Le contrat de transport : définition, formation, preuve

Le régime général du contrat de transport

Le Code civil considère le contrat de transport comme un contrat de louage d’industrie mais a été enrichi par la LOTI pour créer un véritable statut relayé par le Code de commerce. Néanmoins, les lignes classiques du droit des contrats se retrouvent dans ce contrat.

1) La formation du contrat de transport

A) Le consentement des parties

Le contrat de transport est un contrat consensuel qui se forme donc par le simple échange des consentements. Les juges sont assez souvent amenés à le rappeler notamment en affirmant que toute fausse déclaration quant à la nature des marchandises est considérée comme constitutive d’un vice du consentement entraînant la nullité du contrat, ainsi le bénéficiaire d’un contrat de transport n’est pas toujours indemnisé en cas de perte ou d’avarie.

S’agissant d’un contrat consensuel, il n’est pas obligatoire de recourir à un écrit, l’écrit est néanmoins obligatoire légalement en matière de transport fluvial et ferroviaire international. En pratique, l’écrit existe dans une forme très simplifiée puisque que le contrat est conclu par téléphone puis matérialisé par un fax ou un e-mail. Et même si ce n’est pas le cas, la matérialisation existe lors de la réclamation du titre de transport.

Du fait de la concurrence, les transporteurs sont en état d’offre permanente et disposent de conditions générales ou de contrats type, la notion de contrat d’adhésion a d’ailleurs pris naissance avec le contrat de transport.

B) L’objet du contrat

Code civil Article1108 le contrat doit avoir un objet certain qui forme la matière de l’engagement. Doyen Carbonnier: l’objet du contrat est une ellipse par laquelle on désigne habituellement l’objet des obligations nées du contrat. Le contrat de transport de marchandises par route étant un contrat synallagmatique a pour objet d’une part la prestation promise par le transporteur i.e. l’acheminement de l’envoi et d’autre part, la prestation due par l’usager i.e. le paiement du prix du transport.

1) L’acheminement de l’envoi

Tous les contrats types définissent l’envoi comme la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris mise effectivement au même moment à la disposition d’un transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d’ordre pour un même destinataire d’un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l’objet d’un même contrat de transport. Différents lieux de chargement ou de déchargement peuvent être admis si ces lieux sont tous situés dans l’enceinte d’un même établissement ou chantier (on considère alors qu’ils sont aussi uniques). Ainsi, il y a autant d’envoi que de couples expéditeurs/destinataires et il y aura autant de contrats que d’envois.

Tout objet corporel, toute marchandise et tout animal (ou homme) vivant ou mort peut faire l’objet d’un contrat de transport, cependant la règle n’est pas absolue puisque certaines marchandises ne sont admises que sous certaines conditions: il s’agit du gibier, des explosifs et des matières dangereuses. Certaines marchandises sont aussi purement et simplement exclues de tout transport: l’absinthe (depuis 1915), les produits de pêche sous-marine, les envois postaux en raison du monopôle postal (sous réserve des recommandations européennes).

2) Le prix du transport

Tous les prix de transport de marchandises par route relèvent de la libre négociation des parties quelles que soient les caractéristiques de l’envoi. La LOTI de 1982 impose uniquement un juste prix. Néanmoins, la concurrence excessive entre transporteurs a fait chuter les prix entre 1986 et 1992 ce qui a été très préjudiciable aux transporteurs et à la bonne gestion des entreprises de transport. Le législateur a donc dû intervenir mais il a refusé la notion de prix planché en préférant encadrer la concurrence. Il a donc créé en 1995 et 1996 des règles de comportement. En dehors de ces règles de comportement, les dispositions du Code civil s’appliquent.

En général, le prix est librement débattu entre le donneur d’ordre et le transporteur mais il peut également résulter de l’attitude des parties: ainsi, le fait de ne pas contester une majoration vaut acception du nouveau prix. Par ailleurs, en cas de contestation, le prix peut être fixé par le juge qui statuera en équité au motif que de toute façon le transporteur n’a jamais eu l’intention de transporter gratuitement.

La LOTI exige que le contrat comprenne une clause relative au prix mais Cour de cassation 1991 a estimé que l’accord des parties sur le prix ne constitue pas un élément essentiel de la formation du contrat qui crée simplement une obligation de faire. Selon la LOTI, le prix convenu concerne le coût réel du service rendu dans des conditions normales d’organisation et de productivité, à défaut, le contrat serait nul de nullité absolue mais en pratique, ce texte ne peut être appliqué dans la plupart des cas car on annulera alors un contrat qui a été exécuté et souvent bien exécuté, la nullité n’est donc pas la sanction appropriée. De plus, la nullité entraîne la restitution et donc un nouveau transport ! Les tribunaux préfèrent donc statuer en équité quitte à réduire le prix stipulé au contrat.

