Le contrôle juridictionnel de l’action administrative

Le contrôle juridictionnel de l’activité administrative  

Le contrôle juridictionnel de l’action administrative est opéré prioritairement par le juge administratif, mais subsidiairement par le juge judiciaire. En raison du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qui remonte à 1790, seul le juge administratif est compétent pour connaitre des actes administratifs et des actes des administrateurs. 

Décision du 23 janvier 1987 du CC Conseil de la concurrence : il existe même une réserve de compétence constitutionnelle au profit du juge administratif pour l’annulation ou la réformation des actes administratifs pris dans l’exercice de Prérogatives de Puissances Publiques.  

Malgré les lois de séparation, le Tribunal des Conflits a quand même du tracer la limite des compétences judiciaires en la matière. Il y a des petits interstices par lesquels le juge judiciaire va quand même être compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs. Et c’est le Tribunal des Conflits qui va départager les compétences, c’est son rôle. Dès 1923 le Tribunal des Conflits a rendu un grand arrêt précisant les pouvoirs du juge civil vis-à-vis des actes administratifs. 

Arrêt du Tribunal des Conflits du 16 juin 1923 Septfonds GAJA 39 : traite des pouvoirs du juge civil pour connaitre des actes administratifs. Le Tribunal des Conflits utilise une double distinction :  

·         une distinction tirée de la nature des actes, selon qu’ils sont règlementaires ou individuels 

·         une distinction tirée de la question posée : interprétation (donner le sens, la signification d’un acte) ou appréciation de la légalité des actes administratifs 

Pour qu’il y ait interprétation il faut que l’acte ne soit pas claire, c’est-à-dire pose un problème de compréhension. Appréciation : contrôle de la conformité de l’acte en cause avec les normes supérieures. Le Tribunal des Conflits a donc combiné deux distinctions. Les réponses données sont les suivantes :  

·         le juge civil est compétent seulement pour interpréter les actes règlementaires  

·         le juge civil est incompétent pour interpréter les actes individuels et pour apprécier la légalité des actes règlementaires et individuels 

Le juge civil est compétent pour interpréter les actes règlementaires pour deux raisons : une raison qui n’apparait pas clairement dans cet arrêt mais qui est pourtant toujours valable, c’est une raison de procédure qui veut que le juge de l’action est juge de l’exception : le juge qui est compétent pour juger du fond de l’affaire est compétent aussi pour juger toutes les questions subsidiaires qui sont soulevées par l’action et donc toutes les exceptions. La deuxième raison qui n’est plus valable aujourd’hui : le juge civil est compétent pour interpréter les lois parce que comme le juge administratif est garant de la légalité, or le raisonnement du Tribunal des Conflits est le suivant : un acte règlementaire est un acte qui s’apparente à la loi parce qu’il prévoit des dispositions générales et impersonnelles. L’arrêt dit exactement que l’acte règlementaire participe du caractère de l’acte législatif puisqu’il contient des dispositions à caractère générale et impersonnelle. Et donc le juge civil doit aussi être compétent pour interpréter les règlements qui s’apparentent à des lois. Mais depuis l’avènement de la 5ème République on distingue très nettement la loi du règlement. Mais bon la règle est restée, le juge civil est toujours compétent pour interpréter les règlements, mais il n’est pas compétent pour interpréter les actes individuels et pour apprécier la légalité des actes règlementaires ou individuels, seulement le juge administratif. 

Mais il y a une exception qui a été posée par le Tribunal des Conflits le 30 octobre 1947. 

Arrêt du 30 octobre 1947 Barinstein ( ?) : était en cause l’exécution d’office d’un ordre émanent d’un préfet de réquisition de logement après la guerre en raison des difficultés de logement. Dans cet arrêt qui est toujours de droit positif, les tribunaux civils sont compétents pour apprécier la légalité des actes administratifs qui portent une atteinte grave aux libertés individuelles et au droit de propriété, en vertu d’un principe en vertu duquel le juge judiciaire est le gardien naturel de la liberté individuelle et de la propriété privée. Ce principe provient de la loi de 1810 votée à l’instigation de Napoléon, en vertu de laquelle les tribunaux judiciaires se sont vus reconnaitre compétence exclusive pour indemniser les victimes d’expropriations. Ce sont les pouvoirs du juge civil ! 

