Le contrat de transport 

La notion de transport est circonscrite, d’une part, par son objet consistant dans le déplacement d’une chose ou d’une personne et, d’autre part, par les moyens utilisés pour réaliser ce déplacement notamment grâce à un engin mobile. En général, un contrat est signé et désigne les obligations juridiques des parties. Les obligations sont fondamentales puisqu’en matière de transport car ce sont elles qui permettront de retenir la qualification de contrat de transport. 

L’obligation principale est celle de déplacer une chose ou une personne d’un lieu à un autre. Le juge est tenu de vérifier cette obligation (Cour de cassation 15 jan. 1988). 

 Cette définition a été proposée par la doctrine et reprise en jurisprudence mais n’existe pas dans les textes fondateurs du droit des transports. En effet, le Code civil et le Code de commerce créent un statut original au contrat de transport mais n’en donnent aucune définition, ils permettent seulement de distinguer ce contrat des autres contrats de louage d’ouvrage ou d’industrie. 

Le Code de l’aviation civile précise que le transport consiste à acheminer les passagers, les marchandises ou la poste et à titre professionnel, d’un lieu à un autre. Il précise que pour les passagers qu’il n’y a pas de transport en circuit fermé, ainsi, la Cour de cassation depuis 1973 juge que les passagers effectuant leur baptême de l’air ne bénéficient pas d’un contrat de transport puisqu’ils sont embarqués et débarqués au même endroit. 

 L’itinéraire adopté a peu d’importance, toutes les lois spéciales le confirment: le trajet est commandé par le moyen de transport utilisé. Ce qui compte est le point de départ et le point d’arrivée, peu important le chemin emprunté. Ainsi, en matière de transport de personne, deux contrats distincts sont nécessaires pour un voyage organisé: un pour le circuit touristique et un autre pour le transport. 

 La vitesse peut être considérée comme un élément important du déplacement. En effet, le transport peut devoir intervenir dans un délai déterminé notamment par la marchandise elle-même (marchandises périssables). 

 Le transporteur est libre du moyen de transport. 

  

Le déplacement va se concrétiser par un acte positif et par un acte matériel: 

  • – L’acte positif permet de distinguer le transport du dépôt.
  • – L’acte matériel permet de distinguer le transport du mandat et de la commission.

Depuis Cour de cassation 27 oct. 1958, le contrat de transport ne peut pas être confondu avec le contrat de louage de choses car le transporteur ne s’engage pas seulement à mettre un engin de transport en état de marche à la disposition du client puisque le transporteur s’engage à acheminer à destination. 

 Dans sa définition, le contrat de transport n’apparaît pas comme un contrat onéreux. Le Doyen Rodière a ainsi proposé une nouvelle définition selon laquelle le contrat de transport de marchandise est le contrat par lequel un voiturier de profession promet le déplacement d’une marchandise jusqu’à un point défini et moyennant le paiement d’une somme d’argent. Cette définition n’a pas été reprise dans les textes ultérieurs, elle correspond pourtant à la réalité et à la politique des transports. En effet, le transporteur doit être un professionnel et donc rémunéré. 

  

Section 1: Les critères de détermination du contrat de transport 

&1) Le déplacement 

Le déplacement est l’objet de tout contrat de transport. Les différents éléments du déplacement permettent de distinguer le contrat de transport de conventions voisines. 

Ces éléments sont importants et précisent la prestation promise par le transporteur et attendue par le cocontractant. 

Cette détermination suppose la stipulation d’un lieu de départ et d’un lieu de destination. Le lieu le plus important est le lieu de prise en charge, il doit être fixé avec précision car il déclenchera le transport. D’ailleurs, en droit international, à défaut de choix s’appliquera la loi de remise au premier transporteur i.e. le lieu de prise en charge. 

  

Ces actes matériels vont faciliter la distinction du transport et du mandat. En effet, le mandat suppose des actes juridiques et n’admet l’exécution d’actes matériels qu’à titre accessoire. En matière de transport, les actes matériels sont fondamentaux. Il peut y avoir cumul de contrats: ainsi l’expéditeur peut demander au voiturier de transporter la marchandise et lui donner mandat d’obtenir le paiement contre remboursement, l’expéditeur peut aussi demander au transporteur de procéder au dédouanement de la marchandise. 

  

L’organisation du déplacement permet de distinguer le transport de la commission de transport. Dans les deux contrats, le débiteur est libre du parcours à suivre, il organise le transport à sa guise mais le voiturier va intervenir seul alors que le commissionnaire va recourir à d’autres personnes pour réaliser l’acheminement. 

&2) La maîtrise du déplacement 

Le transporteur est entièrement libre techniquement et commercialement, il a l’entière maîtrise du déplacement promis à son client. Il utilise les moyens à sa convenance, seule important l’arrivée à destination dans les délais impartis. 

La responsabilité pesant sur le transporteur née du fait que la garde des marchandises lui soit transmise au regard de Code Civil Article1384. 

Cette maîtrise va permettre de distinguer le contrat de transport du contrat de remorquage et du contrat de location de véhicule avec chauffeur. 

