Le conflit entre la loi et la Constitution : le contrôle de constitutionnalité
La hiérarchie des normes décrit les relations entre les différentes règles de droit, où chaque norme doit respecter celles qui lui sont supérieures. Le principal enjeu dans la hiérarchie des normes réside dans le contrôle de constitutionnalité, qui vise à assurer la conformité des lois à la Constitution. Ce contrôle garantit que les lois respectent la norme suprême qu’est la Constitution.
- Contrôle de constitutionnalité a priori : Pendant longtemps, le contrôle de constitutionnalité ne pouvait être exercé qu’avant la promulgation de la loi. Il s’agissait du contrôle a priori, qui doit intervenir dans les 15 jours suivant le vote du Parlement. Durant ce laps de temps, la conformité de la loi à la Constitution pouvait être contestée devant le Conseil constitutionnel par certaines autorités (comme le Président de la République, le Premier ministre, ou un groupe de 60 députés ou sénateurs).
- Contrôle de constitutionnalité a posteriori : Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il est possible d’exercer un contrôle a posteriori sur une loi déjà en vigueur. Ce contrôle, incarné par la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), permet à tout justiciable de contester une loi lorsqu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce mécanisme assure un contrôle constant et permet de corriger des lois même après leur application, renforçant ainsi la cohérence entre les lois et la Constitution.
Codification et nomenclature des décisions :
Les décisions du Conseil constitutionnel se distinguent selon la temporalité du contrôle :
- DC (Décision de constitutionnalité) pour les contrôles a priori avant promulgation,
- QPC pour les contrôles a posteriori après promulgation.
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I ) Contrôle de constitutionnalité a priori (avant la promulgation)
En vertu de l’article 61 de la Constitution, avant la promulgation d’une loi, le Conseil constitutionnel peut être saisi pour se prononcer sur sa conformité à la Constitution. La saisine peut être initiée par :
- Le Président de la République,
- Le Premier ministre,
- Le président de l’Assemblée nationale,
- Le président du Sénat,
- Un groupe de 60 députés ou 60 sénateurs.
Si la loi est jugée inconstitutionnelle, elle ne peut être promulguée ni appliquée. Le Conseil peut déclarer inconstitutionnels certains articles spécifiques, permettant ainsi la promulgation de la loi pour les autres dispositions. De plus, le Conseil constitutionnel peut valider la loi sous réserve d’une interprétation conforme de certaines de ses dispositions, une technique connue sous le nom de réserve d’interprétation.
Les décisions du Conseil constitutionnel revêtent une autorité absolue de chose jugée, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucun recours.
II ) Contrôle de constitutionnalité a posteriori (la QPC)
Jusqu’en 2008, nombre de lois échappaient à tout contrôle de constitutionnalité après leur promulgation. Une loi adoptée et promulguée ne pouvait plus être contestée sur le terrain de la constitutionnalité, même si elle enfreignait la Constitution. Cette absence de contrôle après promulgation, fondée sur la séparation des pouvoirs, empêchait les juges de remettre en cause une loi.
Avec la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, la situation a radicalement changé. Depuis le 1er mars 2010, toute personne partie à un litige peut, dans le cadre d’une instance, invoquer une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) en vertu de l’article 61-1 de la Constitution. Ce mécanisme permet de contester la conformité d’une loi déjà en vigueur lorsqu’elle semble porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution. Toutefois, cette procédure n’ouvre pas la voie à un contrôle de la procédure législative ou de la répartition des compétences entre loi et règlement.
Les juridictions compétentes pour examiner une QPC sont les tribunaux français, du premier degré aux juridictions suprêmes. Toutefois, les cours d’assises sont exclues de ce processus, bien que la QPC puisse être soulevée lors d’une instruction ou en appel.
Procédure de la QPC : Filtrage en trois étapes
- Premier filtre : Le juge du fond devant lequel la QPC est soulevée doit effectuer un premier examen pour écarter les questions manifestement infondées ou dilatoires. Si la question est sérieuse, il saisit la Cour de cassation ou le Conseil d’État selon la nature de l’affaire.
- Deuxième filtre : La Cour de cassation ou le Conseil d’État : Ces juridictions suprêmes examinent si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Elles disposent de trois mois pour statuer sur le renvoi éventuel de la QPC au Conseil constitutionnel.
- Décision finale : Le Conseil constitutionnel : Si la QPC est jugée sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel qui statue sur la constitutionnalité de la disposition législative contestée.
- Si la disposition est déclarée conforme, elle demeure en vigueur.
