L’ÉTENDUE DE LA GARANTIE DUE PAR L’ASSUREUR : Le calcul de la valeur du préjudice
Il y a un principe directeur constituant la limite des clauses délimitatives, il est tiré de l’essence fondamentale de l’assurance dommage, c’est indemnitaire donc c’est soumis au principe indemnitaire.
Le principe indemnitaire se déduit de l’article L 121-1 (1). Selon ce texte l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité. L’indemnité due par l’assureur ne peut pas dépasser la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Si les parties sont libres de convenir de ce que l’assureur versera en cas de sinistre, il y aura toujours néanmoins une limite définie par la valeur du préjudice subie, en aucun cas l’indemnité ne pourra excéder la valeur de la chose assurée au moment du sinistre (montant du préjudice souffert).
Comment s’apprécie la valeur du sinistre? Ce qui est envisagé c’est le préjudice, en principe ce qui est pris en considération c’est le préjudice causé par la réalisation de l’événement pris en tant que risque assuré.
Donc n’entre pas dans le calcul ce qui est dû à une cause différente que cet événement pris comme risque assuré. L’art. L 121-7 décide que normalement la perte de valeur de la chose assurée qui provient de son vice propre n’est pas indemnisée. Exemple: assurance incendie courant l’appartement et le mobilier. La télé explose et l’appartement prend feu, l’assureur ne remboursera pas la télé, car elle n’est pas détruite par l’incendie mais par son vice propre. Ce que couvre l’assureur c’est ce qui est les conséquences strictes du risque assuré.
Ce qui est assuré c’est la perte éprouvée mais cela peut aussi être le gain manqué: assurances perte d’exploitation, assurances perte de loyer. L’assurance incendie couvre la perte, mais cela n’empêche pas d’envisager le gain manqué, mais pour cela il faudra une assurance complémentaire, car le gain manqué n’est pas la perte.
Cela pose des problèmes d’évaluation quant à la perte subie. Il faut envisager deux situations: perte totale ou partielle. Lorsqu’il y a sinistre total l’article L 121-1 est clair, il se réfère à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Donc c’est au moment du sinistre qu’il faut se placer. On prend en compte la valeur vénale quand ce sont des objets destinés à être vendus, sinon c’est la valeur d’usage. Par exemple si un immeuble est détruit la valeur d’usage c’est la valeur de la reconstruction mais en prenant en compte la vétusté de l’immeuble détruit. C’est sur ce point que peuvent naître des débats. Comme ce n’est pas une règle d’Ordre Public, les parties peuvent convenir d’une assurance ne valeur à neuf (tendance de la pratique) mais en général c’est assorti de délais (dans les deux ans de l’acquisition par exemple).
La preuve de la valeur de la chose assurée se fait par tout moyen, aussi bien de l’existence de ce qui a été perdu que de la valeur du bien perdu dans le sinistre (témoignages, factures, évaluations d’experts, …)
Il faut prendre garde au fait que la valeur déclarée par le souscripteur dans la police n’est ni une preuve ni un élément de preuve de la valeur des biens!! La valeur déclarée par l’assuré dans la police sert à calculer la prime, elle ne se rapporte pas à la réalité de la composition du patrimoine de l’assuré.
Il va différemment de la valeur agréée, lorsqu’il y a valeur agréée la valeur déclarée est acceptée et certifiée exacte par l’assureur. Par exemple si on a un tableau de maître, on peut faire venir un expert de l’assureur et s’entendre. Là l’assureur sera en principe lié mais l’article L 121-1 dit qu’il faut se fier à la valeur au moment du sinistre. Par conséquent l’assureur n’est pas irrecevable à contester la valeur agréée, mais la charge de la preuve sera alors inversée, il devra prouver une perte sensible de valeur de la chose.
Lorsqu’il y a sinistre partiel il y a deux façons de calculer la perte on peut se fier aux frais de remise en état ou à la perte de valeur.
