LA RÉDUCTION DES LIBÉRALITÉS EXCESSIVES : Le calcul de l’éventuel dépassement de la quotité disponible
On va regarder si les libéralités du de cujus ne sont pas excessives. Ces dispositions sont d’ordre public. Elles vont trouver à s’appliquer de toutes façons. Lorsqu’il n’y a qu’un seul héritier, on va avoir à s’interroger sur la réserve et les libéralités. L’institution de la réserve et de la quotité disponible a un double but : maintenir une égalité minimale entre les héritiers réservataire. Ce but ne se trouve pas en jeu lorsqu’il n’y a qu’un seul héritier réservataire. Il y a un deuxième but qui est de protéger la famille contre des libéralités excessives faîtes à des tiers ou à des membres qui ne viennent pas en rang utile pour hériter ab intestat. Cet objectif n’est pas lié à la pluralité d’héritiers.
Pour déterminer, s’il est nécessaire de réduire les libéralités, il faut opérer un calcul.
I : La masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible
- Droit des Successions et des libéralités
- Les conditions de la donation
- Le testament (olographe, authentique, mystique…)
- La dévolution légale ou dévolution ab intestat
- Les successions anomales
- La dévolution successorale volontaire ou mixte
- L’option successorale : définition et effets
Article 922 du Code civil : cette masse se compose des biens existants desquelles on va déduire les dettes et les charges pour obtenir un actif net, on ajoute à l’actif net les biens qui ont été donnés entre vifs.
Les biens existants sont les biens qui existent au décès du de cujus : tous les biens dont il était propriétaire au jour de son décès. Dans cette masse de calcul, on comprend les biens dont il a disposé à cause de mort : par testament ou disposition contractuelle. C’est une masse particulièrement large. On exclut les droits viagers, les biens objets d’un droit de retour conventionnel (le bien est résolu rétroactivement par le décès), un droit de retour légal. Tous les biens existants sont estimés au jour du décès. On déduit les dettes dont le de cujus était tenu personnellement au jour de son décès et les dettes et les charges postérieurs au décès lorsqu’elle trouve leur cause dans le décès (frais funéraires, frais de liquidation de la succession, frais de partage…). Il faut ajouter une autre charge particulière de la succession qui résulte de la jurisprudence : hypothèse où l’héritier a assumé la charge du défunt pendant les dernières années de sa vie, ce n’est pas une libéralité : certains arrêts ont admis qu’il s’agissait d’une charge de la succession : l’enfant s’est appauvri, et enrichissement du patrimoine du de cujus. Est-ce sans cause ? discussion. A priori oui : mais il faut qu’il y ait un appauvrissement : pas de compensation en nature.
Si les dettes dépassent les biens existants, l’article 922 du Code civil induit de faire comme si les dettes étaient à hauteur des biens existants c’est-à-dire que dans la masse de calcul, on va avoir la réunion des biens donnés entre vifs.
BIENS EXISTANTS – DETTES ET CHARGES = ACTIF NET + BIENS DONNES
L’idée est de prendre en compte le patrimoine du de cujus comme s’il n’avait fait aucune donation. C’est la plus grosse masse de calcul possible : c’est une réunion qui n’est que fictive. Aucun bien n’est effectivement remis dans la masse partageable. C’est seulement dans un deuxième temps, si le calcul premier fait apparaître un dépassement, qu’il faut alors reconstituer la réserve : on a alors un mouvement de valeur.
Dans cette réunion fictive comptable, on va mettre tous les biens du de cujus qu’il a donné, que la donation soit rapportable ou non rapportable et quel que soit le destinataire. Si des biens avaient été donnés en nue-propriété seulement et que le de cujus s’était réservé l’usufruit, ces biens doivent être comptabilisés dans la masse pour la pleine propriété parce que cela représente le véritable enrichissement du gratifié. Il y a des biens donnés que l’on ne va pas comptabiliser : les présents d’usage, les primes d’assurance vie qui ne sont pas exagérées, les fruits et les revenus des choses données sujettes à rapport. Les autres donations doivent être comptabilisées : cela vaut pour les donations directes, indirectes, don manuel, donation déguisée dès lors qu’on peut rapporter la preuve que les donations ont eu lieu. Il y a une aide du législateur : article 918 du Code civil : il pose une présomption de préciput et de déguisement, il est relatif aux aliénations à charge de rente viagère, avec réserve d’usufruit ou à fond perdu. La loi présume qu’il s’agit d’une donation : cette présomption est irréfragable : cela doit être pris en compte au titre de la réduction.