Arrêt du 5 juillet 1951 Avranches et Desmarets du TC : le Tribunal des Conflits proclame la plénitude du juge pénal pour régler tous les points dont dépend l’application ou la non application des peines. Pour infliger une peine, le juge pénal va pouvoir interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs qui servent de fondement aux poursuites, à une exception près : le juge pénal n’était pas compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs individuels (réservé au juge administratif). Mais cet arrêt a été dépassé par la dernière réforme du code pénal. Aujourd’hui, l’article 111-5 du code pénal réaffirme la plénitude de juridiction du juge pénal pour interpréter ou apprécier la légalité de tous les actes administratifs dont dépend la solution du procès, et donc dont dépend l’application ou la non application des peines. Cet article est entré en vigueur le 1er mars 1994 : le juge pénal a recouvré sa plénitude de juridiction. Il faut que l’interprétation ou l’appréciation de légalité soit nécessaire pour statuer sur la peine de la personne. Il faut que l’issue du procès pénal en dépende. Il y a donc un contentieux administratif devant le juge judiciaire.  

Lorsque le juge civil est incompétent pour interpréter les actes individuels et apprécier la légalité des actes administratifs règlementaires et individuels, il doit sursoir à statuer s’il est confronté à un règlement administratif dont l’exception d’illégalité est soulevée par un des requérants, et il doit obligatoirement saisir le juge administratif d’une question préjudicielle. Le juge civil sera obligé d’écarter l’application de l’acte administratif à l’espèce si le juge administratif lui a dit que l’acte administratif était illégal. Une fois que le tribunal administratif a rendu son jugement sur la légalité de l’acte administratif, un appel peut être formé contre le jugement du Tribunal Administratif et cet appel doit être formé devant le Conseil d’Etat. 

Le Conseil d’Etat reste compétent en appel dans les litiges concernant les élections municipales et cantonales et pour les recours en appréciation de légalité intenté par une juridiction judiciaire qui ont saisie le Tribunal Administratif en première instance, que les juges civils ne peuvent pas apprécier. Le législateur a prévu que le Conseil d’Etat était compétent en appel, pour aller plus vite, et donc il n’y a pas de recours en cassation possible devant le Conseil d’Etat. Ordonnance de référé liberté dans le cadre de cette procédure d’urgence qui a lieu en 1ère instance devant le Juge Administratif qui statut dans un délai de 48h et le Conseil d’Etat est compétent directement en appel.  

La réserve de compétence au profit de la juridiction administrative qui résulte de la décision du 23 janvier 1987 du Conseil Constitutionnel, en ce qui concerne l’annulation et la réformation des actes administratif, n’existe pas pour les actions en responsabilité administrative contre les personnes publiques. En matière de responsabilité le législateur peut dans un soucis de bonne administration de la justice unifier les compétences au profit de l’ordre de juridiction principalement intéressé. Il peut donc y avoir des entorses au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires en matière de responsabilité. Et il y a beaucoup de textes qui prévoient que la responsabilité de l’Etat doit être engagée devant la juridiction judiciaire dans certains domaines et du coup s’appliquent la responsabilité civile de l’article 1382 et suivant du code civil. Et donc ne s’appliquent pas les règles spéciales de la responsabilité administrative qui ont été construites par le juge administratif à l’incitation du Tribunal des Conflits dans l’arrêt Blanco de 1873. 

Le contrôle de légalité par le juge administratif 

Il y a les actes juridictionnels et les actes privés. En ce qui concerne le contrôle de la légalité normalement de droit privé, il appartient au juge judiciaire d’exercer ce contrôle de la légalité. 

