Le billet à ordre : création, circulation, paiement

Le billet à ordre

Définition du billet à ordre : Il s’agit d’un titre par lequel le souscripteur va s’engager à payer une somme déterminée et à une date déterminée à un bénéficiaire

La question de la provision ne se pose pas puisqu’il n’y a que deux acteurs ici.

Ce billet à ordre rencontre un certain succès qui est fréquent en pratique et que le droit bancaire connait bien. Plus que la lettre de change, le billet à ordre permet à celui qui l’émet d’être maitre du paiement. C’est un instrument qui permet de rester maitre du calendrier du paiement.

Le billet à ordre accompagne parfois la cession de fonds de commerce et donc c’est la question des billets de fonds.

Il suffit de transposer les dispositions de la lettre dans de nombreux cas. En effet, l’article L. 512-3 du code du commerce renvoi à de nombreuses dispositions à la lettre de change.

Mais certaines dispositions sont écartées telles que toutes les règles qui paraissent incompatibles avec le régime du billet à ordre. Certaines sont directement écartées par le législateur. Ce n’est pas une transposition totale. Les règles relatives à la provision notamment ne sont pas transposées, ni même les règles relatives à l’acceptation. Elles sont propres à la lettre de change.

81whJ2EirdL. SL1500

De plus, en conséquence, les dispositions propres au billet à ordre sont peu nombreuses : article L. 512-1 à L. 512-8 du code de commerce.

Section 1 : La création du billet à ordre

  • 1 : Les conditions de fond

Elles sont assez simples. En effet, les dispositions relatives au consentement des personnes sont transposables à celles de la lettre de change. De même, concernant l’indépendance des signatures ainsi que l’inopposabilité des exceptions, elles sont transposables également. Mais aussi des articles et dispositions relatives à l’aval.

En revanche, sont exclus les règles relatives à la provision puisque l’article L. 512-3 ne renvoi pas aux dispositions de la lettre de change. Même élément concernant l’acceptation (article L. 512-6). De façon générale, le souscripteur du billet à ordre est engagé comme l’ai le tiré accepteur dans la lettre de change. En effet, tireur et tiré sont la même personne.

Concernant la capacité requise pour valablement s’engager dans le cadre d’un billet à ordre : ce n’est pas un acte de commerce par la forme (contrairement à la lettre de change). Sa nature sera donc civile ou commerciale suivant le contexte et selon que le billet sert à régler une obligation civile ou commerciale. Si le billet à ordre sert à régler une opération commerciale elle sera commerciale et inversement. C’est la théorie de l’accessoire. Par conséquent, la capacité requise elle-même sera alternativement ou civile ou commerciale suivant la réponse apportée à la question précédente.

Se pose la question de l’éventuelle compétence du tribunal de commerce : il est compétent à chaque fois que le billet aura été souscrit par un commerçant pour les besoins de son commerce. Lorsque le billet qui circule va comporter des signatures à la fois de commerçants et de non commerçants, quelle est sa nature ? Ici réapparait également la compétence juridictionnelle.

Deux règles ont été dégagées :

  • l’incompétence du tribunal de commerce ne peut être relevée d’office par la juridiction : l’une des parties doit explicitement la soulever.
  • Le tribunal de commerce sera systématiquement compétent pour toutes les actions dirigées contre n’importe quel signataire si l’un d’entre eux au moins est commerçant

En réalité, la question de la qualification civile ou commerciale du billet à ordre est une question dont l’importance est plus limitée qu’à première vue. Le droit commercial a vocation obligatoirement à s’appliquer et à régir le billet à ordre sur certains points.

La distinction en matière de délai de paiement, par exemple, entre les actes civils et commerciaux, sera écartée en la matière par l’article L. 512-3 du code de commerce. S’applique ici les délais spécifiques de la lettre de change et donc les délais commerciaux. Concernant cette question, l’article L. 512-3 renvoi expressément à l’article L. 511-78 qui impose les délais de la lettre de change au billet à ordre.

De plus, en droit commercial la solidarité est présumée, à l’inverse du droit civil. En l’espèce là encore, l’article L. 512-3 renvoi aux règles relatives à la lettre de change ; donc à la présomption de solidarité applicable.

La capacité peut uniquement être civile. C’est pourquoi certaines personnes sont exclues de la capacité de faire un billet à ordre. Le code de la consommation interdit aux consommateurs d’établir un billet à ordre, bien qu’ils aient une capacité civile (article L. 313-13).

