Le concours du conjoint du défunt avec ses enfants et ses parents

Le concours du conjoint du défunt avec ses enfants ou les parents du défunt

Le conjoint survivant donc successible va bénéficier d’une vocation successorale de droit commun. Lorsque le défunt était marié, la présence du conjoint survivant va venir perturber les règles de dévolution de la succession au sein de la parenté.

Pour plus d’informations : caractères et conditions générales de la dévolution ab intestat , et une présentation sommaire des différentes catégories d’héritiers

En effet, les droits reconnus au conjoint survivant vont venir en concurrence avec ceux qui sont attribués par la loi aux parents successibles. Cette hypothèse de concurrence des droits du conjoint découle directement de l’article 756 du Code civil qui déclare que le conjoint successible est appelé à la succession soit seul soit en concours avec les parents du défunt.

De manière plus précise, le conjoint va venir en concours avec 2 catégories de parent du défunt :

  • les parents les plus proches du défunt c’est-à-dire les enfants et leurs descendants

  • ou alors les parents du défunt c’est-à-dire les ascendants privilégiés.

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1. Le concours avec les enfants ou leurs descendants

Cette hypothèse de concours est envisagée à l’article 757 du Code civil qui déclare que si l’époux pré décédé laisse des enfants ou des descendants, le conjoint recueille à son choix l’usufruit de la totalité des biens existant ou la propriété d’un ¼ des biens lorsque tous les enfants sont issus des 2 époux et la propriété du ¼ en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des 2 époux (= il suffira qu’il ait un enfant non commun pour supprimer l’option).

La lecture du texte montre immédiatement que le concours entre le conjoint survivant et les enfants du défunt obéit à des règles différentes selon que le conjoint est en concours avec des enfants qui soient tous issus des 2 époux ou alors avec des enfants pas tous issus des 2 parents.

a. Les enfants tous issus des 2 époux

Lorsque le texte vise l’hypothèse où tous les enfants sont issus des 2 époux, il vise l’hypothèse des enfants qui bénéficient d’un lien de filiation à l’égard de chacun des 2 époux. Ceci permet de comprendre que l’on a admis qu’il fallait assimiler à la notion d’enfant issu des 2 époux le cas de l’enfant d’un époux adopté par son conjoint. La notion d’enfant issu des 2 époux étant circonscrite, il apparaît à la lecture de l’article 757 que dans ce cas de figure, le conjoint successible se voit reconnaître une option successorale dont il va falloir préciser les termes et le régime.

– Les termes de l’option –

Option articulée autour de 2 idées :

  • usufruit de la totalité des biens existants

  • pour des droits en pleine propriété : ¼ des biens

Cette faculté de choix offerte au conjoint pose la question de l’intérêt de la balance des avantages entre usufruit et propriété ainsi que leurs inconvénients.

— S’agissant du choix de l’usufruit, il va effectivement être guidé par une balance d’avantages et d’inconvénients.

Avantages de l’usufruit :

  • avantage matériel objectif : le choix de l’usufruit va permettre au conjoint de maintenir ses conditions de vie antérieures. Grâce à l’usufruit, il va pouvoir continuer à avoir la jouissance des biens de la succession sans entraver la dévolution de la nu propriété du bien aux autres héritiers (= enfants et leurs descendants) qui à terme bénéficieront de la reconstitution des droits en plein propriété au décès de l’usufruitier.

  • avantage fiscaux : avantage immédiat concernant les droits de succession qui sont du respectivement par l’usufruitier et les nu propriétaires. En effet, si le conjoint choisi l’usufruit, les droits de mutation qu’il devra acquitter seront peu importants car ils seront calculés sur la valeur de l’usufruit qui est faible si le conjoint est âgé et de manière symétrique les droits qui devront être acquittés par les nu propriétaires seront tels aussi puisqu’ils seront diminués de la valeur de l’usufruit et que la nu propriété a une valeur moindre que la pleine propriété. Du coté du conjoint et des droits à percevoir au titre de la succession sur l’usufruit, cet avantage évident existait effectivement jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi TEPA. Depuis la loi TEPA dans la mesure où il est exonéré de droits de succession de son coté, de toute façon cela ne présente plus aucun intérêt mais l’avantage pour le nu propriétaire lui subsiste. Mais, l’avantage fiscal va aussi se prolonger lors du règlement de la succession de l’époux usufruitier parce qu’à ce moment là, la reconstitution des droits en pleine propriété au décès de l’usufruitier ne déclenchera pas l’exigibilité de droit de mutation.

