Le contrat de transport CMR (transport international de marchandise)

Le contrat de transport CMR 

Il s’agit d’un contrat de transport routier de marchandises régi par la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR). Il s’agit d’une convention européenne à vocation universelle, elle s’applique entre les Etats suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Suisse et Slovaquie. 

La convention de Genève dite C.M.R. (Convention relative au contrat de transport international de Marchandise par Route) règle les conditions de transport et la responsabilité des différentes parties au contrat de transport (Donneur d’ordre, Chargeur, Transporteur, Destinataire). La C.M.R. fut signée le 19 mai 1956 à Genève et mise en œuvre en 1958.

 Lorsque les conditions d’application sont réunies, les parties n’ont pas le droit d’écarter la Convention CMR, il s’agit d’un texte impératif. 

 Lorsque la Convention est inapplicable, le contrat de transport international sera régi par les règles de DIP, on retient donc la loi d’autonomie avec à défaut de choix l’application de la loi du lieu d’exécution du contrat. Dans la plupart des cas, s’appliquera la Convention de Rome du 19 juin 1980 qui désigne à défaut d’autonomie la loi du lieu de chargement ou de déchargement si ce lieu correspond avec le siège de l’entreprise de transport, si ça ne correspond pas ce sera la loi du lieu de chargement. 

 CMR Article1 1. s’applique à tout transport international routier si le lieu de prise en charge et de livraison de la marchandise mentionné dans le contrat sont situés dans des pays différents ET si l’un des 2 pays concernés est un Etat contractant. La CMR ne s’applique donc qu’au contrat de transport international. 

ex: transport de Nice à Paris en passant par l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, il s’agit d’un transport interne ! 

Tout contrat international qui part de France ou qui arrive en France sera un contrat CMR dès lorsque le transport a lieu par route, Cour de cassation 8 jan. 1996 reproche à une CA de ne pas avoir appliqué la CMR pour un transport en partance de France pour une destination située dans un Etat non contractant. 

CMR Article1 ajoute que la nationalité et le domicile des parties sont inopérants. 

ex: tchèque domicilié en Russie contracte avec un Danois pour transporter de Russie vers la France, il s’agit d’un contrat CMR. 

 La CMR s’applique à tout contrat réalisé à titre onéreux au moyen d’automobiles, véhicules articulés, remorques et semi-remorques alors même que le transport serait effectué par des Etats ou organisations gouvernementales. 

 Il faut aussi que le transport se réalise de bout en bout. En effet, la CMR régit en principe le transport pour lequel un contrat de transport unique a été souscrit d’un bout à l’autre et réalisé par un même transporteur. S’il y a un commissionnaire, la CMR est inapplicable. La jurisprudence applique néanmoins la CMR en cas de transporteurs successifs et en cas de transports combinés à la condition que le véhicule soit transporté sans rupture de charge par mer, par voie navigable intérieure, fer ou air, sur une partie du trajet CMR Article2. 

Section 1: La conclusion du contrat CMR 

Pour conclure un contrat CMR, l’expéditeur doit choisir un transporteur public autorisé à effectuer le transport international envisagé, il doit déclarer la valeur de la marchandise, l’assurer et respecter les tarifs. La preuve de la conclusion d’un contrat CMR se fera par tout moyen et notamment par les offres de service et les bons de commande. 

1) Les déclarations 

A) La déclaration de valeur

L’expéditeur qui souhaite augmenter le plafond d’indemnité en cas de dommage matériel doit souscrire une déclaration de valeur moyennant supplément de prix. 

Le taux CMR d’indemnisation est de 8,33 unités de compte par kilo du poids brut manquant. Si la marchandise vaut plus de 8,33 euros par kilo, une déclaration de valeur peut être intéressante. Cette déclaration de valeur doit être mentionnée sur la lettre de voiture (tout le monde doit être au courant) et de manière assez régulière les tribunaux écartent des déclarations de valeur unilatérales (non signées ou non tamponnées par le transporteur). A défaut de mention expresse valable, la déclaration ne sera pas opposable aux tiers sauf si elle est confirmée par ailleurs (témoins, reconnaissance du transporteur). Tout document remis par les douanes et qui serait le seul à viser une valeur ne vaut pas déclaration de valeur. 

B) La déclaration d’intérêt à la livraison

Pour pouvoir être indemnisé de tout type de préjudice consécutif à une perte, avarie ou un retard, il faut avoir souscrit une déclaration d’intérêt spécial à la livraison sinon ne sera remboursé que le préjudice matériel direct. Il y aura un supplément de prix et cette déclaration doit absolument être jointe au contrat de transport, la seule mention avec date impérative de livraison est insuffisante. De même, s’il y a une déclaration mais sans supplément de prix chiffré, elle ne vaut pas déclaration d’intérêt. 

