Le contentieux de l’excès de pouvoir

Le contentieux de l’excès de pouvoir

Le juge de l’excès de pouvoir est censé ne statuer que sur la légalité objective des actes au jour de la prise de décision. Cependant, du fait de sa nature, le contrat administratif n’est pas seulement un acte relatif car il peut avoir des effets sur les tiers et donc ces derniers peuvent former des recours devant le juge administratif.

Résultat de recherche d'images pour "référé contractuel précontractuel"

P1- Les hypothèses d’intervention du juge de l’excès de pouvoir

A- Avant la signature du contrat

Un acte détachable peut être soumis au juge de l’excès de pouvoir afin d’obtenir son annulation et éventuellement une suspension en référé (rarement accordé). Le délai est de 2 mois suivant la publicité de l’acte en question. L’enjeu est que le délai ne commence pas à courir si les mesures de publicité ne sont pas effectuées. Les moyens invoqués dans ce cadre peuvent être des vices propres à l’acte ou aussi des vices d’illégalité du contrat.

B- Après la signature du contrat

Les tiers au contrat peuvent saisir le juge de l’excès de pouvoir d’abord d’un acte détachable relatif à la passation du contrat, y compris la décision de signer le contrat. Il y a aussi les clauses réglementaires du contrat : Conseil d’Etat. Cayzeele. 10 juillet 1996 ; les contrats d’agents publics : Conseil d’Etat. Section. Ville de Lisieux. 30 octobre 1998 et les actes détachables de l’exécution du contrat.

P2- Les conséquences de l’annulation d’un acte détachable

Le principe a longtemps été le possible caractère platonique de l’effet de l’annulation de l’acte détachable sur le contrat. Désormais, le juge de l’exécution peut être assez suffisamment saisi sur les conséquences sur le contrat.

A- Le caractère essentiellement platonique de l’annulation de l’acte détachable

L’annulation d’un acte détachable du contrat n’entraine pas automatiquement l’annulation du contrat lui même mais elle n’est plus platonique pour autant. A la fin du XIXe siècle, la doctrine considérait que les actes détachables et le contrat formaient un ensemble indivisible pouvant faire l’objet d’un REP. Rapidement, le juge a voulu une séparation entre le REP et le recors en plein contentieux. De ce point de vue, depuis la jurisprudence Martin, il est jugé par le Conseil d’Etat que le contrat demeure la loi des parties et son exécution dans l’intérêt du service peut en principe est poursuivie malgré l’annulation d’un acte détachable. La seule conséquence éventuelle tenait à la saisine par l’une des deux parties au contrat du juge du contrat afin d’obtenir la résiliation du contrat ou éventuellement une indemnisation. L’autre hypothèse la plus fréquente était la saisine du juge de contrats pour un conflit classique.

Le juge du contrat a donc considéré qu’il lui revenait d’apprécier lui même les conséquences à titrer de l’annulation d’un acte détachable : Conseil d’Etat. 1er octobre 1993. Société le yacht club international de Bormes les mimosas où le Conseil d’Etat a regardé le contrat étant nul, le moyen tiré de l’annulation étant d’ordre public. Il appartient au juge des contrats saisi par l’un des contractant d’une demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’administration du fait de l’inexécution des stipulations conclues en vertu de l’acte détachable, de constater que le dit contrat était nul et n’avait donc pu faire naitre aucune obligation contractuelle.

L’autorité de chose jugée du juge pour excès de pouvoir est donc limité car le juge des contrats annulera que sous conditions. Par la suite, le droit positif a réduit les frontières entre les deux recors en matière contractuelle. Cela a été grâce à l’intervention d’un juge intermédiaire doté de pouvoirs spécifiques

B- La saisine du juge de l’exécution

Plusieurs juges peuvent intervenir avec malgré tout le principe d’indépendance des contentieux qui demeurent : le juge de l’excès de pouvoir qui n’est pas juge de l’exécution qui peut être saisi par un tiers au contrats et enjoindre aux contractants de saisir le juge des contrats. Sur le plan procédural, on peut avoir un juge unique.

1- L’apport du pouvoir d’injonction

Le pouvoir d’injonction créé en 1995 a été précédé par la possibilité pour le Conseil d’Etat d’exercer un pouvoir d’astreinte. Les pouvoirs d’injonction sont aux articles L. 911-1 à L. 911-4 du CJA. Cela a permis a juge de l’excès de pouvoir du fait de ce pouvoir d’injonction de prescrire des mesures permettant de tirer les conséquences nécessaires de l’annulation d’un acte détachable qu’il venait de prononcer. On a un exemple avec la jurisprudence Lopez.