Arrêt du 21 décembre 1987 BRGM : la cour de cassation a eu à se prononcer sur la légalité de saisie arrêt qui avaient été pratiquées à l’encontre du BRGM qui était un EPIC. Le BRGM ne pouvait pas payer, les huissiers avaient pratiqués des saisies arrêt. La cour de cassation décide qu’il existe un principe d’insaisissabilité des biens des personnes publiques qui vient de ce que le domaine public est inaliénable et imprescriptible et donc on ne peut pas à leur encontre utiliser des voies de droit commun. Pour forcer une personne publique à payer une indemnité qu’elle doit, les autorités doivent recourir à la loi du 16 juillet 1980 qui donne la possibilité au juge administratif de contraindre l’administration à payer une somme en la condamnant à des astreintes, condamnation pécuniaire par jour de retard à exécuter une obligation. La cour de cassation contrôle la légalité des actes de droit privé qui relèvent de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires. La cour de cassation vérifie la légalité d’un acte de droit privé, saisie arrêt, par rapport à un principe jurisprudentiel qu’elle pose. Dans l’ensemble des normes supérieures qui servent de référence pour exercer le contrôle de la légalité des actes il y a des normes jurisprudentielles.  

Par ailleurs, il existe un contrôle de légalité sur les actes juridictionnels, actes rendus par les juridictions et notamment par les juridictions administratives. Il faut être conscient qu’avant d’examiner le bien fondé d’une requête, les cours administratives d’appel vérifient la régularité des jugements des Tribunaux Administratifs qui font l’objet d’appel. De la même façon, le Conseil d’Etat va vérifier la régularité de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel qui lui est déférée et ensuite il examinera le fond de l’affaire et éventuellement il réglera l’affaire au fond ou renverra la même affaire devant une autre CAA. La légalité soit du jugement du Tribunal Administratif soit de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel est examinée en premier lieu ! Et l’examen de la régularité du jugement ou de l’arrêt s’exerce dans les mêmes conditions que l’examen de la régularité qu’un acte administratif, c’est-à-dire avec les mêmes moyens d’annulation :  

·         incompétence,  

·         vice de forme ou de procédure,  

·         violation de la loi,  

·         détournement de pouvoir.  

Il n’y a que le détournement de pouvoir qui ne peut jamais être commis par une juridiction et donc on ne peut pas l’invoquer dans les moyens d’annulation d’un jugement ou d’un arrêt. On va examiner comment le juge administratif fait respecter le principe de légalité en contrôlant par la voie du Recours en  Excès de Pouvoir la légalité des actes administratifs. Il faut préciser ce qu’est le principe de légalité. Tous les actes administratifs ne sont pas contrôlés par le juge de l’excès de pouvoir avec la même intensité, il y en a qui sont contrôlé artificiellement et d’autres en profondeur. 

Le principe de légalité  en droit administratif

1) Définition du principe de légalité

Il impose le respect de la loi au sens large par l’administration sous le contrôle du juge administratif érigé en gardien de la légalité quand bien même le juge administratif participe à l’édiction du contenu matériel de la légalité administrative par les règles jurisprudentielles qu’il pose. Donc le respect de la légalité signifie le respect de la loi au sens large, c’est-à-dire de l’ensemble des normes supérieures aux actes administratifs contrôlés par le juge. Et dans l’ensemble de ces normes supérieures sont incluses les règles jurisprudentielles posées par le juge administratif qui a posé les cadres de pensées, les catégories et les concepts du droit administratif. 

Le respect du principe de légalité par les autorités administratives relève du miracle selon P. Weil. C’est en effet un miracle que les autorités administratives respectent le droit que l’Etat a créé alors que rien ni personne ne les contraignent à respecter le droit. en démocratie il y a l’autolimitation de l’Etat par le droit, ce qui signifie que l’Etat est un Etat de droit qui accepte d’être lié par les normes qu’il édicte lui-même et qu’il accepte qu’un juge qui relève de l’Etat soit indépendant pour vérifier que les plus hautes autorités de l’Etat respectent bien la légalité. Donc l’Etat de droit est un miracle qui se renouvelle chaque jour et qui est étroitement dépendant du respect de la démocratie et des droits et liberté fondamentaux que la constitution reconnait aux personnes.  

