Le connaissement, lettre de voiture et autres documents de transport

Les actes spécifiques de transport

Chaque type de transport connaît des actes spécifiques i.e. des actes propres à sa nature. Les plus connus existent en matière terrestre et maritime, il s’agit du connaissement, du contrat d’affrètement et des différentes lettres de voiture.

  • – le connaissement qui est un document lié au transport de marchandises, faisant la preuve du contrat de transport et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci à délivrer la marchandise contre remise de ce document. C’est un véritable titre de propriété qui est transmis par endossement.
  • – les autres documents maritimes (ex : la lettre de transport maritime)
  • – les lettres de voiture en matière terrestre : contrat de transport de marchandises qui lie l’expéditeur, le commissionnaire de transport et le transporteur. La lettre de voiture constitue le pendant pour le transport terrestre du connaissement, habituellement utilisé en matière de transport maritime.

Section 1: Le connaissement

Le connaissement est propre au droit maritime mais les transporteurs peuvent être combinés et donc le connaissement peut exister à ce titre. On distingue :

1) La définition du connaissement

Le connaissement est le document le plus utilisé pour prouver l’existence d’un contrat de transport maritime. La Cour de cassation en donne la définition suivante: le connaissement est un titre représentatif de la marchandise valant essentiellement reconnaissance par le transporteur de sa prise en charge et ne saurait être par lui-même constitutif du contrat de transport, ce dernier résultant du seul accord de volonté des parties à la convention. Le connaissement n’est que probatoire.

A l’échelon international, la convention de Hambourg du 31 mars 1978 précise que le terme « connaissement » désigne un document faisant preuve du contrat de transport et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer la marchandise contre remise de ce document.

On reconnait au connaissement un triple rôle: c’est d’abord un reçu de marchandises (si on a le document, c’est que la marchandise a été embarquée), ensuite il s’agit d’un élément de preuve (si on l’a c’est qu’il a un contrat de transport) et enfin il s’agit d’un titre représentatif de la marchandise (le document décrit les marchandises).

2) Le contenu du connaissement

Le connaissement est établi en 2 exemplaires originaux au moins: un pour le chargeur et l’autre pour le capitaine du navire. C’est la loi du pays d’émission du connaissement qui va régir ses conditions de forme si le transport est international.

En fait, la loi française contient peu de disposition, on sait seulement que le connaissement doit fournir des informations précises quant à la marchandise notamment son identification, sa quantité, son poids et son conditionnement. Ces mentions ont une force probante à l’égard de toutes les parties puisque le destinataire est en droit d’exiger une livraison conforme au connaissement.

Le connaissement doit aussi identifier le chargeur et le transporteur, le nom du destinataire ne sera indiqué que lorsque le connaissement est un connaissement nominatif.

Chaque original du connaissement doit être daté, la date est essentielle car elle va conditionner l’ouverture d’un crédit documentaire. C’est la raison pour laquelle en pratique, le connaissement est souvent antidaté. L’anti-datage permet d’être certain que les fonds seront provisionnés. En cas de difficulté, l’anti-datage constitue une faute équipollente au dol i.e. une faute lourde engageant la responsabilité de son auteur.

Le transporteur doit signer le connaissement. Le chargeur en est dispensé mais en pratique, il a tendance à signer également pour montrer qu’il accepte le connaissement.

3) Les réverses au connaissement

Le capitaine du navire n’a pas la possibilité de vérifier les déclarations par un examen systématique avant embarquement. Pour cette raison, il est autorisé à émettre des réserves s’il sait ou s’il a des raisons de soupçonner que les indications du chargeur sont inexactes ou encore s’il n’a pas les moyens suffisants d’effectuer le contrôle.

