LE CONSULAT ET L’EMPIRE
Le Consulat correspond à une phase essentielle de l’histoire de France, qui s’étend du coup d’État de Brumaire an VIII (9 novembre 1799), mettant fin au régime du Directoire, à la proclamation du Premier Empire en mai 1804. Durant cette période, Napoléon Bonaparte, en tant que Premier Consul, instaure un pouvoir personnel et autoritaire, marquant une rupture avec les principes républicains stricts issus de la Révolution française.
Une autorité monarchique renouvelée
Dès l’an VIII, une autorité centralisée et quasi monarchique s’affirme, bien que profondément différente de l’ancienne monarchie de droit divin. Si l’on se réfère à l’étymologie du mot « monarchie » (le pouvoir d’un seul), ce régime en reprend certains aspects tout en s’inscrivant dans une continuité révolutionnaire. Les consuls, représentants du pouvoir exécutif, revendiquent une légitimité basée sur les acquis de la Révolution. Il s’agit alors d’établir un régime stable, capable de traverser le temps, tout en consolidant les bases d’une nouvelle légitimité politique.
Un exemple significatif de cette ambition se trouve dans la proclamation du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799), où les consuls déclarent : « La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie. » Cette déclaration illustre l’idée que les grands bouleversements révolutionnaires sont désormais conclus, notamment l’affirmation de la souveraineté populaire. L’objectif devient alors de construire un régime pérenne, marqué par une stabilité institutionnelle et une organisation ferme, rompant avec les troubles des années précédentes.
Un régime mêlant autorité et légitimité populaire
Le Consulat repose sur une alliance stratégique entre autorité exécutive forte et une recherche de légitimité populaire. Cet équilibre est souvent consolidé par le recours au plébiscite, une méthode qui, bien qu’imparfaite dans sa mise en œuvre, permet à Bonaparte de justifier son pouvoir par l’adhésion du peuple. Cette volonté de conjuguer autoritarisme et approbation populaire illustre la persistance de la rupture avec l’Ancien Régime : le chef tire sa légitimité non plus de la volonté divine, mais de la confiance populaire.
Ainsi, même si Napoléon revendique son autorité suprême, il la présente comme une mission confiée par le peuple, et non comme un droit hérité ou octroyé par Dieu. Cette posture incarne une continuité avec les idéaux de 1789 tout en consolidant un pouvoir personnel inédit.
Le pouvoir personnel de Napoléon Bonaparte
Dans les faits, le Consulat est marqué par la montée progressive d’un pouvoir personnel. Cette concentration du pouvoir est facilitée par plusieurs facteurs :
Les textes fondateurs du Consulat
Trois textes constitutionnels jalonnent cette période et traduisent l’évolution vers un pouvoir centralisé et personnel :
Ces textes, bien que formellement distincts, sont imbriqués et constituent un cadre cohérent qui soutient la consolidation du pouvoir napoléonien. Ensemble, ils forment les bases constitutionnelles de l’Empire, en jetant les fondations d’un régime où l’autorité personnelle de Napoléon s’articule avec une légitimité politique prétendument populaire.
En somme, le Consulat représente une période charnière de l’histoire de France, où l’héritage de la Révolution se combine avec une restauration de l’autorité exécutive, dans une forme renouvelée et modernisée.
Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :
Le Consulat et l’Empire Le Directoire (1795 – 1799) La convention de 1793 et son échec constitutionnel De la Révolution à l’échec de la Constitution de 1791 De la Restauration à la Monarchie parlementaire (1814) Le Second Empire Le régime de la Troisième République Le régime politique de la IVème république et son héritage
La Constitution de l’an VIII, adoptée en décembre 1799, marque une rupture avec les idéaux révolutionnaires et instaure un régime consulaire dominé par Napoléon Bonaparte. Bien que revêtue d’une apparence démocratique, cette Constitution concentre l’essentiel du pouvoir entre les mains du Premier Consul.
La Constitution de l’an VIII est élaborée en un temps record, en seulement un mois. Contrairement aux constitutions précédentes, elle n’a pas vocation à être un texte universel ou intemporel. Elle répond à une logique utilitariste, comme le résume Bonaparte :
« Une Constitution doit être courte et obscure. »
Le projet initial de Sieyès, qui proposait des mécanismes équilibrés et complexes, est considérablement simplifié par Bonaparte. Les éléments contraignants ou trop libéraux, comme une Déclaration des droits, sont supprimés.
