Les critères du contrat administratif

Les critères d’administrativité du contrat passé entre une personne publique et une personne privée

Un contrat est dit administratif si :

si la loi le qualifie comme tel (ex : un contrat de « marchés de travaux publics » est un contrat administratif selon la loi du 28 pluviôse an VIII) ou si un texte déclare le juge administratif compétent pour régler les conflits sur le contrat de l’administration dont il traite.

— Sinon, en l’absence de qualification du contrat par un texte, des critères dégagés par la jurisprudence doivent être présents :

  • un des signataires du contrat est une personne publique ;
  • le contrat vise l’exécution d’un service public ;
  • le contrat contient des clauses exorbitantes du droit commun – c’est-à-dire des clauses qu’on ne trouverait pas dans un contrat privé, et qui confèrent à la personne publique des prérogatives ou des avantages exorbitants, ou imposent à son cocontractant des obligations ou des sujétions exorbitantes.

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A. Les critères tirés de la puissance publique

1. Le contrat administratif à raison de ses clauses

Un contrat est administratif si dans le silence de la loi on y rencontre des clauses dites exorbitantes du droit commun, cela vaut dans le silence de la loi et à une exception : quelles que soient les clauses d’un tel contrat, un SPIC et ses usagers sont toujours de droit privé. Arrêt Dame Bertrand de 1962 : le tribunal conflit confirme l’arrêt établissement Compagnon Rey de 1961.

Une ou plusieurs clauses dites exorbitante de droit commun suffisent à qualifier un contrat d’administratif.

Qu’est-ce qu’une telle clause ?

L’arrêt Stein de 1950 parle de clause « des clauses étrangères par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ».

Ces clauses par lesquelles la personne publique impose à son cocontractant durant l’exécution du contrat, une surveillance spéciale, des contrôles spécifiques. Arrêt de Mestral.

On préférera dire que cette clause est en principe celle qui révèle la présence de la puissance publique dans le contrat.

Sont des clauses exorbitantes du droit commun, les clauses strictement interdites en droit privé : une commune conclut avec un entrepreneur privé pour l’organisation d’une manifestation publique sur une place communale et qui impose à ce cocontractant une redevance spécifique à cause des sujétions particulières de police. C’est une clause que seule une personne publique peut insérer dans un contrat public du fait de son pouvoir de police. On reconnaît à travers cette clause la spécificité de la personne publique partie au contrat.

Lorsqu’une clause rappelle les prérogatives que détient l’administration dans tous contrats administratif en vertu des règles générales applicables au contrat administratif : possibilité de résilier ou de modifier unilatéralement le contrat.

Souvent les contrats administratifs font référence à un autre document du type cahier des charges et si ce dernier contient une clause exorbitante il s’agit alors bel et bien d’un contrat administratif.

Une clause exorbitante peut être une clause nulle lorsqu’il s’agit d’une clause d’exonérations fiscale car l’impôt n’est pas contractuel. Mais, elle va valoir comme clause exorbitante du droit commun étant nulle le cocontractant ne peut pas s’en prévaloir et elle fait a elle seule partie du droit administratif.

2. Le contrat administratif à raison de son régime

En 1973, le Conseil d’État a pris un arrêt très célèbre mais un peu seul : arrêt Société d’exploitation électrique de la Rivière du Sant.

Le régime des contrats est exorbitant du droit commun et donc le législateur ou l’autorité réglementaire a entendu sortir ces contrats de l’orbe du droit commun.Résultat de recherche d'images pour "critères du contrat administratif"

B. Les critères tirés du service public

Comme on l’a vu plus haut, le contrat passé par une personne publique avec une personne privée est administratif lorsqu’il a un objet direct de service public, soit qu’il confie l’exécution du Service Public au cocontractant de l’administration (arrêt époux Bertin) (1), soit qu’il constitue l’une des modalités de l’exécution même du service public (arrêt Consorts Grimouard) (2). A cela s’est ajoutée une jurisprudence plus récente clarifiant le cas des contrats de louage de service (arrêt Berkani) (3).

