locaux.
V. Possibilité de reprise des compétences par l’État
Même si les collectivités bénéficient de la libre administration, l’État conserve la possibilité de reprendre une compétence transférée. Cependant, cette reprise doit répondre à certaines conditions :
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Justification et respect de l’autonomie
- La reprise d’une compétence par l’État doit être justifiée par des raisons impérieuses, comme l’intérêt général ou l’efficacité de l’action publique.
- L’État doit veiller à respecter la libre administration des collectivités et à ne pas porter atteinte à leur autonomie en reprenant une compétence sans raison valable.
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Exemple de reprise : La reprise d’une compétence pourrait se justifier en cas de crise nécessitant une gestion centralisée (comme une crise sanitaire) ou de défaillance dans la gestion d’une compétence par la collectivité.
Section 2 : Les moyens d’action des Collectivités territoriales.
Les Collectivités territoriales disposent de moyens d’action réglementaires, contractuels et internationaux pour exercer leurs compétences dans le respect de la législation française et des principes de la décentralisation.
- Le pouvoir réglementaire des Collectivités territoriales
Conformément à l’article 72 de la Constitution, les Collectivités territoriales possèdent un pouvoir réglementaire d’application, limité aux domaines de compétence qui leur sont propres (ratione materiae) et à leur territoire (ratione loci). Ce pouvoir s’exerce en respectant la hiérarchie des normes (constitution, traités, lois nationales), et ne peut être exercé en dehors des cadres légaux définis par l’État.
L’arrêt Jamart du Conseil d’État, rendu le 7 février 1936, a confirmé que le pouvoir réglementaire des Collectivités s’exerce dans les limites de leurs compétences, mais qu’il est encadré par les lois et règlements adoptés par l’État.
- Le droit à l’expérimentation
Introduit par la révision constitutionnelle de 2003 et concrétisé par la loi du 3 août 2004, le droit à l’expérimentation permet aux Collectivités territoriales, dans certains domaines, de tester de nouvelles mesures adaptées à leurs spécificités locales. Ce droit, autorisé pour une durée maximale de 5 ans, vise des secteurs définis par la loi (comme la jeunesse, la santé, ou l’action sociale) et permet aux Collectivités de proposer des solutions innovantes adaptées à leur territoire. À l’issue de l’expérimentation, un bilan est réalisé pour décider soit de l’étendre à l’ensemble du territoire, soit de l’abandonner.
- Les contrats et marchés publics
Les contrats constituent un moyen d’action important pour les Collectivités, notamment à travers les marchés publics. Ces contrats permettent aux Collectivités de collaborer avec des entreprises et des acteurs privés pour fournir des services publics locaux, construire des infrastructures, ou réaliser des aménagements urbains. Ces marchés sont strictement encadrés par le Code de la commande publique afin de garantir la transparence et l’égalité d’accès pour tous les prestataires.
- L’action extérieure des Collectivités territoriales
Depuis la loi du 2 février 2007 (loi n°2007-147), les Collectivités territoriales peuvent conclure des accords de coopération avec des autorités locales étrangères. Ces accords peuvent viser des actions de coopération décentralisée, d’aide au développement, ou de solidarité internationale, dans des limites fixées par la loi. Cependant, les Collectivités territoriales ne peuvent pas mener de politiques étrangères autonomes : elles doivent s’assurer que leurs accords sont conformes à la politique extérieure de l’État, sous le contrôle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Section 3 : Les moyens financiers
Les moyens financiers sont essentiels pour permettre aux Collectivités territoriales d’exercer leurs compétences. Ces moyens proviennent principalement de trois sources : l’endettement, les dotations de l’État et les impôts locaux.
- L’endettement
Les Collectivités territoriales ont le droit de recourir à l’emprunt pour financer leurs investissements. Cependant, un endettement excessif peut menacer l’équilibre financier de la Collectivité. Le taux d’endettement doit rester à un niveau soutenable pour éviter de mettre en péril le fonctionnement régulier de la Collectivité. Les emprunts sont exclusivement destinés aux investissements et non aux dépenses de fonctionnement, conformément aux principes de gestion budgétaire locale.
- Les dotations de l’État
Lorsque l’État transfère une compétence aux Collectivités, il est tenu de leur attribuer les moyens financiers nécessaires pour la mettre en œuvre, conformément au principe de compensation. Cette obligation de financement est principalement réalisée par les dotations de l’État. Les principales dotations incluent :
- Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) : Elle constitue une part importante des recettes des collectivités.
- Dotations spécifiques : L’État attribue des dotations ciblées pour certaines compétences, comme l’aide sociale ou le Revenu de Solidarité Active (RSA), financé principalement par les Départements.
Cependant, ces dotations peuvent évoluer dans le temps, et les Collectivités reprochent parfois à l’État de ne pas compenser intégralement l’augmentation des charges liées aux compétences transférées.
- Les impôts locaux
Les impôts locaux représentent une part cruciale du financement des Collectivités territoriales et sont la principale source de leur autonomie financière. L’article 72-2 de la Constitution prévoit que les Collectivités doivent disposer de ressources fiscales propres, mais leur capacité à créer ou supprimer des impôts reste limitée, car ces décisions relèvent du législateur.
