Le contrat de mandat

LE CONTRAT DE MANDAT

L’article 1984 prévoit que «Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom». Cette définition est insatisfaisante en raison des termes « faire quelque chose » car cette notion est proche de celle de la définition du contrat d’entreprise.

Définition doctrinale : Convention par laquelle une personne (le mandant) donne à une autre (le mandataire) le pouvoir d’accomplir des actes juridiques en son nom et pour son compte. Source contractuelle de représentation, d’origine légale ou judiciaire.

Le contrat de mandat est un contrat classique, synallagmatique, en principe consensuel, la spécialité provient du fait qu’elle fait intervenir une troisième personne : le tiers concluant le contrat avec le mandataire. Il conclu avec le mandataire mais est lié au mandant. Il permet de réaliser un dédoublement de la personnalité juridique et permet au mandant d’avoir un certain pouvoir d’ubiquité. Il est très utile, ne serait-ce qu’en matière de mandataires sociaux, représentation de la personne morale, fondant ainsi la quasi-totalité du droit des sociétés.

Ce contrat est dangereux car une personne peut exprimer la volonté juridique d’une autre à sa place, avec les engagements que cela implique. Seuls certains contrats ne peuvent pas faire l’objet d’une procuration : ex le mariage.

Le mandat doit donc être marqué du signe de la confiance.

Initialement un petit contrat, pratiqué avant tout entre amis ou encore en famille, le mandat est devenu un grand contrat d’affaire. Ce qui fait mentir l’article 1986 du Code civil qui prévoit que «Le mandat est gratuit s’il n’y a convention contraire» il s’agit donc d’une présomption de gratuité. Alors qu’actuellement la présomption est inverse, notamment concernant le mandataire professionnel, pour lequel le mandat est onéreux.

Il est aussi soumis à un fort intuitu personae, ce qui explique le régime lors de la révocation. Ce caractère a plus ou moins disparu avec la professionnalisation du mandat. Nombre de lois spéciales dérogent donc à ce critère d’intuitu personae.

Le contrat de courtage par lequel un courtier a pour mission de rapprocher deux personnes en vues qu’elles contractent en direct. Il ne s’agit ainsi que d’une mise en contact, aucun pouvoir de représentation n’existe. La confusion peut venir de la mauvaise rédaction du contrat ou du législateur lui-même, arrêt Hocquet du 2 janvier 1970 : l’agent immobilier est qualifié de mandataire alors qu’en réalité ceci n’est qu’exceptionnel, c’est avant tout un courtier. Laquelle loi prévoit qu’en cas de mandat un écrit est exigé à titre de validité, ce qui prouve bien le caractère exceptionnel du mandat. Ceci intervient dans le but de pouvoir imposer les conditions du mandat, notamment la cession.

Le contrat doit être réalisé au nom et pour le compte du mandant. Le fait que le mandataire représente le mandant permet de distinguer le mandat du contrat de commission (art L132-1 et s. du Code de commerce) car le commissionnaire accomplit des actes juridiques pour le compte du commettant mais en son propre nom. A l’égard des tiers le commissionnaire ne représente pas le commettant. Dans le contrat de commission, le contrat est identique au contrat de mandat entre commissionnaire et commettant mais pas au niveau du tiers.

Le contrat de prête-nom 1321 du Code civil «Les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu’entre les parties contractantes ; elles n’ont point d’effet contre les tiers» le rapport de droit est similaire. La contre lettre est un contrat de mandat, là encore entre le prête-nom et la personne restant dans l’ombre ce contrat est identique a celui d’un mandat, à l’égard des tiers, seul le prête nom est engagé.

L’opération réalisée par le mandataire ne doit bénéficier qu’au mandant, il en assume seul les risques, déroge à cela le mandat d’intérêt commun par lequel le mandataire tire aussi partie de l’opération. Considérant que l’intérêt commun ne disqualifiait pas le contrat.