Pour faire respecter le principe de légalité par toutes les autorités administratives, l’Etat accepte qu’il existe un recours spécial, Recours en  Excès de Pouvoir, qui tend à vérifier que les autorités administratives n’ont pas outrepassés les compétences qui leur sont dévolues par les textes de loi et de règlement et par la constitution et les PGD. Ce Recours en  Excès de Pouvoir est dit un recours « objectif » parce qu’il tend à contrôler la conformité des actes des autorités administratives aux normes supérieures et donc le respect du droit objectif par les autorités administratives. On dit encore que l’excès de pouvoir est un contentieux objectif. 

2) Le contenu du principe de légalité 

Le principe de légalité présente deux visages.  

Premièrement, le principe de légalité a pour objectif la limitation de l’administration par le droit objectif. 

Deuxièmement, le principe de légalité a pour objectif la protection des droits et libertés des administrés vis-à-vis de l’administration qui est en position de force. C’est la raison pour laquelle l’expression excès de pouvoir a prévalu : le juge va vérifier que l’administration n’a pas été au-delà de ce que le droit objectif lui permet de faire. On comprend bien l’idée que les particuliers doivent voir leurs droits garantis par le juge qui doit vérifier que l’administration n’a pas abusé de sa position de supériorité. 

Le principe de légalité présente un avantage qui est que les administrés peuvent prévoir le droit des règles auxquelles ils sont soumis, et aussi prévoir quelles sont les autorités sont compétentes pour exercer ces pouvoirs, et sous quelles mesures. Ca a pour vertu d’assurer la sécurité juridique, c’est-à-dire la prévisibilité de l’action administrative. Mais il repose sur une fiction : nul n’est censé ignorer la loi. On peut prévoir ce que l’administration va faire si on connait le contenu du droit.  

Arrêt du Conseil Constitutionnel du 16 décembre 1999 relative au PACS : le Conseil Constitutionnel a posé un objectif de valeur constitutionnel : l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi. Ca a servi de fondement à la création de Legifrance. 

Arrêt du 21 mai 2008 Société nouvelle de remorquage du Havre : le Conseil d’Etat a récemment accepté d’admettre comme moyen d’annulation d’un acte administratif que ce moyen pouvait être articulé par un requérant pour demander l’annulation d’un acte administratif, violation de cet objectif à valeur constitutionnel. Ca rentre dans la catégorie violation de la loi. Le moyen d’annulation a été jugé recevable par le juge administratif mais n’a pas été jugé fondé. L’acte attaqué était l’extension des règles concernant la durée du travail applicables aux équipements des entreprises de remorquage. Ces règles avaient été par accord collectif du travail étendus à d’autres personnels de la marine marchande et le Conseil d’Etat considère que pour obtenir l’annulation de cette extension de l’accord collectif du travail la requérante pouvait invoquer la violation de l’objectif constitutionnel mais qu’il n’y avait pas eu violation en l’espèce. le Conseil d’Etat renvoie une question préjudicielle aux tribunaux judiciaire en raison de leur compétence exclusive pour connaitre de la validité et de l’interprétation d’un accord collectif du travail car c’est un contrat de droit privé. le Conseil d’Etat ne veut pas empiéter sur le contrôle de la légalité des actes de droit privé qui doivent être effectués par les tribunaux judiciaires. La juridiction administrative doit sursoir à statuer. Il n’y a question préjudicielle d’un ordre vers un autre que lorsque la question posée est suffisamment sérieuse et pose une difficulté que la juridiction saisie ne peut pas résoudre. 

le Conseil d’Etat a posé deux règles de façon jurisprudentielle : 

Arrêt du 12 décembre 2003 Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale : le Conseil d’Etat a posé un PGD qui est l’obligation pour l’administration de publier dans un délai raisonnable les règlements qu’elle a édicté.  

