Le conflit entre la Constitution et le traité international

Le conflit entre la Constitution et le traité international :

En France, bien que les traités internationaux ratifiés aient une valeur supérieure aux lois en vertu de l’article 55 de la Constitution, cette primauté ne s’étend pas à la Constitution elle-même. Cela signifie que, lorsque des dispositions constitutionnelles semblent contraires à des engagements internationaux, la Constitution prévaut dans l’ordre juridique interne.

Ce principe a été affirmé dans des arrêts majeurs, comme Sarran (Conseil d’État, 1998) et Fraisse (Cour de cassation, 2000), où les juridictions suprêmes françaises ont confirmé la suprématie de la Constitution. Ces décisions soulignent l’importance de la souveraineté constitutionnelle, même face aux obligations internationales, créant ainsi un équilibre délicat entre le respect des engagements internationaux et la préservation des principes fondamentaux de l’État.

Le principe : Primauté de la Constitution française sur les traités internationaux

La Constitution française occupe une place centrale dans l’ordonnancement juridique interne, dominant tout autre texte, y compris les traités internationaux. Cette hiérarchie des normes se fonde sur une série d’articles constitutionnels et de décisions jurisprudentielles qui réaffirment ce principe en cas de conflit.

Pouvoirs du président et contrôle des traités internationaux

Conformément à l’article 52 de la Constitution, le président de la République est investi de la compétence pour négocier et ratifier les traités internationaux. Cependant, avant leur ratification, ces accords sont soumis à un contrôle de constitutionnalité rigoureux. Le Conseil constitutionnel joue un rôle essentiel dans cette procédure en étant saisi pour vérifier la conformité des traités avec la Constitution. Ce contrôle préventif est fondamental pour maintenir la cohérence de l’ordre juridique interne.

Le rôle déterminant du Conseil constitutionnel

En vertu de l’article 54, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi, il doit se prononcer sur la compatibilité du traité avec la Constitution. Si une quelconque disposition du traité est jugée incompatible avec le texte constitutionnel, la France se trouve face à deux options : soit amender la Constitution, soit renoncer à ratifier le traité. Cela signifie qu’un traité ne peut être intégré à l’ordre juridique interne français tant que la Constitution n’a pas été adaptée ou que le texte n’a pas été révisé pour éviter toute contradiction.

Article 55 : la supériorité des traités sur les lois, mais pas sur la Constitution

L’article 55 de la Constitution consacre la supériorité des traités sur les lois nationales. Toutefois, cette prééminence s’arrête aux portes du bloc constitutionnel. La distinction est fondamentale : si un traité est supérieur aux lois ordinaires, il ne peut en aucun cas primer sur la Constitution elle-même. Cette barrière protège la souveraineté constitutionnelle et garantit que les engagements internationaux pris par la France respectent les fondements de l’ordre juridique national.

Jurisprudence clé : arrêts Sarran et Fraisse

La jurisprudence française est venue renforcer ce principe à travers des décisions emblématiques telles que l’arrêt Sarran du Conseil d’État et l’arrêt Fraisse de la Cour de cassation. Dans ces deux affaires, les hautes juridictions françaises ont clairement affirmé que la Constitution reste la norme suprême du système juridique français, même face à des traités internationaux ratifiés. Ces arrêts sont souvent cités pour illustrer la primauté constitutionnelle sur les engagements internationaux, confirmant la position constante de la France en matière de hiérarchie des normes.

Conflit avec les juridictions internationales

Toutefois, cette approche française entre en contradiction avec celle adoptée par certaines juridictions internationales, comme la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ces juridictions défendent une vision selon laquelle les normes internationales priment sur les dispositions internes, y compris constitutionnelles. Cela crée un point de tension notable entre les différents systèmes juridiques, illustrant un véritable conflit de souveraineté entre le droit national et le droit international.

Dualité des ordres juridiques : une coexistence indépendante

Le droit français repose sur une conception dualiste des rapports entre l’ordre juridique national et l’ordre international. Selon cette vision, ces deux systèmes sont distincts et coexistent sans que l’un ne puisse véritablement soumettre l’autre. Contrairement à une approche moniste, où le droit international serait immédiatement intégré et supérieur, la France maintient une frontière claire pour protéger son ordre constitutionnel de toute ingérence extérieure.