Pour éviter les abus et les clauses de style, les réserves doivent répondre à certaines conditions, elles doivent être précises et motivées et le transporteur doit donc mentionner les inexactitudes ou la raison de ses soupçons. Ces réserves doivent être inscrites sur le connaissement mais elles peuvent aussi être adressées par voie séparée et dans ce cas, elles ne seront pas opposables au destinataire ou au porteur du titre, elles permettront seulement au transporteur de garantir son action récursoire contre le chargeur. Aucun texte n’impose le caractère contradictoire des réserves, elles peuvent donc être refusées par le chargeur. Enfin, les textes ne prévoient les réserves que sur les marchandises et ne visent pas l’emballage, cependant la jurisprudence raisonne par analogie pour l’emballage car il semble logique qu’un emballage défectueux ou en piteux état pousse le transporteur à émettre des réserves. L’absence totale de réserves vaut présomption de bon état de la marchandise reçue à l’embarquement, cette présomption est simple, elle peut être combattue par tout moyen.

4) Les autres documents maritimes

A) Les documents similaires au connaissement

Ces documents émanent d’associations ou de fédérations internationales en matière de transport maritime.

Il s’agit notamment du document FIATA (Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés), il s’agit d’un document de transport combiné négociable, il suppose donc le transport par au moins 2 modes de transport différent.

Le transporteur devient un opérateur multimodal et engage sa responsabilité dans les conditions classiques du contrat de transport.

En présence d’un commissionnaire, sera utilisé le document NVOCC.

Existe aussi le connaissement avec certificat d’assurance incorporé: ce document complète le connaissement et le rend encore plus attirant et sécurisant pour le cocontractant.

Enfin est apparu le connaissement électronique, il est très utilisé sur des petits trajets ou des trajets rapides. Le système databank permet de déposer les connaissements auprès d’une banque qui les détient pour le compte de qui il appartiendra et qui recevra notification de tout transfert effectué sur la marchandise. En pratique, le transporteur va enregistrer toutes les informations et va remettre un Code au chargeur et le destinataire à l’arrivée va prendre connaissance du code et dès qu’il aura le code donnera l’ordre de payer.

B) La lettre de transport maritime

La lettre de transport maritime devrait tomber en désuétude avec le connaissement électronique. En effet, elle est apparue lorsque l’on a constaté que des transports pouvaient être trop rapides et donc inadaptés au connaissement. En effet, le connaissement est quand même un mécanisme lourd et long à mettre en œuvre.

Le transport peut être plus rapide en raison d’un parcours plus court ou parce qu’il est effectué avec un navire plus rapide. Par exemple, la lettre de transport maritime est très utilisée pour les transports transmanche. Dans ce cas, le chargeur va expédier la marchandise au destinataire désigné et portera sur la lettre de voiture maritime (LVM) la mention « reçu pour embarquement » et non pas la mention « embarqué ». La différence de terme explique la différence de responsabilité: embarqué signifie qu’il y a eu vérification alors que reçu pour embarquement signifie qu’il n’y a pas eu vérification. Le transporteur n’exerçant aucun contrôle de la marchandise, le temps mis pour les formalités diminue et devient raisonnable par rapport au transport.

Section 2: Les lettres de voiture en matière terrestre

Code de commerce Article L132-8 le contrat de transport est matérialisé par la lettre de voiture qui forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier, le destinataire et éventuellement le commissionnaire. Il y a de fait, autant de lettres de voiture que de type de transport terrestre.

1) Le document valant lettre de voiture

Code de commerce Article L132-8 préconise l’établissement d’une lettre de voiture matérialisant le contrat de transport et Code de commerce Article L132-9 en précise le contenu.

L’établissement de la lettre de voiture a été rendu obligatoire en 1999 à peine d’être sanctionné par une contravention de 5ème classe.

La lettre de voiture et ses équivalents doivent être présentés sur route à toute réquisition des agents de l’Etat chargé du contrôle des transports (l’expression est très large: police, douane, ministère des transport etc.).

En outre, ces documents doivent être conservés par l’entreprise de transport pendant un délai de 2 ans car ils peuvent être demandés sur réquisitions des mêmes agents. Ces éléments conservés par l’entreprise doivent permettre aux agents de l’Etat d’accéder aux informations relatives au donneur d’ordre et au prix facturé par l’entreprise de transport.