Sources :

Articles 1984 à 2010 du Code civil, étant précisé que le mandat a connu le même phénomène de professionnalisation et donc d’hyper spécialisation. De nombreuses législations spéciales existes, toutes impératives, hors du Code civil : loi du 2 janvier 1970 relative aux promoteurs immobilier 1831-5 et s. du Code civil, agence de voyage 13 juillet 1992, agent commerciaux loi de 1991 dont contrat réglementé L134-1 et s. du Code de commerce, VRP L751-1 et s. du Code du travail.

Chapitre 1er: La formation du contrat de mandat.

Section 1ère: Les conditions de fond.

Paragraphe 1er: L’objet.

Accomplir l’acte juridique. Peu de spécificité par rapport au droit commun. L’acte doit être déterminé ou déterminable et licite. La seule disposition spéciale relative au mandat 1988 du Code civil le mandat peut être spécial ou général. S’il est général, il ne concerne que les actes d’administration (donc d’administration) l’alinéa 2 stipule que «S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès». L’article 1989 pose le principe de l’interprétation stricte du mandat.

Paragraphe 2ème: Le prix.

Le prix n’a pas à être déterminé ou même déterminable au moment de la conclusion du contrat, sauf loi spéciale. Deux conséquences : possibilité pour le juge de fixer lui même le prix si les parties ne l’ont pas fait et qu’elles ne tombent pas d’accord à la fin de l’exécution et la réfaction judiciaire du prix (pas de controverse) est admise depuis très longtemps 29 janvier 1867. Règle d’ordre public. S’expliquant par la nécessité de protéger le mandant d’un prix qui serait beaucoup trop élevé. C’est lié au fait qu’avant l’exécution d’une mission on ne peut pas nécessairement évaluer la valeur du travail qui sera effectué. Lorsque les parties ont convenu du prix, deux modes de rémunération sont prévues :

soit le prix est fixé selon une méthode libérale, énoncé à l’article 1999 alinéa 2 du Code ou bien il s’agit d’une rémunération forfaitaire,

– la deuxième méthode est dite commerciale, au pourcentage du travail effectué, on parle ici de commission.

Section 2ème: Les conditions de formes.

L’article 1985 du Code civil, pose le principe du consensualisme, le contrat pouvant être tacite. Etant un acte dangereux, la jurisprudence n’admet pas toujours le mandat tacite, elle l’admet en cas de vie commune (entre les époux) ou en cas de communauté d’intérêt (indivision). Exemples de contrats solennels : mandat de faire un acte de disposition 1988 alinéa 2, article 36 (acte d’état civil), article 66 (opposition à mariage). Les mandats spéciaux sont solennels (agents immobiliers,..).

Si le principe est le consensualisme, la question s’est posée de savoir si ce principe devait l’emporter si l’acte en question était solennel (ex : donation, qui doit être notariée). La jurisprudence distingue l’objectif des formes exigées, elle applique le parallélisme des formes lorsque la validité du contrat est exigée ad validitatem. Si la formalité n’a que pour but l’information des tiers alors le principe du consensualisme l’emporte et le contrat pourra, lui aussi, être consensuel.

Concernant les formes probatoires, articles 1985, alinéa 1er: mandat soumis au droit commun de la preuve. Exception par la preuve du mandat par le tiers ayant conclu l’acte avec le mandataire. En principe le tiers peut apporter la preuve du contrat par tout moyen, car pour lui il ne s’agit que d’un fait juridique. Mais ici le tiers ayant contracté avec le mandataire doit apporter la preuve du contrat de mandat par écrit, article 1341, il est donc une partie comme une partie au contrat de mandat. Cette jurisprudence ne fait pas l’unanimité, la Cour de cassation prétend que le tiers est un ayant cause particulier il ne peut donc avoir plus de droit que son auteur, or son auteur doit prouver l’existence de l’acte par écrit. Le fondement pratique d’une telle disposition est qu’on exige du tiers qu’il vérifie la validité des pouvoirs du mandataire, il peut donc exiger qu’on lui présente le contrat de mandat écrit.

Chapitre 2ème: Les effets du contrat de mandat.

Section 1ère : Les obligations nées du mandat.