Ces avantages indiscutables de l’usufruit ne doivent pas néanmoins occulter ses inconvénients :

Par rapport à la personne de l’usufruitier, l’usufruit peut se révéler paradoxalement inadapté dans le cas du conjoint âgé du fait notamment de la complexité des relations juridiques entre l’usufruitier et les nu propriétaires notamment en ce qui concerne la question de la répartition des obligations respectives de l’usufruitier (= entretien) et des nu propriétaires concernant les réparations (= article 605 du Code civil : les grosses réparations). Cette clé de répartition va poser un problème de qualification dans certains cas : que décider notamment dans le cas des dépenses qui vont être générées par des travaux d’adaptation du bien à l’âge de l’usufruitier.

— S’agissant du choix des droits en pleine propriété, celui-ci présente des avantages et des inconvénients.

Avantages de la pleine propriété :

  • conférer au conjoint des droits disponibles car il est propriétaire.

  • évite les relations avec les autres héritiers.

Inconvénient :ce choix est désavantageux pour les autres héritiers sur le plan fiscal car ces biens donneront lieu à une double taxation successive. Les biens sont taxés sur une valeur maximale lors de leur transmission au décès du 1er époux et seront ensuite taxés une deuxième fois lorsqu’ils seront transmis aux héritiers lors du décès du 2ème époux.

Le choix entre les 2 termes de l’option peut se révéler délicat. Mais, la portée réelle de ce choix sera tempérée par l’existence de mécanismes juridiques qui permettront d’assurer les droits à la fois du conjoint mais aussi des autres héritiers.

– Le régime juridique de l’option successorale du conjoint –

L’option successorale du conjoint soulève le problème de la nature de sa preuve et de son exercice.

— S’agissant de la nature de cette option successorale, 2 points méritent d’être soulignés :

  • La place de l’option du conjoint au regard de l’option successorale de droit commun qui est reconnu à chaque héritier : l’option qui est reconnu au conjoint par les articles 757 et suivant du Code civil est en faite un accessoire de l’option successorale reconnu aux héritiers d’une succession. En effet, dès lors que des héritiers sont successibles, ils peuvent succéder mais ils ne sont pas obligés de succéder. Leur choix de succéder se manifestera par l’exercice de l’option successorale qui leur est reconnu. Concernant le conjoint, l’option particulière qui lui est reconnu correspond au contenu de l’option successorale générale recueilli par le conjoint survivant qui peut lui aussi choisir de succéder ou non. Par conséquent, seul le conjoint qui acceptera la succession recueillera cette fameuse option offrant le choix entre propriété et usufruit. Donc, l’option successorale du conjoint s’articule en 2 temps : option générale (= décision d’accepter ou non la succession) et ensuite option particulière (= option entre les droits en propriété ou en usufruit).

  • les caractéristiques propres de l’option successorale du conjoint successible : cette option constitue un droit personnel au conjoint survivant. Le caractère personnel de ce droit résulte des 2 caractéristiques qui sont attachées au régime de l’option du conjoint. Cette option est incessible (= article 758-1 du Code civil qui prévoit que lorsque le conjoint survivant a le choix de la propriété ou de l’usufruit, ses droits sont incessibles tant qu’il n’a pas exercé son option). Cette option est en plus intransmissible, ce qui ressort directement de l’article 758-4 du Code civil qui prévoit que le conjoint est réputé avoir opté pour l’usufruit s’il est décédé avant d’avoir exercé son option.

— S’agissant la preuve de l’option : d’après l’article 758-2 du Code civil, la preuve de l’option par le conjoint entre usufruit et propriété se fait par tous moyens.