Dans un avis du 3 décembre 1997 du Conseil d’Etat, le juge a rappelé d’abord le principe de l’effet platonique de l’annulation de l’acte détachable. Mais, dans cet avis, il précise qu’il appartient au juge d’apprécier si eu égard aux motifs de l’annulation de l’acte détachable, l’exécution du contrat peut être poursuivie jusque son terme ou si au contraire le contrat doit être résilié. Lorsque les motifs de l’annulation de l’acte détachable n’impliquent pas nécessairement que le juge du contrat soit saisi ou qu’il soit procédé à la résiliation du contrat, le Conseil d’Etat envisage la possibilité d’une renégociation pour l’avenir du contrat entre les parties avec la reprise d’un nouvel acte détachable. Dans l’avis, l’irrégularité ne tenait pas au contrat lui-même mais à un vice propre à la délibération attaquée. Donc, le Conseil d’Etat en conclut que la décision d’annulation de l’acte détachable doit être interprétée comme n’impliquant pas nécessairement que la commune saisisse le juge du contrat en vue d’en demander rétroactivement la nullité ou qu’elle procède elle même à cette résiliation.

Le tiers au contrat est irrecevable à demander au juge de l’excès de pouvoir l’annulation d’un refus de l’administration de saisir le juge du contrat d’une action en nullité. Il s’agit là d’un acte non détachable du contrat selon le juge : Conseil d’Etat. 17 décembre 2008. Appel Association pour la protection de l’environnement de Lunellois.

2- L’évaluation du lien entre l’acte détachable et le contrat

Tout cela dépend du lien de nullité, du lien avec l’acte détachable et des considérations d’actes détachables. Si l’acte détachable a été annulé en raison de l’illégalité des stipulations du contrat, le contrat sera annulé. Si cela est du à l’acte détachable lui-même, il n’y a pas de conséquence directe sur le contrat et alors la solution devra dépendre du degré de relation entre l’acte détachable et le contrat et envisager une alternative : si l’acte est celui de passation du contrat, la relation avec le contrat est si direct que la nullité devra le plus souvent être constatée. Dans le cas contraire donc en cas de lien indirect, l’annulation de l’acte détachable pourra fort bien demeurer sans incidence sur la validité du contrat lui même.

En 2003, le Conseil d’Etat a systématisé sa jurisprudence en réaffirmant que l’annulation d’un acte détachable n’entraine pas l’annulation systématique du contrat mais il appartient au juge de l’exécution saisi d’une demande d’un tiers d’enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent donc le juge du contrat afin d’en constater la nullité. Le juge de l’exécution doit prendre en compte la nature de l’acte détachable annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général : Conseil d’Etat. 10 décembre 2003. Institut de recherche pour le développement.

Conseil d’Etat. 21 février 2011. Ophrys et Société Véolia propreté : il appartient au juge de l’exécution après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise de faire alternativement 3 choses :

  • décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible éventuellement sous réserves de mesures de régulation prise par le juge ou les parties
  • après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat le cas échéant avec un effet différé
  • eu égard à une inégalité d’une particulière gravité, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou à défaut d’entente entre les parties sur cette résolution à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités si le juge du contrat estime que la résolution du contrat peut être une solution appropriée

En vertu de cette jurisprudence, il apparaît que la conséquence d’une injonction prononcée par le juge de l’exécution ne guide plus la nullité du contrat. Par ailleurs, dans la détermination des mesures rendues nécessaires par l’annulation d’actes détachables, le juge de l’exécution n’est pas tenu par les demandes du requérant. Dans cette jurisprudence, l’acte détachable étant annulé pour incompétence, le Conseil d’Etat dit que la gravité d’un tel vice justifie qu’il soit enjoint à la personne publique d’obtenir de son cocontractant la résolution du contrat ou à défaut d’entente de saisir le juge du contrat pour qu’il en règle les modalités. Autre exemple, lorsque l’acte détachable est annulé pour défaut d’information des candidats à un contrat sur les critères de sélection des offres, l’illégalité ne justifie pas une résolution du contrat selon le juge administratif. En revanche, cela justifie d’enjoindre aux parties de résilier le contrat avec effet différé pour permettre d’assurer la continuité du service public en cause : Conseil d’Etat. 10 décembre 2012. Société lyonnaise des eaux France.

Eu égard à la logique du juge de l’exécution, le Conseil d’Etat a précisé que celui ci est tenu de respecter l’autorité de chose jugée du juge de l’excès de pouvoir. Ne doit être pris en compte que l’illégalité relevée et condamnée par le juge de l’excès de pouvoir. Il ne peut donc pas ajouter ou prendre en compte un autre motif d’annulation de l’acte détachable : Conseil d’Etat. Société Véolia. 21 février 2011.

3- Les conséquences pour le juge du contrat

Cela suppose que le juge des contrats a été saisi d’une injonction par le juge de l’exécution. Il va devoir évaluer les effets que va avoir sur le contrat l’annulation de l’acte détachable. Il doit prononcer les mesures qui lui sembleraient appropriées. Cela signifie que le juge du contrat ne peut pas être contraint ou lié par l’appréciation du juge de l’exécution. La jurisprudence devient casuistique à ce sujet.