— Le moyen le plus fiable ce sont les frais de réparation. L’indemnité que devra l’assureur c’est celle qui va permettre de remettre le bien en état. La difficulté peut néanmoins se présenter dans le cas où les frais de réparation excèdent la valeur de la chose. La jurisprudence estime alors par principe que le remboursement des frais de réparation doit avoir pour limite la valeur de remplacement du bien. Exemple: on a une voiture qu’on détruit, c’est une clio 2005: on regarde le prix du marché pour la même voiture. Si les frais de réparation excèdent les frais de remplacement, la réparation sera aux frais de l’assuré pour tout ce qui dépasse les frais de remplacement. Mais c’est seulement possible pour les biens fongibles. Si le bien ne se trouve plus la réparation devra être intégrale. Normalement on retient les frais de réparation pour les biens meubles.
— Pour les immeubles on préfère l’estimation de la perte de valeur. Exemple: incendie qui détruit partiellement notre maison, on va évaluer le bien avant le sinistre et après le sinistre, et la différence constitue le préjudice subi, étant entendu qu’il faut ajouter à la différence tous les frais de sauvetage (frais pour limiter les dégâts etc…).
Ce sont des approximations, il n’y a jamais de certitude sur la valeur, donc il y a beaucoup de contentieux.
Mais le principe indemnitaire impose aussi de limiter l’indemnisation au maximum au montant du préjudice, c’est une règle impérative, elle a pour objet de garantir que l’on ne s’enrichisse pas par l’effet de l’assurance. C’est essentiel pour lutter contre le risque des sinistres volontaires. Donc l’assurance ne doit pouvoir jouer, dans l’assurance dommages, que dans la limite du préjudice subie.
La principale conséquence est que le principe fait obstacle aux assurances excessives, que ce soit de la surassurance ou de l’assurance multiple cumulative.
Il faut distinguer les assurances à valeur d’assurance déterminable et les assurances sans valeur d’assurance déterminable.
— Une assurance à valeur d’assurance déterminable l’est quand elle porte sur des choses dont la perte peut être connue à l’avance. Donc ce sont les cas où l’assureur peut être en mesure d’apprécier, au moment de l’engagement, la valeur maximale du sinistre. Par exemple la valeur d’un immeuble peut être connue au moment de la conclusion du contrat. Donc la plupart des assurances de chose sont des assurances à valeur déterminable, mais c’est aussi le cas d’assurance sur par exemple la détention de droits. Par exemple si on est dépositaire de marchandises l’assureur sait que le sinistre sera maximum la valeur de la marchandise déposée. La valeur du risque locatif c’est la valeur de la chose donnée en location au maximum.
— Une assurance sans valeur d’assurance déterminable est une assurance dans lesquelles le risque est à priori indéterminé, c’est le cas le plus souvent des assurances responsabilité. Exemple: le risque de terrorisme, pour le 11.09.2001 les assureurs n’avaient pas pu penser que ça irait aussi loin. Parfois les assurances de choses peuvent être sans valeur d’assurance déterminée, par exemple les assurances de frais médicaux, assurances perte d’exploitation etc… Aucune valeur n’est indiquée par les choses elles mêmes, dans ces cas l’assureur va limiter sa garantie. Mais puisqu’il n’y a pas de valeur déterminable on ne peut pas imaginer qu’il y ait surassurance! Et on ne peut pas non plus concevoir l’assurance multiple cumulative (quoique…).
Les règles sur la surassurance et l’assurance multiple cumulative ne jouent que pour les assurances avec valeur d’assurance déterminable.
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L’article. L 121-3 s’applique à l’hypothèse où le contrat d’assurance a été consenti pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée, lorsque dans le contrat comportant une valeur d’assurance déterminable l’assurance dépasse la valeur de la chose. Celui qui déclare comme valeur de la chose assurée une valeur supérieure à la valeur réelle veut souvent détruire le bien pour récupérer du cash. Donc la surassurance sent la fraude. Donc les textes distinguent la surassurance frauduleuse ou non.
