Le bail rural : obligations des parties, durée du bail…

Les effets du bail à ferme (fermage)

Le fermage est un bail rural dans lequel le propriétaire, le bailleur, confie à un preneur, le fermier, le soin de cultiver une terre sous contrat. Le bailleur reçoit un loyer annuel fixe, payable en argent et parfois stipulé en nature. Quelles sont les effets du bail à ferme?

 

§1 – Les obligations du bailleur 

         A – Délivrance, entretien, réparations 

Lors de l’entrée en jouissance, le bailleur a l’obligation de délivrer le bien loué au locataire = l’objet principal + dépendances et accessoires (corporels et incorporels comme le droit à produire). 

La délivrance doit se faire en bon état de réparations de toute espèce : 1720 du Code civil. On impose au bailleur d’avoir effectué toutes les réparations nécessaires. Cette obligation n’est pas d’ordre public et une clause du bail peut dispenser le bailleur d’effectuer toutes réparations au moment de l’entrée en jouissance. Le preneur prendra les lieux dans lesquels ils se trouvent. 

Pendant la durée du bail, 1719 du Code civil : il doit entretenir le bien pour servir à l’usage pour lequel il a été loué. Il doit effectuer toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives. L’article L. 415-3 du code rural renforce cette obligation : le paiement des grosses réparations est à la charge exclusive du propriétaire. Il y a deux catégories de réparations. 

Les grosses réparations sont entendues de manière large. L’article 606 du Code civil n’est pas suffisant. On prend aussi en compte tout ce qui touche à la structure des bâtiments. L’article L. 415-4 du Code rural prévoit que seules les réparations locatives ou de menus entretiens qui ne sont occasionnés ni par le vice de vétusté ni par le vice de construction ou de la matière, ni par force majeure, sont à la charge du preneur. Tout ce qui n’est pas visé par cet article incombe au bailleur. Ainsi notamment les travaux de mise en conformité sanitaire et environnementale. 

Un bâtiment entier peut être détruit : le bailleur doit le reconstruire si la destruction compromet l’équilibre de l’exploitation, et si le preneur lui en fait la demande. Cependant il y a un plafond à l’article L. 411-30 : il n’est pas possible de reconstruire pour un coût supérieur à l’indemnité d’assurance versée pour ce bâtiment. 

Si le bailleur ne respecte pas ses obligations, il y a divers moyens d’action : demande d’exécution forcée devant le tribunal paritaire des baux ruraux (astreintes possibles/réparations du preneur aux frais du bailleur). Le preneur peut faire jouer l’exception d’inexécution et suspendre les fermages si il y a un manquement grave du bailleur qui paralyse l’utilisation des biens par le locataire. 

         B – L’obligation d’assurer la permanence et la qualité des plantations 

Concerne les articles 1719-4 du Code civil et l’article L. 415-8 et 9 du col rural. Cette obligation suppose que se trouvent des plantations pérennes sur l’exploitation (vigne, verger). Il incombe au bailleur de renouveler quand c’est nécessaire, de les maintenir en état. Obligation qui fait souvent l’objet de règlements d’application local (commission consultative des baux ruraux). C’est en fonction de la région, département. 

L’article L. 415-9 exonère les pommiers à cidre et les poiriers à poirer.  

         C – Obligations de garantie 

Il y a la garantie de jouissance paisible à l’article 1719 : il est interdit au bailleur de troubler la jouissance de son fait personnel. C’est la garantie contre des troubles dus aux tiers. 

Le bailleur doit aussi la garantie des vices cachés qui s’applique lorsque le bien loué présente des défauts qui le rendent impropre à l’usage pour lequel il a été loué. 

Garantie de convenance à l’article L. 411-18 = il faut vérifier que la superficie convenue est bien celle délivrée. 

         D – Obligation au paiement de certaines charges 

Les primes d’assurance contre l’incendie des bâtiments sont à la charge exclusive du bailleur. C’est l’article L. 415-13 du code rural. 

De même le paiement de la taxe foncière : cependant le bailleur pour réclamer au preneur une partie de cette taxe. Cette participation ne peut pas être plus de 1/5, article L. 415-3 du Code rural. 