2) L’assurance 

L’expéditeur peut donner au transporteur toutes les instructions nécessaires à l’assurance de la marchandise par une mention spéciale sur la lettre de voiture. En pratique, il est recommandé de conclure une assurance spécifique surtout si le contrat CMR comporte une phase de transport maritime ou ferroviaire. En effet, grâce à cette assurance, le transporteur CMR pourra plus facilement s’exonérer pour tous les faits (les siens ou ceux d’un tiers) qui se produisent au cours de la phase non routière. 

Les transports publics (i.e. autorisés) routiers de marchandises entre Etats de l’UE sont soumis à des tarifs bilatéraux établis par des règlements communautaires. Ces tarifs ne concernent pas tous les pays mais existent entre la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Entre ces pays, le tarif s’applique d’autant que la Cour de cassation en 1977 a estimé que la méconnaissance des tarifs communautaires entraîne un redressement du prix même si le règlement prévoit des dérogations par contrat. 

  

Section 2: L’exécution du contrat CMR 

1) La présentation de la marchandise 

Avant toute prise en charge de la marchandise, le transporteur est tenu de vérifier l’exactitude des mentions figurant sur la lettre de voiture surtout pour ce qui concerne le nombre de colis, les marques et les numéros. S’il ne peut pas procéder à cette vérification, le transporteur peut inscrire des réserves motivées sur la lettre de voiture et ces réserves seront opposables à l’expéditeur si celui-ci les a acceptées i.e. contresignées. A défaut de réserve, la lettre de voiture est présumée correspondre au contenu exact du transport. 

Le transporteur CMR est également tenu de vérifier l’état apparent de la marchandise et de son emballage avant toute prise en charge à moins qu’on ne l’en empêche et auquel cas, il doit encore faire des réserves. Par ailleurs, la CMR prévoit que l’expéditeur exige à ses frais la vérification du contenu en poids et qualité par le transporteur. 

2) Le chargement et l’arrimage 

La CMR est muette sur le point de savoir à qui incombent les opérations de chargement. TGI Nancy 15 jan. 1987 la CMR ne prévoyant rien, estime qu’il faut se référer au DIP pour déterminer la loi applicable permettant de répondre à la question, il estime qu’à défaut de choix dans le contrat, il faut se référer à la loi du lieu de conclusion du contrat de transport car elle correspond au moment de la rédaction de la lettre de voiture. Le transporteur doit contrôler le chargement même si la loi applicable précise que le chargement doit être opéré par l’expéditeur (loi française). 

La CMR ne contient pas de précision sur le délai de chargement et de déchargement. En l’absence de précision, il est possible de se référer aux tarifs communautaires qui prévoient une indemnisation forfaitaire lorsque le transporteur établit que l’immobilisation est due au donneur d’ordre. C’est aussi ce que prévoit le droit français. Il y a donc une application classique du droit des transports en Europe, qu’il y ait des tarifs ou non. 

  

La CMR ne contient pas non plus de règles sur l’arrimage, il faut donc se référer au DIP et appliquer à défaut de précision la loi du lieu de conclusion du contrat: Cour de cassation 10 oct. 1989 estime que le transporteur CMR doit, selon la loi française désignée par la règle de conflit, vérifier l’arrimage effectué par le client dans un souci de sécurité du transport sous peine d’être déclaré coresponsable de dommages survenus en cours de transport alors qu’il n’a émis aucune réserve. 

3) La prise en charge de la marchandise 

A) Avec réserves

Le transporteur qui se trouve dans l’impossibilité de vérifier l’adéquation de la marchandise aux mentions de la lettre de voiture a la possibilité d’émettre des réserves motivées. Ces réserves n’engagent l’expéditeur que dans la mesure où celui-ci les accepte et la Cour de cassation a même estimé que le transporteur CMR peut refuser la prise en charge s’il estime que la marchandise ne supportera pas le voyage. 

B) En l’absence de réserve

L’absence de réserve présume une réception de marchandises en bon état apparent i.e. correctement emballées et conformes aux énonciations de la lettre de voiture. Si est livrée à destination une marchandise de moindre qualité ou quantité, le transporteur n’est tenu de réparer cette perte ou avarie que dans la mesure où il n’établit pas que le dommage préexistait à la prise en charge ou qu’il est imputable à un tiers ou que le vice n’était pas apparent. 