Sauf stipulation contraire, le prix de ne peut être remise cause (Code civil 1134), lorsque les parties signent le contrat, elles savent quels éléments sont pris en compte pour le calcul du prix (il s’agit du prix réel: coût du carburant etc.). Une entreprise n’est donc pas autorisée à réclamer une rallonge sous prétexte d’une hausse de carburant ou d’une erreur d’évaluation du coût de sa prestation, la Cour de cassation l’affirme régulièrement même si l’entreprise démontre que cela l’a conduit à travailler à perte. Seule une augmentation par l’expéditeur de la quantité de marchandises prévues au contrat pourrait justifier une rallonge

C) La sanction des conditions de formation

La sanction traditionnelle en matière de formation est la nullité du contrat mais cette sanction est inadaptée au contrat de transport en raison des difficultés de remise en état. Sont ainsi préférés les dommages et intérêts et la réduction de prix.

Selon le droit commun, on constate que les vices du consentement sont rarement invoqués. En outre, depuis Cour de cassation 6 fév. 1922 la Cour de cassation estime que l’erreur sur la qualité de propriétaire de la marchandise en la personne de l’expéditeur n’a aucune influence sur la validité du contrat de transport. Ainsi, seule la question de l’erreur sur la nature de marchandise peut être considérée comme une erreur sur la substance au sens de Code Civil Article1110. Ainsi, Cour de cassation 1998 a estimé que le fait de ne pas signaler le caractère dangereux des marchandises a pu être considéré comme constitutif de nullité d’un contrat de transport ferroviaire.

Selon la LOTI, la nullité est également prévue en cas d’inobservation de certaines de ses dispositions:

– Article9 vise la nullité de la clause compromettant la sécurité des transporteurs et des usagers, est ainsi nulle toute clause enjoignant au transporteur de ne pas respecter les règles de conduite et les durées de la sécurité routière.

– Article32 envisage la nullité de l’entier contrat pour non respect de l’obligation d’estimer les temps nécessaires à l’exécution du contrat. Ici encore cette nullité n’est pas efficace puisque pour savoir si la durée du transport a été mal envisagée, il faut avoir effectué le transport !

2) La preuve du contrat de transport

Le contrat de transport peut être conclu par oral, par téléphone. Cette absence de support textuel, ne saurait priver le contrat de toute existence et de tout effet. La preuve sera seulement plus difficile à apporter. L’administration de la preuve se fait conformément au droit commun même si ici certains documents spécifiques peuvent faciliter les choses. Enfin, les règles vont varier puisque le voiturier est un professionnel et donc dans la plupart des cas le contrat sera mixte, parfois commercial mais jamais civil.

1) La preuve du contrat de transport commercial

La Cour de cassation depuis Cour de cassation 18 juill. 1956 rappelle que le contrat de transport revêtant un caractère commercial pour les deux parties peut être prouvé par tout moyen notamment par témoignage ou présomption. Le plus souvent, la preuve se fera par la production du document de transport établi lors de la rencontre des volontés. Il n’est pas nécessaire que l’acte réponde aux conditions Code Civil Article1325, il peut donc être rédigé en un seul exemplaire il vaudra alors commencement de preuve par écrit susceptibles d’être complété par des témoignages ou présomptions de fait comme par exemple l’exécution du contrat par le voiturier. La preuve peut également résulter de la facture établie par le transporteur, arrêt de 1990 qui doit être marqué d’une réserve puisque désormais même entre commerçants une facture est insuffisante pour établir al réalité d’une prestation si elle n’est pas assortie du bon de commande (la Cour de cassation l’a jugé en matière de vente mais la solution peut être étendue au contrat de transport).

Les juges du fond refusent le simple récépicé de télécopie en l’absence d’autres indices.

2) Le contrat de transport mixte

Les règles commerciales et civiles sont appliquées de manière distributive. Le client pourra discuter selon les règles commerciales mais le transporteur selon les règles du Code Civil, il lui faudra alors un écrit, les témoignages et présomptions ne pouvant suffire (Cass 1992, rappelé en nov. 2005).