Paragraphe 1er: Les obligations du mandataire.

A/ A l’égard du tiers.

En principe, il ne devrait pas avoir grand-chose à dire car normalement par l’effet de la représentation le mandataire n’a aucune obligation envers le tiers. Cependant, ce principe connait trois exceptions :

Lorsque dans l’acte conclu par le mandataire existe une clause de ducroire, qui a pour objet la garantie du mandataire apporté au tiers que le mandant exécutera le contrat. Si ce dernier ne le fait pas, le mandataire sera engagé à l’égard des tiers.

Article 1997 du Code civil, lorsque le mandataire outrepasse ses pouvoirs alors que le tiers est au courant, le mandataire se porte fort de la ratification de l’acte par le mandant.

En cas de faute, dépassement des pouvoir dont le tiers ne serait pas informé, ou de manquement de l’obligation de Conseil à l’égard du tiers, même si la faute a été commise sur les instructions du mandant.

B/ A l’égard du mandant.

  1. L’exécution de la mission.

Article 1989 du Code civil, règle de l’interprétation stricte du mandat. D’où la possibilité d’un dépassement de pouvoir par le mandataire. Mais si cette interprétation doit être stricte il n’en demeure pas moins que le mandataire doit effectuer tout ce qui rentre dans le cadre de sa mission bien que cela ne soit pas stipulé : arrêt du 12 juillet 2007.

Société mandataire dans le recouvrement de leurs honoraires. Parce que la société devait recouvrer les honoraire elle devait aussi informer les médecins du retournement de jurisprudence et de sa portée rétroactive.

Pèse-t-il sur le mandataire une obligation de résultats ou de moyens ? Tout dépend de la mission. Si des éléments échappent au mandataire on parle d’obligations de moyens. La jurisprudence s’est fondée sur les articles 1991 et 1992 du Code civil, application combinée et littérale. En cas d’inexécution il y a une obligation de résultats. En cas de mauvaise exécution, on est en présence d’une obligation de moyens.

Le mandat est marqué du sceau de la confiance, le devoir de loyauté à une intensité supérieure aux autres contrats, c’est une véritable obligation de loyauté. Le mandataire doit donc effectuer ces missions pour le compte du mandant, au bénéfice exclusif du mandant. Donc lorsque le mandataire conclu un acte il ne peut devenir partie à l’acte. L’article 1996 du Code civil donne un exemple, relatif aux ventes par adjudication « Le mandataire doit l’intérêt des sommes qu’il a employées à son usage à dater de cet emploi ; et de celles dont il est reliquataire à compter du jour qu’il est mis en demeure ». Dans ce cas on parle de détournement de pouvoir, rendant l’acte inefficace. 9 octobre 2006, arrêt Tapis. Etant précisé que si la loyauté pèse sur le mandataire, le mandant doit aussi exécuter le mandat loyalement, bien qu’elle soit beaucoup plus classique, article 1134 alinéa 3, arrêt du 7 février 2006.

Concernant l’exécution de la mission, hypothèse du sous-mandat. Le caractère intuitu personae qui en principe marque le mandat plaiderait pour que le recours au sous-mandat soit interdit ou du moins limité. Or il n’en est rien, l’article 1994 admet implicitement mais très certainement le sous-mandat, même sans l’accord du mandant. L’alinéa 2 prévoit que « dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substituée ».

Alors que cet alinéa ne prévoit que l’action du mandant contre le sous-mandataire, la jurisprudence à bi latéralisé l’action (pour le paiement) ; 2 décembre 1960. Cette bi latéralisation implique une telle situation dans tous les cas, l’action intervient vient donc même si le mandataire n’en a pas eu connaissance. Comme en matière de sous-traitance, en revanche le mandant est protégé en ce que l’action est imparfaite, le mandant ne pourra jamais être amené à payer deux fois, l’action est donc limité par l’engagement du mandataire principal et l’engagement du mandant, lequel ne pourra payer plus qu’il ne s’est engagé à le faire ; arrêt de revirement du 3 décembre 2002, jusque là la chambre commerciale considérait que cette action directe était parfaite, le mandant pouvait donc être amené à payer 2 fois. Aujourd’hui le mandant peut se désintéresser aux mains du mandataire principal, même s’il avait connaissance du sous-mandat, et les difficultés financière du mandataire principal. Ce fait s’explique par le fait que la Cour de cassation ne souhaite pas tenir des circonstances d’espèces, que l’action directe puisse prospérer ou non ne dépend pas des circonstances d’espèce. Est-ce justifié ? A partir du moment où ce contrat est valable même sans autorisation du mandant, il ne devant rien changer de la situation du mandant.