1. Le contrat confie l’exécution même du service public

Le type le plus courant et le plus important de ces contrats est celui par lequel l’administration confie la gestion même d’un service public à une entreprise privée qui l’assume à ses risques et périls (contrats de délégation de Service Public [DSP], dont notamment la « concession »). Quelles que soient leurs clauses les contrats de DSP sont nécessairement administratifs.

La difficulté se pose donc dans d’autres formes de relations contractuelles, le cas des contrats de louage de service (recrutement d’agent par contrat) étant réservé. Il ne suffit pas que la prestation du cocontractant de l’administration bénéficie à l’exécution d’une activité de service public (une prestation de fourniture des biens nécessaires au SP…). Il faut que par son objet le contrat fasse participer le cocontractant privé de l’administration à l’exécution de la mission même de service public. Il convient donc toujours de bien identifier en quoi consiste la mission de service public après quoi l’on vérifie que par sa prestation, le cocontractant exerce une partie au moins de cette mission.

Cette double identification ne va pas sans difficultés :

Il existe un service public de l’information communale. Le contrat qui charge une société privée de l’édition, la mise en page ou/et la rédaction en tout ou partie d’un bulletin municipal fait participer directement la société à l’exécution de ce service (voir par ex. : CE 10 juillet 1996, Coisne, tab. 1007) ; mais le contrat par lequel une société est seulement chargée de placer les espaces publicitaires du bulletin auprès d’annonceurs ? Il est administratif : TC 24 juin 1996, Préfet de l’Essonne, 546).

Le contrat par lequel une société est chargée par un hôpital de fournir à location des téléviseurs aux personnes hospitalisées a pour objet l’exécution du Service Public hospitalier et est donc administratif (CE 8 juin 1994, Sté CODIAM, Rec. 294). Mais le contrat qui charge une société de fournir des téléviseurs pour les « usagers » du service pénitentiaire est seulement conclu « pour les besoins du services » (comme les pavés des Granits porphyroïdes) et ne fait donc pas participer directement le cocontractant à l’exécution du Service Public pénitentiaire (TC 23 nov. 1998 Bergas, Rec. 550).

Il faut remarquer cependant que, en termes quantitatifs, une large partie de ces interrogations sont désormais résolues par la loi MURCEF. Lorsque le contrat en cause est un « marché public » (de fournitures, de travaux ou de services) il est désormais administratif par détermination de la loi (voir infra) et la difficulté ne se pose plus. Elle demeure seulement pour les contrats qui ne sont pas qualifiables de marchés publics.

Par ailleurs le service public peut être organisé dans le cadre de la Communauté européenne.

2. Le contrat constitue une modalité d’exécution même du SP

C’est l’hypothèse de l’arrêt Consorts Grimouard. Ici encore il faut correctement identifier la mission de service public.

Dans l’affaire Grimouard il s’agit de la conservation, du développement, de la mise en valeur et de l’exploitation de la forêt française. Par contrat l’État (à travers son service des Eaux et Forêts) passe des contrats avec des propriétaires privés afin d’effectuer sur leurs terrains des opérations de boisement ou de reboisement. Ces contrats sont le moyen même, l’instrument par lequel la mission de Service Public est réalisée. Ils sont donc administratifs. La même chose vaut des contrats passés par une collectivité territoriale, dans le cadre de la réglementation d’aménagement du territoire, en vue de favoriser la « décentralisation industrielle » et par lesquels la collectivité apporte un certain nombre d’aides et de facilités à une entreprise qui s’implante sur un territoire donné. Ce contrat constitue une modalité d’exécution du Service Public de « décentralisation industrielle » (CE 26 juin 1974, Sté Maison des Isolants de France). Les contrats de subvention à l’exportation de certains produits agricole conclus par le Fonds d’Orientation et Régularisation des Marchés Agricoles (FORMA = EP) avec les exploitants constituent un instrument de la mission de Service Public (régulation des marchés agricoles) confiés à l’EP, ils sont une modalité d’exécution même du service et donc des contrats administratifs (TC 24 juin 1968, Sté Distilleries Bretonnes). S’agissant, cette fois, d’un contrat passé entre deux personnes publiques, la solution est la même : Le contrat passé entre deux EP (Cie Nationale du Rhône et EDF) en vue de clarifier leurs missions respectives quant à l’aménagement du Rhône, a pour but de coordonner leurs missions respectives de Service Public et constitue donc une modalité d’exécution du Service Public (TC 16 janvier 1995, Préfet de la Région Île-de-France et Cie Gén. du Rhône c. EDF, Rec. 489).