Arrêt du 24 mars 2006 Société KPMG : le Conseil d’Etat a posé un principe général qui est celui de la sécurité juridique. le Conseil d’Etat a poursuivi le but de remédier aux effets néfastes des changements incessant et brutaux de règlementation et de législation. le Conseil d’Etat ne pose d’obligation que pour les pouvoirs règlementaires. Il pose donc une nouvelle obligation à la charge du pouvoir règlementaire qui est d’édicter pour des motifs de sécurité juridique les mesures transitoires qu’implique une règlementation nouvelle. Ce sont des mesures qui ont pour objet d’atténuer les effets du changement de règlementation et qui ont pour objet d’aménager la transition entre l’application de l’ancienne règlementation et l’application normalement immédiate de la nouvelle règlementation.  

En particulier, explique le CE, lorsque les règles nouvelles sont susceptibles « de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement établies ». On a vu le fait du prince, l’Etat prend une nouvelle règlementation qui va s’appliquer immédiatement aux contrats en cours qui ont été conclus sous l’empire d’une ancienne règlementation et cette nouvelle règlementation peut s’avérer couteuse. D’où la règle posée par le Conseil d’Etat : quand il y a une atteinte excessive aux droits nés des contrats en cours, l’administration a l’obligation d’aménager des mesures transitoires. Trois remarques. 

Remarque 1 : en l’espèce le Conseil d’Etat a estimé que des nouvelles règles incluses dans le code de déontologie applicable aux commissaire au compte, apportaient dans les relations contractuelles des perturbations.  

Remarques 2 : ces perturbations avaient un caractère excessif au regard de l’objectif poursuivi et donc cette nouvelle règlementation est jugée contraire au principe de sécurité juridique. 

Remarque 3 : lorsque le juge s’interroge sur le caractère excessif, il exerce un contrôle de proportionnalité entre les effets de la nouvelle règlementation sur les situations contractuelles en cours et l’objectif poursuivi, c’est-à-dire la plus value que doit apporter normalement la nouvelle règlementation par rapport à l’ancienne. Ce contrôle de la proportionnalité existe dans beaucoup de secteurs. C’est un contrôle poussé, approfondi. Ce n’est pas seulement la légalité en soi de l’acte qui est examiné mais aussi au regard de ses conséquences. 

Depuis la règle KPMG le principe de sécurité juridique fait donc parti du principe de légalité au sens large. La sécurité juridique est une composante de la légalité que les autorités administratives doivent avoir à l’esprit lorsqu’elles édictent une nouvelle règlementation. Ca oblige l’administration à prendre des mesures transitoires pour atténuer les effets néfastes de l’application immédiate d’une nouvelle règlementation. Il y a un autre principe qui va de paire avec le principe de sécurité juridique. 

Principe de confiance légitime : c’est la version subjective du principe de sécurité juridique qui est un principe à caractère objectif. Chaque personne, avant d’agir, aura une confiance présumée en l’administration et pour l’ensemble des règles administratives applicables qu’elle connait et qui sont en vigueur au moment où la personne décide d’agir. Elle aura une confiance dans l’administration et dans ses règles en fonction de ce qu’elle peut connaitre. Donc si l’administration change brutalement les règles, la personne qui a contractée peut penser que sa confiance a été trompée. Devant le juge communautaire ce principe de confiance légitime est un PGDC que les entreprises peuvent revendiquer devant le juge communautaire pour éventuellement faire juger de l’illégalité d’un acte communautaire ou pour obtenir des dommages et intérêts pour illégalité fautive de la part des institutions communautaires.  

Décision du 7 novembre 1997 du CC et arrêt du 9 mai 2001 Entreprise Freymuth du Conseil d’Etat : selon le CE, « le principe de confiance légitime qui fait parti des PGDC ne trouve à s’appliquer dans l’ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaitre le juge administratif est régi par le droit communautaire ». le Conseil d’Etat (et le CC) se refusent à considérer le principe de confiance légitime comme un PGD. Mais ils ne peuvent que reconnaitre que c’est un PGDC. Par conséquent le Conseil d’Etat a décidé à plusieurs reprise que ce principe ne pouvait être valablement invoqué devant lui que dans des cas d’espèce où le droit communautaire est applicable et où le principe de confiance légitime peut être appliqué en droit communautaire, donc quand ca intéresse les rapports entre droit interne et droit communautaire. Mais dans le cadre uniquement interne, les administrés ne peuvent pas revendiquer à l’égard de l’administration française le principe de confiance légitime.  