— La surassurance frauduleuse
C’est lorsqu’il y a surévaluation intentionnelle dans la déclaration de l’assuré. La sanction est alors la nullité du contrat. Donc quand bien même l’assureur n’arriverait pas à prouver que l’assuré a causé le sinistre, s’il peut rapporter la preuve de la surévaluation délibérée, le contrat est nul donc il ne devra pas sa garantie. Et si le sinistre est pour lui l’occasion de découvrir qu0il avait indemnisé un sinistre antérieur de manière non légitime il pourra récupérer l’argent. De plus comme il y a fraude il pourra demander des D&I, et en particulier à ce titre l’assureur sera le plus souvent autorisé à conserver les primes qui lui ont été versées. Mais la preuve est difficile à rapporter car la bonne foi est présumée.
— La surassurance non frauduleuse
Il y a surassurance non frauduleuse quand la mauvaise foi du souscripteur ne peut pas être prouvée, voire quand il y a bonne foi du souscripteur, et la bonne foi est la situation la plus fréquente dans ces cas de surassurance.
Par exemple la plupart des véhicules sont en état de surassurance car l’automobile perd de sa valeur mais le contrat d’assurance est maintenu avec la même déclaration. Dans ce cas le principe indemnitaire va néanmoins devoir jouer. On a payé une prime excessive car on a surévalué, néanmoins l’assureur ne peut pas ns payer plus que la valeur. Le texte dit aussi que l’assureur n’a pas droit aux primes pour l’excédent, cela n’est que justice! Puisque l’assureur n’a pas droit aux primes pour l’excédent on pourrait interpréter le texte comme disant qu’il doit les rembourser, mais on a précisé que seule la restitution de la prime de l’année en cours pourrait être envisagée.
Parfois un risque est trop grand pour un seul assureur. Il ne peut pas prendre seul en charge le risque de la perte d’un navire, d’un ensemble industriel par exemple. Donc la pratique a créé la coassurance, plusieurs assurances prennent en charge le même risque, ils peuvent se le répartir par fractions (coassurance de quotités). Le contrat est généralement unique, dans lequel il y a d’un côté le souscripteur et de l’autre les coassureurs.
Il peut aussi y a voir la coassurance en ligne, elle peut intervenir jusqu’à un certain niveau (par exemple 10 000 euros de sinistres, puis dans la tranche 10 000 à un million ce sera un deuxième assureur, puis dans une troisième tranche le troisième interviendra…) les assureurs interviennent de manière subsidiaire: le deuxième n’interviendra que si le sinistre dépasse 10 000 et au maximum jusqu’à 1 million.
En revanche dans l’assurance multiple cumulative un seul risque est pris en charge par plusieurs assureurs, mais leurs interventions ont vocation à se cumuler. C’est en cela que ça se rapproche de la surassurance. Si le souscripteur s’assure auprès de trois assureurs différents sans leur révéler qu’il est assuré ailleurs, si le sinistre survient chacun des assureurs va verser l’indemnité, donc l’assuré aura intérêt à ce que le sinistre se réalise. Il y a un cumul possible d’indemnités qui ensemble dépassent la valeur réelle de la chose. Mais parfois cela peut être fait dans un souci de parano (si jamais l’assureur fait faillite!).
L’article L 121-4 dit que celui qui est assuré par plusieurs polices pour un même intérêt contre un même risque doit faire connaître ces assurances aux différents assureurs. Il faut donc que se rencontrent les éléments suivants: il faut plusieurs contrats d’assurance, couvrant la même période, conclus avec plusieurs assureurs différents. Il faut que ce soit le même risque, le même objet, fondés sur un même intérêt (intérêt du propriétaire ou du locataire?) et aboutissant à un cumul de garanties excédant la valeur réelle du bien. La jurisprudence exige en plus aujourd’hui que ces contrats aient été conclus par le même souscripteur. C’est justifié en ce sens que lorsque ce n’est pas le même souscripteur le risque de fraude est quasiment inexistant. Mais cette règle ne se justifie pas tellement sur le plan du dépassement de la valeur!