Il va devoir estimer les biens donnés : l’article 922 du Code dispose qu’il faut tenir compte de l’état des biens donnés à l’époque de la donation et de leur valeur au jour du décès. On retrouve la distinction entre l’état et la valeur avec une différence : la valeur prise en compte est celle au jour du décès et non celle du partage. C’est au jour du décès que les héritiers réservataires accueillent leurs droits successoraux : c’est à ce jour qu’il faut se placer contre la volonté du de cujus. Les modifications de l’état du bien depuis le jour de la donation ne sont prises en compte que si elles sont imputables au donataire. En cas d’aliénation, on retient la valeur au jour de l’aliénation. En cas de subrogation, c’est la valeur du nouveau bien au jour du décès qui est retenu. On retient l’état au jour de l’acquisition. On ne tient pas compte de la subrogation quand on a affaire à un bien promis à une dépréciation inéluctable en raison de sa nature.
Comparaison des 3 masses de calcul :
– la masse partageable : article 825 du Code civil : on trouve les biens existants dans lesquels on inclut les legs universels et à titre universel et les droits de créances contre les copartageants. On ajoute les libéralités rapportables, la part réduite des libéralités excessives.
– la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible : article 922 du Code civil : on trouve les biens existants dont tous les legs. On déduit les dettes : cela donne un actif net. A cet actif net qu’on ne retient que s’il est positif, on ajoute les donations rapportables ou non. Cette masse est la masse la plus large.
– la masse de calcul du conjoint survivant ab intestat : article 758-5 du Code civil : on a la possibilité d’un usufruit universel qui porte sur les biens existants mais la loi ne précise pas si cela englobe les legs ou non : sans doute ne sont-ils pas intégrés. Pour le quart en pleine propriété, la masse de calcul on a les biens existants cela ne comprend pas les legs + les libéralités rapportables quand elles sont faites à l’héritier réservataire quand elles sont faîtes au réservataire acceptant. La masse d’exercice ce sont les biens existants auxquels on enlève la réserve et les droits de recours.
On va pouvoir chiffrer la masse de calcul : une fois qu’il est fait, il faut lui appliquer les fractions de la réserve et de la quotité disponible.
II : L’imputation des libéralités
En pratique, imputer une libéralité, c’est l’affecter à une masse de biens et la soustraire en quelque sorte.
La soustraction peut donner un résultat négatif : cela veut dire qu’il faut réduire la libéralité. Ce résultat négatif va souvent être la mesure de la réduction.
- L’imputation des libéralités sur la quotité disponible
- A raison du destinataire de la libéralité
Si ce n’est pas un héritier, on impute sur la quotité disponible.
Si une personne gratifiée est un héritier qui vient à la succession mais n’est pas héritier réservataire : on impute pas sur la réserve mais sur la quotité disponible.
Si le destinataire de la libéralité est un héritier ab intestat qui ne vient pas à la succession (rang trop éloigné), sa libéralité s’impute sur la quotité disponible.
S’il renonce à la succession, le principe est qu’il soit considéré comme n’ayant plus de rapport avec la succession même s’il était héritier réservataire : sa libéralité s’impute sur la quotité disponible car il renonce à sa réserve. Article 919-1 alinéa 1 du Code civil. Hypothèse de la libéralité où il y a une clause exigeant au rapport en cas de renonciation : l’article 919-1 alinéa 2 du Code civil va traiter l’héritier renonçant comme s’il avait accepté pour l’imputation des libéralités. La libéralité est imputée sur la part réservataire que ne va recevoir l’héritier renonçant.
Si l’héritier renonce et qu’il est représenté : la libéralité s’impute sur la réserve qu’il aurait eu s’il n’avait pas renoncé, mais c’est la part que vont se partager les représentants. Cela sauf volonté contraire du disposant. Article 754 alinéa 3 du Code civil.