Dans le principe de légalité administrative que le juge administratif fait respecter, le juge administratif fait entrer depuis une quinzaine d’années ce que certains auteurs appellent « la légalité privée », c’est-à-dire des lois et règlements qui normalement relèvent de code qui font parti du droit privé. Mais Deguergues n’est pas d’accord : la légalité est unitaire, c’est l’ensemble des lois et règlements applicables sur le territoire français. On fait la différence entre légalité administrative respectée par le juge administratif, et la légalité privée respectée par les juges judicaires. Mais elle préfère dire que le juge administratif est le gardien administratif de la légalité. La légalité est un ensemble homogène de règles qui s’appliquent aux personnes publiques et privées sans qu’il faille distinguer une légalité administrative d’une légalité civile ou privée. A partir de l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence et à partir du moment où un conseil de la concurrence a été mis en place, la question s’est posée de savoir si les personnes publiques allaient être soumises au droit de la concurrence. La question s’est posée de savoir si le juge administratif allait appliquer les règles de la concurrence aux activités des personnes publiques.  

Arrêt du 3 novembre 1997 Société Million et Marais : il a fallu 10 ans pour que le Conseil d’Etat réponde de façon claire à cette question. Il a rendu un arrêt de principe avec une réponse positive. SPIC qui exercent sur un marché concurrentiel et en l’occurrence il s’agissait du marché des pompes funèbres. Le cadre de l’affaire était une concession du service extérieur des pompes funèbres. On avait un contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres et une commune. Or un concurrent, la société Million et Marais attaquait la validité du contrat de concession en estimant qu’il donnait des droits exclusifs à la société des pompes funèbres qui l’empêchaient d’exercer sur ce marché concurrentiel.  

Le juge est conduit à examiner la légalité des clauses du contrat de concession litigieux par rapport à l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur la concurrence et notamment par rapport à certains de ses articles qui prohibe l’exploitation abusive par une entreprise ou une groupe d’entreprise d’une position dominante sur un marché intérieur français. et cette interdiction de position dominante se traduit par la reconnaissance éventuellement d’un abus de position dominante. Donc le Conseil d’Etat s’est posé la question de savoir si le contrat de concession litigieux comportait au profit de la société des pompes funèbres générale un abus de position dominante et si le contrat lui permettait de faire une concurrence illégale aux autres entreprises de pompes funèbre. Sur le fond le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas de position dominante en raison de la courte durée du contrat de concession et malgré les droits exclusifs de la société concessionnaire le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas abus de position dominante. A la fin du contrat de concession, la commune pourra contracter avec une autre société. le Conseil d’Etat accepte d’examiner la légalité d’un contrat au regard des règles de la concurrence. 

Arrêt du 11 juillet 2001 Société des eaux du nord : cet arrêt élargi le principe de légalité aux lois concernant le droit de la consommation. Le cadre de cet arrêt était là encore un contrat, mais un contrat passé entre un SPIC et un usager, contrat de nature privée (toujours, même si il y a une clause exorbitante du droit commun). C’est un contrat de fourniture d’eau entre une société concessionnaire de distribution d’eau et un certain nombre d’abonnés. C’était un des abonnés qui avait fait au départ un recours parce qu’il avait subi des dommages provenant d’une rupture de canalisation d’eau dans ses entrepôts. Le contrat de fourniture d’eaux est un contrat d’adhésion.  