La loi n’impose aucun formalisme au conjoint pour manifester son choix entre les 2 termes de l’option. L’option pourra ainsi être verbale voire même tacite et résulter par exemple de l’attitude du conjoint survivant lorsque celui-ci se comporte après le décès comme s’il avait la jouissance de l’ensemble des biens de la succession, cette attitude pouvant s’analyser comme un choix tacite en faveur de l’usufruit.

— S’agissant de l’exercice de cette option successorale : l’exercice de cette option implique de se demander quand cette option doit s’exercer et de s’interroger sur le portée de l’option qui aura été exercée.

Concernant le délai de l’option, le texte qui prévoit l’existence de cette option successorale au profit du conjoint survivant ne mentionne aucun délai. Par conséquent, pour éviter que les descendants du défunt dont les droits sont conditionnés par l’option du conjoint ne restent trop longtemps dans l’incertitude, la loi a prévu que les héritiers peuvent inviter le conjoint par écrit à exercer son option. L’intérêt de cette mesure résulte dans le fait qu’à défaut d’avoir pris parti dans un délai de 3 mois le conjoint sera réputé avoir opté pour l’usufruit. Il y a une autre hypothèse où il y a également usufruit, c’est lorsque le conjoint sera décédé avant d’avoir exercé son option.

Concernant la portée de l’option : elle doit être relativisée dans le cas où le conjoint opterait pour des droits en usufruit. En effet, le choix de droits en usufruit peut finalement se révéler non satisfaisant aussi bien pour le conjoint mais aussi pour les autres héritiers. Et le choix initial de droit à l’usufruit pourra dans certains cas déboucher sur une transformation des droits en usufruit en rente viagère ou en capital. L’usufruit peut être difficile à gérer par le conjoint lorsque celui-ci est âgé et cet usufruit finalement ne garantit pas des revenus certains à l’usufruitier c’est-à-dire le conjoint. Pour les héritiers, le choix de l’usufruit pose le problème de la privation de jouissance de l’ensemble des biens sur une durée qui peut être longue et soulève aussi le problème de la conservation de la valeur économique des biens. Le législateur a prévu la possibilité de demander la conversion de cet usufruit en rente viagère ou en capital. La conversion de l’usufruit peut être amiable c’est-à-dire résulter d’un accord entre le conjoint et les autres héritiers. Mais à défaut d’accord, elle peut même être imposée par une des parties au règlement successoral dans le cadre d’une action judiciaire en conversion forcée. Lorsque la conversion est amiable, elle peut s’opérer soit en rente viagère soit en capital. En revanche, lorsque la conversion de l’usufruit est forcée, cette conversion sera soumise à une triple limite :

  • elle ne pourra donner lieu qu’à une conversion en rente viagère. La conversion en capital est elle nécessairement subordonnée à l’existence d’un accord entre le conjoint et les héritiers ainsi que cela résulte clairement de l’article 761 du Code civil.

  • la conversion forcée de l’usufruit en rente viagère ne pourra pas être imposée au conjoint sur le logement qu’il occupe à titre de résidence principale ni sur le mobilier qui garnit ce logement (= article 760 alinéa dernier du Code civil).

  • la demande judiciaire de conversion de l’usufruit devra nécessairement être introduite avant que le partage soit devenu définitif.

Dans le cadre de la conversion judiciaire lorsque le juge décidera d’accéder à la demande de conversion, celui-ci étant libre de l’accorder ou non, c’est lui qui fixera le montant de la rente ainsi que les garanties à fournir par les autres héritiers pour palier à tout risque d’insolvabilité des débiteurs de la rente. Et c’est lui aussi qui fixera le type d’indexation propre à maintenir l’équivalence entre la rente et l’usufruit. Concrètement, cette équivalence s’estime en revenu permettant au conjoint de survivre.

Cette faculté de conversion de l’usufruit est un droit d’ordre public qui ne peut pas être écarté par le défunt et auquel on ne peut pas renoncer (= article 759 du Code civil).

Cette faculté de conversion de l’usufruit qui est à la fois un instrument de protection du conjoint et des autres héritiers soulève un problème pratique au niveau de sa mise en œuvre. Il est en effet difficile techniquement de liquider des droits en usufruit dont la valeur est en faite incertaine. Et la loi qui prévoit la faculté de conversion ne prévoit aucune règle permettant de calculer la valeur de l’usufruit pour ensuite le convertir en rente viagère.