         E – L’obligation de laisser le fermier chasser 

L’article L. 415-7 prévoit que le bailleur ne peut priver le fermier de chasser sur les terres louées. C’est d’ordre privé. Ne peut donner lieu à une rémunération supplémentaire. 

Ce droit appartient au preneur personnellement : non aux membres de sa famille. 

Le droit de chasse demeure malgré la location des terres, sauf si le bailleur abandonne son droit. Il peut le louer au preneur, ou à des tiers. Il y a alors superposition de deux baux sur les mêmes biens. 

Lorsque le détenteur du droit de chasse s’impose des restrictions, celles-ci s’imposent au preneur sauf décision contraire du tribunal paritaire. 

§2 – Les obligations du preneur 

         A – Le paiement des fermages 

Ils sont payables d’avance, ou à l’issue de chaque période de jouissance. En pratique, il sera souvent payé à terme échu en une ou deux échéances annuelles.  

Sa méconnaissance est une cause de résolution autonome. 

                   1) La détermination initiale du montant du fermage 

Si les biens loués sont de nature composite, il faut tenir compte de ses différentes composantes pour fixer le loyer. Il y a une manière distincte pour les bâtiments d’habitation /les bâtiments d’exploitation et terres nues/les terres pérennes. 

Le loyer concernant les deux premières catégories sont exprimés en argent, tandis que la dernière peut être exprimée en denrées. 

Les parties ont l’obligation de se référer à un barème établi par le préfet du département et qui va déterminer en fonction des biens loués des minimats et des maximats qui s’imposent aux parties. Article L. 411-14 du code rural. 

Le barème est réévalué tous les six ans maximum. Toute majoration est prohibée. 

                   2) Les adaptations du montant du fermage en cours de bail 

Il y a une actualisation annuelle du fermage, article L. 411-11. Le loyer va évoluer en fonction des différentes composantes du bail. 

Il y a une évolution chaque année en fonction des indices départementaux du coût de la construction pour la première catégorie/selon l’indice des fermages pour la seconde/et selon le cours des denrées retenues pour référence pour la troisième. 

Une majoration ponctuelle est possible : le bailleur a réalisé des investissements qui dépassent ses obligations légales et qui ont amélioré les conditions d’exploitation. 

Il y a la possibilité pour les deux parties d’agir pour réviser le montant du fermage : révision des fermages anormaux si il est dépassé dans les deux sens (l’un ou l’autre) d’au moins 10 % ; l’action doit être intentée au cours de la troisième année de jouissance du locataire. Cette action n’est recevable qu’une seule fois par bail. Il n’y a pas d’effet rétroactif du nouveau montant fixé par le tribunal. 

Action en régularisation des fermages illicites : elle peut s’exercer à tout moment, elle sanctionne le fait que les loyers n’aient pas été fixés en argent. 

Révision du prix pour erreur de contenance : si la surface délivrée est différente de celle convenue au bail. Il peut y avoir donc une augmentation ou une diminution du prix du bail. 

                   3) La sanction du défaut de paiement 

Si il y a défaut de paiement à l’échéance prévue : action en paiement contre le locataire qui se prescrit par cinq ans à compter de l’échéance impayée. 

La créance garantie par le privilège du bailleur : privilégié pour le paiement des deux dernières années échues, pour l’année en cours et la suivante, article 2102-1 du Code civil. Elle s’exerce sur tout ce qui garnit la ferme, ce qui sert à son exploitation et sur le fruit de la récolte de l’année. Si le défaut de paiement est réitéré, il y a un non renouvellement du bail à son échéance. Cela constitue aussi une cause de résiliation du bail en cours, article L. 411-31. 

Il faut dans les deux cas réunir des conditions : 2 défauts de paiement soit pour la même échéance ou pour deux échéances différentes. Ces deux défauts doivent avoir donné lieu à mise en demeure de payer ces loyers et que ces défauts aient persisté pendant trois mois après ces mises en demeure. Mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un contenu précis à peine de nullité, article L. 411-53. 

La jurisprudence admet qu’un paiement tardif est valable (après les trois mois) et peut empêcher l’action en résiliation du bailleur, dès lors que le paiement est intervenu avant l’introduction de l’instance. 