Un suffrage universel théorique
La Constitution proclame le suffrage universel, mais il est rapidement vidé de son contenu par un système pyramidal conçu par Sieyès. Ce système repose sur les listes de confiance, qui réduisent progressivement le nombre d’électeurs impliqués dans le processus politique :
Au sommet de cette pyramide, seuls 6000 individus peuvent véritablement participer à l’exercice du pouvoir, rendant le suffrage universel largement symbolique.
Un corps électoral inamovible
Les personnes inscrites sur les listes de confiance sont en pratique inamovibles, sauf décision contraire. Ce système est aboli dès 1801, mais il montre dès le départ la volonté d’encadrer strictement toute participation démocratique.
Trois assemblées faibles et divisées
La Constitution met en place trois assemblées, dont les rôles sont soigneusement limités :
Ces assemblées sont désignées par le Sénat à partir de la liste nationale, mais le Premier Consul influence largement ces nominations. Les assemblées sont soumises au pouvoir exécutif, notamment car :
Le Sénat, conçu par Sieyès comme un organe protecteur de la Constitution, devient rapidement un outil au service du Premier Consul. Bien qu’il ait théoriquement le pouvoir d’annuler les actes anticonstitutionnels, ce rôle est rarement exercé, car :
Un pouvoir exécutif centralisé
La Constitution désigne trois consuls nommément : Napoléon Bonaparte, Cambacérès, et Lebrun. Théoriquement, les consuls forment un organe collégial, mais en pratique :
Les deux autres consuls ont un rôle consultatif, mais aucune autorité réelle.
Un gouvernement puissant et centralisé
Le gouvernement, composé de 7 à 10 ministres, est entièrement subordonné au Premier Consul. Il dispose de :
Pour appuyer ce système, Bonaparte crée un Conseil d’État, composé de juristes chargés de rédiger les projets de loi et les règlements. Ce Conseil devient un rouage essentiel du régime consulaire.
Le plébiscite : un simulacre de légitimité
La Constitution de l’an VIII est soumise à un plébiscite en décembre 1799 (frimaire an VIII). Les résultats annoncés par le ministre de l’Intérieur, Lucien Bonaparte, sont écrasants :
Une adoption précipitée
La Constitution est appliquée dès le 3 nivôse an VIII (24 décembre 1799), avant même la fin du dépouillement du plébiscite, montrant le caractère formel de la consultation populaire.
La Constitution de l’an VIII met en place un système qui, sous des apparences démocratiques, est en réalité autoritaire et centralisé :
Conclusion : La Constitution de l’an VIII pose les bases du régime consulaire, dominé par Napoléon Bonaparte. Sous une façade républicaine, elle consacre une concentration des pouvoirs et prépare la transition vers un régime impérial. Si elle marque la fin de la Révolution française en instaurant une certaine stabilité, elle met également en place les outils d’un régime autoritaire, où les institutions démocratiques ne sont qu’un décor.
La Constitution de l’an X, adoptée en 1802, marque une étape clé dans la centralisation du pouvoir autour de Napoléon Bonaparte. Sous couvert d’un cadre institutionnel, elle établit un régime où les contre-pouvoirs sont neutralisés et les institutions entièrement subordonnées au Premier Consul.
Un système verrouillé
Les assemblées instituées sous le régime consulaire sont composées uniquement de personnes loyales au Premier Consul. Dès l’an IX, le Conseil d’État crée le mécanisme du sénatus-consulte, une procédure permettant de contourner les voies classiques de modification constitutionnelle. Ce mécanisme, qui donne au Sénat un rôle de « conservateur de la Constitution », devient un instrument clé pour valider les changements voulus par Napoléon.
Un sophisme juridique :
Surveillance des assemblées
En l’an X, un sénatus-consulte est utilisé pour remplacer les membres des assemblées législatives jugés tièdes ou insuffisamment favorables au régime. Le Sénat désigne ceux qui peuvent rester et élimine les autres, assurant ainsi une docilité totale. Toute forme d’opposition est donc étouffée, même indirectement.
Un contexte favorable
Napoléon bénéficie d’une popularité réelle, renforcée par :
Profitant de cette situation, il obtient du Tribunat une « récompense nationale » sous la forme d’une prolongation de son consulat de 10 ans. Cela porte son mandat initial de 10 ans (Constitution de l’an VIII) à un total de 20 ans, jusqu’en 1820.
Le consulat à vie
Le 20 floréal an X (10 mai 1802), un arrêté des conseils proclame Napoléon Premier Consul à vie. Cette modification importante de la Constitution de l’an VIII est soumise à un plébiscite, qui donne un résultat écrasant :
Réorganisation du système électoral
La Constitution de l’an X remplace le système des listes de confiance par des collèges électoraux structurés selon un modèle pyramidal. Cependant, un cens est rétabli pour limiter la participation électorale :
Cette mesure marque une rupture avec les principes populaires initiaux du régime consulaire, en favorisant les élites économiques.