Remarque : le contrat passé entre un Service Public et son usager constitue certainement une modalité d’exécution du service, à travers lui, le Service Public se réalise. Cependant, la jurisprudence Dame Bertrand examinée plus haut vaut : si le Service Public est un SPIC la relation avec l’usager est de droit privé et le contrat est un contrat de droit privé quelles que soient ses clauses, et même s’il constitue une modalité d’exécution du SPIC (contrat de transport avec l’établissement public SNCF). Quand aux rapports entre les SPA et leurs usagers, ils sont en règle générale non contractuels (l’usager du SPA est dans une situation légale et réglementaire, de droit administratif, par ex. l’étudiant d’un établissement public d’enseignement supérieur). Il est donc exceptionnel de trouver des contrats d’usager qui aient une nature administrative (autrefois, les contrats d’abonnement téléphonique, lorsque, avant 1990, les postes et télécommunications avaient la nature d’un SPA).

3. Les contrats de louage de services

On qualifie ainsi les contrats d’agents. Dans la jurisprudence traditionnelle, les agents affectés à des missions de SPIC étaient toujours de droit privé sauf pour le principal responsable du service et le comptable s’il a la qualité de comptable public. Les contrats des agents affectés à des SPA avaient un caractère administratifs si et seulement si par le contrat l’intéressé était amené à participer directement à la mission de SPA considérée (CE sect. 4 juin 1954, Vingtain et Affortit, Rec. 342). De ce dernier principe, il a résulté une jurisprudence plus que kafkaïenne : l’agent d’une école (SPA) est liée par un contrat privé en tant qu’il est affecté au nettoyage des locaux, à l’allumage et à l’entretien des appareils de chauffage des classes : il ne participe pas directement à la mission de l’école. Mais le même agent se voit confier la surveillance de la garderie lorsque celle-ci est créée et en tant que surveillant de cette garderie, il est lié par un contrat public, d’où la division du contentieux au moment de la rupture de son seul et unique contrat… (TC 25 novembre 1963, Dame veuve Mazerand, Rec. 792). Un agent contractuel est engagé par un hôpital pour enseigner le français aux aides-soignantes et aux femmes de ménage. Enseigner le français aux aides-soignantes, personnel paramédical, c’est participer suffisamment directement à la mission de SPA de l’hôpital public. Le contrat est donc administratif. Mais lorsque l’agent n’a plus dans sa mission que l’enseignement de la langue française au personnel de ménage, il ne participe plus suffisamment directement au SPA et son contrat devient, à partir de ce moment, un contrat de droit privé… (TC 29 juin 1987, Bungener, Rec. 451).

Le Tribunal des conflits a mis un terme à cette complexité non nécessaire par l’arrêt TC 25 mars 1996, Berkani, Rec. 535, concl. P. Martin : Les personnels non statutaires [les personnels statutaires ne sont pas liés par contrat, mais placés dans une situation légale et réglementaire de droit public] travaillant pour le compte d’un SPA sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi. Autrement dit, s’ils sont affectés à un SPA et même si leurs fonctions ne les font pas participer directement à l’exécution de la mission de SPA, cette seule circonstance suffit à qualifier leur contrat de contrat administratif et le contentieux de ces personnels relève donc non pas du Conseil des prud’hommes, mais du tribunal administratif.