Fiche d’arrêt : Arrêt Sarran, Levacher et autres (Conseil d’État, 30 octobre 1998, n°200286)

Thème : Primauté de la Constitution française sur le droit international

Résumé de l’arrêt :

Dans cet arrêt, le Conseil d’État réaffirme la suprématie de la Constitution française sur les traités internationaux dans l’ordre juridique interne. Les requérants, en l’occurrence des élus de Nouvelle-Calédonie, invoquaient la non-conformité de certaines dispositions constitutionnelles aux traités internationaux (notamment la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques) pour contester le processus référendaire concernant l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.

Portée de l’arrêt :
Le Conseil d’État rejette cette argumentation et précise que, si les traités internationaux ont une autorité supérieure aux lois en vertu de l’article 55 de la Constitution, cette supériorité ne s’étend pas à la Constitution elle-même. Il en découle que les normes constitutionnelles prévalent sur les engagements internationaux, du moins dans l’ordre juridique interne.

Faits :
Les requérants, élus de la Nouvelle-Calédonie, contestaient le décret organisant un référendum en Nouvelle-Calédonie sur la base de dispositions constitutionnelles qu’ils jugeaient contraires aux traités internationaux ratifiés par la France.

Problème juridique :
La Constitution française peut-elle être contestée sur le fondement de traités internationaux dans l’ordre juridique interne ?

Solution apportée par le Conseil d’État :
Non. Le Conseil d’État affirme la supériorité de la Constitution dans l’ordre juridique interne. Les traités internationaux, bien qu’ayant une valeur supérieure à la loi, ne peuvent pas remettre en cause la primauté de la Constitution.

Motifs :

  1. Primauté de la Constitution : La Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique interne. Les traités internationaux ne peuvent pas y déroger.
  2. Hiérarchie des normes : L’article 55 de la Constitution accorde une valeur supérieure aux traités par rapport aux lois, mais ne leur accorde pas une primauté sur la Constitution elle-même.

Conclusion :
L’arrêt Sarran est un arrêt de principe qui réaffirme la prééminence de la Constitution française dans l’ordre juridique interne, indépendamment des obligations internationales. Cela signifie que, dans le cadre national, les dispositions constitutionnelles ne peuvent être écartées au profit des traités internationaux.

Portée et influence :
Cet arrêt a un impact important sur les relations entre le droit national et le droit international. Il marque la limite de la réception des normes internationales en droit interne, en ce sens qu’elles ne peuvent primer sur la Constitution. Cela a des conséquences sur la façon dont la France intègre le droit international dans son ordre juridique.

Références :

  • Article 55 de la Constitution française (1958) : Fixe la supériorité des traités internationaux sur les lois, sous réserve de leur application réciproque.
  • Arrêt Nicolo (Conseil d’État, 1989) : Reconnaît la supériorité des traités sur les lois postérieures.

Fiche d’arrêt : Arrêt Fraisse (Cour de cassation, Assemblée plénière, 2 juin 2000, n° 99-60274)

Thème : Primauté de la Constitution française sur les traités internationaux

Résumé de l’arrêt :

Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme la primauté de la Constitution française sur les traités internationaux dans l’ordre juridique interne. La requérante, Mme Fraisse, invoquait la non-conformité d’une disposition constitutionnelle aux traités internationaux, en l’occurrence la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), pour contester une décision de justice. La Cour de cassation rejette cette argumentation, réaffirmant que la Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique interne, même face aux engagements internationaux.

Portée de l’arrêt :
La Cour de cassation, à l’instar du Conseil d’État dans l’arrêt Sarran de 1998, affirme que les normes constitutionnelles prévalent sur les traités internationaux. L’article 55 de la Constitution, qui donne aux traités une autorité supérieure aux lois, ne permet pas de contester la primauté de la Constitution. Cela signifie que la France reconnaît l’importance des engagements internationaux mais refuse de soumettre la Constitution à ces derniers dans l’ordre interne.