Renforcement des pouvoirs du Premier Consul
La Constitution de l’an X accorde à Napoléon des pouvoirs encore plus étendus :
Bien que la Constitution de l’an X semble, en apparence, renforcer le rôle du Sénat, ce dernier est totalement subordonné à Napoléon :
En réalité, la Constitution de l’an X consacre un régime où toutes les institutions sont sous le contrôle du Premier Consul.
La Constitution de l’an X élimine progressivement les derniers aspects républicains du régime consulaire. Bien que Napoléon maintienne une façade institutionnelle et un semblant de légitimité démocratique via des plébiscites, le pouvoir est entièrement centralisé entre ses mains.
Ce processus atteint son apogée avec la Constitution de l’an XII (1804), qui instaure l’Empire et abolit la fiction républicaine.
Conclusion : La Constitution de l’an X représente une étape clé dans la transition de la République consulaire vers un régime autoritaire et personnel centré sur Napoléon Bonaparte. Sous une apparente légalité institutionnelle, elle met en place un système verrouillé, où les institutions deviennent des instruments de pouvoir, et où toute opposition est éliminée.
Cette Constitution consolide l’autorité de Napoléon et prépare le terrain pour sa transformation en empereur sous la Constitution de l’an XII.
La Constitution de l’an XII marque une étape décisive dans l’évolution du régime napoléonien, avec la proclamation de l’Empire et l’instauration de l’hérédité du pouvoir. Elle constitue la dernière transformation institutionnelle majeure sous Napoléon Bonaparte avant son effondrement en 1814.
Assurer la succession : le besoin d’hérédité
Napoléon, après avoir concentré tous les pouvoirs en tant que Premier Consul à vie (Constitution de l’an X), cherche désormais à pérenniser son autorité. Le complot de Cadoudal (Le complot de Cadoudal fut le dernier complot royaliste d’importance contre la vie de Napoléon Bonaparte) révèle les risques d’un attentat ou d’une disparition soudaine. Face à cette instabilité potentielle, Napoléon vise à instaurer une succession dynastique.
Proclamation de l’Empire
Le Tribunat, le 14 floréal an XII (4 mai 1804), exprime le vœu de confier le gouvernement de la République à Napoléon Bonaparte en tant qu’Empereur héréditaire. Cette transformation du régime est entérinée par un sénatus-consulte le 28 floréal an XII (18 mai 1804).
Le sacre de Napoléon
Le 2 décembre 1804, Napoléon est sacré empereur par le pape à Notre-Dame de Paris. Ce sacre confère une dimension quasi divine à sa légitimité, combinant la confiance populaire avec une prétendue approbation de Dieu.
Un Sénat domestiqué
Le Sénat, déjà soumis au contrôle de Napoléon depuis l’an X, devient encore plus instrumentalisé.
Affaiblissement du Tribunat
Le Tribunat, perçu comme trop populaire et trop critique, est progressivement réduit en influence.
Les collèges électoraux renforcés
Le système des collèges électoraux est consolidé pour renforcer le contrôle sur les processus électoraux. Ces structures pyramidales permettent à l’Empire de maintenir une façade démocratique, tout en plaçant les leviers du pouvoir entre les mains des élites les plus fortunées et loyales au régime.
Disparition progressive de la République
La chute de Napoléon
La puissance de Napoléon repose sur ses succès militaires, mais la campagne de Russie (1812) et les défaites qui suivent entraînent un effondrement progressif de son régime. En 1814, après la désastreuse campagne de France, Paris capitule le 30 mars.
Le Sénat, fidèle à Napoléon pendant son règne, tente de se distancer de l’Empereur pour sauver sa légitimité. Le 2 avril 1814, il vote la déchéance de Napoléon et de sa famille, scellant ainsi la fin de l’Empire.
Retour à la monarchie
Conclusion : La Constitution de l’an XII consacre la transformation de la République consulaire en Empire napoléonien, garantissant la centralisation totale des pouvoirs autour de Napoléon Bonaparte. Si cette Constitution renforce le prestige et la stabilité du régime dans un premier temps, elle illustre également le glissement vers une dictature impériale, éloignée des idéaux révolutionnaires.
L’Empire, malgré son apparente solidité, s’effondre avec les revers militaires de 1814. Le retour à la monarchie, facilité par le Sénat et les puissances étrangères, souligne la fragilité d’un régime basé sur une seule personne et sur la domination militaire.
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