A) Transport et remorquage

Le remorquage est une opération courante intervenant dans de nombreux domaines: remorquages de véhicules en panne, remorquage de trains et wagons d’entreprises, remorquage de péniches dans les ports et écluses, convois exceptionnels, remorquage de planeurs, remorquage de caravane etc.
Si le remorqueur est transporteur, il va bénéficier de certains avantages comme la prestation abrégée (1 an) et le privilège de Code Civil Article2102, il va être tenu d’une obligation de sécurité de résultat pour les dommages causés au véhicule remorqué et aux marchandises contenues dans celui-ci.
 

Si le remorqueur n’a pas la qualité de transporteur, il s’agira d’un contrat de location de traction i.e. un contrat d’entreprise ordinaire de telle sorte qu’il ne sera responsable que de ses fautes prouvées. 

La qualification sera aussi importante en matière d’assurance, la Cour de cassation estimant que le fait d’atteler un véhicule assuré à un autre véhicule modifie l’instrument du risque et constitue un cas de non assurance. La compagnie d’assurance peut couvrir cette hypothèse en prévoyant une clause de remorquage dans le contrat. 

La question du remorquage a intrigué la doctrine, certains auteurs estimant que le remorqueur se contente de fournir le moyen d’assurer une traction, d’autres estiment de du fait de la traction il y a déplacement et donc transport. 

En matière maritime, la loi de 1969 règlemente le remorquage et distingue le remorquage hauturier (i.e. en haute mer) du remorquage portuaire. En haute mer, il s’agit d’un contrat de transport car le navire remorqueur maîtrise le déplacement. En revanche, dans les ports, il ne s’agit pas d’un contrat de transport puisque le remorqueur pousse le navire et de ce fait le capitaine du navire principal converse la maîtrise. La Cour de cassation vérifie toujours si l’engin remorqué a ou non un moyen de propulsion utilisé lors de l’opération. 

De même en matière terrestre et ferroviaire, c’est autonomie de direction ou de propulsion conservée ou non par l’engin remorqué qui détermine la nature du contrat. 

B) Transport et location d’un véhicule avec chauffeurs

Cette location a pour objet le déplacement d’un point à un autre. Les sociétés de transport offrent souvent ce type de prestation (ex: coursiers). 

La LOTI impose la rédaction d’un contrat précisant les obligations des parties, les conditions d’emploi du conducteur et l’exécution des opérations de transport. Un décret de 1986 a institué un contrat-type. La jurisprudence estime que le loueur n’est qu’un fournisseur de moyens i.e. il a satisfait à ses obligations dès la remise du véhicule. Le locataire devient alors voiturier et le conducteur devient son préposé, c’est donc le locataire du véhicule qui est garant des pertes et avaries survenant lors du déplacement. 

La seule solution est de dissocier contractuellement les contrats en passant un contrat de transport et un contrat de location. 

Il arrive qu’une personne rende service et conduise ainsi son véhicule pour déplacer une autre personne ou des marchandises vers un point déterminé (sans contrat écrit ni rémunération), il s’agit d’un transport bénévole qui pose problème en jurisprudence. 

&3) Le caractère professionnel de l’opération 

Tout contrat de transport suppose que le déplacement du passager ou de la marchandise soit effectué par un voiturier professionnel. 

Le Code Civil vise l’entrepreneur de voiture professionnel et le Code de commerce énonce des obligations de la profession de voiturier, ainsi ces textes édictent donc un statut et ce caractère professionnel permet de caractériser le contrat de transport au sein des contrats civils et commerciaux. Malgré tout, il reste toujours des cas de transports non professionnels. 

A) Le caractère civil ou commercial du transport

Le contrat de transport a toujours un caractère commercial pour le voiturier puisque les transporteurs ont la qualité de commerçants en vertu de Code de commerce Article L110-1 al.5. 

En revanche, pour l’expéditeur, le caractère civil ou commercial dépendant des circonstances: le contrat est commercial si la marchandise est déplacée pour l’exercice du commerce de l’expéditeur, dans le cas contraire, il s’agit d’un acte mixte qui sera donc commercial pour le voiturier et civil pour l’expéditeur (ex: déménagement). 

Depuis Cour de cassation 1er fév. 1955, la jurisprudence estime que si le contrat est commercial pour l’expéditeur, il l’est aussi pour le destinataire même si celui-ci n’est pas commerçant (ex: vente à distance). Cette jurisprudence n’est pas remise en cause par la loi Gayssot de 1998 qui transforme le destinataire en partie contractante. 

B) Les transports non professionnels

1) Le transport non professionnel rémunéré 

Un propriétaire de véhicule s’engage exceptionnellement à transporter une marchandise moyennant rémunération. ex: les grandes surfaces livrent de l’électroménager. 