C. Les contrats administratifs par détermination de la loi

La nature du contrat détermine la compétence juridictionnelle. La loi peut donc soit qualifier certains types de contrats d´administratifs ce qui implique la compétence du juge administratif, soit attribuer compétence au juge administratif pour la connaissance des litiges relatifs à certains types de contrats, ce qui entraîne que ceux-ci doivent être vus comme des contrats administratifs. Parce que la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction est toujours en cause, seul un texte de valeur législative peut statuer sur ces questions à l´exclusion du simple règlement (TC 2 mars 1970, Sté Duvoir, Rec . 885, concl. Braibant). Les principaux contrats administratifs par détermination de la loi sont les suivants (non exhaustif) :

1. Les contrats relatifs aux travaux publics

Ils sont administratifs conformément à l´art. 4 al. 3 de la loi du 28 pluviôse an VIII toujours en vigueur et qui dispose que les conseils de préfecture (les juridictions administratives de première instance à l´époque, cf. supra) sont compétents pour statuer « sur les difficultés qui pourraient s´élever entre les entrepreneurs de travaux publics et l´administration concernant le sens ou l´exécution des clauses de leurs marchés ». Cette disposition est d´ordre public et tout contrat portant sur l´exécution de travaux publics est administratif, nonobstant l´existence de clauses qui tendraient à le soumettre au droit privé, de telles clauses devant être réputées non écrites (CE 17 oct. 1986, Entreprise industrielle et financière, DA 1986, n° 658).

La notion de travaux publics ayant un caractère « attractif » la disposition a été interprétée largement : elle vaut non seulement pour les « marchés » de travaux publics (l´exécution de travaux publics moyennant un prix versé par la collectivité publique, cf. infra) mais de tout contrat portant sur l´exécution de tels travaux.

On rappelle que sont des « travaux publics », les opérations de construction, entretien ou démolition portant sur des ouvrages immobiliers et qui, soit sont exécutés pour le compte d´une personne publique dans un but d´intérêt général, soit sont exécutés par une personne publique dans le cadre d´une mission de Service Public, même pour le compte d´une personne privée (voir commentaires GAJA sous TC 28 mars 1955, Effimieff).

2. Les contrats comportant occupation du domaine public

Ils sont administratifs en vertu du décret-loi du 17 juin 1938 (art. L 84 du Code du domaine). Le domaine public est l´ensemble des biens, mobiliers ou immobiliers, appartenant à une personne publique et qui sont soit affectés à l´usage du public (les voies publiques, les plages publiques, les livres d´une bibliothèque universitaire), soit spécialement aménagés pour permettre l´exploitation d´un service public (ainsi l´allée des Alyscamps à Arles est « affectée à un service public culturel et touristique et a fait l´objet d´aménagements spéciaux en vue de cet usage : CE ass. 11 mai 1959, Dauphin, Rec. 294). Voir commentaires GAJA sous CE 19 oct. 1956, Sté Le Béton. Par ex. les concessions funéraires, qui sont des contrats comportant occupation du domaine public (un cimetière municipal fait partie du DP de la commune : CE 28 juin 1935, Mougamadousadagnethoullah dit Marécar, Rec. 734) sont donc des contrats administratifs, de même que les concession de places sur les marchés et toute concession d´occupation du DP.

3. Les contrats passés en vertu du Code des marchés publics

Un « marché » est un contrat portant sur une prestation (fournitures, travail ou service) et par lequel le prestataire est rémunéré par un prix payé par le bénéficiaire de la prestation et prévu au contrat (contrat à titre onéreux).

Code des marchés publics, art. 1 : « Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. » Art. 2 : « Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : 1º L’Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ; 2º Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. »

La loi MURCEF du 11 décembre 2001 attribue au juge administratif l´ensemble des litiges portant sur les marchés publics ainsi définis et met un terme à l´existence des « marchés publics de droit privé » (par ex. : TC 5 juil. 1999, Commune de Sauve, RFDA 1999, p. 1163, concl. Schwartz).

4. Les contrats de partenariat public-privé

Ces contrats, d´origine anglo-saxonne, introduits par l´ordonnance du 17 juin 2004 permet à une collectivité publique de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir tout ou partie, construire, maintenir et gérer des ouvrages ou des équipements publics et services concourant aux missions de service public de l’administration, dans un cadre de longue durée et contre un paiement effectué par la personne publique et étalé dans le temps. L´article 1er de l´ordonnance les qualifie de contrats administratifs.