LA SANCTION DE LA HIÉRARCHIE DES NORMES : LE CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ
Le contrôle de constitutionnalité consiste à vérifier la conformité des normes inférieures à la norme suprême qu’est la Constitution, affirmant ainsi son caractère supérieur dans l’ordre juridique.
Cependant, ce contrôle se concentre principalement sur la conformité des lois ordinaires à la Constitution, puisqu’elles représentent le cœur de l’activité normative et peuvent directement affecter les droits fondamentaux et l’équilibre institutionnel.
Par essence, un tel contrôle ne peut exister que dans le cadre d’une constitution écrite et rigide, c’est-à-dire une constitution dotée d’une valeur supra-législative qui la place au sommet de la hiérarchie des normes. Les constitutions coutumières, fondées sur des pratiques évolutives, ne permettent pas ce type de contrôle avec la même clarté normative.
Le contrôle de constitutionnalité est donc un mécanisme visant à assurer l’effectivité de la hiérarchie des normes. Il agit comme la sanction attachée à la violation de ce principe, permettant de garantir la suprématie de la Constitution.
Bien qu’il découle d’une logique juridique cohérente, notamment pour préserver les principes fondamentaux et l’État de droit, ce mécanisme a longtemps été contesté, particulièrement en France, où la sacralisation de la loi, considérée comme l’expression directe de la volonté générale, a freiné l’instauration d’un véritable contrôle de constitutionnalité.
La hiérarchie des normes affirme le principe de la subordination de toutes les règles de droit à la constitution et le contrôle de constitutionnalité a pour rôle de s’en assurer, une loi violant cette hiérarchie ne pouvant donc pas être appliquée.
Le contrôle de constitutionnalité repose sur le principe fondamental de la hiérarchie des normes, qui établit que toutes les règles de droit doivent être conformes à la Constitution. Cela garantit que les lois qui violent cette hiérarchie ne puissent pas être appliquées, préservant ainsi la cohérence de l’ordre juridique.
En tant que sanction inhérente à l’État de droit, ce contrôle soumet à la Constitution aussi bien le pouvoir législatif que le pouvoir réglementaire, assurant qu’ils respectent les dispositions constitutionnelles. Il constitue également une condition essentielle pour la protection des libertés fondamentales, qu’elles soient énoncées dans les préambules ou dans le corps même de la Constitution.
La loi comme acte suprême :
Pour les opposants au contrôle de constitutionnalité, la loi est un acte spécial, émanant d’assemblées élues démocratiquement, et donc l’expression directe de la volonté générale. Cette vision trouve ses racines dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, selon lequel « la loi est l’expression de la volonté générale ». En ce sens, la loi, considérée comme infaillible et absolue, ne devrait pas être limitée par une Constitution reflétant une volonté ancienne.
Hiérarchie des normes remise en cause :
Cette vision ignore cependant que la Constitution est la base de l’ordre juridique, en tant que norme supérieure qui structure le cadre dans lequel les lois sont élaborées. Rejeter le contrôle de constitutionnalité équivaut à exposer l’État au risque d’abus de pouvoir, où une majorité législative et exécutive pourrait imposer des lois contraires aux principes constitutionnels.
Les risques sans contrôle :
Sans contrôle de constitutionnalité, la loi pourrait devenir un outil d’abus de la majorité au pouvoir, mettant en péril les libertés fondamentales et le respect des droits constitutionnels.
Le contrôle de constitutionnalité marque une évolution du rôle de la loi :
Cette évolution a permis une approche plus pragmatique du droit, renforçant l’idée que la loi peut et doit être contrôlée.
Le contrôle de constitutionnalité confère aux juges un pouvoir important, notamment celui d’interpréter la Constitution. Cependant, cette fonction d’interprétation peut parfois dériver en une expression subjective des convictions du juge.
Le juge comme interprète :
Lorsque la Constitution est imprécise ou lacunaire, le juge est amené à interpréter ses dispositions, ce qui peut le conduire à imposer sa propre opinion. Cette crainte d’un gouvernement des juges, où les juges dicteraient indirectement la politique à suivre, reste une critique récurrente.
Un risque inhérent mais limité :
Bien que ce risque soit réel, il est inhérent à toute fonction juridictionnelle. Un juge qui se trompe peut être critiqué, et les jurisprudences peuvent évoluer (revirements de jurisprudence). Par ailleurs, le pouvoir politique peut réviser la Constitution pour contredire une décision du juge, limitant ainsi son influence.
Un contrôle imparfait, mais indispensable :
Même s’il présente des limites, le contrôle de constitutionnalité reste une condition essentielle à l’État de droit. Sans lui, le législateur pourrait être tenté de violer les dispositions constitutionnelles. Ce contrôle agit donc comme un contre-pouvoir face à une potentielle dérive des institutions.
Une protection renforcée des libertés :
En garantissant la conformité des lois à la Constitution, le contrôle de constitutionnalité contribue à protéger les libertés individuelles et collectives. Bien que ces libertés puissent également être préservées dans des États sans contrôle constitutionnel, l’existence d’un tel mécanisme offre une sécurité supplémentaire face aux risques d’abus.
Conclusion : Le contrôle de constitutionnalité est un pilier de l’État de droit. Il limite les abus possibles des pouvoirs législatif et exécutif tout en désacralisant la loi. En contrepartie, le risque d’un « gouvernement des juges » nécessite une vigilance constante et un cadre juridictionnel rigoureux. Toutefois, il reste préférable d’accepter un contrôle perfectible que de s’en priver, car il garantit un équilibre entre libertés, droits fondamentaux et pouvoirs politiques.
Les modèles américain et européen illustrent deux visions distinctes de la justice constitutionnelle, chacune adaptée à son contexte historique et politique. Si le modèle américain repose sur la souplesse et l’accès large, le modèle européen privilégie la sécurité juridique et la rigueur. Les systèmes mixtes, comme celui de l’Allemagne, cherchent à combiner les forces des deux approches
Le contrôle de constitutionnalité est né aux États-Unis grâce à la célèbre décision Marbury v. Madison (1803). Il s’agit d’une création jurisprudentielle, non prévue dans la Constitution américaine, qui a conféré à la Cour suprême la capacité de frapper de nullité une loi jugée contraire à la Constitution. À l’inverse, en Europe, le contrôle constitutionnel s’est développé au lendemain de la Première Guerre mondiale, en particulier grâce à la Constitution autrichienne de 1920, théorisée par Hans Kelsen. Ce modèle repose sur des bases constitutionnelles explicites.
Le doyen Favoreu a permis de structurer l’analyse de ces deux grands modèles :
Caractéristiques principales
Avantages et inconvénients
Exemples marquants
Caractéristiques principales
Avantages et inconvénients
Exemples
Certains États, comme l’Allemagne, combinent les avantages des deux systèmes. Ils offrent :
En France, depuis la révision constitutionnelle de 2008, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) permet un contrôle a posteriori par voie d’exception, s’ajoutant au contrôle a priori traditionnel.
Au-delà des juges, les citoyens sont des acteurs clés de la protection de l’ordre constitutionnel. Ce principe, inscrit dans des textes historiques comme la Déclaration de 1793, souligne leur droit et devoir de résister à l’oppression si l’ordre constitutionnel est menacé. Les modèles de contrôle reflètent cette responsabilité, mais leur efficacité dépend de l’accès qu’ils offrent aux justiciables pour contester des lois.
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