  1. La reddition de comptes.

Article 1993 du Code civil, le mandataire doit rendre des comptes au mandant, pendant ou à l’issu de la mission. Concernant les comptes, le mandataire doit effectuer un compte de gestion, au sens bancaire du terme, mettant en évidence l’actif et le passif, il n’existe que par son solde.

Le mandataire ne peut réclamer ce que lui doit le mandant qu’à la fin de sa mission. Une exception, les frais et avances, le mandataire peut en réclamer le remboursement en cours de mandat.

Paragraphe 2ème: Les obligations du mandant.

  1. A l’égard du mandataire.

Le mandant doit avant tout payer, régler les frais et avances et indemnisé les pertes si besoin est ; articles 1999 et 2000 du Code civil.

  1. A l’égard du tiers.

Article 1998 du Code civil «Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement».

  1. En cas d’engagements contractés dans le cadre des pouvoirs donnés au mandataire.

Alinéa 1 : C’est le mandant qui est engagé à l’égard du tiers. Sa lettre est trop restrictive car il laisse à penser que seules des conventions sont concernées, or le mandant peut aussi passer des actes unilatéraux.

  1. En cas d’engagements contractés au-delà des pouvoirs donnés au mandataire.
  2. a) Le principe.

Alinéa 2 : Concerne le dépassement de pouvoir du mandataire, concernant a fortiori l’hypothèse ou le mandataire n’avait aucun pouvoir, le mandant n’est alors engagé à rien car le mandataire n’avait aucun pouvoir. La conséquence du non respect des pouvoirs, la jurisprudence balance entre la nullité relative et l’inopposabilité de l’acte au mandant. Quoi qu’il en soit, le tiers contractant ne peut invoquer une telle sanction, seul le mandant le peut, ce qui est incohérent pour 3 raisons :

Incohérent avec le droit de la vente, l’acheteur peut aussi invoquer la nullité.

Dans le cadre des arrêts prévoyant la nullité, il est étrange que le tiers contractant ne puisse invoquer une telle sanction.

Elle est particulièrement favorable au mandataire. Une telle position avantage par trop un mandataire de mauvaise foi au dépend d’un tiers lui de bonne foi.

La jurisprudence n’est ainsi pas fondée.

  1. b) Les exceptions.

α. Prévues par la loi.

Article 1998, alinéa 2 du Code civil : Ratification de l’acte par le mandant qui a un effet rétroactif.

Articles 2005 et 2009 du Code civil : évoquent l’hypothèse ou le tiers de bonne foi avait ignoré que le mandat avait cessé.

β. Instaurée par la jurisprudence : le mandat apparent.

Arrêt du 13 décembre 1962, la croyance du tiers aux prétendus pouvoirs du mandataire doit être légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier l’authenticité desdits pouvoirs. Cette jurisprudence a eu beaucoup d’intérêt en droit des sociétés. Or les tiers ne sont pas censés connaître les statuts des sociétés, ils peuvent donc s’en tenir au pouvoir apparent (usuel). Cette règle a été reprise à l’article 1849 alinéa 3 «Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers».