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Autonomie fiscale limitée : Les Collectivités territoriales peuvent fixer le taux de certains impôts locaux, mais elles ne peuvent pas créer ou supprimer de taxes elles-mêmes, car seule l’État a ce pouvoir. Par exemple, la suppression de la taxe professionnelle en 2010 a réduit considérablement les ressources fiscales de certaines Collectivités.
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Réformes fiscales récentes : L’État a engagé plusieurs réformes touchant les impôts locaux, notamment la suppression progressive de la taxe d’habitation pour les résidences principales, compensée par une augmentation de la fiscalité foncière. Ces réformes ont engendré des compensations financières de l’État, mais les Collectivités craignent une perte de contrôle sur leurs ressources à long terme.
Le Conseil constitutionnel veille à ce que la suppression ou la modification d’un impôt local ne compromette pas la libre administration des Collectivités. Cependant, le Conseil se montre généralement prudent dans son contrôle, et il est rare qu’il s’oppose à une réforme fiscale décidée par l’État.
Section 4 : Les moyens humains
Les moyens humains des Collectivités territoriales comprennent principalement les fonctionnaires territoriaux et les agents contractuels. Ces personnels, indispensables au fonctionnement des services publics locaux, sont régis par des cadres législatifs définis par la fonction publique territoriale, qui s’est structurée à partir des lois de décentralisation, dites lois Deferre de 1982.
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Les fonctionnaires territoriaux
Les fonctionnaires territoriaux appartiennent à la fonction publique territoriale. Ils occupent des postes statutaires dans divers services, comme l’urbanisme, l’éducation, la culture, et la gestion des infrastructures locales. L’État fixe des règles de gestion pour encadrer ces effectifs, cherchant à limiter leur nombre afin de maîtriser les coûts de fonctionnement. Ces agents sont recrutés sur concours et bénéficient d’un statut protecteur, leur assurant notamment une certaine stabilité d’emploi.
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Les agents contractuels
Outre les fonctionnaires, les Collectivités peuvent recruter des agents contractuels, souvent pour des missions spécifiques ou temporaires. Ces agents sont employés soit par des contrats de droit public dans la plupart des cas, soit, plus rarement, par des contrats de droit privé. Les contrats de droit public permettent de gérer des situations qui nécessitent de la flexibilité, par exemple pour des projets ponctuels ou des besoins exceptionnels. Le recours aux contractuels est encadré par la loi pour garantir une gestion transparente et éviter la précarisation des agents publics.
Section 5 : Les contrôles
3 types de contrôle, contrôle
Les Collectivités territoriales sont soumises à trois principaux types de contrôles par l’État pour garantir la légalité, la soutenabilité financière et la qualité technique de leurs actions. Ces contrôles permettent de veiller à la conformité des décisions locales aux normes légales et réglementaires et à la bonne gestion des fonds publics.
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Le contrôle de légalité
Le contrôle de légalité, aussi appelé déféré préfectoral, consiste pour le préfet à vérifier la légalité des actes des Collectivités territoriales. Le préfet reçoit les actes des Collectivités soit de manière obligatoire, soit facultative. En cas de doute sur la légalité d’un acte, il peut saisir le tribunal administratif pour qu’il statue sur sa validité. Ce contrôle est un contrôle a posteriori, exercé après l’adoption des actes par les Collectivités, contrairement au contrôle de tutelle, aboli, qui permettait au préfet d’annuler des décisions avant leur mise en application.
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Le contrôle financier
Le contrôle financier est exercé par les chambres régionales des comptes (CRC), instituées par les lois de décentralisation en 1982. Si une Collectivité rencontre de graves difficultés financières, comme le surendettement ou l’incapacité de rembourser ses dettes, le préfet peut saisir la CRC. Celle-ci peut alors intervenir en plaçant la Collectivité sous tutelle financière, ce qui entraîne une perte temporaire de son autonomie budgétaire. Durant cette période, les finances de la Collectivité sont encadrées pour assurer leur redressement.
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Le contrôle technique
Le contrôle technique permet à l’État d’exercer un droit de regard sur certaines activités techniques des Collectivités, notamment dans des domaines tels que les travaux publics. Lorsqu’une Collectivité entreprend des travaux d’envergure, l’État impose souvent des cahiers des charges précis et peut vérifier l’exécution des travaux. Les inspections sont menées par des corps d’inspection spécialisés qui contrôlent la conformité des réalisations aux normes techniques et réglementaires.
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Contrôle de l’exercice des mandats locaux
En plus des contrôles sur les actes, l’État dispose de mesures disciplinaires en cas de manquement grave de la part des élus locaux. Le préfet peut se substituer au Maire si celui-ci manque à ses obligations ou prend des décisions manifestement illégales. En cas de dérives graves, le préfet peut également proposer la suspension ou la révocation d’un élu, sur décision du Conseil des ministres. Cette mesure vise à garantir que les élus locaux agissent dans le cadre légal et en respectant les intérêts de la Collectivité.