  • 2 : Les conditions de forme
  1. Les mentions obligatoires

C’est l’article L. 512-1 du code de commercequi les pose. Les voici :

  • la clause à ordre ou dénomination du titre comme billet à ordre
  • la promesse pure et simple de payer une somme déterminée, puisqu’il s’agit d’un engagement unilatéral du souscripteur, et non d’une invitation à payer comme dans le cadre de la lettre de change. Par conséquent, aucune condition suspensive ou résolutoire n’est possible.
  • l’indication de la date d’échéance du billet à ordre: à jour fixe ou à un certain délai de vue (comme pour la lettre de change) ou à un certain délai de date.
  • l’indication du lieu du paiement
  • l’indication de l’identité du bénéficiaire
  • l’indication de la date et du lieu de création du billet
  • l’indication de la signature manuscrite du souscripteur du billet à ordre

L’indication de celui qui doit payer n’apparait pas, contrairement à la lettre de change. En effet, par définition, la personne devant payer n’est d’autre que le souscripteur puisqu’il y a confusion des qualités.

De plus, la clause à ordre ou la dénomination « billet à ordre » est une mention impérative, sauf à entrainer la disqualification du billet à ordre. Si cette clause ou mention fait défaut, le billet ne vaut plus comme billet à ordre au sens du code du commerce. Au mieux il faudra comme une simple reconnaissance de dette.

Le code du commerce ne prescrit pas de formule obligatoire, il n’est donc pas obligatoire de suivre une forme plus qu’un autre : «je paierais à l’ordre de X…» est une mention satisfaisante, ou «je paierais contre ce billet à ordre à X».

Concernant la signature du souscripteur, qui a la double qualité de tireur et de tiré, se pose la question de savoir quelle règle appliquer : les règles en matière de signature du tiré ou du tireur ? Le souscripteur est assimilé au tiré dans le billet à ordre et il doit par conséquent signer manuscritement.

  1. Les conséquences d’une irrégularité

Au titre de l’article L 512-2, tout billet qui ne respecte pas les obligations précédentes ne vaut pas comme billet à ordre. La conséquence en sera la disqualification en une simple reconnaissance de dette. Néanmoins, il y a une atténuation dans la mesure où le porteur du billet à ordre pourra être considéré comme un porteur de bonne foi. Par conséquent, lorsque tel sera le cas, le porteur de bonne foi du billet à ordre pourra bénéficier du principe essentiel qui est l’inopposabilité des exceptions.

Parallèlement, indépendamment du porteur de bonne foi, le législateur est intervenu pour prévoir différentes hypothèses dites de régularisation du billet à ordre à propos duquel fait défaut une mention.

Plusieurs régularisations :

  • concernant l’échéance: le billet peut effectivement ne mentionner aucune échéance. Il sera alors interprétable comme payable à vue. En revanche, le billet qui serait assorti d’une échéance ne correspond à aucune des hypothèses prévues (à vue, de date…) ; alors ce billet serait considéré comme non susceptible de régularisation, ne valant qu’une simple reconnaissance de dettes.
  • concernant le lieu de paiement: le lieu du paiement peut être absent. Dans ce cas le lieu de création sera réputé être le lieu de paiement et en même temps le lieu du domicile du souscripteur (article L. 512-1 alinéa 3).
  • en matière de lieu de création: aucune régularisation n’est possible si aucun lieu de création n’est mentionné et qu’en plus aucune adresse n’apparait à coté du nom du souscripteur. A l’inverse, lorsqu’apparait à coté du nom du souscripteur une adresse, c’est celle-ci qui est réputée être le lieu de création.

Le souscripteur a la possibilité d’ajouter certaines clauses au billet à ordre :

  • la clause de domiciliation bancaire par exemple : payer le billet directement dans un établissement bancaire.
  • la clause de dispense de protêts, faute de paiement : comme dans la lettre de change
  • la clause dite de non garantie qui est apposé par un endosseur : celui-ci limitant sa responsabilité
  • les autres clauses facultatives de la lettre de change sont transposables à condition d’être compatible avec le sens du billet à ordre.

Il y a des clauses interdites à l’inverse, car elles sont contraires à l’essence même du billet à ordre :

  • la clause non à ordre
  • la clause non acceptable : car le souscripteur s’engage fermement à payer à l’échéance arrêtée

Section 2 : la circulation et le paiement du billet à ordre

  • 1 : La circulation du billet à ordre

Comme pour la lettre de change, il peut être soit sous forme papier, soit sous forme dématérialisée.

Le billet à ordre papier: il peut faire l’objet d’un endossement dans les mêmes conditions que pour la lettre de change (à titre de procuration ou à titre pignoratif). Les règles des articles L. 511-8 et suivants du code de commerce sont transposables.

L’endossement peut faire l’objet d’un endossement translatif qui est l’endossement ordinaire et qui est donc l’endossement de droit commun sachant que le billet à ordre est effectivement synonyme d’endossement. Cet endossement est soumis aux conditions et le souscripteur va faire un engagement cambiaire qui va constituer une garantie au profit des endossataires successifs. Le porteur du billet sera comme dans le cadre de la lettre de change, protégé par l’inopposabilité des exceptions, sauf s’il a agit sciemment au détriment du débiteur (mauvaise foi).