Si il y a des paiements partiels, cela n’empêche pas les actions du propriétaire pour défaut de paiement. 

         B – L’obligation de cultiver en bon père de famille, dans le respect de la destination du fonds 

Article L. 411-27 du code rural et article 1726 et 1766 du Code civil. Obligation qui est assez édulcorée par rapport à l’obligation de droit commun. Elle est allégée pour le preneur dans le souci de lui laisser une autonomie professionnelle. Sous réserve que les biens soient affectés à une utilisation spécifique. Mais sinon le preneur est libre d’adjoindre de nouvelles activités agricoles, il peut se diversifier, abandonner les productions alors même que cela conduit à la perte des quotas liés à cette production. 

Il peut changer les modes de production utilisés jusqu’alors pour adopter de nouvelles pratiques culturales plus respectueuses de l’environnement. Le bailleur ne peut pas demander une résiliation à cause de cela. 

Le preneur dispose d’une large latitude pour planter, édifier, aménager les bâtiments existants sous réserve de respecter les procédures d’information du bailleur si il veut être indemnisé. 

Il y a une limite toutefois qui réside dans l’intérêt du bailleur à ce que son bien ne soit pas dégradé par des pratiques du locataire. Il y a de fortes préoccupations écologiques et environnementales. 

Lorsque le preneur veut retourner des parcelles qui étaient jusqu’alors en herbe ou l’inverse, et qu’il met en oeuvre des moyens de culturaux non prévus, il doit en informer le bailleur dans le mois qui précède les travaux par lettre recommandée et le bailleur a le pouvoir de s’opposer à ces travaux dans les 15 jours de cette information et à la condition de démontrer que les travaux projetés entraînent une dégradation du fonds. 

L’article L. 411-28 permet au bailleur de refuser au preneur l’autorisation de réunir et regrouper plusieurs parcelles attenantes, de faire disparaître les talus, les haies, les rigoles, les arbres qui séparent plusieurs parcelles. Le preneur à l’obligation d’avertir le bailleur. Ce dernier a deux mois pour faire connaître sa position. Si il s’y oppose, sa décision est sans recours. 

Il est possible de pratiquer des échanges entre exploitants à certaines conditions. 

Concernant le bail rural conclu en vue de l’exercice d’une activité agricole : on peut reprocher l’exercice d’une activité extra agricole, le non-respect de la destination des lieux loués. 

Il faut dans tous les cas que le bailleur démontre que les agissements du locataire sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué. Le bailleur peut demander la résiliation du bail, des dommages et intérêts si il y a un préjudice de dégradation du fonds, une condamnation à remettre les biens en état, cesser ses activités prohibées. 

         C – L’obligation d’effectuer les réparations locatives et de menu entretien 

L’article L. 415-4 du code rural précise que seules les réparations locatives ou de menus entretiens sont à la charge du preneur. Liste des réparations locatives à l’article 1754 du Code civil mais c’est une liste qui n’est pas exhaustive. On se réfère donc aux usages locaux, au contrat type départemental, aux précisions réglementaires, notamment au décret du 26 août 1987. 

         D – L’obligation de garnir le fonds et d’engranger 

L’obligation de garnir le fonds incombe à tout locataire : il doit le garnir des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation. Article 1766 du Code civil et L. 411-27 du code rural. 

Privilège du bailleur pour le paiement du loyer = l’assiette est représentée par cette garniture. 

Obligation d’engranger = stocker les récoltes dans les lieux loués, s’explique aussi pour l’exercice du privilège du bailleur. 

         E – L’obligation d’informer le bailleur des usurpations commises au détriment de son fonds 

Article 1768 du Code civil et L. 411-26 du code rural. On impose au preneur d’avertir le bailleur s’il constate des usurpations commises par des tiers au détriment des biens loués. 

Si il ne le fait pas dans les 15 jours de la constatation, il risque des dommages et intérêts car cela pourrait porter préjudice au bailleur. 

         F – L’obligation de restitution du fonds, des pailles et engrais, en fin de bail 

Obligation de restituer le fondant l’État dans lequel il a reçu, article 1730 du Code civil. Excepté ce qui a pu périr par force majeure ou par vétusté. Il peut aussi restituer parfois plus que ce qu’il n’a reçu notamment, s’il y a eu des constructions effectuées pendant le bail. Le bailleur est devenu propriétaire par accession dès leur réalisation. 

