Le contrat d’édition et le contrat de production audiovisuelle

Les dispositions particulières à certains contrats régis par le CPI:

Les articles L 132-1 à 132-34 concernent 5 contrats : dans l’ordre, le contrat d’édition, le contrat de représentation, le contrat de production audiovisuelle, le contrat de commande pour la publicité, le contrat de nantissement du droit d’exploitation de logiciel.

Nous éliminerons ce dernier[20] qui est très peu utilisé. De même le contrat de commande pour la publicité, qui a un objet très spécifique, sera écarté de l’étude, au même titre que le contrat de représentation ; en effet, il concerne peu internet, dans la mesure où sa vocation naturelle est de régir l’organisation des spectacles vivants.

Les deux contrats restant trouvent en revanche à s’appliquer fréquemment sur internet.

  • 1 : Le contrat d’édition :

On n’en étudiera que les principales dispositions.

Si on observe la définition de l’article 132-1 on s’aperçoit que les mots clés sont cession de droit et fabrication d’exemplaires de l’œuvre. L’auteur va créer une œuvre, en céder les droits à un éditeur qui va fabriquer des exemplaires de l’œuvre et les exploiter. Ce qui différencie un contrat de commande d’une œuvre d’un contrat d’édition c’est l’obligation de l’éditeur de fabriquer des exemplaires : on trouve ainsi des éditeurs de logiciels, des éditeurs vidéo ou musicaux…

Le vocabulaire utilisé, par exemple à l’article L 132-6 (« livres de prière, albums bon marché pour enfants »), montre que le législateur avait à l’esprit l’édition de livres. Mais la jurisprudence a toujours généralisé et appliqué les règles du contrat d’édition à d’autres situations que l’édition littéraire. Les dispositions des articles L 132-3 et s ne se limitent donc pas à l’édition d’ouvrages littéraires exploités en ligne, mais visent aussi d’autres types de fabrication, tel que l’exploitation d’un CD Rom (Paris 28 avril 2000, P.A. 10 janvier 2001, p10). Sur internet la qualification d’éditeur est parfois utilisée en jurisprudence (aff Tiscali Paris 7 juin 2006, Expertises 2006, 313, note de Candé) pour contourner le régime protecteur des hébergeurs et mettre à la charge de l’éditeur une obligation de surveillance quant au contenu édité. Au vrai il ne s’agit pas vraiment d’un éditeur au sens de l’art L 132-1 (voir cependant contra l’opinion de M de Candé), faute de l’existence d’une véritable volonté de cession de droits entre le fournisseur de contenu et l’hébergeur prestataire de services complémentaires (aide à la création de blogs par exemple) ; au demeurant on voit mal comment transposer à l’hébergeur le régime juridique de l’éditeur conçu par le CPI, parce que les textes sont mal transposables à internet.

  1. Le droit de préférence (art L 132-4) :

Ce droit de préférence est très utilisé en pratique, y compris dans des contrats qui ne sont pas des contrats d’édition, comme par exemple des contrats de commande de scénario. Son but est de permettre à l’éditeur, qui a pris un risque commercial sur un auteur inconnu, d’obtenir une contrepartie : en insérant la clause de préférence, si la première œuvre a été un succès, l’éditeur pourra bénéficier d’un monopole sur les œuvres à venir de l’auteur, et cela à un prix inférieur à celui du marché.

En lisant l’article on voit qu’il s’agit d’un pacte très encadré, soumis à une interprétation restrictive, ce qui s’explique par le fait qu’il faut protéger l’auteur contre un trop grand enchaînement et qu’il s’agit d’une disposition contraire à la liberté du commerce et de l’industrie.

L’interprétation restrictive du nombre de publications visées par le pacte a trouvé une illustration singulière dans l’affaire des « Inconnus»[21].