Un particularisme concernant l’effet translatif : il n’existe pas de provision dans le billet à ordre. Par conséquent, l’endossement translatif n’emporte par transfert de la provision. La conséquence importante se trouve dans l’hypothèse d’une procédure de sauvegarde, redressement ou de liquidation judicaire du souscripteur. En effet, dans ce cadre, le porteur ne pourra pas réclamer la propriété de la provision. Par conséquent, le porteur à la différence de la lettre de change est dans l’obligation de déclarer sa créance. Il se trouve alors en situation de concours avec les autres créanciers.

– Le billet à ordre informatisé / dématérialisé : le billet à ordre a du s’adapter comme la lettre de change à l’informatique. Il y a le même contexte d’économie et en conséquence le billet va alors revêtir dans un premier temps la forme d’un billet à ordre ordinaire. Donc le billet à ordre sera soumis aux articles L. 512-1 et suivants. En revanche, le bénéficiaire va le remettre à son banquier et celui-ci va transférer toutes les informations du papier sur une borne magnétique. Celle-ci sera également transférée aux services de compensations interbancaires de la banque de France. Le billet ici doit comporter à la fois la clause de retour sans frais et aussi la clause de domiciliation bancaire. Le paiement s’effectue par l’intermédiaire du système interbancaire de télécommunication comme dans le cadre du paiement du billet à ordre papier.

  • 2 : Le paiement du billet à ordre

  1. Le paiement au sens strict

Le paiement du billet sera réclamé par le porteur du billet, à l’échéance, au souscripteur. L’obligation de paiement du souscripteur est forte puisqu’il est assimilé ici à l’obligation faite au tiré accepteur de la lettre de change (engagement cambiaire). Par conséquent, les différentes règles prévalant en matière de paiement sont les mêmes que celles de la lettre de change.

Par exemple, au terme de l’article L. 512-7 du code de commerce, l’échéance du billet à ordre à un certain délai de vue : dans ce cas, le billet devra être présenté dans un délai d’un an à compter de la souscription. En effet, au-delà, le porteur sera considéré comme étant un porteur négligent et par conséquent il y a la déchéance de l’ensemble des moyens de recours cambiaires. Certes, lui reste la possibilité d’agir sur le terrain du droit commun et donc des obligations liées à la créance principale qui a justifiée l’émission du billet à ordre.

Les délais de prescription appliqués sont les mêmes qu’en matière de lettre de change. En conséquence, l’action du porteur contre les endosseurs va se prescrire par le délai de 1 an. Mais entre endosseurs, elle est de 6 mois.

  1. Les garanties attachées à ce paiement

Il existe plusieurs garanties ; mais dans le billet à ordre il n’y a pas celle de la provision.

Concernant le sort dans le billet à ordre des éventuelles suretés attachées à la valeur fournie, ici, la valeur fournie est le lien entre le souscripteur et le porteur du billet à ordre.

Les garanties attachées à cette valeur fournie sont t-elles soumises de plein droit aux différents porteurs du billet à ordre ? Oui en matière de billet à ordre, elles le sont automatiquement, y compris si par ailleurs, l’indication de la valeur fournie n’est pas inscrite sur le billet lui-même. Elles diffèrent de celles prévalant en matière de lettre de change. Les suretés ne se transmettent qu’à condition que la valeur soit indiquée sur la lettre elle-même. Mais en matière de billet à ordre, la transmission est de droit. C’est une solution importante pour le billet de fonds de commerce. Ce sont des billets à ordre émis en règlement dans le cadre d’une cession de fonds de commerce. En effet, l’acquéreur du fonds de commerce va souscrire plusieurs billets à ordre (appelé billets de fonds) qui sont remis à l’acquéreur souscripteur qui a la qualité de bénéficiaire. Il en émet parfois plusieurs à des dates distinctes ; ce qui permet un étalement du paiement. Ces billets sont alors remis au vendeur. Ces billets vont par la suite circuler et être endossés. Or, le vendeur du fonds de commerce bénéficie du privilège du vendeur du fond de commerce. Par conséquent, tous les porteurs des billets de fonds, dans le cadre de l’acquisition du fonds de commerce, vont également successivement avoir la qualité de créancier privilégié en raison du privilège du vendeur du fonds de commerce. Cette garantie est transmise, même en l’absence d’indication de la valeur fournie sur les billets à ordre. Peut importe que les billets émis fassent état de la valeur fournie et donc de la vente du fonds de commerce.

En revanche, pour que le système fonctionne correctement, l’acte de cession du fonds de commerce doit indiquer que le règlement du paiement et le paiement du prix sont totalement ou partiellement réglés par le biais des billets à ordre.

Le billet à ordre peut également être garanti par un aval, exactement comme la lettre de change. Sont transposables les dispositions de cette dernière dans le cadre du billet à ordre, soit sur le billet, soit par acte séparé.

Lorsque l’avaliseur n’indique pas le bénéficiaire de cet aval, ici l’aval sera réputé être donné au profit du souscripteur (comme dans la lettre de change). Enfin, d’autre part, l’engagement de l’aval est autonome par rapport aux autres signataires.