On s’est alors posé la question de savoir si la jurisprudence ne concernait que le droit des sociétés ou concerné tous les contrats ? Oui elle avait une portée générale. On l’a cru jusqu’à ce que la Cour lui pose une limite le 31 janvier 2008, la Cour de cassation prévoit que le mandat apparent n’est pas applicable au mandat conclu par un agent immobilier. La Cour de cassation a considéré qu’un mandat d’un agent immobilier doit être écrit ad validitatem et doit préciser son objet. La Cour de cassation a donc considéré que la théorie du mandat apparent ne pouvait tenir en échec les règles impératives … cf sol. Admettre un tel mandat serait une limite aux législations spéciales relatives au ce type de contrat. Cette jurisprudence devrait de fait être généralisée à tout mandat exprès. Le mandat apparent est fondé sur la notion de croyance légitime, notion contrôlée par la Cour de cassation, il s’agit donc d’une notion de droit. La jurisprudence est donc casuistique. Cette notion de croyance légitime est celle du tiers. La notion de mandat est beaucoup plus souple et vaste que celle de propriété apparente ou de bail apparent. En matière de propriété apparente qu’en cas d’erreur commune et invincible (l’erreur aurait été commise par quiconque). Pourquoi une telle différence de traitement, en matière de propriété est plus complexe et importante, préoccupation de protéger la propriété privée. Nécessité d’assurer aux agents économiques la possibilité de conclure des actes rapidement.

Section 2nde : L’extinction du mandat.

L’article 2003 du Code civil énonce des causes d’extinction spécifiques. Notamment en cas de décès d’une partie. Les articles 1991, 2008 et 2010 du Code civil ne sont pas d’ordre public.

Autre article, le 2003 du Code civil, relatif à la tutelle de majeurs et aux déconfitures (procédure collective).

La plus grande spécificité : révocation du mandataire et la renonciation de ce dernier au mandat.

Deux hypothèses de résiliation unilatérale, intervenant à tout moment sans besoin d’être motivé, dérogatoire à l’article 1134, alinéa 2. L’article 2007 du Code civil prévoit la résiliation à l’initiative du mandataire (renonciation), cette règle est fondée sur le caractère gratuit du mandat (article 1986 du Code civil), or aujourd’hui il est la plupart du temps rémunéré. De plus malgré cette justification la jurisprudence n’a pas attendu pour étendre cette possibilité aux agents commerciaux (malgré leur rémunération et leur statut spécial).

Paragraphe 1er: Le principe : la révocabilité ad nutum.

Article 2004 du Code civil «Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s’il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l’écrit sous seing privé qui la contient, soit l’original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l’expédition, s’il en a été gardé minute». De fait le mandant n’a pas à motiver sa décision et bien évidemment sans indemnisation. Le mandant doit faire confiance au mandataire, donc si la confiance n’est plus donnée il doit pouvoir être mis fin au mandat. La forme de la révocation est libre, elle peut être tacite, même si le mandant a tout intérêt à le faire expressément car dans le cas inverse, si le tiers n’est pas au courant, le mandant sera responsable vis-à-vis du tiers des actes passés par le mandataire.

Ce droit à la libre révocabilité (droit subjectif) est-il limité par l’abus de droit ? De fait de l’absence de motif, de délai on pourrait parler de droit discrétionnaire, mais la Cour de cassation considère que l’abus peut être caractérisé. La seule circonstance rendant une révocabilité abusive a lieu en cas de révocation vexatoire.

Arrêt fondé sur l’article 6 de la Convention EDH, affaire opposant un délégué syndical à son syndicat, ce représentant révoqué faisait appel à l’article 6, le procès équitable exigeant le droit du procès contradictoire, mais appliquer cet article 6 au mandat remettait en cause la révocation ad nutum, la Cour de cassation l’a cependant rejeté. La chambre sociale 25 octobre 2005, a jugé que l’article 6 de la Convention EDH ne s’appliquait pas à l’espèce car il parle de « procès équitable ».

Paragraphe 2nd: L’exception : la révocabilité encadrée.

Deux exceptions sont admises par la jurisprudence.

A/ Les clauses d’irrévocabilité.