- A raison du destinataire de la nature de la libéralité
Cela concerne les libéralités qui ne sont pas rapportables ou hors part successorale. Article 919-2 du Code civil : cela concerne les legs sauf s’il est assorti d’une clause de rapport et cela concerne les donations qui bénéficient d’une clause de dispense de rapport.
C’est également le cas des avantages indirects qui peuvent résulter d’une clause d’évaluation d’une donation rapportable lorsque la clause est plus favorable que les règles de l’article 860 alinéa 1 du Code civil.
Article 918 du Code civil : l’imputation se fait sur la quotité disponible. La jurisprudence admettait qu’on puisse valablement une clause contraire. La loi nouvelle ne s’est pas prononcée sur ce point.
- L’imputation des libéralités sur la réserve
Article 919-1 du Code civil : ce sont les libéralités rapportables faîtes à un héritier réservataire acceptant.
Cette libéralité est imputée sur la part réservataire de l’héritier réservataire acceptant. Si la libéralité dépasse la part de la réserve. On considère que l’excédant est imputé sur la quotité disponible ; si cela ne suffit pas, l’excédant est réduit.
L’article 919-1 du Code civil autorise à procéder autrement : s’il n’en a pas été convenu autrement dans l’acte de donation : aux termes de l’article 919-1 du Code civil : il peut être prévu que l’imputation se fera sur la réserve globale : on prend la libéralité, on l’impute sur la part réserve du gratifié. Il faut qu’il y ait un excédant : il n’est pas imputé sur la quotité disponible qui reste libre. Les héritiers réservataires peuvent demander la réduction de la libéralité ou bien les héritiers réservataires ne demandent pas la réduction.
- L’imputation des libéralités en usufruit
C’est le problème posé par des libéralités en usufruit qui se trouve imputable sur la quotité disponible et qui dépasse cette quotité disponible. Le problème va se poser dans l’hypothèse où cette libéralité en usufruit risquerait de porter atteinte à la réserve.
Logiquement, c’est le cas où la libéralité en usufruit porte sur des biens qui excèdent la quotité disponible.
La jurisprudence s’appuie essentiellement sur la nature de l’usufruit : l’usufruit donne droit aux fruits de la chose. Ce qui importe pour la jurisprudence, c’est les revenus du bien. La jurisprudence compare les revenus des biens donnés en usufruit avec les revenus des biens donnés de la quotité disponible. La jurisprudence ne se réfère pas à la pleine propriété des biens ; elle préfère se référer aux revenus des biens. Si le montant des revenus des biens donnés en usufruit dépassent les revenus de la quotité disponible, il y a un problème d’atteinte à la réserve : on fait alors application de l’article 917 du Code civil qui prévoit que ce cas de figure ; cet article par équité, pour protéger le réservataire lui donne une option : d’abord, le réservataire peut exécuter la libéralité (la libéralité est imputée sur l’usufruit de la quotité disponible et sur la réserve pour le surplus : l’usufruit de la réserve est entamé mais il y a une contre-partie, la nue-propriété du disponible reste libre) ; l’autre choix est le cas où l’héritier tient à sa réserve entière en pleine propriété : il la garde mais la loi décide qu’en contre-partie il doit laisser au gratifié la pleine propriété de tout le disponible ; la libéralité est alors imputé sur la pleine propriété du disponible. Cette option appartient au seul héritier réservataire. La jurisprudence admet que le disposant lui ôte cette libéralité à l’avance. Pour que l’option joue :
– il faut qu’il n’y ait pas d’autres libéralités qui ne seraient pas en usufruit
– il faut que la quotité disponible ait été fixé en pleine propriété : si elle est fixée en usufruit et qu’il y a dépassement, le réservataire ne peut récupérer la quotité disponible.
– il faut que la libéralité soit en usufruit : la plupart du temps, cela ne marche pas pour les libéralités faîtes au conjoint survivant : article 1094-1 du Code civil : ouvre à la totalité de la succession donc il ne peut y avoir de libéralités excessives.
L’article 917 du Code civil ne s’étend pas aux libéralités en nue-propriété. Une question non résolue pour les auteurs : que se passe-t-il s’il y a plusieurs héritiers réservataires qui ne choisissent pas la même option ?