2) Le contenu de la lettre de voiture

La lettre de voiture doit être rédigée en autant d’originaux que de parties et un exemplaire supplémentaire doit se trouver à bord du véhicule. Lorsque le contrat prévoit plusieurs opérations de chargement et de déchargement, il est possible de rédiger une seule lettre de voiture à condition de décliner toutes les phases.

S’il s’agit d’un transport groupé, le transporteur peut aussi faire une seule lettre de voiture mais en pratique, il fait autant de lettres de voiture que d’envois pour éviter les difficultés en cas de contrôle. Néanmoins, le transporteur qui a fait une seule lettre de voiture disposera de 3 jours pour donner aux agents contrôleurs les détails de l’envoi.

En pratique, la forme est libre, les textes admettent même son émission par des moyens informatiques à l’intérieur du véhicule.

Il faut au minimum les renseignements suivants: la date, le nom, l’adresse et le numéro SIREN ou numéro d’identification intracommunautaire du transporteur, les coordonnées complètes de l’expéditeur, la date et l’adresse complète du lieu de chargement, le nom du destinataire et l’adresse complète du lieu de déchargement.

La lettre de voiture est établie par le transporteur avant le transport et elle va être complétée tout au long du transport, en effet, toutes ces précisions vont permettre la facturation au client, il faudra donc indiquer avec précision les délais, l’heure de départ et celle d’arrivée.

La lettre de voiture va être signée par tous les intervenants au transport de l’expéditeur au destinataire compris mais il est toujours possible de refuser de la signer à condition de motiver le refus.

3) La lettre de voiture de déménagement

Il existe une lettre de voiture spécifique en matière de déménagement (NB: les déménageurs font généralement signer une lettre de voiture classique et non une lettre de voiture de déménagement afin d’éviter ce régime spéciale).

La lettre comporte obligatoirement: les coordonnées de l’entreprise déménagement, le nom et l’adresse du client, le mode d’exécution du transport, le volume du mobilier, les lieux de chargement et livraison la date limite des opérations et le numéro d’inscription de l’entreprise de déménagement au registre des transporteurs et loueurs.

Cette lettre de voiture est établie en 4 exemplaires:

– le premier constitue la souche et est conservé par l’entreprise,

– le deuxième est le double de la souche qui est remis au client avant le déménagement,

– le troisième exemplaire va accompagner le mobilier en cours de transport, c’est le bulletin de livraison: c’est sur ce bulletin que le client émettra des réserves ou signera une décharge, ce bulletin est conservé par l’entreprise.

– le quatrième exemplaire est le double du bulletin de livraison, il est remis au client.

Pour la jurisprudence, le contrat de déménagement est soit un contrat de service soit un contrat de transport, tout dépend des opérations convenues entre les parties. C’est la raison pour laquelle il faut faire très attention lors de la conclusion du contrat car de la qualification dépendra la procédure applicable et les textes applicables: soit le droit commercial général soit le droit des transport or le particulier a intérêt à l’application du droit commercial général.

4) Le contrat de transport ferroviaire

Il s’agit du récépissé de chemin de fer. Le récépissé est le duplicata de la déclaration d’expédition qui et établie et signée par l’expéditeur sur un formulaire spécial fourni par la SNCF. La SNCF est un transporteur comme les autres et ses opérations de transport sont régies par Code de commerce Article L133-1 et suiv. Il s’agit d’un transporteur comme les autres donc la SNCF a le même régime d’obligations et de responsabilité qu’un transporteur terrestre. Ainsi, celui qui traite avec la SNCF n’est pas réputé avoir signé un contrat d’adhésion, il a toujours la possibilité de négocier librement les conditions du transport. Les tribunaux vérifient que les demandes formulées correspondent aux possibilités offertes par la SNCF. L’exemplaire de la SNCF voyage avec la marchandise, le récépissé est remis au client.