Il faut un acte écrit quel qu’il soit pour se ménager la preuve d’une bonne restitution. Il doit laisser les pailles et engrais de l’année pour favoriser l’exploitation du nouveau preneur, même si le preneur sortant n’avait rien en entrant dans les lieux. Une indemnisation est alors possible, article 1778 du Code civil. 

§3 – La durée et le renouvellement du bail 

         A – Une durée minimale 

L’article L. 411-5 prévoit que le bail à ferme ne peut être conclu pour une durée inférieure à neuf ans. C’est une règle d’ordre public. Un bail qui ne respecterait pas cette exigence serait ramené à neuf ans. Le point de départ de la durée est la date d’entrée en jouissance du preneur. Une durée supérieure à neuf ans est possible. 

À l’arrivée du terme, le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement. 

         B – Un droit au renouvellement 

                   1) Le principe 

C’est une prérogative essentielle pour la stabilité du locataire : article L. 411-46, elle est d’ordre public. On ne peut pas faire renoncer le preneur à son droit de renouvellement dans le bail lui-même, même si cela se fait dans un acte séparé signé le même jour que le bail. 

Cependant la renonciation peut être conventionnelle dès lors que le droit est acquis par le preneur. Ce dernier peut renoncer ultérieurement, en délivrant congé par lettre recommandée ou par exploit d’huissier 18 mois avant le terme, faute de quoi le bail se renouvelle automatiquement. 

Ce droit au renouvellement se transmet au continuateur du bail du preneur (descendants, conjoint). On peut céder aussi plus de droits que ce que l’on possède. 

Le bail consenti à plusieurs copreneurs peut poser problème : si l’un ne souhaite pas poursuivre l’exploitation, celui qui reste ne bénéficie pas du droit au renouvellement sauf à fournir des garanties équivalentes. Il y a une exception au profit des conjoints copreneurs : si l’un des deux quitte l’exploitation, celui qui reste a droit au renouvellement de son bail, cela vaut aussi pour le PACS. Article L. 411-46 alinéa 2. 

Le preneur doit avoir participé effectivement à l’exploitation des biens loués, il doit également posséder les moyens nécessaires à la poursuite de l’exploitation, il doit habiter sur place ou au moins à proximité et être en règle avec le contrôle des structures. 

                   2) Les exceptions 

Le bailleur peut s’opposer au renouvellement en invoquant une cause de résiliation du bail. Le bailleur peut invoquer les motifs de l’article L. 411-31. 

À part les motifs de cet article, l’âge du preneur est une cause de résiliation : lorsqu’il atteint l’âge de la retraite au terme du bail, il ne peut plus invoquer le droit au renouvellement. Si il est proche de cet âge, il ne peut pas exiger un renouvellement de neuf ans. 

Le locataire a toujours la possibilité de maintenir sa situation en cédant le bail à son conjoint si il est plus jeune que lui, à son partenaire pacsé, à l’un de ses descendants. 

Obligation légale de mentionner dans le bail cette faculté qu’a le locataire de céder son bail pour échapper au non-renouvellement, article L. 411-64. 

Le droit de reprise du bailleur est aussi un des motifs de résiliation. 

Quel que soit le motif, le bailleur qui souhaite faire échec au renouvellement du preneur doit l’avertir de ce refus au moins 18 mois avant le terme du bail par un congé donné par exploit d’huissier avec des mentions obligatoires. 

                   3) Les conditions du bail renouvelé 

À défaut de congé délivré, le bail va être renouvelé pour neuf ans. C’est un nouveau bail qui se met en place à l’issue du précédent. 

S’agissant des conditions, tout dépend du contexte que les parties ont aménagé. À défaut d’accord, les parties peuvent saisir le tribunal paritaire qui fixera les modalités du bail. Il n’y a aucun délai pour saisir le tribunal. 

Si les parties n’ont rien prévu, ce sont les conditions de l’ancien bail qui seront reportées dans le nouveau bail, article L. 411-50. 

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