  1. Les obligations :

  1. a) Les obligations de l’auteur :

  • Il doit remettre l’œuvre à fabriquer (art 132-9) dans le délai spécifié au contrat

  • Il doit garantir à l’éditeur l’exercice paisible des droits d’auteurs transmis (L 132-8). Il s’agit de la traduction de la garantie d’éviction du droit commun que doit tout cédant de droits d’auteur. Si l’œuvre créée s’avérait être en réalité une contrefaçon, l’auteur en serait comptable envers son contractant. Mais en cas de contrefaçon dirigée contre l’oeuvre éditée il appartient à l’éditeur de défendre les droits que lui a cédé l’auteur, car c’est lui le propriétaire des droits. On observera que la cession est réputée, sauf clause contraire, être faite à titre exclusif.

  • En pratique la plupart des contrats comportent une clause d’exclusivité. Dans ce cas l’auteur ne doit pas faire une concurrence illicite à l’éditeur en violant la clause.

  1. b) Les obligations de l’éditeur :

  • A la différence d’un contrat sui generis qui ne comporterait que la cession du droit de reproduction, l’éditeur, dans le contrat de d’édition, est obligé de fabriquer et d’exploiter (art 132-11) dans un délai conforme aux usages de la profession, cela en respectant (mais était-il nécessaire de le dire ?) le droit moral de l’auteur. Il existe un contentieux abondant : si l’éditeur n’exploite pas suffisamment il commet une faute et s’expose à la résiliation du contrat à ses torts. Dans ce cas l’auteur récupère ses droits d’auteur.

  • Aux termes de l’article 132-12 « l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie…. ». Cette disposition implique qu’en cas d’épuisement des stocks il existe une obligation de rééditer.

  • L’éditeur doit rendre compte au moins une fois par an, afin que l’auteur puisse vérifier le nombre d’exemplaires vendus et que les redevances proportionnelles qui lui sont versées sont exactes. Cette obligation implique que l’éditeur tienne à jour la comptabilité des exemplaires vendus. L’opération s’appelle la reddition des comptes.

  • L’éditeur doit rémunérer l’auteur. On notera que les articles 132-5 et 6 permettent, dans les cas qui y sont spécifiés, d’échapper au droit commun de la rémunération proportionnelle et d’instaurer un forfait.

  • 2 : Le contrat de production audiovisuelle :

Il est régi par les articles 132-23 à 30 CPI, dont on étudiera les principales dispositions. C’est un contrat conclu entre le producteur et l’auteur d’une oeuvre audiovisuelle, c’est-à-dire d’une séquence animée d’images et (ou) de son. L’article L 132-23 définit ce qu’est un producteur audiovisuel. N’étant pas auteur, alors même qu’il a collaboré à la création de l’œuvre, il s’est vu conférer par le législateur une présomption de cession par l’article 132-24, ce qui lui facilite grandement l’exploitation des œuvres dans la mesure où les droits voisins des artistes-interprètes sont aussi concernés.

  1. La cession de droits :

  • L’article L 132-24 est original. A l’exception des droits graphiques et théâtraux, ainsi que des droits sur des compositions musicales, il prévoit une cession, à titre exclusif, des droits de l’auteur au producteur. Ainsi, si le contrat est muet quant à la cession de droits, le producteur pourra bénéficier de cette cession légale.

  • Encore faut-il que le contrat ait prévu une rémunération de l’auteur puisque l’article L 132-25 oblige au paiement d’une redevance proportionnelle sur le prix payé par le public pour chaque mode d’exploitation.

  1. Les obligations du producteur :

  • L’article L 132-27 instaure une obligation d’exploitation conforme aux usages de la profession, ce qui n’est pas sans rappeler l’article 132-12 du contrat d’édition.

  • L’article L 132-24 al 3 concerne la conservation des éléments de l’œuvre.

  • L’article L 132-28 est relatif à la reddition des comptes une fois par an, disposition déjà rencontrée dans le contrat d’édition.

  1. Les obligations de l’auteur :

On retrouve ici également l’obligation de garantir la jouissance paisible des droits cédés (art L 132-26), ce qu’il est convenu la garantie d’éviction. Si donc un auteur cède des droits qu’il n’avait pas il en sera tenu comme responsable, puisque le cessionnaire sera alors un contrefacteur des droits en réalité détenus par un tiers au contrat.