Il y avait une clause que les requérants vont remettre en cause : elle prévoyait que l’abonné devait être responsable de tous les dommages consécutifs à des dégâts des eaux qui proviendraient de la partie du branchement qui appartient aux particuliers et qui rejoint la canalisation principale au compteur. Les canalisations d’eaux sont sous les voies publiques. Le propriétaire privé est normalement responsable des dégâts qui surviennent à l’intérieur de sa propriété à partir du compteur. Le compteur est homologué par le concessionnaire et appartient au concessionnaire, mais tout le reste fait partie de la propriété de la commune. Dans le contrat de concession il y avait une clause qui prévoyait que les abonnés étaient responsables des dommages survenant un peu après le compteur, dans sa propriété mais ne lui appartenant pas.  

le Conseil d’Etat devait savoir si elle était légale ou non. Le juge s’est penché sur le contenu d’une loi du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et services, codifié à l’article L 132-1 du code de la consommation. Au regard de cette législation sur la consommation, le juge administratif s’est interrogé sur le caractère abusif de cette clause qui prévoyait la responsabilité de l’abonnée en cas de rupture de morceau de canalisation. le Conseil d’Etat a jugé que cette clause était abusive au sens de la loi de 1978 et donc illégale au regard du droit de la consommation, qui essaye de protéger le consommateur contre la puissance économique des grandes firmes ou des producteurs de services. La société Damart n’a pas eu à supporter des conséquences d’inondation qui avait sa cause dans la rupture du morceau de canalisation qui était dans sa propriété mais qui ne lui appartenait pas. Sur quel fondement juridique le Conseil d’Etat a pu examiner la légalité d’une clause d’un contrat de concession ? Le juge administratif du contrat est un juge de plein contentieux, pas le juge de l’excès de pouvoir, et le juge du contrat a des compétences particulières. Autrement dit quel est l’arrêt qui permet à un tiers au contrat d’attaquer la légalité de certaines clauses devant le juge de l’excès de pouvoir.  

Arrêt Tropic concerne et bénéficie au candidat à un contrat administratif qui a été évincé. 

Arrêt du 10 juillet 1996 Cayzeele : admet qu’un usager du SP(IC), tiers au contrat, remette en cause la légalité d’une clause réglementaire du contrat. C’est le caractère réglementaire de la clause qui justifie un recours en excès de pouvoir contre la clause. Cette clause règlementaire d’un contrat de concession est donc séparable, divisible du reste du contrat. le requérant invoquait la rupture du principe d’égalité des usagers du Service Public. Le juge a estimé qu’il n’y avait pas rupture du principe d’égalité car les propriétaires relèvent d’une catégorie différente des locataires. C’est sur le fondement de cette jurisprudence que la société Damart a été jugée recevable et fondée à discuter la légalité d’une clause d’un contrat de concession et en plus il se trouve que la violation de la légalité contenue dans la clause de responsabilité. La légalité examinée par le juge venait du code de la consommation. Le juge administratif a appliqué en excès de pouvoir la protection spéciale des consommateurs qui relève normalement du droit privé. 

A travers l’arrêt Million et Marais, et Société des eaux du Nord, le Conseil d’Etat étend le champ des normes de référence par rapport auxquelles il va apprécier la légalité des actes administratifs. Et cette extension de la légalité se fait au profit de la légalité privée. On peut expliquer cette extension de la légalité par deux raisons. 

Premièrement, la légalité est unitaire : l’ensemble des lois et règlements sont des normes supérieures que l’administration est obligée de respecter sous le contrôle du juge. 

Deuxièmement, dans les deux cas, était en cause les SPIC qui sont régis par le droit privé et en plus dans les deux cas les SPIC étaient gérés par des personnes privées. Et donc il est logique que le juge administratif applique le droit privé à des SPIC gérés par des personnes privées. Le contrat qui était au fondement de la responsabilité de la société Damart était un contrat d’abonnement entre un SPIC et ses usagers qui est un contrat de droit privé. Et donc le juge administratif applique la légalité du droit privé à des contentieux qui mettent en cause des personnes privées. La légalité doit être entendue le plus largement possible. La légalité est l’ensemble des lois et règlements qui sont supérieurs aux actes administratifs que le juge doit contrôler. 

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