Concrètement, les parties pourront s’inspirer des règles fiscales qui prévoient un barème indiquant les valeurs complémentaires de l’usufruit et de la nue propriété pour calculer les droits exigibles en cas de mutation. Ce barème qui figure à l’article 669 du Code Général des Impôts prévoit ainsi selon que l’usufruitier a moins de 51, 61, 71 ou 81 ans son usufruit vaut respectivement 60, 50, 40 ou 30% de la valeur de la nue propriété. La conversion s’analyse comme une opération de partage mais elle ne produit pas d’effet rétroactif afin d’éviter les problèmes des comptes de restitution relatifs au revenu produit par l’usufruit entre la date d’ouverture de la succession et la date de conversion.

b. Les enfants qui ne sont pas tous issus des 2 époux

Dans cette hypothèse, lorsque les enfants ne sont pas tous issus des 2 époux, il n’y a plus d’option. Les droits du conjoint survivant sont obligatoirement des droits en pleine propriété c’est-à-dire ¼ en pleine propriété. Cette règle a vocation à jouer dès lors qu’il y a un enfant non commun aux 2 époux et joue aussi quand il y a à la fois des enfants communs et non communs.

Dans tout ces cas, le bénéfice de l’option est supprimé. La suppression de l’option entre propriété et usufruit se justifie par l’existence du second mariage.

Le législateur a considéré dans ce cas que l’usufruit était inadapté en cas de remariage du défunt avec un conjoint plus jeune car cela risquait de priver pendant trop longtemps les enfants du lit précédent de la jouissance des biens de la succession.

Par ailleurs, les droits en usufruit sont écartés pour une autre raison, le législateur a voulu éviter aussi tout conflit pouvant résulter du fonctionnement du démembrement de propriété.

Mais, il faut quand même souligner que l’option est supprimée dans le cadre de règles de dévolution ab intestat. Mais que cela n’exclut pas l’hypothèse que l’usufruit écarte par les règles de dévolution ab intestat et que soit accordé au conjoint dans le cadre d’une donation de biens à venir que lui aurait consenti son conjoint ou dans le cadre d’un legs par testament.

2. Le concours du conjoint du défunt avec les ascendants privilégiés (pères et mère du défunt)

Il y a 2 cas de figure :

  • conjoint en concours avec père et mère du défunt : cette situation est visée à l’article 757-1 du Code civil qui prévoit que si à défaut d’enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens et l’autre moitié étant dévolue pour ¼ à la mère et pour ¼ au père.

  • conjoint en concours avec père ou mère du défunt : si le père ou la mère et pré décédé et le conjoint survivant n’est en concours qu’avec un seul des parents, la part qui serait revenu au parent pré décédé lui échoit conformément à l’article 757-1 alinéa 2.

Les droits du conjoint survivant en l’absence de descendants par définition sont assortis d’un mécanisme compensateur au profit des ascendants privilégiés. Mécanisme tiré du droit de retour légal qui leur est reconnu par l’article 738-2 du Code civil qui prévoit que lorsque les père et mère ou l’un d’eux survivent au défunt et que celui-ci n’a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour à concurrence des quotes-parts fixées au 1er alinéa de l’article 738 sur les biens que le défunt avaient reçu d’eux par donation. Cette règle qui prévoit ce droit de retour légal au profit des ascendants privilégiés figure techniquement dans la section du Code civil qui réglemente les droits des parents en l’absence de conjoint successible mais il est admis que ce droit de retour légal doit jouer également lorsque l’on est en présence du conjoint successible. Le contenu et le régime de ce droit de retour légal qui est fondé sur l’origine des biens rentrent dans l’hypothèse des règles de dévolution particulière fondées sur l’origine des biens et par conséquent le droit de retour légal des ascendants sera vu lorsque l’on étudiera les successions anomales, les successions particulières.

En dehors des cas où le conjoint est en concours avec les parents les plus proches du défunt, le conjoint va bénéficier d’une situation encore plus favorable, assimilable à une sorte de monopole successoral.