  

4) L’établissement de la lettre de voiture 

A) Les mentions de la lettre de voiture

CMR Article5 en principe, la lettre de voiture doit être établie par l’expéditeur en 3 exemplaires originaux. Un exemplaire est remis à l’expéditeur, un autre au transporteur et le troisième va accompagner la marchandise et sera remis au destinataire. La lettre de voiture doit être signée ou tamponnée par le transporteur et l’expéditeur. Etant donné qu’il est impossible de se soustraire à la CMR, le défaut de lettre de voiture est considéré comme une faute dolosive ou lourde de la part du transporteur. 

En principe, les parties sont libres de formuler la lettre de voiture comme elles l’entendent mais la CMR après avoir posé ce principe, impose des mentions obligatoires: le lieu et la date de l’établissement de la lettre de voiture, coordonnées des parties, lieux et dates de prise en charge et de déchargement, dénomination courante de la marchandise, nombre de colis, marques et numéros, poids brut, frais de transport, formalités douanières et visa de la CMR. 

En cas d’inexactitude ou d’insuffisance, l’expéditeur est responsable de tout frais et dommage pouvant en résulter. 

B) Le dédouanement de la marchandise

L’expéditeur doit joindre à la lettre de voiture tous les documents nécessaires à l’accomplissement des formalités douanières ainsi que tous les renseignements utiles au transporteur. La CMR donne une liste de ces documents et prévoit que l’expéditeur est responsable envers le transporteur de tous les dommages pouvant résulter de l’absence, de l’insuffisance ou de l’irrégularité des documents et renseignements fournis. 

ex: la responsabilité de l’expéditeur a été engagée pour le gel de la marchandise contenue dans un véhicule qui avait été en plein hiver immobilisé au tunnel du Mont Blanc du fait de l’absence d’un document de transit. 

ex: indemnisation d’un retard dû à l’absence d’un certificat d’origine de la marchandise ou pour insuffisance des documents fournis à l’administration des douanes. 

Tout repose donc sur l’expéditeur à moins que le transporteur n’ait perdu ou n’utilise pas correctement les documents qui lui avaient été remis et il y a alors faute lourde de sa part engageant sa responsabilité. 

C) La modification du transport prévu

La CMR prévoit que l’expéditeur peut modifier le contrat de transport initial en arrêtant le transport prévu, en modifiant le lieu de livraison ou en modifiant le nom du destinataire. Cela est tout à fait possible dès l’établissement de la lettre de voiture. Néanmoins, il faut respecter certaines conditions: 

– il faut fournir une nouvelle lettre de voiture  

– les nouvelles instructions ne doivent pas entraver l’exploitation normale du transporteur, elles ne doivent pas avoir pour effet de diviser l’envoi 

– le nouveau document doit prévoir le dédommagement du transporteur pour tous les frais et préjudices suscités par ces nouvelles instructions 

5) La remise de la marchandise par le transporteur 

La CMR ne prévoit aucune disposition relative au déchargement. Il faut donc se référer à la volonté des parties: Cour de cassation Civ 12 avril 1938 à défaut, s’appliquera la loi du lieu de destination. S’il y a un empêchement à la livraison, le transporteur doit demander des instructions à son client et à défaut, il peut être déclaré responsable du préjudice subi par l’expéditeur. 

Normalement, le transporteur obéit à l’expéditeur mais le destinataire a la possibilité de demander la livraison tant que le transporteur n’a pas reçu les instructions de son client. 

ex: livraison avec incident: le destinataire est absent. Le transporteur demande à l’expéditeur ce qu’il doit faire, tant qu’il n’a pas d’ordre de l’expéditeur, il attend et si le destinataire arrive il pourra prendre livraison. 

Si la loi locale le lui permet, le transporteur a la possibilité de faire procéder à la vente de la marchandise sans instruction de son client si la marchandise est périssable, si son état ne permet pas d’attendre ou si les frais de garde sont disproportionnés par rapport à la valeur de la marchandise. Dans tous les autres cas, il ne pourra faire procéder à la vente que s’il n’a pas reçu réponse de son client dans un délai raisonnable. 

6) La réception des marchandises par le destinataire 

Le destinataire doit vérifier la marchandise et s’assurer de sa conformité. Si tout se passe bien, il signera la lettre de voiture sans émettre de réserves. Même dans cette hypothèse, en cas de vice caché, il a la possibilité de réagir tant que l’action n’est pas prescrite i.e. dans le délai d’1 an. 

En revanche, en cas de perte ou avarie apparente, il doit formuler des réserves au moment de la livraison. Lorsque les dommages ne sont pas apparents, il a 7 jours ouvrables pour émettre ses réserves. Les réserves doivent être précises sinon elles seront inopérantes. Pour éviter toute difficulté ultérieure, la réserve a intérêt à être contradictoire et d’ailleurs en pratique, on demande souvent l’intervention d’un expert d’assurance pour procéder contradictoirement au relevé des dommages. 

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