La jurisprudence considère que l’article 2004 du Code civil n’est pas d’ordre public. Sont donc valables des clauses d’irrévocabilité. On peut tout de même douter de cette jurisprudence car la révocabilité ad nutum est de l’essence même du mandat. De fait on aurait pu penser que l’article 2004 du Code civil était impératif. Mais la Cour de cassation a précisé qu’une clause d’irrévocabilité ne rend pas le contrat irrévocable, en revanche elle entraine certaines conséquences :

Si le mandant peut continuer à révoquer le mandat il devra motiver cette révocation, il devra prouver la faute du mandataire.

A défaut, il devra indemniser le mandataire pour révocation sans faute.

Cette portée est illustrée par l’arrêt du 5 février 2002.

B/ Le mandat d’intérêt commun.

Création prétorienne, elle a été reprise plusieurs fois par le législateur (contrat de promotion immobilière, contrat liant les agents commerciaux).

Il s’agit d’un contrat conclu dans l’intérêt commun du mandant et du mandataire. Conséquence : on est dans la même situation que si une clause d’irrévocabilité avait été stipulée (résiliation pour une cause judiciaire, pour une cause légitime ou pour une cause prévue dans le contrat). La révocation demeure donc possible mais est encadrée et donnera droit à des dommages et intérêts pour le mandataire (préavis – d’ordre public – et indemnisation). Il ne peut être privé d’indemnisation que dans certaines hypothèses : faute (dont la preuve revient au mandant), cause légitime (réorganisation d’un réseau de commercialisation), une cause prévue dans le contrat (l’absence d’indemnisation ne peut avoir lieu qu’en cas de stipulation exprès) ou encore en cas de non renouvellement d’un contrat à durée déterminée.

Le régime du mandat d’intérêt est très dérogatoire, il faut donc tenter de cerner cette notion. L’intérêt commun correspond à la situation où le mandataire et le mandant tire profit de l’opération. Le mandataire a donc un intérêt direct à ce que la mission soit bien exécutée. La simple rémunération des frais ne suffit pas. L’hypothèse d’un mandat donné à co-indivisaire (arrêt de 2001) pour gérer les biens indivis, mais le droit de l’indivision est très réglementé par le Code civil. Il y a donc intérêt commun en cas de création d’une clientèle commune. Mais juridiquement le mandataire ne peut pas être titulaire d’une clientèle car agit pour le nom et pour le compte du mandant. Donc le cadre d’un mandat, la clientèle ne peut donc pas être commune. Il est ainsi préférable de dire qu’il sera question de développer en commun la clientèle du mandant (profit économique et non juridique). Le développement de la clientèle n’étant pas la sienne il en perdra la totalité à l’issu du mandat. D’où l’indemnisation à la fin du mandat. Ce contrat est très fréquent en matière de contrat de distribution de presse. Jurisprudence constante depuis 1993 (20 février 2007), la Cour de cassation a précisé que le fait qu’un distributeur ne participe pas aux risques financiers de l’entreprise ce n’est pas un obstacle à la qualification de droit commun.

A l’inverse, la Cour de cassation a refusé d’accepter la qualification de mandat d’intérêt commun pour les contrats de concession exclusive (7 octobre 1997). Contrat rompu par le concédant, le concessionnaire évoquant l’intérêt commun. La Cour de cassation refuse cette qualification car le contrat de concession n’est pas un mandat. L’intérêt est que, même si les situations juridiques entre le concessionnaire et le mandataire sont différentes, leur situation économique est similaire, la notion d’intérêt commun pourrait-elle être étendue au delà du mandat, avec la création d’un contrat de contrat d’intérêt commun ? Or du fait de la différence de situation juridique, le concessionnaire est titulaire de sa clientèle, il n’a donc pas droit à une indemnisation. Or en matière de concession automobile, la clientèle ne lui ait pas attaché personnellement, elle l’est vis-à-vis de la marque. Mais la notion d’intérêt commun est trop globalisante il faudrait préciser et analyser chaque situation au cas par cas pour constater la présence ou non de l’abus. La Cour de cassation refuse donc d’étendre la notion d’intérêt commun au delà du contrat de mandat, or pour les contrats de distribution, la jurisprudence admet parfois que la notion est d’intérêt commun.