L’art L 121-4 dit que le souscripteur doit déclarer le cumul des assurances. Cela veut dire que l’on est déjà assuré pour un même risque pour un même objet et pour une même période et un même risque, et que l’on prend une deuxième assurance, il faut informer non seulement le deuxième assureur mais aussi au premier! Cette information n’est enfermée dans aucune règle de forme, tout au plus il est indispensable que l’assuré fasse connaître le nom de l’autre assureur et la valeur assurée. Si le souscripteur faite cela il se trouve dans une situation d’assurance excessive, et il le fait savoir, donc il va pouvoir obtenir de ses assureurs un montant de primes inférieur à ce qu’ils devraient payer s’il n’était pas assuré plusieurs fois. Les primes seront aussi moindres de ce fait. Si cette déclaration est faite il n’y a plus de difficulté car il n’y a plus de risque d’excès d’assurances.
Mais le plus souvent la déclaration ne sera pas faite, soit car il y a une intention frauduleuse, soit car il ne sait pas qu’il a plusieurs assurances pour le même risque. Souvent quand on prend une carte de crédit par exemple, il y a une assurance qui va avec, mais si ça se trouve on a déjà une assurance contre le vol, etc.. Donc très souvent la déclaration n’est pas faite mais on ne peut pas en déduire la mauvaise foi du souscripteur. En soi le défaut de déclaration ne peut pas être sanctionné, car cela peut être réparé et ne pas apparaître avant la survenance du sinistre. C’est au moment du sinistre que tout se déclenche, si l’assuré est de bonne foi il ne va s’adresser qu’à un assureur, ou faire la déclaration au moment où il s’adresse à plusieurs assureurs. S’il ne fait pas savoir qu’il s’est adressé aux autres assureurs là sa mauvaise foi ne fait plus beaucoup de doute.
— Assurance cumulative contractée de mauvaise foi
Les règles de la surassurance s’appliquent. La sanction consiste en une nullité de toutes les assurances contractées. Toutes les assurances tombent et aucun assureur ne devra indemniser, et ils auront tous droit à des D&I (conservation de l’intégralité des primes perçues).
— Assurance cumulative contractée de bonne foi
Qui parmi les assureurs va devoir payer? Comment se répartit la charge des sinistres? Les alinéas 4 et 5 de l’art. L 121-4 donnent la solution: la première indication c’est que le souscripteur a le choix de s’adresser à l’un des assureurs. Il n’est pas tenu de s’adresser à celui avec lequel il avait contracté en premier, la seule chose qui compte c’est qu’il ne pourra pas recevoir plus que la valeur de la chose assurée, à cela s’ajoutera le plafond de l’assureur auquel il va s’adresser.
Mais n’est ce pas injuste que l’un des assureurs supporte seul la charge de l’indemnisation? Le code règle la part contributive de chacun des assureurs. L’idée c’est que l’on va appliquer au montant de l’indemnité le rapport qui existe entre l’obligation contractée par l’assureur en question et le cumul des obligations contractées par tous les assureurs intervenants. Exemple: on a trois assureurs:
Le souscripteur va s’adresser à B ou C! B/C va payer mais se retourner contre les autres assureurs. Il va pouvoir leur demander le rapport entre le montant que l’assureur en question garantissait et le montant des indemnités qui aurait été à la charge de tous les assureurs.
= 2,5 millions x [2, 5 millions/7 millions] : A
Normalement la somme des trios montants (pour A B et C) devrait donner 2, 5 millions!
Ce principe indemnitaire est une limite, mais il n’empêche pas des arrangements conventionnels pour que l’assureur verse moins.
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