Cette convention ne peut s’analyser comme un contrat de transport stricto sensu car le voiturier n’est pas un professionnel du transport. Les juges du fond sont partagés, certains estiment qu’il s’agit d’un contrat d’entreprise alors que d’autres retiennent la qualification de transport. En réalité, il semble que les juges qualifient le contrat dans l’intérêt des parties i.e. réalisent une appréciation in concreto. La Cour de cassation semble bienveillante car à chaque fois que la question s’est posée, elle n’a pas eu besoin de la trancher car elle a rejeté le pourvoi pour des questions procédurales. Cour de cassation 1968 avait estimé que le fait qu’une personne déplace des marchandises appartenant à un tiers à titre onéreux pouvait conduire à appliquer les règles du transport, par analogie. 

2) Le transport gratuit 

Il s’agit d’un acte de courtoisie ou de complaisance. Il s’agit ainsi d’un simple fait juridique si bien qu’en cas d’incident s’appliqueront les règles de la responsabilité civile. Ainsi, en matière de transport bénévole de personnes (ex: passager) et de marchandises s’appliqueront Code Civil Article1382 et suiv. Il y a transport gratuit lorsqu’il n’y a aucune rémunération, quelle qu’elle soit. Si la marchandise est détériorée, s’appliquera Code Civil Article1384 al.4. Néanmoins, si le Code civil n’apporte aucune solution, dans le cadre d’une promesse d’apporter la chose à destination peut être envisagé un dépôt tacite ou un mandat tacite. Dans ce dernier cas, l’acte se rapprocherait du contrat d’entreprise mais la responsabilité du transporteur bénévole serait alors appréciée beaucoup plus souplement voire avec indulgence du fait de la gratuité du service rendu. En pratique, les deux voies sont tentées: une action en responsabilité sur la base de Code Civil Article1384 et subsidiairement une action sur le fondement de la promesse. 

  

Section 2: Le contenu légal du contrat de transport: loi Gayssot du 6 fév. 1998 

La loi Gayssot du 6 fév. 1998 a été élaborée en raison des grèves régulières des professionnels du transport terrestre de marchandises. En effet, les grèves annuelles des camionneurs paralysaient tout le réseau routier français et les pouvoirs publics, comme toute la hiérarchie des transports étaient convaincus de la bonne motivation des grévistes à tel point que l’Etat n’a jamais cherché à sanctionner les personnels grévistes alors qu’il aurait suffit de les citer tous devant le tribunal administratif pour leur reprocher de mettre en danger la sécurité publique sur le territoire national. A la suite de ces blocages, des discussions ont abouti à des rapports dénonçant les insuffisances de définition du contrat de transport et constant qu’il fallait assainir la profession. En effet, il y avait trop de transporteurs et pas suffisamment de garanties financières de sorte que lorsqu’un transporteur effectuait sa mission il n’était pas forcément payé. 

Ainsi, la loi du 6 fév. 1998 est intervenue pour améliorer les conditions d’exercice de la profession de transporteur routier: 

  • – Article1 la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire, toute clause contraire étant réputée non écrite.
  • – il sera fixé par décret la capacité financière minimale requise pour exercer la profession. Ainsi, le rehaussement du seuil a exclu environ 30.000 personnes de l’exercice de la profession de transporteur routier (chiffre déduit des radiations et recours devant le tribunal administratif).

1) Le destinataire devenu partie au contrat de transport 

Le destinataire est celui a qui est envoyée la marchandise peu importe qu’il soit un professionnel ou non. Depuis la loi Gayssot, le destinataire est partie au contrat de transport du fait de la loi mais il l’était déjà dans les contrats types qui lui imposaient même parfois des tâches notamment lors du déchargement. 

Le destinataire doit signer la lettre de voiture ainsi qu’un document appelé « suivi de l’opération ». 

La loi Gayssot a ainsi éclairci la situation du destinataire vis-à-vis du transporteur et a permis l’assainissement financier de la profession puisque le transporteur dispose maintenant d’une action supplémentaire (contre le destinataire) en cas de non paiement du transport. 

L’ordonnance du 18 septembre 2000 codifiant le Code de commerce n’a pas retouché au texte qui fait l’unanimité. 

2) Le destinataire pleinement associé au contrat de transport 

La Cour de cassation a toujours considéré que le destinataire était associé à l’opération de transport mais ne pouvait en tirer toutes les conséquences. Ainsi, si le nom du destinataire figurait sur les documents, il était considéré comme associé à la bonne exécution du contrat (cour de cassation, 14 mars 1995) mais il ne pouvait être tenu en cas de mauvaise exécution. 

La doctrine estimait que le destinataire devait être considéré comme devenu partie au contrat dès lors qu’il acceptait de prendre livraison de la marchandise. Pour justifier les différentes solutions, les juges avaient tendance à faire appel à la technique de la stipulation pour autrui: en contractant, l’expéditeur demandait au voiturier d’accomplir une prestation au profit du destinataire et du fait de la stipulation pour autrui, ce-dernier bénéficiait d’un droit direct contre le voiturier. Par ce système, le destinataire pouvait exiger du transporteur l’exécution du contrat conclu avec l’expéditeur mais le transporteur ne pouvait pas exiger du destinataire de payer le transport. Ainsi, en intégrant le destinataire parmi les parties au contrat il y a des obligations et responsabilités des deux côtés, il s’agit de l’originalité du contrat de transport: contrat synallagmatique à 3 parties. 

 

Isa Germain

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