Faits :
Mme Fraisse, en contestant une décision de justice, invoquait la Convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que certaines dispositions constitutionnelles françaises étaient contraires à ce traité.

Problème juridique :
Est-il possible de contester la validité d’une norme constitutionnelle au regard des engagements internationaux de la France, tels que la Convention européenne des droits de l’homme ?

Solution apportée par la Cour de cassation :
Non. La Cour de cassation rappelle que la Constitution reste supérieure aux engagements internationaux dans l’ordre interne. Les traités internationaux ne peuvent prévaloir sur la Constitution.

Motifs :

  1. Primauté de la Constitution : La Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique interne français. Aucune norme internationale ne peut la remettre en cause dans cet ordre.
  2. Article 55 de la Constitution : Cet article accorde aux traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois, mais ne s’applique pas à la Constitution elle-même.

Conclusion :
L’arrêt Fraisse, en complément de l’arrêt Sarran rendu par le Conseil d’État en 1998, réaffirme la position des juridictions françaises selon laquelle la Constitution est la norme suprême en France. Cette décision marque un point d’ancrage dans la doctrine française de la hiérarchie des normes, en maintenant la primauté de la Constitution même face aux traités internationaux.

Portée et influence :
Cet arrêt est fondamental dans la hiérarchie des normes en droit français. Il établit clairement que, bien que la France respecte les engagements internationaux, la Constitution conserve une place intouchable dans l’ordre juridique interne. Ce principe limite l’influence directe des normes internationales lorsqu’elles sont contraires à la Constitution.

Références :

  • Article 55 de la Constitution française (1958) : Donne une autorité supérieure aux traités internationaux par rapport aux lois, sous certaines conditions.
  • Arrêt Sarran (Conseil d’État, 1998) : Première affirmation par une juridiction française de la primauté de la Constitution sur les traités internationaux.

 

Questions fréquentes sur la Primauté de la Constitution française sur les traités internationaux

Qu’est-ce que la primauté de la Constitution française sur les traités internationaux ?

La primauté de la Constitution française signifie que la Constitution a une position supérieure dans la hiérarchie des normes du système juridique français, surpassant même les traités internationaux. En cas de conflit, la Constitution prévaut sur tout autre texte.

Quel est le rôle du président de la République dans les traités internationaux ?

Conformément à l’article 52 de la Constitution, le président de la République a le pouvoir de négocier et de ratifier les traités internationaux. Cependant, ces traités doivent passer par un contrôle de constitutionnalité pour garantir leur conformité avec la Constitution avant ratification.

Quel est le rôle du Conseil constitutionnel dans le contrôle des traités internationaux ?

Le Conseil constitutionnel vérifie la compatibilité des traités internationaux avec la Constitution lorsqu’il est saisi, conformément à l’article 54. Si un traité est jugé incompatible avec la Constitution, la France doit soit réviser la Constitution, soit renoncer à ratifier le traité.

Quelle est la relation entre l’article 55 de la Constitution et la supériorité des traités sur les lois ?

L’article 55 stipule que les traités internationaux ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois nationales. Toutefois, cette supériorité ne s’applique pas à la Constitution, qui reste la norme suprême en France.

Quelles sont les décisions jurisprudentielles importantes concernant la primauté constitutionnelle ?

Les arrêts Sarran (du Conseil d’État) et Fraisse (de la Cour de cassation) sont des décisions majeures qui confirment que la Constitution est la norme suprême, même par rapport aux traités internationaux ratifiés. Ces arrêts illustrent la position constante de la France en matière de hiérarchie des normes.

Quelles tensions existent entre le droit français et les juridictions internationales ?

Le droit français, qui accorde une primauté à la Constitution, entre en conflit avec certaines juridictions internationales, comme la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui prônent la suprématie des normes internationales, même sur les constitutions nationales.

Comment le droit français conçoit-il la relation entre l’ordre juridique national et international ?

Le droit français adopte une conception dualiste, selon laquelle l’ordre juridique national et l’ordre international sont distincts et coexistent indépendamment. Contrairement à une approche moniste, le droit international ne prime pas directement sur le droit national, surtout pas sur la Constitution.