- Si elle est jugée non conforme, elle est abrogée. L’abrogation est immédiate à partir de la publication de la décision ou à une date ultérieure fixée par le Conseil.
Question de l’interprétation jurisprudentielle dans le cadre de la QPC
L’une des questions soulevées après la mise en place de la QPC concerne la possibilité pour le Conseil constitutionnel de contrôler non seulement le texte de la loi, mais aussi son interprétation jurisprudentielle, notamment par les juridictions suprêmes comme la Cour de cassation. Initialement, la Cour de cassation refusait de transmettre les QPC contestant sa jurisprudence, estimant que cela relevait de son pouvoir d’interprétation.
Cependant, le Conseil constitutionnel a tranché cette question dans une décision du 6 octobre 2010. Il a reconnu qu’un justiciable pouvait contester la constitutionnalité non seulement du texte de la loi, mais aussi de l’interprétation jurisprudentielle constante qui lui est donnée. Si cette interprétation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil peut émettre une réserve d’interprétation, limitant ainsi l’interprétation judiciaire qui serait contraire aux principes constitutionnels.
Cette réserve d’interprétation constitue une forme de contrôle indirect de la jurisprudence, bien que le Conseil constitutionnel ne puisse pas directement invalider une décision judiciaire. Il n’intervient que dans des cas exceptionnels, où l’interprétation elle-même est à l’origine de la violation des droits.
En résumé : Le contrôle de constitutionnalité en France vise à garantir la conformité des lois à la Constitution. Il peut être exercé avant la promulgation (a priori) ou après grâce à la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), instaurée en 2008, permettant à tout justiciable de contester une loi en vigueur. Le Conseil constitutionnel tranche alors sur la constitutionnalité des dispositions législatives, renforçant ainsi la protection des droits fondamentaux.
Les mécanismes du contrôle de constitutionnalité
Type de contrôle | Description |
---|---|
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Saisi avant la promulgation par certaines autorités (Président, Premier ministre, etc.). |
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Saisi après promulgation par un justiciable, en vigueur depuis 2010. |
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Autorité absolue de chose jugée, non susceptible de recours. |
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Trois étapes : juge du fond, juridictions suprêmes, Conseil constitutionnel. |
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Limite les interprétations judiciaires contraires aux principes constitutionnels. |
Questions fréquentes sur le conflit entre la loi et la Constitution : le contrôle de constitutionnalité
Qu’est-ce que le contrôle de constitutionnalité ?
Le contrôle de constitutionnalité est un mécanisme visant à vérifier que les lois respectent la Constitution, la norme juridique suprême. Il garantit que les lois adoptées par le Parlement sont conformes aux principes constitutionnels.
Quelle est la différence entre le contrôle de constitutionnalité a priori et a posteriori ?
Le contrôle a priori intervient avant la promulgation d’une loi, dans un délai de 15 jours après son adoption par le Parlement. Le contrôle a posteriori, introduit en 2008 par la réforme constitutionnelle, permet de contester une loi déjà en vigueur par le biais de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), lorsqu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Qui peut saisir le Conseil constitutionnel pour un contrôle a priori ?
Les autorités habilitées à saisir le Conseil constitutionnel pour un contrôle a priori sont :
- Le Président de la République
- Le Premier ministre
- Le président de l’Assemblée nationale
- Le président du Sénat
- Un groupe de 60 députés ou 60 sénateurs
Qu’est-ce que la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) ?
La QPC est un mécanisme permettant à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi en vigueur, s’il estime qu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle peut être soulevée dans le cadre d’une instance judiciaire et fait l’objet d’un processus en trois étapes avant d’être examinée par le Conseil constitutionnel.
Quelle est la procédure pour soulever une QPC ?
La procédure de la QPC comporte trois étapes :
- Le juge du fond évalue si la question est sérieuse.
- Si c’est le cas, la Cour de cassation ou le Conseil d’État vérifie si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
- Si la QPC est acceptée, elle est transmise au Conseil constitutionnel, qui statue sur la constitutionnalité de la disposition législative contestée.
Que se passe-t-il si une loi est jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel ?
Si une loi ou une de ses dispositions est jugée inconstitutionnelle, elle est abrogée. L’abrogation peut être immédiate ou différée, selon la décision du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel peut-il contrôler l’interprétation jurisprudentielle d’une loi ?
Oui, depuis une décision du Conseil constitutionnel en 2010, il est possible de contester non seulement le texte de la loi, mais aussi son interprétation jurisprudentielle. Si cette interprétation porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel peut émettre une réserve d’interprétation pour limiter l’application d’une interprétation contraire aux principes constitutionnels.